
- 128 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
À propos de ce livre
Juriste de formation, abbé de son état, lexicographe par passion, Antoine Furetière, l'un des Quarante de l'Académie française, en fut honteusement expulsé en 1685 pour avoir outrepassé le monopole royal dont bénéficiait l'Académie en matière de dictionnaire. En 1690, il publia son Dictionnaire universel, dont la modernité lui valut un succès immédiat.
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Informations
V
Dictionnaires et droits d’auteur :
enjeux contemporains
La querelle des dictionnaires qui agita la République française des lettres au XVIIe siècle ne présente pas qu’un intérêt historique. Les enjeux qu’elle souleva à l’époque n’ont rien perdu de leur actualité. Aujourd’hui encore, on débat sur l’équilibre à trouver entre protection des intérêts légitimes des auteurs et droit à l’information du public ; quant à la nature de la régulation linguistique, elle se cherche toujours entre simple enregistrement de l’usage standard et imposition unilatérale d’une norme idéale.
Concentrés d’une culture, microcosmes d’une civilisation, miroirs d’une identité collective, les dictionnaires restent, aujourd’hui comme hier, au centre de conflits collectifs ou individuels. Deux exemples parmi beaucoup d’autres.
Est-il possible pour un romancier de contrefaire un dictionnaire ? C’est ce que soutenait Patrick Griolet, auteur d’un dictionnaire intitulé Mots de Louisiane, étude lexicale d’une francophonie et d’un recueil de contes et chansons qui avait pour titre : Cadjins et Créoles en Louisiane, qui accusait le romancier Jean Vautrin de pillage de ses ouvrages dans son roman Un grand pas vers le bon dieu qui venait d’être consacré par le prix Goncourt 1989. Le tribunal, puis la Cour d’appel, le déboutent cependant1, à l’aide d’arguments dont bon nombre figuraient déjà sous la plume de Furetière. Il ne pourrait en effet y avoir contrefaçon qu’en cas de reproduction de l’œuvre d’autrui sans son consentement. Or ces deux conditions manquaient, en fait : si le romancier avait bien émaillé son récit de termes empruntés au français de Louisiane et proposé des synonymes figurant dans le lexique de Griolet, il s’était bien gardé d’en reproduire les définitions complètes et les explications détaillées. Par ailleurs, ce qu’il y avait de commun entre les deux ouvrages appartenait au domaine public, de sorte que le lexicographe ne pouvait s’en prétendre personnellement l’auteur : « Il s’ensuit que le demandeur ne pouvait revendiquer aucun droit exclusif sur les matériaux linguistiques et culturels utilisés par l’auteur. » À noter cependant que, dans cette affaire, l’avocat général (qui ne sera pas suivi par la Cour) avait retenu à charge du romancier un comportement fautif, qui ne consistait pas dans le plagiat ou la contrefaçon, mais bien dans la « concurrence parasitaire ». Quel que soit en effet le talent du romancier, estimait le ministère public, son livre n’aurait pas existé sans le gisement du lexique dans lequel il a largement puisé. En ne sollicitant pas l’accord du lexicographe et en ne reconnaissant pas sa dette à son égard (du moins dans la première édition), le romancier se serait conduit de manière parasitaire – il aurait utilisé à son profit, de façon intéressée, le travail intellectuel d’autrui, dès lors même que cette valeur n’est pas protégée par un droit spécifique2. La Cour rejettera ce grief également en relevant à la fois l’absence de faute dans le chef du romancier (celui-ci aurait déployé une activité créative importante) et l’absence de préjudice dans le chef du lexicographe (au contraire, l’attribution du Goncourt a indirectement fait connaître son austère travail scientifique qui sans cela ne serait apprécié que d’une poignée de spécialistes).
