Un mensonge d'Etat ? L'imposture sécuritaire.
eBook - ePub

Un mensonge d'Etat ? L'imposture sécuritaire.

L'imposture sécuritaire - Le livre noir de la délinquance

  1. 304 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub

Un mensonge d'Etat ? L'imposture sécuritaire.

L'imposture sécuritaire - Le livre noir de la délinquance

À propos de ce livre

Depuis dix ans, la lutte contre la délinquance est marquée par l'empreinte de celui qui en a fait, sinon son combat, au moins sa marque de fabrique. Avec une précision chirurgicale, Jean-François Impini révèle comment les statistiques ont été impunément dévoyées.

Foire aux questions

Oui, vous pouvez résilier à tout moment à partir de l'onglet Abonnement dans les paramètres de votre compte sur le site Web de Perlego. Votre abonnement restera actif jusqu'à la fin de votre période de facturation actuelle. Découvrez comment résilier votre abonnement.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptés aux mobiles peuvent être téléchargés via l'application. La plupart de nos PDF sont également disponibles en téléchargement et les autres seront téléchargeables très prochainement. Découvrez-en plus ici.
Perlego propose deux forfaits: Essentiel et Intégral
  • Essentiel est idéal pour les apprenants et professionnels qui aiment explorer un large éventail de sujets. Accédez à la Bibliothèque Essentielle avec plus de 800 000 titres fiables et best-sellers en business, développement personnel et sciences humaines. Comprend un temps de lecture illimité et une voix standard pour la fonction Écouter.
  • Intégral: Parfait pour les apprenants avancés et les chercheurs qui ont besoin d’un accès complet et sans restriction. Débloquez plus de 1,4 million de livres dans des centaines de sujets, y compris des titres académiques et spécialisés. Le forfait Intégral inclut également des fonctionnalités avancées comme la fonctionnalité Écouter Premium et Research Assistant.
Les deux forfaits sont disponibles avec des cycles de facturation mensuelle, de 4 mois ou annuelle.
Nous sommes un service d'abonnement à des ouvrages universitaires en ligne, où vous pouvez accéder à toute une bibliothèque pour un prix inférieur à celui d'un seul livre par mois. Avec plus d'un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu'il vous faut ! Découvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l'écouter. L'outil Écouter lit le texte à haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l'accélérer ou le ralentir. Découvrez-en plus ici.
Oui ! Vous pouvez utiliser l’application Perlego sur appareils iOS et Android pour lire à tout moment, n’importe où — même hors ligne. Parfait pour les trajets ou quand vous êtes en déplacement.
Veuillez noter que nous ne pouvons pas prendre en charge les appareils fonctionnant sous iOS 13 ou Android 7 ou versions antérieures. En savoir plus sur l’utilisation de l’application.
Oui, vous pouvez accéder à Un mensonge d'Etat ? L'imposture sécuritaire. par Jean-François Impini en format PDF et/ou ePUB ainsi qu'à d'autres livres populaires dans Sciences sociales et Sociologie. Nous disposons de plus d'un million d'ouvrages à découvrir dans notre catalogue.

Informations

CHAPITRE 1

L’ÉTAT 4001

Bien que cela soit plutôt rébarbatif, et inévitablement assez technique, impossible donc de comprendre les manipulations subies par la mesure de la délinquance sans décortiquer le document qui assure cette mesure : l’état 4001. Car cette manipulation ne passe évidemment pas par le simple changement d’un chiffre par un autre. Un procédé aussi grossier serait trop facilement décelable, et aurait même toutes les chances d’être discrètement rapporté à la presse par un fonctionnaire ne l’approuvant pas. Plutôt que de risquer une telle dénonciation politiquement contre-productive, il a donc été privilégié un système permettant d’infléchir les chiffres de façon indirecte, en agissant sur ceux qui les saisissent. Pour être comprise, cette technique d’inflexion de la réalité nécessite de déchiffrer l’architecture de l’état 4001 ainsi que la façon dont il est alimenté. Étant à la base des calculs sur la délinquance et sur l’efficacité policière, les rubriques « faits constatés » et « faits élucidés » seront celles qui retiendront le plus longuement notre attention, mais permettons-nous tout d’abord un rapide tour d’horizon du document.

