
- 128 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
À propos de ce livre
Toute l'œuvre de Fritz Lang (1890-1976) s'interroge sur la culpabilité, le rachat et la liberté de l'individu face aux impératifs de la civilisation moderne.Que ce soit, pendant sa période allemande, avec M le maudit ou la série des Mabuse, ou, alors qu'il était aux États-Unis, la question de la loi et du droit est au cœur de ses films.
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Informations
Sujet
PhilosophyIII
Après la catastrophe (1932-1943)
Dès les premières pages de The great german films, l’Américain Frederick W. Ott écrit : « Bien que le cinéma allemand n’ait pas réussi à conquérir le marché américain au sens commercial du terme, son influence sur la production américaine après la Première Guerre mondiale fut décisive. La conquête allemande s’accomplit grâce à la qualité artistique des films allemands et au talent des metteurs en scène, acteurs, directeurs de la photographie, scénaristes et techniciens qui émigrèrent à Hollywood, capitale du cinéma, à partir du début des années 20. Leur influence fut si grande en termes de style et de technique, spécialement dans le genre cinématographique qui a fini par être appelé film noir1, qu’on peut parler d’une germanisation du cinéma américain, dont l’effet se fit sentir jusque bien après le milieu du siècle. »2
Ajoutons seulement que cette germanisation indéniable reçut un coup d’accélérateur prodigieux en 1933, quand les représentants (alors majoritaires dans le cinéma allemand) de la communauté juive furent contraints à un exil qui, à presque tous, devait être douloureux3, par l’antisémitisme nazi4. C’est alors qu’arrivèrent à Hollywood, ayant ou non (à l’imitation de Lang) transité par Paris, les producteurs Erich Pommer, Seymour Nebenzal5, Henry R. Sokal, pour ne citer que les plus connus ; les metteurs en scène Ewald André Dupont (Robert Wiene, l’auteur du Caligari, s’enfuyait, lui, en France où il mourut en 1938), Léopold Jessner, Richard Oswald, Robert Siodmak, Detlef Sierck (Douglas Sirk), Leontine Sagan, Carl Junghans, Joe May, Paul Czinner, Billy Wilder, Fred Zinnemann, Edgar George Ulmer, Max Ophüls, Otto Preminger ; William Dieterle, disciple de Max Reinhardt, qui fut également contraint à l’exil, était arrivé aux États-Unis dès 1931, il y resta bien sûr ; les chefs-opérateurs Gunther Krampf, Eugen Schüfftan, Kurt Courant ; les acteurs Fritz Kortner, Conrad Veidt, Oskar Homolka, Peter Lorre, Alexander Granach.
En somme Fritz Lang, auparavant figure paradoxalement centrale de la Teutonie « éternelle », celle du romantisme et des légendes, des reîtres et des démons, ne se trouvait pas seul au milieu de ces « personnes déplacées » que l’histoire brusquement délirante d’un vieux peuple de haute culture avait jugées (sans les entendre) et condamnées (sans aucun procès) à l’exil, l’acte d’accusation implicite, contenu dans la propagande nazie depuis les années 20, ne leur reprochant rien d’autre que d’exister.
Dès mars 1933, Le Testament du Dr Mabuse était retiré de l’affiche d’une des plus vastes salles de cinéma du monde, le fameux Palast am Zoo de Berlin, propriété de la UFA, et cette mise en cause cette fois-ci à peine déguisée du national-socialisme ironiquement remplacée par un documentaire dont le titre, à lui seul, est un programme : Blutendes Deutschland (« L’Allemagne qui perd son sang »). Elle le perdait en effet, et pour toujours, ce sang des meilleurs de ses fils, qui allait vivifier l’Amérique, comme la France avait en 1685 perdu le sang protestant à la suite de la criminelle Révocation de l’Édit de Nantes par le Roi-Soleil de piètre mémoire.
Douze ans plus tard cependant, dans une interview donnée aux États-Unis en 1945, Fritz Lang devait déclarer (voile jeté sur ses sentiments réels d’alors ou intime conviction à demi cynique) : « Je laisse tomber ma fortune, ma belle collection de livres et de tableaux. Je dois tout recommencer. Ce n’est pas facile. Mais oui, c’était ce qu’il fallait faire. J’étais arrivé6 – gras dans mon âme, gras autour du cœur. Vraiment, trop de succès… ce n’est pas bon pour l’homme. »7
Une absente de taille, semble-t-il, dans cet inventaire des « possessions » larguées entre les pattes de l’ennemi comme on se débarrasse de ses habits pour être plus agile :… la propre épouse de Lang, Thea von Harbou, qui divorcera in absentia en 1934. Était-elle responsable, elle aussi, du « gras autour du cœur » ?8 Quoi qu’il en puisse être dans le secret des reins, auquel Dieu seul accède comme chacun sait, le ton désinvolte et presque joyeux adopté par Lang en 1945, s’il fleure son illusion rétrospective, n’en témoigne pas moins de l’enthousiasme, au moins apparent, avec lequel le nouveau venu de quarante-trois ans s’est lancé dans l’aventure de la démocratie américaine.
