
- 192 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
Noel en otage
À propos de ce livre
24 décembre 1994, les islamistes du GIA prennent l'airbus Alger-Paris et ses passagers en otage. L'auteur, qui est dans l'avion, revient sur cet événement traumatisant qui a marqué tous les esprits, nous faisant revivre l'assaut presque minute après minute.
Foire aux questions
Oui, vous pouvez résilier à tout moment à partir de l'onglet Abonnement dans les paramètres de votre compte sur le site Web de Perlego. Votre abonnement restera actif jusqu'à la fin de votre période de facturation actuelle. Découvrez comment résilier votre abonnement.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptés aux mobiles peuvent être téléchargés via l'application. La plupart de nos PDF sont également disponibles en téléchargement et les autres seront téléchargeables très prochainement. Découvrez-en plus ici.
Perlego propose deux forfaits: Essentiel et Intégral
- Essentiel est idéal pour les apprenants et professionnels qui aiment explorer un large éventail de sujets. Accédez à la Bibliothèque Essentielle avec plus de 800 000 titres fiables et best-sellers en business, développement personnel et sciences humaines. Comprend un temps de lecture illimité et une voix standard pour la fonction Écouter.
- Intégral: Parfait pour les apprenants avancés et les chercheurs qui ont besoin d’un accès complet et sans restriction. Débloquez plus de 1,4 million de livres dans des centaines de sujets, y compris des titres académiques et spécialisés. Le forfait Intégral inclut également des fonctionnalités avancées comme la fonctionnalité Écouter Premium et Research Assistant.
Nous sommes un service d'abonnement à des ouvrages universitaires en ligne, où vous pouvez accéder à toute une bibliothèque pour un prix inférieur à celui d'un seul livre par mois. Avec plus d'un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu'il vous faut ! Découvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l'écouter. L'outil Écouter lit le texte à haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l'accélérer ou le ralentir. Découvrez-en plus ici.
Oui ! Vous pouvez utiliser l’application Perlego sur appareils iOS et Android pour lire à tout moment, n’importe où — même hors ligne. Parfait pour les trajets ou quand vous êtes en déplacement.
Veuillez noter que nous ne pouvons pas prendre en charge les appareils fonctionnant sous iOS 13 ou Android 7 ou versions antérieures. En savoir plus sur l’utilisation de l’application.
Veuillez noter que nous ne pouvons pas prendre en charge les appareils fonctionnant sous iOS 13 ou Android 7 ou versions antérieures. En savoir plus sur l’utilisation de l’application.
Oui, vous pouvez accéder à Noel en otage par Ferhat Mehenni en format PDF et/ou ePUB. Nous disposons de plus d'un million d'ouvrages à découvrir dans notre catalogue.
Informations
Éditeur
Michalon éditeurAnnée
2015ISBN de l'eBook
9782347015848CHAPITRE I
PANIQUE À BORD
Il est 11 h 20. La matinée est printanière. Pour un 24 décembre, ce n’est pas si étonnant qu’on pourrait le croire. Nous sommes à l’aéroport d’Alger. Sur la rive sud de la Méditerranée, cela fait des lustres que l’été joue dans la cour de l’hiver. Je ne sais pourquoi cette entorse de la nature au règlement climatique retient tant mon attention, ni comment, inconsciemment, je finis par me dire qu’elle va probablement devenir, dans deux ou trois décennies, une nouvelle norme imposée à toute l’Europe méridionale par le réchauffement de la planète dont on parle de plus en plus dans les médias.
Pour me distraire des questions climato-météorologiques, je prends une gorgée de champagne et en apprécie la fraîcheur et la saveur, dont le doux-amer légèrement acidulé est agréablement relevé par l’effet des bulles. Le pétillant spectacle que celles-ci m’offrent dans le petit verre cylindrique, quelque peu épais et relativement lourd dans ma main droite, a toujours fasciné ma part d’enfant qui, probablement, refusera toujours de me quitter. C’est Noël avant l’heure. Je place le récipient de mon enivrante boisson, à la couleur cuivre et or, dans le porte-verre sur le dos du siège en face de moi et m’occupe à mieux caser sous mon fauteuil, portant le numéro 5B, l’encombrant pack de trois bouteilles de vins d’Algérie, acheté dans une boutique de duty-free de l’aéroport il y a à peine un quart d’heure. Ce sera ma participation aux frais de la festive soirée que je vais passer à Paris avec des amis. Mais ne parvenant pas à trouver à mon gênant cadeau une place suffisante dans cet espace réduit qu’offrent les avions à leurs passagers, je finis par abandonner et le pose couché sur le siège vide, près du hublot, à gauche du mien.
