
- 130 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
À propos de ce livre
La civilisation promue par les pharaons repose sur des valeurs qui ont façonné le monde occidental. Le jeu de la maât, clé de voûte du régime pharaonique, en a permis la durée trois fois millénaire. Ordre, vie, équilibre cosmique, vital et social, paix par la victoire, prospérité, justice, équité, vérité, maât représente tout cela; l'isfet est son antonyme exact: désordre, chaos mortifère, misère, ennemis, iniquité, injustice, désintégration sociale dont le détonateur est le mensonge.
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Informations
II
Maât dans l’ordonnancement rituel
1. Le roi, Maât et la divinité
L’iconographie de Maât dans les temples
Les temples qui ont résisté aux atteintes du temps et de l’action des hommes ont été construits en très grande majorité sous le Nouvel Empire et à l’époque gréco-romaine, c’est-à-dire au paroxysme de la justification idéologique du pouvoir politique. Les trois dogmes du régime (principe pharaonique, jeu de la maât, immortalité de la personne royale/humaine) y sont plus que jamais exaltés, à la fois dans le discours et dans l’iconographie. En observant les reliefs qui couvrent parois, pilastres, colonnes, mais aussi jambages et linteaux de portes, obélisques, naos, etc., on prend très vite conscience de l’importance des représentations de Maât, par leur nombre et surtout par leur position stratégique dans le temple, qu’il s’agisse d’apparaître à la vue du public ou au contraire de matérialiser dans la pierre, sur les murs du « Saint des Saints », la liturgie secrète célébrée chaque jour par le roi ou par le prêtre, son substitut.
Figurant dans les processions divines ou à l’avant de la barque de Rê qu’elle guide et illumine, Maât est également représentée dans des cérémonies rituelles où, pourvue de bras ailés et déployés, elle exprime fortement sa fonction protectrice et inspiratrice de la royauté.
C’est surtout sa présence sous forme de statuette assise sur la corbeille-neb (plus rarement la coupe-heb en calcite) tenue dans les mains du pharaon en dehors même du culte journalier, à l’occasion de célébrations aussi importantes que le couronnement, ou de rites royaux d’offrandes, de purification, etc., qui retient l’attention.
Le rite de l’offrande de Maât apparaît pour la première fois au milieu de la XVIIIe dynastie, sous le règne de Thoutmosis III. Les acteurs de ce rituel sont au minimum deux : le roi qui offre et le dieu ou la déesse qui reçoit. Le donateur et le (ou la) donataire peuvent l’un ou l’autre (ou les deux) être accompagnés d’une ou deux divinités qui jouent le rôle de coacteurs ou de simples témoins.
C’est, sans surprise, dans les temples ramessides que l’on trouve le plus grand nombre de scènes d’offrande (ou de « présentation ») de Maât, aussi bien dans l’intimité du sanctuaire que dans les parties du temple accessibles au public. La scène figure aussi dans des tombes royales, surtout ramessides, et l’on notera, en rapport avec ma définition large de la maât (« l’ensemble des conditions qui font apparaître et qui renouvellent la vie », Menu, 2004a), une série de scènes d’offrande de Maât dans le contexte rupestre du Gebel Silsila, au départ présumé de la crue du Nil et de l’inondation bienfaisante de la vallée, gage de fertilité agricole et donc de prospérité générale. Cet aspect fondamental de la maât, en relation avec la recherche du bien-être et des richesses, particulièrement à l’époque ramesside, explique certainement que l’offrande des bols-nou, contenant le vin, boisson luxueuse et réjouissante, soit souvent associée à la présentation de Maât et même la remplace parfois purement et simplement (Teeter, 1997). Notons enfin l’équivalence entre l’offrande de Maât et celle du nom royal. La démarche fut renforcée dans son expression par deux phénomènes : l’épisode amarnien au cours duquel Akhénaton présentait au disque solaire, Aton, le propre nom du dieu en guise d’offrande substitutive de Maât (il existe cependant des attestations de scènes d’offrande de Maât à l’époque amarnienne, particulièrement en provenance de Karnak), et le fait que de grands rois comme Amenhotep (Aménophis) III, le père d’Akhénaton, puis les grands souverains ramessides : Séthy Ier, Ramsès II, Ramsès III…, ayant choisi un théonyme composé à l’aide du nom de Maât (par exemple, Ouser-Maât-Rê pour Ramsès II), recouraient au rébus dans la figuration de l’offrande de Maât (Teeter, 1997 ; Spieser, 2000). L’équivalence nom royal/Maât relève néanmoins du fond, c’est-à-dire de l’idéologie, et non des possibilités formelles du rébus qui furent utilisées à titre seulement accessoire, d’autant plus que certains cartouches royaux remplaçant Maât dans le rite de l’offrande ne comportent pas le nom de Maât. C’est comme « être autonome » que le nom du pharaon représente le roi (Spieser, 2000).