Dans la perte et l’exil, forcé de quitter une république en gros respectueuse du droit qui venait de succomber en cédant la place à un totalitarisme d’autant plus redoutable qu’il allait très vite faire la preuve de l’efficacité technique de son quadrillage politique et policier, et par là conquérir l’assentiment de l’immense majorité des allemands, Lang aborde plein d’espoir une terre qui est alors en effet celle des libertés, depuis que Roosevelt a pris le pouvoir, le 8 novembre 1932, et lancé le New Deal. Même le Hollywood égrillard et puritain de la League of Decency s’ouvre alors sinon à une conception adulte de la sexualité (cela lui est-il jamais arrivé même après la « révolution » morale des années 60 ?), du moins à une libéralisation politique dont les Raisins de la colère (1940) de John Ford, entre autres films, porteront un jour témoignage.
Or il est clair que retrouver la liberté d’expression pour Lang, à cette époque, et après M, cela a d’abord un sens politique. Conformément à des choix thématiques qui correspondent à des obsessions fondamentales (justice et crime), c’est donc presque exclusivement de criminalité, vraie ou fausse, de jugement équitable ou inique, que vont traiter ses premières tragédies américaines, particulièrement Fury (Furie, 1936) et You only live once (J’ai le droit de vivre, 1937). Mais il faut ici immédiatement nuancer l’adhésion de Lang à la démocratie américaine. On ne peut manquer d’être frappé aujourd’hui en effet, en revisitant Furie, par l’âpreté de la critique que cet étranger à peine acclimaté (et sans doute à peine accepté) porte d’emblée contre les institutions d’Outre-Atlantique, en particulier contre la mollesse avec laquelle les autorités d’une petite ville de l’Illinois (Strand) s’opposent à la foule des lyncheurs venus se faire justice eux-mêmes après l’arrestation d’un innocent (le héros, Spencer Tracy, accusé comme M, mais à tort, du rapt et du meurtre d’une fillette). Et que dire de cette foule elle-même, beaucoup plus abjecte dans sa férocité naturelle (la « furie » est d’abord la sienne) que la pègre allemande, qui éprouvait le besoin, étrange après tout, d’offrir un procès à Beckert, et de lui fournir un avocat commis d’office, même si celui-ci ne faisait pas le poids devant le « procureur » Schränker ? Dans la scène d’hystérie collective au cours de laquelle les bien-pensants de Strand prennent un évident plaisir à brûler vif – du moins l’espèrent-ils-Joe Wilson dans sa prison, un montage très sec de gros plan isole les uns des autres des visages déformés par une haine bestiale, et ce processus a pour effet de morceler en entités inoubliables, même si elles n’apparaissent qu’une demi-seconde sur l’écran, cette expression-cliché autrement sans force ou abstraite : « foule déchaînée ».
Non, à l’évidence, Lang n’a rien d’un démocrate uniquement soucieux de théorie, qui ferait a priori confiance aux « masses laborieuses », ou du politicien l’œil rivé sur la ligne bleue de l’avenir radieux (cette attitude serait aussi celle de n’importe quel croyant inconditionnel), pour qui « on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs » ou « les voies de Dieu sont impénétrables. »
Mais – et l’on retrouve ici la même ambiguïté, ou le même pessimisme sous-jacent que dans M, –, le regard porté par le narrateur sur ses créatures n’est pas plus indulgent pour l’individu. Car la « furie » première du film, qui s’enclenche spontanément dans le coude-à-coude consensuel des hurleurs à la mort de Strand, avides d’assouvir leurs frustrations intimes, les rancœurs accumulées par une existence médiocre, leur propre nullité en somme, dans l’orgasme partagé d’un sacrifice humain, vient atteindre par ricochet le héros solitaire, à partir du moment où, rescapé miraculeusement de l’incendie, il se cache afin que ses bourreaux, traduits en justice, expient leur crime réel par la mort. Tenant dans ses mains le sort de ces misérables, il exulte devant son poste de radio à l’idée du sort qui les attend et, dans l’instant, abdique son humanité devant nous, pour devenir un être de pur instinct, comme ils avaient abdiqué la leur en incendiant la prison.
On le sait, le film s’achève pourtant sur un pseudo-happy-end, comme, en un sens, M, où la parodie finale cède en coup de théâtre au droit des gens et à l’autorité citoyenne. Dégoûté de lui-même, amené à résipiscence surtout grâce à la volonté ferme et douce de sa fiancée Katherine, qui par sa seule présence rachète les mégères de Strand, dont Lang avait stigmatisé la crédulité, la bêtise, l’inclination spontanée pour la calomnie, la soif de meurtre dans quelques plans violemment misogynes imités de Murnau9, à l’extrême bout de sa trajectoire de reclus Joe Wilson reviendra vers les hommes, réendossera son humanité civilisée, ira au tribunal et sauvera les vingt-deux accusés de la corde.