On aura aisément reconnu, de chaque côté de la barre, la parenté avec les arguments opposés à l’époque de la querelle des dictionnaires. Il reste que la discussion autour de la notion de « concurrence parasitaire » n’avait pas, et pour cause, été développée à l’époque. Il serait intéressant, rétrospectivement, d’analyser le comportement de Furetière à l’aide de cette catégorie de faute. S’il est constant que, comme ici, il n’y avait pas matière à accusation de plagiat, on n’est pas certain, en revanche, que l’attitude ambiguë de l’académicien ainsi que les circonstances ayant entouré la publication de ses Essais ne lui auraient pas valu une condamnation sur ce point.
Mais les dictionnaires ne soulèvent pas que des procès en justice ; leurs enjeux sont lexicographiques et politiques pareillement. C’est du Québec, autour de la question de savoir quelle langue française il s’agit d’y enregistrer et/ou valoriser, que nous viennent les échos d’une nouvelle querelle des dictionnaires. Lionel Meney, auteur en 1999 d’un Dictionnaire québécois-français sous-titré Pour mieux se comprendre entre francophones (un lexique qui, notons-le bien, traduit le québécois en français), publie dans le grand quotidien Le Devoir3, en janvier 2004, un vibrant plaidoyer en faveur de l’alignement du français parlé au Québec sur le français standard défini par « l’élite francophone » internationale – et de menacer ses concitoyens de ghettoïsation, voire de disparition prochaine, en cas de renfermement identitaire. Dès la semaine suivante, les réactions se multiplient : « Notre différence est devenue un atout », écrit Claude Poirier, et c’est régresser de plusieurs décennies que de considérer que « la seule façon de bien parler est d’imiter les Parisiens »4. Et son collègue Claude La Charité de surenchérir : contre Meney, qualifié de « nouveau Vaugelas », il rappelle que la langue parlée au Québec est le français préclassique de Rabelais et que, comme le soulignait déjà Montaigne, « ceux qui veulent combattre l’usage par la grammaire se moquent »5.
Un an plus tard, la polémique rebondit, de nouveau à l’initiative de Lionel Meney. Cette fois, le lexicographe part en guerre contre le soutien gouvernemental accordé à un ambitieux (dispendieux, écrit-il) projet de l’équipe du français standard en usage au Québec (Franqus) pour la rédaction d’un Dictionnaire général et normatif du français québécois. Ici encore, on n’aura pas de peine à retrouver les arguments que Furetière opposait, trois siècles plus tôt, au Dictionnaire de l’Académie et à la politique officielle du régime qui le soutenait.
– Ce projet Franqus est un projet idéologique, écrit-il ; il vise à réaliser le rêve de linguistes qui considèrent que le Québec doit avoir sa norme linguistique à part ; ce projet ne répond pas aux normes scientifiques reconnues.
– Le soutien du gouvernement à ce projet signifie qu’il favorise une norme linguistique, le « standard québécois », au détriment du français international. Or les Québécois n’ont jamais été consultés sur ce choix.
– Grâce aux aides d’État, obtenues hors compétition, le projet Franqus fait une concurrence inéquitable aux autres chercheurs dont les subventions sont réduites d’autant6.
Cet article allait susciter, comme on s’en doute, une nouvelle levée de boucliers : non moins de cinq réactions au cours du seul mois de janvier 2005. Dès la semaine suivante, Jean-Claude Corbeil, membre de l’Académie des lettres du Québec, traitera Meney de « révisionniste ». À ses yeux, il y a bien « consensus » sur la norme du français au Québec, et les auteurs du dictionnaire contesté se bornent à la décrire. Quant à la politique gouvernementale de « valorisation » de cette norme du français standard en usage au Québec, sa légitimité ne saurait être mise en doute7.
Riposte de Meney la semaine suivante : non, il ne s’agit pas de décrire un usage, mais bien d’imposer une norme – la norme politico-linguistiquement correcte d’un québécois qui ne peut mener qu’au séparatisme linguistique8. Et la querelle de rebondir de plus belle. Cette fois, c’est Claude Poirier, directeur du Trésor de la langue française, qui repart au combat : en « traduisant » les termes et usages québécois en français, Lionel Meney révèle bien qu’il ne les considère pas comme des termes ordinaires – à la différence des auteurs du dictionnaire en préparation dont l’ambition se borne à les intégrer, sur un pied d’égalité avec les autres mots, dans un dictionnaire de langue française9.
