Les vampires à la fin de la guerre d'Algérie
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Les vampires à la fin de la guerre d'Algérie

Mythe ou réalité? - Préface de Guy Pervillé

  1. 188 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Les vampires à la fin de la guerre d'Algérie

Mythe ou réalité? - Préface de Guy Pervillé

À propos de ce livre

Les derniers mois de la guerre d'Algérie sont marqués par un chaos provoqué par les attentats des irréductibles de l'Algérie française de l'OAS et les représailles du FLN. A partir d'avril 1962, on assiste à des enlèvements d'Européens aux périphéries d'Alger et d'Oran par des groupes informels du FLN. Plus de 630 civils et militaires sont enlevés dans les quatre mois qui séparent le cessez-le-feu de l'indépendance.

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Informations

Année
2014
ISBN de l'eBook
9782368476406

1

LES PREMIÈRES RUMEURS ALGÉROISES

Selon l’historien Jean Monneret, les enlèvements d’Européens atteignent « un sommet en mai 1962, où pour la seule ville d’Alger, ils s’élèveront à plus de 276 enlèvements29 ». Le mobile crapuleux, les représailles aux actions de l’OAS, le moyen d’obtenir des renseignements sur l’OAS et la volonté de faire partir les Européens par la terreur sont les motifs souvent avancés aux enlèvements ; cependant, dans le même temps, une rumeur agite les milieux européens : les enlèvements auraient pour objectif de procéder à des prélèvements sanguins sur les détenus. Dans son étude sur l’OAS, le journaliste Rémi Kaufer évoque les rumeurs qui agitent les quartiers européens au sujet des Européens enlevés en 1962 : « Des bruits terribles courent les quartiers européens : ils seraient emmenés dans des hôpitaux clandestins du FLN et vidés de leur sang pour guérir les Algériens blessés30 ». À Alger, le chef de l’OAS, Jean-Claude Perez, rapporte les propos des sympathisants ou militants de l’OAS affirmant que bon nombre d’enlèvements d’Européens par le FLN ont pour but d’effectuer des prélèvements sanguins, mais aucun d’eux n’apporte de preuve justifiant leurs propos31.

LE QUARTIER DE BEAU-FRAISIER,
UN LIEU DE PRÉLÈVEMENT SANGUIN FORCÉ ?

