
- 128 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
À propos de ce livre
« Le témoignage le plus important et le plus pénible du monde moderne est le témoignage de la dissolution, de la dislocation ou de la conflagration de la communauté », écrit Jean-Luc Nancy. Retracer le politique, alors, c'est rompre avec l'idée que « tout est politique ». C'est exiger du pouvoir qu'il renonce à mettre en œuvre la communauté comme une totalité et ménagea l'accès à d'autres sphères de l'existence.
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Informations
Sujet
PhilosophyIII
Le retrait du politique
Eu égard à leur portée ontologique, les analyses de Jean-Luc Nancy portant sur l’être-avec et le monde sont en fait les prolégomènes à toute pensée conséquente du retrait du politique. Une précaution tout d’abord : ce « retrait » n’est pas l’incitation à une retraite, l’invitation à privilégier des échappatoires vers des registres éthique, esthétique, voire religieux et parfois « social »113, ce qui a toujours pour effet de suspendre tout choix politique effectif. Il s’agit bien plutôt de retracer le politique, engageant ainsi une question d’essence, et de remarquer les limites du politique, de le délimiter, contestant ainsi l’idée, pour un temps centrale, selon laquelle « tout est politique ».
Problématique « communauté »
La mémoire politique de l’Occident a toujours été référée avec insistance à cette réalité historique – et sans doute en partie fantasmée – que fut la polis (la « cité ») grecque, le lieu de vie par excellence de cet existant singulier qu’est l’homme. Un des textes canoniques, cité à l’envi par les penseurs du politique, se trouve au chapitre premier de la Politique d’Aristote114 : l’homme est défini comme un « animal politique » dans la mesure où la nature, qui ne fait rien « en vain », l’a doté, lui seul parmi tous les vivants, du logos, lui permettant ainsi d’exprimer l’utile et le nuisible et, « par suite aussi », le juste et l’injuste. Seul l’homme, précise le Stagirite, a le « sentiment » du bien et du mal, du juste et de l’injuste. Or c’est la communauté (koinônia) de ces sentiments qui « fait » la famille (oikia ; on pourrait dire la « maisonnée ») et la polis.
Il y a là un problème, pointé par Jean-Luc Nancy. On peut remarquer d’abord qu’« exprimer » des sentiments, ce n’est pas ipso facto savoir quel est leur sens ; c’est pourtant sur leur partage que repose la koinônia. La situation est d’autant plus complexe qu’Aristote, un peu plus avant dans son texte, définit la vertu « politique » de justice comme le « jugement » (krisis) de ce qui est juste, assurant ainsi l’ordre (taxis) de la communauté politique. On hésite à comprendre le rapport entre le jugement du juste et le « sentiment » du juste, sauf à considérer que le sentiment puisse être critère de jugement. Cette difficulté n’est pas sans conséquence sur la constitution d’un ordre politique – notamment un ordre dont le sens n’est pas, ou n’est plus donné. On peut y voir une incitation à dissocier polis de koinônia, la cité de la communauté. Jean-Luc Nancy adopte une approche plus originale, appelant à revenir sur l’être-ensemble dont relève la koinônia : « La communauté excède de toutes parts la politique. Elle est de l’ordre de l’être-ensemble qui précède toute espèce d’association ou de rassemblement. » Et il précise : la structure discontinue de l’avec « n’est autre que la structure de l’être »115.
Comment dans ces conditions penser le politique ?
Qu’il s’agisse, chez Aristote, du logos qui permet la communication et la quête du bien commun ou, de manière très différente, chez Platon, du « logos de l’architecture que tous habiteraient »116, polis et logos, politique et philosophie sont consubstantiellement liées, ayant au moins en partage le paradigme principiel, dont l’enjeu est à la fois le principe et le principat. Or si polis et logos sont ébranlés dans leur fondement, reste à savoir quelle est la place de la politique, « sa juste place qui n’est ni “tout” ni “rien” ». Il faut donc faire droit à un écart « entre sphère politique et autres sphères de l’existence “en commun” (qui est toute l’existence, toute mais pas comme un tout) ». Et pour commencer il faut s’entendre sur le mot problématique de « communauté ».
Ce mot, porteur peut-être d’une histoire aussi vieille que celle de l’Occident, désigne aussi, pour Jean-Luc Nancy, une place vide de notre lexique. La difficulté est qu’il nous manque un mot, et « là où il manque un mot, il y a un problème »117. L’embarras tient justement au fait que ce vide a été saturé par une signification censée répondre à la requête du sens : « Toute puissance et toute présence, c’est toujours ce que l’on requiert de la communauté ou ce que l’on va chercher en elle : souveraineté et intimité, présence à soi sans faille et sans dehors. On veut l’“esprit” d’un “peuple” ou l’“âme” d’une assemblée de “fidèles”, on veut l’“identité” d’un “sujet” ou sa propriété. »118 Toute la demande (de la) métaphysique et (de la) politique est ici rassemblée, dans ce texte rédigé en octobre 2001, peu de temps donc après le 11-Septembre, moment d’affrontement de l’avers et de l’envers d’une même obsession de l’Un, le même dieu invoqué par les terroristes (Allahu `akbar) et réduit à un nom sur des billets de banque (In God we trust). Nous ne sommes pas en présence d’une confrontation des civilisations, comme on a pu le croire, mais d’une civilisation, affrontée à sa propre béance, à une « guerre civile », qui se confond avec l’exacerbation de la pulsion de mort : la « mondialisation » (ou « globalisation »), en un mot.