Je prends momentanément congé de mes soucis que je range soigneusement, tel un linge repassé, dans les casiers de ma mémoire. Je ne les oublie pas pour autant. Je compte les affronter sérieusement d’ici deux à trois jours au plus tard, si du moins l’actualité ne m’y contraint pas plus tôt. Pour l’instant, j’ai droit au repos du guerrier. Je me sens enfin serein et détendu. Je flotte. Le monde peut s’écrouler autour de moi que je ne le sentirais pas. J’ai l’impression qu’il y a une éternité que cela ne m’était pas arrivé. En réalité, cela fait un peu plus de quatre mois que les projecteurs sont braqués sur moi et je suis quasiment tous les jours à la une des journaux, qu’ils soient en langue arabe ou française. Depuis le 20 août, plus exactement. Ce jour-là, j’ai pris la décision d’organiser un boycott scolaire en Kabylie. Il y est effectif depuis le premier jour de la rentrée des classes, en septembre dernier. Dans une Algérie ravagée par le terrorisme islamiste et où la tension, ainsi générée, est chaque jour un peu plus épaisse dans la société, cette action pacifique montre au grand dam des belligérants et de ses détracteurs que d’autres voies que la violence existent pour trouver des solutions aux problèmes politiques. La Kabylie est civilisée.
Actuellement, cette grève scolaire est strictement observée par tous, du primaire à l’université, afin d’exiger du pouvoir algérien l’enseignement des langues amazighes qu’il combat, par racisme ou par fanatisme arabo-islamiste, et ce, depuis la décolonisation. Si l’opération est couronnée de succès, ce que j’espère, je prendrais ma retraite politique pour de bon. Je le jure ! À 43 ans, je serai le plus heureux des hommes de me voir quitter l’arène des gladiateurs où je bataille depuis vingt-deux ans déjà. Je partirai avec le sentiment du devoir accompli. J’en rêve de toutes mes forces. Si cela advenait, j’aurais alors contribué, avec les miens et pour la stabilité du pays, à faire aboutir les revendications linguistique et identitaire amazighes que défend depuis toujours la Kabylie, sans relâche ni concession. C’est un combat que j’ai embrassé telle une religion depuis la fin de mon adolescence. À elle seule, cette perspective de me retirer de la scène politique me berce et m’apaise. J’en ressens un bonheur ineffable.
Comme à mon habitude, et en bon introverti, conscient de ma nature, je me laisse aller ; je donne libre cours à ma rêverie. Mon confortable siège, le dernier de la rangée gauche en classe « affaires » de cet Airbus A300 du vol Air France AF8969, s’y prête à merveille. Il est une invitation au voyage dans le temps et l’espace, sans écran et sans bouger de ma place. Le réveillon de ce Noël 1994 va commencer pour moi dès que je mettrai les pieds sur le sol français, avec le tendre accueil qui me sera réservé par Fatima à l’aéroport parisien. Mais dans ma tête, j’y suis déjà. J’enjambe sans difficultés les deux heures qui me séparent d’Orly Sud, grâce aux bottes de sept lieues de mon imagination.
Entièrement plongé dans ce rêve éveillé avec mes projections pour certaines immédiates et pour d’autres quelque peu lointaines, je ne prête aucune attention à ce qui se passe autour de moi. Je suis hors de la réalité qui va virer soudainement au cauchemar, et qui, à quatre-vingt-dix pour cent de probabilités, aurait dû n’avoir de fin que dans la tombe. Pour le moment, encore étourdi, je n’ai pas remarqué que des hommes en tenue de policier viennent d’entrer dans l’espace réduit de la cabine où je me trouve. Je n’ai pas vu le manège qui a fait dire à cette femme, assise au premier rang et vêtue d’un vison : « Que Dieu bénisse tous ces hommes qui veillent sur notre sécurité pour nous protéger de ces “ordures de terroristes”. » Je ne comprends pas non plus le geste d’un passager, une rangée à droite de la mienne, qui jette loin de lui son verre de champagne dont le contenu tache aussitôt la moquette bleu ciel de l’avion. Coup de théâtre ! Derrière moi, j’entends soudain un bruit sec et fort que j’ai associé à celui d’une planche qui en claque une autre. Je ne réalise pas tout de suite qu’il s’agit d’un coup de feu qui vient de tuer un homme, un policier algérien.
« Ferme la porte ! Ferme la porte vite ! » ordonne rageusement en arabe une voix masculine.