Un lieu de prélèvements sanguins souvent cité dans les écrits de l’OAS32 est celui du quartier de Beau-Fraisier, au nord-ouest de la Casbah (voir le plan d’Alger à l’annexe II). Ce quartier avait été progressivement investi par le FLN. Les habitants européens intimidés ont dû évacuer le quartier. Un officier en poste à Alger, le commandant Thomas33, responsable d’un sous-quartier, évoque, dès le mois de février 1962, l’hypothèse d’enlèvements de jeunes gens et jeunes filles dans le but d’effectuer des prélèvements sanguins. Il reconnaît pourtant l’absence de preuve : « Je n’ai jamais pu établir l’authenticité de ce fait. » La date de février 1962 peut paraître extrêmement précoce pour ce type d’enlèvement, alors même que les opérations militaires françaises n’ont pas été interrompues par le cessez-le-feu du 19 mars. Le commandant Thomas a publié ses mémoires en s’appuyant aussi sur le témoignage du lieutenant-colonel Berthier du 12e RI, responsable de la sécurité d’un sous-quartier d’Alger, dont la correspondance apparaît dans l’ouvrage. Le 17 mars, lors d’une réunion avec les responsables de la sécurité du Grand Alger, le général Capodano évoque le cessez-le-feu du 19 mars et fait part de son scepticisme sur les enlèvements d’Européens : « Quant aux enlèvements d’Européens, j’attends encore que quelqu’un m’en apporte la preuve ; il s’agit d’une psychose collective34. » Ce n’est donc qu’à la mi-mars, et non en février, que le lieutenant-colonel Berthier prend conscience du phénomène des enlèvements.
Le 18 mars, un des sous-officiers du commandant Thomas, remarque qu’une voiture fait régulièrement l’aller-retour en passant par Ben Aknoun. La voiture est contrôlée, trois musulmans sont arrêtés et un Européen est libéré. Il a été détenu avec une vingtaine de personnes et il raconte : « Les geôliers venaient en chercher quelques-uns et en ramenaient d’autres. » Refusant de parler, le commandant Thomas donne l’ordre que les trois musulmans soient torturés, puis exécutés : « les trois pseudo infirmiers » avouent que « les Européens enlevés à l’ouest d’Alger étaient regroupés dans les maisons abandonnées du quartier Beau-Fraisier. De là, certains étaient transférés dans les camps de détention de l’Atlas blidéen ». Les détenus sont exécutés en représailles des attentats de l’OAS et les corps sont mis dans des charniers. Ils évoquent aussi le sort des plus jeunes : « Quelques jeunes gens étaient gardés en vie pour les transfusions sanguines. »
Le même jour à Bouzaréah, une patrouille surprend un enlèvement. En suivant les kidnappeurs, elle découvre la personne enlevée et trois autres Européens, « abîmés, enchaînés à des crochets fixés au mur ». Le lieutenant-colonel Berthier demande au général de procéder à des perquisitions pour découvrir d’autres détenus et les charniers, ce qu’il refuse en raison de l’entrée en vigueur du cessez-le-feu35. Le 18 mars, le lieutenant-colonel Berthier évoque donc pour la première fois les prélèvements sanguins forcés en s’appuyant sur les aveux des trois musulmans torturés.
Le 27 mars, un harki évadé d’un des lieux de détention raconte avoir creusé un fossé pour enterrer une vingtaine d’Européens, « suppliciés et massacrés », dans un lieu situé entre Frais-Vallon (au sud de Beau-Fraisier) et Beau-Fraisier. Il avertit qu’une partie des prisonniers ont été évacués sur la Casbah, tandis qu’une « dizaine de jeunes gens, garçons et filles, [sont] séquestrés dans deux villas dépendant de la clinique Beau-Fraisier ». Pour le commandant Thomas, il n’y a aucun doute possible, la détention à proximité de la clinique de jeunes gens sont deux indices prouvant que « ces jeunes otages serviraient, entre autres, à des prélèvements sanguins ». Cela prouverait les rumeurs concernant cette clinique36.
Le lieutenant-colonel Berthier ne pouvant agir en raison du cessez-le-feu, c’est le capitaine Murat, chef du commando de l’OAS, delta 7, avec qui il est en contact et à qui il fournit des armes et des renseignements sur le FLN, qui doit intervenir au début du mois d’avril. L’opération a pour objectif de vérifier l’identité des patients et de repérer les chefs FLN blessés qui y sont soignés, et probablement de les exécuter. Pendant ce temps, une autre partie du commando est chargée de fouiller les villas suspectes37. Le commando perd du temps pour rejoindre la clinique et un des membres du commando entre dans la chambre des hospitalisés et tire d’emblée sur les patients. Le commando repart rapidement, avant l’arrivée impromptue d’une patrouille du 12e RI38. Les problèmes posés par cette opération de l’OAS sont que l’identité des blessés n’a pas été vérifiée (civils ou combattants de l’ALN), et que les deux villas, où seraient détenus les Européens, n’ont pas été fouillées. On ne sait donc pas s’il y a des prisonniers européens détenus dans les villas et les motifs de leur détention (suspects de l’OAS, représailles aux attentats de l’OAS ou prélèvements sanguins forcés).
L’opération de l’OAS visant la clinique de Beau-Fraisier va avoir des conséquences importantes, en raison de l’identité des victimes. Selon la version du commandant Thomas, « les musulmans tués à la clinique ont tous une fiche au deuxième Bureau39. » Le journaliste Yves Courrière donne une autre interprétation de cette action au Beau-Fraisier, qu’il situe en avril. L’OAS aurait « mitraillé à bout portant les malades de la clinique de Beau-Fraisier » : les neuf victimes seraient des patients, et non des membres du FLN. Ce massacre des malades de Beau-Fraisier40 incite les responsables de la zone autonome d’Alger à interdire aux musulmans de se faire soigner dans les cliniques et hôpitaux européens d’Alger. Le FLN algérois est obligé de créer dans l’urgence ses propres structures médicales. Il lui faut pallier l’absence de protection des musulmans soignés dans les hôpitaux européens.
La veille de l’attaque sur la clinique, le lieutenant-colonel Berthier demande à pouvoir vérifier l’existence de charniers à Frais-Vallon, le colonel Favier lui accorde le droit d’y faire une enquête. Il mène une opération le 2 avril. Il découvre à l’emplacement signalé par le harki évadé un charnier de 29 Européens41. Mais le commandant Thomas ne donne aucune information sur la cause des décès, on ne sait donc pas s’il s’agit de décès à la suite de tortures ou d’exécutions, ou après des prélèvements sanguins forcés.
La rumeur de prélèvements sanguins s’est ainsi focalisée sur la clinique de Beau-Fraisier, puis a concerné l’ensemble du quartier de Beau-Fraisier, en prenant prétexte de la présence de lieux de détention et d’interrogatoire du FLN ; cependant, en l’absence de découverte probante, à part le témoignage de trois musulmans torturés et d’un harki évadé, on ne peut parler formellement de prélèvements sanguins forcés sur les Européens.