C’est ensuite au tour des responsables du projet Franqus de prendre la plume, et de décrire la démarche lexicographique suivie, à l’aide de l’outil informatique, en vue de rendre compte, de la façon la plus fidèle possible, du français standard en usage au Québec. Il s’est agi, expliquent-ils, « d’élaborer une vaste banque de données textuelles comprenant une sélection de textes littéraires, journalistiques, didactiques, spécialisés, de même que les corpus oraux de sociolinguistes des diverses universités du Québec »10.
Enfin, Annette Paquot clôt provisoirement le débat en prenant cette fois le parti de Lionel Meney. Si son dictionnaire a rencontré un réel succès éditorial, à la différence des dictionnaires favorisant les « québécismes », c’est bien que le projet de ces derniers d’instituer « une nouvelle légitimité lexicale au Québec » ne fait guère l’unanimité (on aura reconnu l’argument du « succès de librairie » dont Furetière faisait, en son temps, un ample usage). On peut donc bien décrire différentes variétés du français parlé au Québec, mais imposer une norme unique relèverait de la fiction – une fiction confinant au « dirigisme linguistique »11.
On se gardera bien de trancher, depuis Bruxelles, cette querelle québécoise. On en retiendra cependant, parmi bien d’autres leçons, l’idée selon laquelle rendre compte de l’usage, a fortiori décrire la norme linguistique, est une opération pour le moins ambiguë. À proprement parler, on ne décrit pas une norme, on l’adopte et on l’impose ; quant à l’usage dont on « rend compte », même à l’aide de l’outil informatique le plus sophistiqué et de vastes banques de données, il s’y glisse toujours une dose non négligeable de sélection, d’interprétation et de reconstruction. Où se vérifie la thèse de Jean-Marie Klinkenberg pour qui la langue, qui est une institution avant d’être un instrument de communication, est le vecteur par excellence de construction du monde, le catalyseur des identités collectives et le médiateur par excellence des échanges sociaux12. Autrement dit : on ne décrit pas un matériau linguistique qui se serait toujours déjà donné dans son évidence factuelle ; on reconstruit, au risque de l’interprétation, une ressource vivante, elle-même enjeu de toutes sortes de rapports de force, matériels et symboliques.
Ces exemples nous invitent à poursuivre la réflexion dans deux directions : le destin, toujours controversé, du droit d’auteur, et la norme, tout aussi discutée, de la régulation linguistique.
Du privilège à l’open source, un droit d’auteur qui se cherche
Sans prétendre aucunement épuiser le sujet, et dans le seul dessein d’évoquer certains prolongements des débats suscités par Furetière, on peut pointer quelques temps forts dans l’histoire du droit d’auteur et souligner au passage la récurrence des enjeux qui soulevaient déjà les passions au XVIIe siècle.
On se souvient qu’à l’époque de la querelle des dictionnaires les auteurs étaient largement pris en tenailles entre le corporatisme des libraires et la censure royale. Bientôt le régime des privilèges, instruments de cette double politique, apparaîtra archaïque et pour tout dire insupportable aux yeux d’auteurs qui, à l’aube des Lumières, se représentent volontiers comme les pédagogues du peuple, l’avant-garde inspirée d’une huma...
Table des matières
- Couverture
- 4e de couverture
- Titre
- Copyright
- Introduction
- I Brève chronique des hostilités
- II Furetière dans le champ (de bataille) littéraire
- III Les factums, armes de la bataille
- IV Le dictionnaire bourgeois
- V Dictionnaires et droits d’auteur : enjeux contemporains
- Conclusions
- Bibliographie
- Table des matières
- « Le bien commun »
- Titres parus dans la même collection