L’iconographie de Maât, dans les temples, rend compte également de la dialectique in maât (« amener Maât ») /der isfet (« repousser Isfet ») qui est au cœur de l’action royale. Ainsi à Médinet Habou, temple « de millions d’années » de Ramsès III, l’architecture du temple elle-même s’associe à cette dialectique. La paroi extérieure nord illustre, par les scènes de batailles et de victoires, l’action der isfet, tandis que le mur extérieur sud, enregistrant une accumulation incroyable d’offrandes réparties par fêtes et par bénéficiaires (le fameux « calendrier » qui comporte 1 477 lignes d’inscriptions), se rapporte à l’action in maât, confirmée par la présence de la déesse Maât derrière la triade thébaine (Amon, Mout, Khonsou) recevant l’offrande rituelle royale, au milieu de l’immense panneau. Voici le discours de Maât : « Sont confirmés pour toi (i.e. Ramsès III) les règlements de mon nom (i.e. les textes normatifs du royaume) et, certes, le cœur des dieux est apaisé, comme tu aimes Maât grandement et que tu fais offrande d’elle chaque jour. » Les deux volets du pouvoir royal sont nécessairement complémentaires : il faut aménager la victoire et en gérer les fruits. Le mur qui délimite au nord la salle hypostyle du grand temple d’Amon-Rê à Karnak comporte à son revers, donc à l’extérieur du temple, de grandioses et magnifiques compositions évoquant les guerres de Séthy Ier, particulièrement en Syrie et en Palestine. À la fin des différentes épopées, sur la partie ouest de la paroi et sous le récit d’une bataille contre les Libyens, se déroule la campagne contre les Hittites, à l’issue de laquelle Séthy Ier, triomphant, consacre les prisonniers et le butin à la triade thébaine (Amon, Mout, Khonsou) accompagnée de la déesse Maât qui constate et approuve la victoire royale, source de prospérité. Ailleurs dans le temple, Maât se tient derrière le dieu Min, très ancienne divinité liée à la fécondité des troupeaux et à la fertilité des champs, comme pour l’encourager. Au moins à l’époque ramesside, l’iconographie souligne donc expressément l’importance du rôle de Maât dans la poursuite d’une finalité économique d’abondance des richesses et de prospérité générale, source d’harmonie sociale, qui incombe au pharaon ; il s’agit là d’une obligation royale, cautionnée par la déesse, dont la propagande officielle se fait largement l’écho.
Le rite de l’offrande de Maât. Hymnes à Maât. Textes amarniens
Lorsque le roi fait à une puissance surnaturelle (disons « dieu », « déesse », ou « divinité » pour simplifier) l’offrande d’un bien concret à valeur symbolique, il effectue un rite complexe dont le fondement premier est le dialogue et non l’échange, même si celui-ci est accessoirement l’instrument du dialogue.
La figure 2 montre une offrande de Maât par Séthy Ier à la triade osirienne : Osiris, Isis et Horus fils d’Isis (Harsiésis). Les inscriptions précisent que le pharaon « donne Maât au Seigneur de Maât », c’est-à-dire Osiris qui lui « donne la vie et la domination », tandis qu’Horus fils d’Isis lui « donne toute force victorieuse ». L’objet de l’offrande, une statuette, représente beaucoup plus que cela : c’est tout le contenu multiforme de la maât que le roi offre aux dieux, il leur prouve par là sa légitimité et ses capacités à gouverner dont la vie, la domination, la force victorieuse sont des conditions élémentaires et nécessaires. À une échelle moins élevée, les offrandes matérielles classent les devoirs du roi. Par l’analogie symbolique et sympathique, le roi déclenche la réaction divine en se conformant au rituel établi et maintenu en regard de son efficacité. La parole engendre la parole et le geste engendre l’action. La conséquence de l’offrande du pain à Thot est l’abondance de nourriture ; la conséquence de l’offrande du glaive à Montou est la victoire sur les ennemis et les rebelles ; la conséquence de l’offrande du vase à Amon est l’inondation bienfaitrice et fertilisante (ces exemples sont tirés du temple d’Opet à Karnak : De Wit, 1958-1968). Chaque dieu peut recevoir plusieurs types d’offrandes qui correspondent à chacune de ses fonctions, à chacun de ses liens avec le roi. En montrant aux divinités démiurgiques son savoir-faire et sa compétence, le roi leur prouve qu’il est digne de leur succéder et de poursuivre leur œuvre, c’est-à-dire de réaliser, en complément de la création divine, tous les stades de la création humaine dans un environnement rendu bénéfique, depuis la confection des pains et des bouquets jusqu’à la fabrication des bijoux les plus précieux. Le roi dégage une chaîne d’actions successives dont l’une dépend de l’autre pour entretenir un processus de vie, de prospérité, de valeur et de durée. Il donne l’impulsion à tous les cycles de production qu’il développe pour la plus grande satisfaction des dieux. Le bien-être social fait partie de cette construction, il dépend de la prospérité générale, et quand le pharaon présente une figurine de Maât aux divinités majeures, il reçoit les conditions de la poursuite de son action : vie, domination, force victorieuse, comme nous l’avons vu, mais aussi de longues années, de nombreux jubilés, la royauté et les trônes, la santé, des richesses, la soumission des pays étrangers, la paix à travers le pays, la joie, l’éternité… Il faut enfin noter l’importance du dialogue entre roi et divinité qui accompagne l’offrande, et le caractère conjuratoire du discours royal. Si échange il y a, c’est d’une dynamique des flux et des reflux de la bienfaisance qu’il s’agit, et non de réciprocité, de même qu’il suffit d’une faible quantité de liquide pour amorcer la pompe et tirer de la citerne un volume d’eau considérable.