Avant que je me retourne pour voir ce qui se passe, un homme de taille et de corpulence moyennes, plutôt jeune mais au crâne déjà entamé par la calvitie, entre d’un air pressé dans la cabine, une kalachnikov à la main. Son ciré bleu portant un badge à hauteur de la poitrine, côté gauche, fait croire à une tenue policière même s’il ne porte pas de képi.
« Nous, des terroristes ? Croyez-vous vraiment à tout ce qu’ils disent à la télévision et dans les journaux ? Non ! Nous sommes des moudjahidine, des mou-dja-hi-dine ! » En détachant les quatre syllabes.
« Vous entendez ? Les terroristes, ce sont eux, tous les taghout (ennemis de Dieu) qui sont au pouvoir. Eux, oui, ce sont des terroristes, mais nous, nous ne sommes que des moudjahidine, des soldats d’Allah. Nous les aurons bientôt, tous autant qu’ils sont. Nous sommes beaucoup plus nombreux qu’eux et beaucoup plus forts qu’ils ne le croient. En plus, nous avons un atout supplémentaire sur eux : nous sommes jeunes. Le plus âgé d’entre nous quatre, c’est moi, et je n’ai que 26 ans. Nous sommes partout, y compris dans les rangs des services de sécurité. Rien qu’hier soir, c’était l’un des gardes du corps du président de la République que nous avons abattu. Vous vous demandez sûrement comment nous sommes entrés dans l’aéroport ! Posez-vous vous-mêmes la question ! La réponse est très simple, nous y avons des complices !
Les imperméables des policiers que nous portons sont ceux des agents que nous avons capturés puis tués et nos badges ont été faits par nos éléments dans la police, pendant la nuit d’hier. Nous sommes entrés dans la zone internationale par la porte réservée aux policiers sans passer par le contrôle des formalités douanières et nous avons été prendre tranquillement notre café au comptoir de la cafétéria qui s’y trouve, avant de nous diriger vers le garage où nous avons pris une voiture d’Air France, à bord de laquelle nous sommes venus jusqu’au bas de la passerelle de cet avion. Vous voyez, nous sommes plus forts qu’eux ! » Je devine qu’après cela ce fut pour eux un jeu d’enfants. Les terroristes islamistes ont attendu que tous les passagers soient à bord de l’avion pour y monter à leur tour, en se présentant au personnel d’accueil comme une brigade de la sûreté nationale rattachée à la présidence de la République dont la mission est d’effectuer un contrôle exceptionnel des passagers de ce vol. Aussitôt, un voyageur voulant offrir ses services leur présente sa carte professionnelle de commissaire de police. Funeste erreur ! Il est immédiatement tiré vers la passerelle, le canon d’un pistolet braqué sur son nez. Il est abattu sur-le-champ, d’un seul coup de feu. C’est ce bruit que j’ai dû confondre, il y a quelques instants, avec celui des planches qui s’entrechoquent. Un deuxième terroriste entre dans la cabine et me demande, souriant, mon passeport. Sans ses cheveux un peu longs retombant sur sa nuque à la manière d’un play-boy et couvrant légèrement le col de son ciré, avec son képi, on le prendrait pour un vrai policier. Il veut probablement me montrer par son sourire qu’il n’est nullement affecté par la gravité du crime qu’il vient de commettre : l’assassinat d’un passager. Je pense que c’est la raison pour laquelle il n’accorde d’intérêt ni à mon identité ni au verre de champagne devant moi, encore moins au pack de vin trônant à mes côtés. Comme un somnambule, il me sourit et me rend mon document de voyage sans me prêter plus d’attention. J’en suis soulagé. Il va machinalement vers les passagers assis devant moi pour continuer son contrôle d’identité. Je réalise que je viens de l’échapper belle ! La profession mentionnée sur mon document de voyage est celle de « responsable politique » : elle aurait pu me valoir la mort sur-le-champ. Je tremble de tous mes membres, à la manière d’une feuille d’arbre au passage d’une bourrasque. Mon cœur s’emballe. Moi qui suis cardiaque, j’ai peur qu’il lâche. Je suis pris d’une angoisse qui me noue les boyaux. Elle ne me quittera pas avant la fin de cette prise d’otages dont l’issue me paraît logiquement sans espoir. Dans un réflexe de survie, je me résous, quoi qu’il arrive, à ne rien montrer de la peur qui me tenaille même si, sur mon visage, elle se verra de toutes les façons… comme je la vois déjà sur celui de tous les passagers autour de moi. Des cris d’enfants et de femmes pris de panique se font entendre. Le terroriste qui nous a harangués pour faire les présentations d’usage se dirige vers la femme au vison, celle qui, quelques instants auparavant, a eu des propos peu amènes et pour le moins imprudents. Il lui assène un coup de poing au visage en lui disant, comme pour régler un compte :
« Nous, des ordures ? » La jeune dame, tout en criant de douleur, se confond en excuses. La tension monte d’un cran, l’angoisse s’empare de chaque passager et tous les regards sont inquiets. La panique est à son comble. Trois rangs devant moi, une femme est prise de convulsions, on dirait une crise d’asthme. Elle n’arrive plus à respirer correctement. Elle suffoque, tout près d’être terrassée par une syncope. Le terroriste qui s’est présenté il y a quelques instants la remarque et ordonne à la jeune femme qu’il a frappée de s’en occuper. Toute tremblotante celle-ci trouve la force de négocier son sort. C’est inouï ce que l’on trouve comme ressources en soi quand on est face à sa propre mort.
