L'Isoloir des illusions
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L'Isoloir des illusions

  1. 256 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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L'Isoloir des illusions

À propos de ce livre

Tout le monde n'a pas eu la chance d'avoir 20 ans au bon moment de l'Histoire. Tout le monde n'a pas eu la chance d'avoir des parents communistes, socialistes ou libéraux. À chacun ses diapos de famille. Crise d'ado ou d'Œdipe, surtout ce fameux jour où chacun devient un adulte, un vrai, dans le secret de l'isoloir. Lors de ce dépucelage citoyen, la vie n'a pas encore trop esquinté les utopies et les saines colères de jeunesse auxquelles on reste fidèle ou pas.

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Informations

II
LES ENFANTS DE LA COLÈRE
ET DE LA GUERRE D’ALGÉRIE

GUY BEDOS

« Je suis de la gauche couscous »
Quand il pousse ses premiers cris, sa mère se penche sur le berceau : « Tu es tellement laid qu’on dirait un petit juif. » « Je reviens de loin », lâche Guy Bedos, 80 ans, dont les premières résistances politiques remontent à l’enfance.
Né le 15 juin 1934 à Alger, dans l’Algérie française, d’un père commis-voyageur parti sans laisser d’adresse, le jeune Guy grandit à Souk Ahras, à la frontière algéro-tunisienne, dans une maison où l’on préfère la blanquette de veau « et autres daubes bien françaises » au couscous. « Même les menus étaient racistes. Je n’avais pas le droit de recevoir mes copains algériens. Mon beau-père pétainiste écoutait les collabos de Radio-Paris. Il trouvait beaucoup de charme à Hitler qu’il considérait comme un excellent peintre figuratif ! Pour l’emmerder, je mettais sur son transistor Oum Kalsoum, la voix des arabes », s’amuse Bedos, le « rescapé de sa jeunesse. Je suis un résilient comme dit mon ami Boris Cyrulnik ».
Un jour, un ouvrier algérien se coupe le doigt dans la scierie de ce beau-père qu’il ne trouve pas beau et déteste tant. « Ça pissait le sang partout et ce con lui gueulait dessus en le traitant de sale métèque. » La scène marque à jamais le jeune insoumis. Le beau-père s’en débarrasse et l’envoie en pension à Kouba, le village d’Albert Camus, près d’Alger. Là-bas, le môme découvre enfin un monde sans haine grâce à Finouche, une jeune institutrice algérienne qui devient sa « maman de tolérance ». « C’est elle qui a fait de moi un droit-de-l’hommiste. Je n’ai aucune carte politique, sauf celle de la ligue des droits de l’Homme. »
En juin 1949, à l’âge de 15 ans, Guy Bedos, « pris en otage par ses parents », quitte l’Algérie. Dans le bateau pour Marseille, son pays n’est pas devant mais derrière lui. « Mes parents sont partis bien avant l’indépendance. Ils avaient peur de toute cette violence dont ils auraient pu être victimes. Ils l’auraient bien mérité. » Sur la Canebière, sa mère, Guy et ses deux sœurs jumelles sont des immigrés comme les autres. Après avoir vécu dans une « maison triste de maître » à Rueil-Malmaison, en banlieue parisienne, Guy coupe le cordon ombilical. Indépendant à son tour.
À Paris, le jeune homme veut devenir artiste comme l’oncle star de Radio-Alger. Et même s’il n’a jamais vu une seule pièce de théâtre de sa vie, il est reçu à l’École d’Art dramatique de la Rue Blanche en 1952, où il rencontre les copains d’abord, Marielle, Belmondo et Rochefort. Le théâtre de Molière, Marivaux et Musset lui sert de thérapie. Après les mots de l’enfance qui cognent, les mots du répertoire qui soignent. Sauf que la guerre d’Algérie rattrape le jeune comédien. Bedos a 20 ans et refuse de faire son service militaire. C’est le premier acte de désobéissance politique du déserteur. Incarcéré au fort de Vincennes, il entame une grève de la faim. « Je me suis servi de mes petits talents d’acteur et surtout de mon extraordinaire conviction : je ne voulais pas faire cette guerre. Je ne voulais pas être militaire. Plutôt crever que d’aller tirer sur des arabes. Même si je n’approuvais pas les exactions du FLN, j’étais viscéralement pour l’indépendance. » Bedos est finalement réformé pour maladie mentale.
« L’antiraciste obsessionnel » a placardé sur le mur de son salon, au-dessus du canapé des invités, quatre immenses lettres : P-A-I-X.
Si Guy Bedos a fait la paix avec les fantômes de son enfance, le « mélancomique » est toujours en colère. En colère contre « l’extrême droite de la haine, la droite décomplexée, et ce socialisme qui a oublié sa gauche ». Pourtant, il y croyait encore à cette gauche du PSU (Parti socialiste unifié) quand il vote à la présidentielle de 1969 pour Michel Rocard. Le jeune humoriste avait même fait le show lors d’une Fête de la rose, à l’invitation du candidat Rocard qui ne passe pas le second tour avec ses 3 % de voix.