En somme, la démocratie a fonctionné, après avoir largement déraillé au début, et s’est affirmée par là la force particulière des institutions judiciaires américaines, sujet de cent films (dans ces États-Unis où le consensus social repose en partie sur elles) qui vantent à l’envi leur souveraine indépendance (quand la police, perçue au contraire comme souvent corrompue, ou corruptrice, ne sort pas grandie de cent autres films). Claude Beylie avait donc un peu raison de souligner, en préface à l’édition du découpage de Furie dans L’Avant-Scène, que le film constitue « un merveilleux acte de confiance en l’homme, l’expression sans détours d’une certitude chevillée au cœur et à l’esprit, que le plus endurci des justiciers faiblira à l’instant de porter le coup décisif (…) Qu’en d’autres termes, tout homme devient innocent à partir du moment où il se sait coupable, et ose le proclamer ; que la culpabilité de l’un entraîne de jure, sinon de facto, l’innocence de tous. Telle est “l’invraisemblable vérité” que Lang nous impose, et qu’il répétera inlassablement tout au long de son œuvre. »10
Dans cette lecture, qui se veut hautement rassurante, la véhémence avec laquelle le cinéaste présente les lyncheurs, qui bien entendu inspirent la commisération dès que, accusés et menacés de mort par la société et par la raison, ils deviennent à leur tour victimes potentielles de la rigueur des lois, son insistance à la fois à les particulariser dans leurs silhouettes, leurs visages, et à les fondre dans un magma dont l’unanimité brutale effraie, se souviennent de l’expérience subie, trois ans auparavant, du totalitarisme nazi, contre la contagion duquel Lang voudrait mettre en garde sa patrie d’adoption : « Furie est donc, plus encore qu’une reprise ou un approfondissement de thèmes antérieurs, le cri d’alarme jeté par un rescapé de la folie totalitaire à une société en mutation dans le tréfonds de laquelle il pressent les germes d’un nouveau naufrage, non moins menaçant que celui qui a fondu sur l’Europe. »11
De nombreux arguments corroborent cette interprétation, notamment la fin édifiante du dernier volet (provisoire) de la trilogie judiciaire-policière par laquelle Lang, avant de s’essayer au western, « le cinéma américain par excellence »12, ajuste en quelque sorte à son corps d’européen le costume tout neuf de sa citoyenneté américaine.13 Dans You and me (Casier judiciaire, 1938), en effet, c’est de nouveau une femme, et la même actrice, Sylvia Sydney, dont Lang semble avoir été amoureux, qui écarte son fiancé (George Raft, célèbre interprète de rôles de gangsters depuis Scarface, de Hawks, 1932) de la pente facile du crime. Elle-même libérée sur parole, elle l’empêche, sur une musique de Kurt Weill et une idée de Bertold Brecht (deux fugitifs comme Lang), de se lancer dans un hold-up. Et l’on sait qu’au scénario de ce film d’inspiration très allemande, tourné pour la Paramount et qui n’eut aucun succès, Lang tenait beaucoup.
D’autre part, il faut mettre aussi au compte de la confiance placée par l’Américain néophyte dans les valeurs et la solidité de la démocratie l’engagement de Lang dans l’effort de guerre américain voulu par Roosevelt contre ses propres compatriotes et accéléré par l’agression japonaise de décembre 1941 à Pearl Harbour. En 1941 Man Hunt (Chasse à l’homme) met en scène de façon simple mais convaincante le conflit moral d’un tireur d’élite anti-nazi (Walter Pidgeon) qui renonce à tuer Hitler quand son acte, reposant sur une pulsion individuelle de haine, consisterait à abattre de loin l’homme désarmé qu’il voit dans son viseur. En revanche, muni d’un mandat exprès de la collectivité, il n’hésitera plus à sauter en parachute au-dessus de l’Allemagne pour tenter de remplir au mieux ce qui est devenu une mission à effectuer coûte que coûte en service commandé.
En 1943, Hangmen also die (les Bourreaux meurent aussi), sur un scénario dû pour partie à Brecht, que Lang s’était employé à faire sortir du Danemark où il avait trouvé un refuge précaire, constitue une superbe évocation du piège tendu à Prague par des « terroristes » courageux à des agents de la Gestapo, piège si bien agencé que celle-ci est obligée, sans pouvoir réagir, de passer par profits et pertes la mort des traîtres qu’elle avait infiltrés dans un réseau de résistance. Inspirée d’événements réels, comme M, l’histoire se voit très largement traiter, sur le modèle du chef-d’œuvre de 1931, dans un style d’« actualités reconstituées »1...
Table des matières
- Couverture
- 4e de Couverture
- Titre
- Copyright
- Dédicace
- Avant-propos
- I. Wir ohne Gott (1890-1931)
- II. Prise de conscience et cristallisation : M (1931)
- III. Après la catastrophe (1932-1943)
- IV. L’ombre du doute : La Femme au portrait (1944)
- V. Décevante Amérique : 1945-1956
- VI. Le retour de Mabuse : Le Diabolique Dr Mabuse, 1960…
- … Et l’éternel maudit
- Annexe : Trois autres films de Lang
- Filmographie
- Bibliographie
- Table des matières
- Titres parus dans la même collection