« Je voudrais bien m’occuper d’elle, mais si vous ne me tuez pas ! dit-elle.
– Non, nous ne te tuerons pas ! »
Non rassurée mais encouragée, elle ajoute avec un tel culot que, bien des années après, en écrivant ces lignes j’en souris encore : « Jure-le-moi. »
« Je te le jure ! » lui répond le chef du commando. Elle se rend alors auprès de la dame souffrante.
Le chef entre de nouveau dans le minuscule réduit qu’est le cockpit où se trouvent le commandant de bord et son copilote. Il va établir une communication radio avec les autorités du pays, nous dit-il. C’est le moment de dévoiler les raisons de l’opération à travers un chantage : le sort des otages contre des exigences politico-religieuses au nom des GIA (Groupes islamiques armés) qui, selon la presse, écument la capitale algérienne et ses environs depuis deux ans.
Curieusement, les terroristes ne nous disent rien de leurs revendications immédiates. Que veulent-ils ? Nous tuer tous ? Pourquoi ? Il ne serait pas sage de ma part de pousser la témérité jusqu’à poser directement la question aux preneurs d’otages. Dans ce genre de situation, la meilleure attitude est de devenir invisible ou transparent. De faire le mort comme le chacal qui, une fois pris et battu par les hommes, devient immobile, et simule la mort. Mais dès qu’on s’éloigne de lui, il bondit et prend ses jambes à son cou. Ce cas a inspiré la sagesse populaire kabyle qui en a tiré un adage selon lequel « qui veut vivre, fait le mort » (W’iv an ad yidir yemmet). Il est donc préférable de ne pas me faire remarquer ; de passer le plus inaperçu possible et d’attendre la suite des événements qui, de mon point de vue, n’augurent rien de bon. Si les membres de ce commando kamikaze ont risqué leur vie dans une opération aussi grave et désespérée, ce n’est pas pour s’embarrasser de la nôtre. Une fois de plus, je vérifie à mes dépens que la politique n’a pas d’états d’âme.
J’imagine que bientôt le monde entier va apprendre la nouvelle, si ce n’est déjà le cas, et que les islamistes salueront, partout où ils se trouvent, ce coup de force comme un coup d’éclat de leurs quatre « frères » qu’ils qualifieront de « héros ». Ils penseront que, pour une fois, les chrétiens dominateurs et arrogants n’auront pas le Noël de réjouissances qu’ils avaient l’habitude de fêter, mais celui de la peur, de l’inquiétude et de la panique. Ils n’auront en somme, d’après les fous de la charia, que ce qu’ils méritent. Nos intégristes interpréteront cet acte de folie comme étant le signe que le règne d’Allah arrive pour leur béatitude et espéreront que bientôt le monde entier sera soumis à l’Islam. Inchallah ! Ce sentiment d’une perspective de revanche, si ce n’est de vengeance sur l’Occident, à lui seul, devrait les combler d’aise et les gonfler d’orgueil. Grâce à Allah, souhaitent-ils collectivement, la roue de l’Histoire va de nouveau tourner dans le sens d’un califat arabo-islamique mondial. Une nouvelle ère s’ouvre à eux.