1974, « ce fut l’année de deux catastrophes » : l’élection de Giscard et son divorce avec la comédienne Sophie Daumier, avec qui il partageait la vie comme la scène depuis une dizaine d’années. Bedos écrit Je craque, un premier livre « de rage et de chagrin ». « Sophie avait un côté madame sans gêne qui me ravissait. Elle était politique dans sa façon d’être, c’était une désobéissante née. Je me souviens d’un dîner avec Pompidou quand il était Premier ministre. Sophie était assise à côté de lui. À la fin de la soirée, elle l’appelait Georges et passait son temps à le mettre en boîte. Pompidou était enchanté. Sophie, je ne l’oublierai jamais », lâche l’acteur au regard ému. Cette année-là, le jeune divorcé monte seul sur scène et inaugure sa revue de presse à l’Olympia. Le show-man politique est né. « Un journal citoyen » pour gueuler ses colères qui sont aussi celles d’un public de gauche malheureux sous Giscard. « Je me suis autorisé à faire des allusions à la politique. Jusqu’alors, je ne m’en sentais ni capable ni légitime. Je ne sors pas des grandes écoles. Mon université fut la bibliothèque. » C’est Simone Signoret, qu’il appelle sa grande sœur, qui devient « sa prof de Sciences-Po. Elle m’a beaucoup appris sur la période du maccarthysme notamment à Hollywood. Toutes proportions gardées, j’ai été maccarthysé sous Giscard. Mes spectacles étaient censurés à la télé comme à la radio. Après un septennat d’interdiction d’antenne, c’est grâce à Anne Sinclair que j’ai pu enfin m’exprimer librement à une heure de grande écoute dans son émission 7/7. » Anne Sinclair, encore une grande amie de cet « affamé d’amour et d’amitié » en quête d’autres figures féminines pour effacer cette mère qui l’aimait si mal.
Depuis, le pied-noir a fait sienne la devise d’une autre frangine de cœur, Françoise Giroud : « En politique, il faut savoir choisir entre deux inconvénients. »
Entre deux inconvénients, Bedos vote Mitterrand contre « le diamantaire » Giscard en 1981, comme il vote plus tard Hollande contre « le petit excité » Sarkozy. « Tous les présidents m’ont dragué », ironise l’humoriste pamphlétaire qui se réclame de « la gauche couscous pas caviar » même s’il reconnaît ne pas vivre comme « un ouvrier de chez Renault ». « La vraie gauche populaire n’est pas la gauche de Solferino. Les timidités de Hollande comme les excès de Mélenchon ne me satisfont pas. Ma gauche, c’est celle des associations des droits de l’Homme, SOS Racisme, Droit au Logement, le réseau Éducation sans Frontière qui défend les sans-papiers. »
Et pourtant, de tous ces présidents qui l’ont dragué, Bedos reste fasciné par Mitterrand. Il compare ses relations à celle du renard et du chat. Avec Bedos dans le rôle du chat qui griffe plus qu’il ne ronronne. En 1994, le président lui propose la Légion d’honneur sur sa réserve personnelle de croix. Bedos refuse à cause de cette amitié du passé qui ne passe pas avec René Bousquet. Dans une lettre adressée à Mitterrand, l’acteur écrit : «Je suis de ces clowns qui préfèrent le rouge qu’on met au nez plutôt que le rouge qu’on accroche à sa boutonnière.” Il paraît que la formule lui a bien plu. On ne s’est pas revus, puis il est mort. »
Dans son bureau que l’acteur surnomme son cimetière, il lui arrive de parler aux photos de ses amis d’une autre vie, les copains Desproges et Coluche, Jacques Prévert qui lui suggère d’écrire, Stéphane Hessel, Charlie Chaplin dont Bedos connaît bien les deux filles, sa grande sœur Simone Signoret et l’éternelle Sophie Daumier. « Je suis entouré de morts. » Une compagnie qui le rassure. La mort, même pas peur.
Après un demi-siècle de revues de presse à boxer sur scène les racismes et intégrismes de tous poils, Bedos doute parfois de l’utilité du bouffon mais quand « j’entends Marine Le Pen, je suis convaincu du rire de résistance ».
Résistance, le mot prend tout son sens, là-bas, en Algérie, chez lui, avant. Quarante ans après son départ en bateau, Bedos revient dans le pays de son enfance en 1988. À Alger, Constantine et Souk Ahras, les Algériens l’accueillent comme un enfant de la famille. « Tous me parlent de cette guerre que je n’ai pas faite. » L’enfant du pays porte un regard critique sur le régime de Bouteflika. « Ce n’est pas l’indépendance que j’espérais pour les Algériens. Mais en Algérie comme dans tant d’autres pays d’Orient, le peuple n’a le choix qu’entre une dictature militaire ou religieuse. C’est la peste ou le choléra. Les Algériens ne sont pas responsables du régime qui leur est imposé. » Lors de son pèlerinage, Bedos monte sur scène à Alger. Derrière le rideau, l’acteur observe les policiers en civil qui surveillent la salle comble. Ce soir-là, lui qui d’habitude ne pratique jamais l’autocensure pèse et nuance ses mots. « Je n’ai fait aucune allusion au régime de Bouteflika. Je me suis contenté de parler de la Tunisie plutôt que de l’­Algérie. Non par peur, je suis dans le mektoub, je n’ai peur de rien, mais pour préserver et protéger mon public algérien. Je ne souhaite pas que des spectateurs qui rient ou m’applaudissent trop fort aient ensuite des ennuis avec la police. » Un amour contrarié avec l’Algérie, la mère patrie, et avec une mère qui finit par lui dire je t’aime sur son lit de mort. Le « méditerranéen inguérissable qui fait du drôle avec du triste » se ressource régulièrement dans sa maison en Corse, son « Algérie de rechange ».
Depuis, Bedos a fait ses adieux au show politique à l’Olympia par peur du spectacle de trop. Rideau, vraiment ? Bedos, « le suicidaire qui s’attarde », compte bien s’attarder encore un peu pour mettre la plume dans la plaie. Ce n’est qu’un au revoir, mon frère, comme on dit là-bas.