La notion de communauté tient une place centrale dans l’œuvre de Jean-Luc Nancy. Le travail engagé dans La Communauté désœuvrée s’est poursuivi dans La Comparution et Être singulier pluriel. On pourrait s’étonner de la place prise par ce concept dans sa pensée, compte tenu de l’équivocité et de la charge affective de ce terme. C’est pourquoi son ouvrage La Communauté affrontée nous est précieux pour comprendre son cheminement et ce qui est cristallisé dans ce mot d’abord retenu puis mis à distance. La réception même du livre, sur ce dernier point, est riche d’enseignements : sa traduction en Allemagne, en 1988, fut traitée de nazie par un journal gauchiste de Berlin (Gemeinschaft entrant en résonance, pour les rédacteurs, avec la Volksgemeinschaft nazie), tandis qu’en 1999, dans un autre journal de Berlin, issu de l’ex-RDA, le livre était abordé sous le titre « Retour du communisme »119.
Toute l’aventure, ou la mésaventure instructive, a commencé par un thème de réflexion proposé par Jean-Christophe Bailly, en 1983, en vue d’un numéro de la revue Alea : « La communauté, le nombre ». L’attention de Jean-Luc Nancy fut immédiatement retenue par les deux foyers de cette « ellipse parfaitement réussie » : qu’en est-il de la communauté ? Peut-on encore envisager un projet « communiste », communautaire ou communiel ? Quelle ontologie pour penser le commun ? Quant à l’idée de « nombre », elle invite à considérer comment elle reprend et déplace celles de « masse » ou de « foule ». Nous savons comment les fascismes ont mis en forme, en œuvre, comment ils ont conformé les « masses » tandis que les communismes organisaient les « classes ». Qu’en est-il de la démocratie face à cette prolifération de la population mondiale qui rappelle comme toujours que le quantitatif a nécessairement un corollaire qualitatif ?
À ce moment et dans ce contexte, ce que cherchait Jean-Luc Nancy était une « passe » entre deux tentatives historiques, politiquement présentées comme antagonistes mais également décevantes dans leur conception du commun, du lien social. Il était en quête d’une « ressource inédite échappant au fascisme et au communisme tout autant qu’à l’individualisme démocrate ou républicain ». Porté par ce souci, il s’est tourné alors vers Georges Bataille car il pensait y trouver une aide pour peser ce que serait une position non spontanément politique de ce problème : « En avant ou en retrait du “politique”, il y avait ceci, qu’il y a du “commun”, de l’“ensemble” et du “nombreux”, et que nous ne savons peut-être plus du tout comment penser cet ordre du réel. »120
Georges Bataille, dont la pensée est issue d’une exigence et d’une inquiétude politiques, témoigne d’« une expérience cruciale du destin moderne de la communauté »121. Après avoir connu l’épreuve du communisme « trahi », il subit pour un temps et comme beaucoup d’autres intellectuels de cette époque122, la fascination du fascisme. Mais rapidement il prit conscience de ce que « la nostalgie d’un être communiel était en même temps désir d’une œuvre de mort »123, comprenant que la communauté n’est ni une œuvre à produire ni une communion perdue et qu’il fallait rompre avec la hantise de l’immanence, de celle de l’homme ou d’une communauté des hommes capable d’effectuer sa propre essence qui est elle-même l’accomplissement, l’appropriation et la présentation de l’essence de l’homme. Ce sens aigu de l’impossibilité de l’immanence absolue (ou, dit Jean-Luc Nancy, de l’absolu, donc de l’immanence) s’éprouve comme « extase » (le ex- de l’ex-tase est celui de l’ex-istence) dont la leçon ultime, souvent rappelée par Jean-Luc Nancy, est ainsi énoncée : « La souveraineté n’est RIEN. »
Pour saisir la teneur d’une telle formule, on peut la laisser contaminer un autre motif central de la philosophie et de la politique, celui de l’« auto- » (de l’à soi, par soi, pour soi) : « La forme de vie qui a vieilli est celle de l’autonomie. Autonomie du principe, autocratie du choix et de la décision, autogestion de l’identique, autoproduction de la valeur, du signe et de l’image, autoréférence du discours, tout cela est usé, épuisé… »124
Cette défaillance de notre monde, son « échec immense », « nous pouvons le savo...
Table des matières
- Couverture
- Quatrième de couverture
- Page de copyright
- Introduction
- I - L'être-avec
- II - Un monde « dé-mondé »
- III - Le retrait du politique
- Conclusion
- Bibliographie