Inutile de vous donner du mal à essayer de leur faire comprendre que, pour le moment, ce ne sont pas des chrétiens qui sont pris en otage mais des musulmans. Ils sont incapables de l’entendre, d’en saisir le sens. Pourtant en dehors du personnel de bord qui est français (l’avion aussi), les passagers sont presque tous musulmans. Les preneurs d’otages, eux, le savent bien ; leurs commanditaires aussi mais ils n’en ont cure. Ils ne sont pas là pour faire de la morale. Ils ne sont qu’un commando casse-cou chargé d’exécuter coûte que coûte une mission militaire. Ils n’ont pas fait tout cela pour se conduire en élèves suivant un cours d’éducation civique mais pour exercer des pressions sur un pouvoir exécrable que pourtant ils ne sont pas les seuls Algériens à combattre. Et qu’importe s’ils ne tuent que des compatriotes, dont certains sont des opposants à ce régime, comme eux. Que ces opposants soient des démocrates et des laïcs, mais surtout des Kabyles, les condamne de fait. À la limite, ils sont davantage prêts à s’entendre avec un pouvoir arabo-islamiste, ayant un même projet de société qu’eux qu’avec des républicains kabyles. Le racisme arabo-islamiste envers la Kabylie est au-dessus de toute autre considération.
Ces pensées ont vraiment de quoi me donner froid, très froid, dans le dos. Comment faire diversion à cette peur qui me vrille l’estomac ? Nos bourreaux passent et repassent devant moi dans une interminable ronde à travers laquelle ils nous soupèsent, en gros et en détail. On les prendrait pour des maquignons qui font l’inspection de chaque bête de leur troupeau pour estimer ce qu’ils vont pouvoir en tirer. Ils font tout bonnement la visite du propriétaire. Malgré mes moments de lucidité, je ne peux me fixer que sur ma principale interrogation : allons-nous en sortir vivants ? Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir, me répété-je en essayant de me shooter à la méthode Coué. On ne se résout pas dans ces circonstances à la fatalité de la mort même si le fait de vous savoir si près d’elle vous tétanise, vous paralyse complètement.
Devant le nombre de personnes affolées, criant sans cesse, devant ce sentiment de panique et de débandade générale, les terroristes libèrent un premier groupe d’otages, des enfants et des femmes, parmi lesquels, ô miracle, la chanteuse à l’œil au beurre noir. Le terroriste a tenu parole. Allez savoir pourquoi !
On pourrait croire que cette libération d’otages, au compte-gouttes, est en soi l’expression d’un humanisme, d’une bonne volonté. Nullement ! En vérité, cela procède d’un plan bien préparé. Avec un effectif aussi réduit que le leur, les terroristes ne pouvaient pas gérer 290 personnes réparties sur deux espaces différents. Faire de la place, afin que tous les passagers de la classe « affaires » viennent en classe « économique », était pour eux une impérieuse nécessité. Je grossis donc la masse des passagers d’infortune en cabine économique faisant de cet avion un œuf plein à craquer : huit sièges par rangée, deux de chaque côté et quatre au milieu. J’essaie en vain de me trouver une place vers l’arrière de l’appareil, ou du moins le plus loin possible de la tête d’avion où je pense ne pas trop m’exposer au regard des preneurs d’otages. Il n’y en a de disponible que vers l’avant. La seule qui me reste porte le numéro 12 E. Elle est à la troisième rangée du milieu. J’essaie tant bien que mal de calmer ma peur mais je surveille chaque regard, chaque geste des membres du commando.
Tout à coup, l’un d’entre eux s’adresse en arabe algérois à mon voisin de siège, près du couloir gauche. Un homme grand, entre 60 et 70 ans...
Table des matières
- Couverture
- 4e de couverture
- Copyright
- Titre
- Avertissement
- CHAPITRE 1 - PANIQUE À BORD
- CHAPITRE 2 - PORTRAIT DU TERRORISTE ISLAMISTE
- CHAPITRE 3 - VOL MAUDIT, PREMIERS DOUTES
- CHAPITRE 4 - LA LONGUE NUIT
- CHAPITRE 5 - DÉMASQUÉ
- CHAPITRE 6 - LE SYNDROME DE STOCKHOLM
- CHAPITRE 7 - LA FRANCE PREND LA MAIN
- CHAPITRE 8 - LES DERNIÈRES HEURES
- CHAPITRE 9 - L’EUPHORIE
- CHAPITRE 10 - COUPABLE DE SURVIE
- CHAPITRE 11 - COMPLICITÉ DES SERVICES SECRETS ALGÉRIENS
- CHAPITRE 12 - LA PRISE D’OTAGES POUR LÉGITIMER L’ARRÊT DU PROCESSUS ÉLECTORAL
- CHAPITRE 13 - PAS D’ENQUÊTE SUR L’AFFAIRE AIRBUS EN FRANCE
- ÉPILOGUE
- Table des matières