1. Vue générale de l'état 4001

L’état 4001 – donc de son véritable nom « état statistique 4001 de la délinquance en France » – est établi depuis 1972, mensuellement, au ministère de l’Intérieur sous la responsabilité de la Direction centrale de la police judiciaire10 (DCPJ), à partir des données fournies à leur direction générale par environ 7 000 unités de terrain de la police et de la gendarmerie.
L’état 4001 est alimenté selon des règles très précises rassemblées dans un guide de méthodologie statistique qui est à la disposition de tous les gendarmes et policiers. Ces règles impartissent de comptabiliser « les crimes et les délits, commis ou tentés, portés pour la première fois à la connaissance de la police et de la gendarmerie et consignés dans toute procédure transmise à l’autorité judiciaire11 ». Cette méthodologie, sur laquelle nous reviendrons, fixe également les règles générales et particulières qui indiquent très précisément aux enquêteurs comment comptabiliser les infractions.
Depuis 1972, la statistique 4001 a connu, en 1988, 1995, 2003 et 2007, les remaniements nécessaires pour prendre en compte les évolutions des modes d’action criminels et du code pénal. En 1995, par exemple, il s’agissait d’absorber la réforme du « nouveau code pénal » de 1994. C’est d’ailleurs à cette occasion que quatre des 107 index composant l’état 4001 initial sont devenus « non utilisés »12 et que la délinquance ne s’enregistre et ne s’analyse plus que selon 103 index, même si on continue fréquemment à parler, de façon donc erronée, de 107 index. En 2003 et 2007, ce sont les infractions créées par la Loi pour la sécurité intérieure13 de mars 2003 (LSI) qui ont été intégrées dans le comptage statistique avec la création de « codes LSI » spécifiques. En revanche, aucun remaniement n’a été apporté depuis 1972 pour actualiser les principes et les modalités générales de l’alimentation statistique, même si les possibilités techniques ouvertes par les progrès de l’informatique ouvraient la porte à d’énormes possibilités dans ce domaine.
L’état 4001 a ainsi vu le jour à une période charnière, héritier d’une culture statistique d’un autre âge à l’heure même où l’ordinateur et les nouveaux moyens de communication amorçaient leur percée technologique. Dans ce contexte, c’est donc une litote de dire qu’il a très vite présenté un caractère vieillot et artisanal. Et c’en est une autre de constater qu’il est aujourd’hui très en deçà des possibilités modernes de comptage, de traitement et d’analyse de l’information. Cet archaïsme, dont découlent une bonne part des défauts et des limites sur lesquelles nous allons revenir, saute d’ailleurs aux yeux dès que l’on découvre la forme totalement figée sous laquelle se présente l’état 4001. L’extrait ci-dessous, tiré du tableau de l’année 2009, permet de se faire une idée de cet archaïsme14.
Par colonne, on trouve successivement :
– le numéro et l’intitulé des 103 index (ainsi que les 4 index inutilisés), puis pour chaque index ;
– le nombre de faits constatés ;
– le nombre de faits élucidés ;
– le nombre de personnes ayant été gardées à vue au cours des enquêtes judiciaires ;
– le nombre de personnes mises en cause dans le cadre de ces enquêtes ;
– pour ces personnes mises en cause, le nombre de Français et d’étrangers, puis d’hommes et de femmes en distinguant pour chaque sexe les mineurs des majeurs.
Un examen détaillé du contenu de chacune de ces colonnes livre une meilleure compréhension de la nature des faits comptabilisés et de la manière dont s’opère cette comptabilisation.