Proposons, en comparaison, ce que préconise un passage d’un texte sapiential du Nouvel Empire, l’Enseignement d’Ani :
« Verse une libation à ton père et à ta mère qui reposent
dans la Vallée.
Juste est une libation effectuée auprès des dieux,
Autrement dit, ils l’acceptent.
Ne te tiens pas à l’insu des gens quand tu la fais,
Afin que ton fils te rende la pareille6. »
Il ne peut s’agir de réciprocité puisque ce n’est pas la même personne qui reçoit la libation et qui la rend. A donne à B pour que C donne à A, ceci dans l’espoir que D donnera à C. L’acte est social, il se situe dans une chaîne d’actions et de réactions. Il est accompli au vu et au su des dieux et des hommes afin que son auteur soit gratifié, à son tour, le moment venu.
Si l’Enseignement d’Ani s’applique au commun des mortels, l’Enseignement pour Mérikarê, destiné à un futur roi, dispose, selon le même principe :
« C’est une belle fonction que la monarchie,
(Mais) elle n’a pas de fils, elle n’a pas de frère
qui perpétue ses monuments.
C’est l’un qui parachève l’autre.
Un homme doit agir pour celui qui est avant lui
Afin que soit parachevé ce qui aura été fait pour lui par
un autre qui viendra après lui7. »
La communis opinio, répandue actuellement parmi les égyptologues, consiste à interpréter le rite de l’offrande comme un échange de type do ut des, fondé sur la réciprocité. Non seulement la formule latine est utilisée hors de son propos juridique qui suppose l’égalité des prestations respectives, mais cette explication beaucoup trop réductrice placerait en outre l’activité rituelle sous le signe du déséquilibre et de la confusion entre deux plans, l’humain et le divin, le terrestre et le céleste. Or, les anciens Égyptiens étaient tout à fait capables d’effectuer un distinguo, nous en avons de multiples preuves, ne serait-ce qu’à travers les documents de la vie économique des temples, et ceci dès l’Ancien Empire ainsi qu’en témoignent les archives du temple de Néferirkarê-Kakaï à Abousir (Posener-Kriéger, 1976). Le pharaon, à la fois homme et dieu, communique du fait de sa double nature avec l’univers céleste, soit directement, soit par le truchement de la maât. Un des instruments du dialogue, le langage, est d’ailleurs d’origine divine : c’est le dieu Thot, lui aussi Seigneur de Maât (neb maât) qui enseigna aux hommes les medou netjer, les « mots divins », autrement dit les hiéroglyphes. Lorsque le roi offre à une divinité la maât dont cette divinité se nourrit, la métaphore devient encore plus claire : le roi prouve son habilité à réunir les éléments constitutifs du bien-être général que seule la divinité peut assurer après en avoir assimilé les composantes, par un phénomène identique à celui de la nourriture qui, transformée par l’ingestion, entretient la vie. Ainsi seront renouvelés les cycles du temps et des saisons, de la vie humaine, animale et végétale, de la transmutation minérale qui sont les préalables de toute activité humaine.
Outre sa place de choix parmi d’autres offrandes au cours de cérémonies importantes, publiques ou non, la présentation de Maât par le roi est le point culminant du rituel quotidien par lequel, dans l’intimité de tous les sanctuaires d’Égypte, le roi ou le prêtre, s...
Table des matières
- Couverture
- 4e de Couverture
- Titre
- Copyright
- Introduction
- I. Maât dans l’idéologie pharaonique
- II. Maât dans l’ordonnancement rituel
- III. Maât dans la justice
- Conclusion
- Repères chronologiques
- Éléments bibliographiques
- Table des matières
- Titres parus dans la même collection