LA NAISSANCE DES STRUCTURES MÉDICALES DU FLN

Échaudé par l’action de l’OAS, le FLN a préféré créer ses propres structures médicales dans d’autres quartiers moins exposés. Le rapport du CICR du 30 avril au 14 mai évoque ainsi le refus des musulmans de se faire soigner dans les hôpitaux européens42. Le responsable FLN Si Azzedine (de son vrai nom Rabah Zerrari) mentionne la création de trois cliniques du FLN à Alger, dans la Casbah, à Climat-de-France et à Kouba, ce sont en réalité des cliniques privées réquisitionnées par les autorités françaises au profit du FLN. Il s’agit de la clinique Verdun (la Casbah), la clinique Albert de Mun (Belcourt), et la clinique psychiatrique de l’Hermitage (Kouba)43. Yves Courrière et Si Azzedine décrivent la structure médicale algéroise du FLN. Cette structure est destinée à « secourir et soigner plus de 200 000 chômeurs et leurs familles ». Le responsable de la propagande, Boualem Oussedik instaure ainsi une « médecine gratuite pour tous », en faisant appel à des médecins européens et musulmans. Dans son ouvrage44, Si Azzedine évoque la réorganisation de la zone autonome d’Alger, il cite parmi les principaux responsables du conseil zonal, Ali Lounici, responsable du Service santé et social et Mouloud Amrane, chargé d’établir « bien avant l’indépendance, des cartes d’identité, des cartes de donneurs de sang… ». Les besoins en sang sont si considérables à Alger que le FLN estime que l’établissement de cartes de donneurs de sang est aussi important que les cartes d’identité. On peut expliquer l’importance des cartes de donneurs de sang par le fait qu’Alger connaît avant le 20 février 1962, et surtout après le 19 mars, une recrudescence des attentats de l’OAS destinés à saboter les accords d’Évian. Le 2 mai 1962, un attentat de l’OAS fait 65 morts et des centaines de blessés sur les docks d’Alger. Les musulmans d’Alger refusent, pour la première fois, toute aide des pompiers et des ambulanciers européens et se chargent eux-mêmes du transport et des soins de leurs blessés et de leurs morts. Du 3 au 11 mai, selon les chiffres du préfet de police Vitalis Cros, les victimes de l’OAS...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Titre
  4. Copyright
  5. Préface
  6. Introduction
  7. 1 – Les premières rumeurs algéroises
  8. 2 – Un document militaire révèle la pratique des prélèvements sanguins forcés
  9. 3 – Les rumeurs oranaises
  10. 4 – Les témoignages de deux rescapés
  11. 5 – Comment expliquer l’existence « des vampires » ?
  12. Conclusion
  13. Remerciements
  14. Annexe I
  15. Annexe II – Plan d’Alger
  16. Annexe III – Plan d’Oran
  17. Sources et bibliographie
  18. Table des matières