CABU

« Avant l’Algérie, je pensais
que le monde était moins salaud »
Il se marre comme un sale môme pris la main dans le sac à Carambar. Cabu, qui ne portait pas encore sa fameuse coupe au bol et ses petites lunettes de myope qui croque pourtant le moindre détail de ses proies, s’en souvient comme de sa première mine de crayon.
Le 8 mars 1959, Jean Cabut, tout juste majeur à 21 ans, vote aux élections municipales de sa petite ville natale de Châlons-sur-Marne. Un double baptême électoral puisqu’il réussit à convaincre sa mère de voter comme lui, pour un candidat socialiste totalement inconnu dans le patelin, en lui faisant jurer de ne rien répéter au paternel. Car d’habitude, Madame Cabut vote comme Monsieur son mari. Un notable gaulliste, professeur respecté des Arts et Métiers qui considère les socialistes de la génération montante comme Michel Rocard et l’ambitieux François Mitterrand aux canines pas encore limées comme de dangereux gauchistes !
Au retour de l’isoloir, la mère de Cabu vend la mèche et les murs de la maisonnée s’en souviennent encore. « Notre père nous a flanqué une de ces roustes ! », s’amuse le gamin sans âge, comme si le temps de la vieillesse avait sauté une case, la sienne.
Né le 13 janvier 1938, fils aîné dans une famille où l’on ne parle ni politique ni argent ni religion à table, bref, rien qui ne fâche, le jeune Jean diagnostiqué « cancre sous-doué pour la parole » n’ose pas répondre au paternel qui ne cesse de lui répéter : « Si dessinateur était un vrai métier, ça se saurait ! »
Si Cabu étouffe en silence dans son petit milieu bourgeois conformiste, c’est à cause de l’Algérie.
En 1957, deux ans avant le coup de l’isoloir, Cabu n’a pas encore 20 ans mais il est « classé bon pour le service militaire » par le héros de son père : le général de Gaulle. Et on ne dit pas non au Général comme on ne dit pas non au père. Mobilisé comme des milliers d’autres jeunes appelés du contingent pour « servir la patrie », le fils du professeur rejoint le régiment des zouaves (ça ne s’invente pas) à Constantine en Algérie, alors département français.
Cabu est paumé dans une guerre à laquelle il ne comprend rien, dans un uniforme qu’il déteste déjà, avec la trouille au ventre et un fusil dont il ne se servira jamais. « Je n’ai jamais tué personn...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Titre
  4. Copyright
  5. Dédicace
  6. Prologue
  7. I. Les Enfants de la guerre et de l’Occupation
  8. II. Les Enfants de la colère et de la guerre d’Algérie
  9. III. Dans la famille des gauches…
  10. IV. Dans la famille « J’ai eu 20 ans en Mai 68 mais je me soigne »
  11. V. Dans la famille des droites etdes Ni-Ni
  12. VI. Dans la famille recomposée, décomposée d’aujourd’hui : quel bazar d’héritage ?
  13. Épilogue
  14. Remerciements
  15. Table des matières