2. Nature des faits comptabilisés et répartition selon les 103 index

La nomenclature des infractions établie par le ministère de la Justice, dite table NATINF15, comptait récemment plus de 2 200 codes, et ce chiffre est en constante augmentation. Le principe en est simple : à chaque incrimination pénalement réprimée correspond une référence propre. Le niveau de précision de cette table NATINF est indispensable dans les tribunaux où il ne saurait être question d’affecter à un dossier – donc à un justiciable et à une victime – le code d’une infraction ne correspondant pas exactement aux faits commis. Avec cet avantage qu’une nomenclature aussi détaillée permet de disséquer statistiquement la délinquance avec une netteté inégalable. Naturellement, le niveau de détail n’est pas le même quand la focale passe brutalement de 2 200 à 103 maigres index.
images1
État 4001 année 2009 (extrait) (Source : DCPJ).
images2
Bien sûr, cette différence de focale peut être expliquée par des raisons techniques ayant amené chacun des deux ministères à opérer des choix différents. Mais il est par ailleurs avéré que la police nationale n’a jamais eu pour souci d’assurer la précision et la fiabilité de ses systèmes d’information judiciaire, comme en témoigne par exemple le taux d’erreur ahurissant que dénonce régulièrement la CNIL16 à propos du fichier STIC17. En matière statistique, toutes les causes techniques doivent en outre s’effacer devant celle que nous venons d’évoquer : au fil du temps, l’objectif de l’état 4001 est bien plus devenu de noyer le poisson que de s’assurer de sa taille ou de sa variété.
Au ministère de l’Intérieur coexistent d’ailleurs deux situations bien différentes selon que l’on regarde la police ou la gendarmerie. Pour la codification statistique de l’infraction, les policiers se réfèrent en effet directement à l’un des 103 index de l’état 4001. La gendarmerie en revanche, alors qu’elle était encore rattachée au ministère de la Défense, avait choisi de s’aligner le plus tôt possible avec la codification NATINF du ministère de la Justice puisque cette codification était plus détaillée, permettait des analyses plus pertinentes et avait finalement vocation à devenir la référence unique en la matière. Le logiciel de rédaction de procédure de la gendarmerie permet donc depuis des années aux gendarmes d’affecter à une infraction son code NATINF dès le dépôt de plainte. Une telle avance technique est évidemment incompatible avec l’obsolescence du système du ministère de l’Intérieur. Aussi, pour harmoniser ses données avec celles de la police nationale, la gendarmerie a-t-elle dû alourdir son système d’une étape informatique supplémentaire pour assurer la correspondance entre le code NATINF et la nomenclature 4001. Un exemple sans doute rare où une institution se trouve en demeure d’appauvrir délibérément l’information dont elle dispose !
En tout état de cause, ce changement de focale consistant à classer les 2 200 infractions pénales existantes en seulement 103 index résulte de la combinaison de cinq cas de figure différents pour la prise en compte d’une infraction dans le système statistique 4001.
– Cas n° 1 : à 1 infraction correspond 1 index unique
images3
Dans ce cas, un index correspond à une infraction précise et à une seule. Ainsi par exemple de l’index n° 54 « non-versement de pension alimentaire » qui assure la correspondance exacte avec l’article 227-3 du code pénal18, ou l’index n° 57 « usage de stupéfiants » qui correspond précisément à l’art. L3421-1 du code de la santé publique. Si l’état 4001 n’avait retenu que ce cas de figure, il compterait évidemment autant d’index que la table NATINF. Mais nous avons vu que cette option n’a pas été retenue : la disproportion entre les 2 200 index NATINF et les 103 index de l’état 4001 nous indique au contraire que ce premier cas de figure est relativement rare.
– Cas n° 2 : à 1 infraction correspondent plusieurs index
images4
Dans ce second cas, une même infraction au regard du code pénal pourra être codifiée statistiquement de façon différente selon un critère qui ne figure pas dans le code pénal. Le choix de l’index est alors généralement dicté par les particularités des circonstances de la commission de l’infraction. Ainsi, les vols sont déclinés sur presque une trentaine d’index, du n° 15 au n° 43, selon des différences de mode opératoire entre lesquelles le code pénal ne fait pas toujours de distinction. C’est par exemple le cas pour les vols d’automobiles, qui sont des vols simples au regard du code pénal19 et qui pourraient relever à ce titre de l’index n° 43 « vols simples » mais qui disposent d’un index spécifique (index n° 35 « vols d’automobiles ») dans l’état 4001. Il en va de même pour les index n° 37 « vols à la roulotte20 », n° 28 « cambriolages de résidences secondaires », n° 25 « vols violents sans arme contre des femmes sur voie publique ou autre lieu public », etc., qui sont autant d’infractions non visées en tant que telles par le code pénal. C’est donc au fonctionnaire qui enregistre la plainte de déterminer, avec l’aide du guide de méthodologie statistique, l’index adéquat en fonction des faits qui lui sont soumis.
Ce cas de figure, où l’état 4001 fournit un degré de précision supérieur à celui des incriminations pénales, répond à une volonté ponctuelle du ministère de l’Intérieur de disposer d’une vision statistique relativement précise pour certaines infractions. Il illustre en tout cas parfaitement que l’état 4001 pourrait tout à fait offrir, pour peu qu’on le lui demande, une vision fine de la délinquance bien au-delà des 103 pauvres rubriques dans lesquelles on le confine depuis plusieurs décennies.
– Cas n° 3 : plusieurs infractions différentes sont regroupées dans 1 seul index
images5
Dans ce cas, un même index va fédérer plusieurs infractions prévues séparément par la loi. Ainsi par exemple de l’index 53 « délits au sujet de la garde des mineurs » qui regroupe toutes les atteintes à l’exercice de l’autorité parentale (art. 227-5 et s. CP). Inévitablement, cette codification par regroupement empêche ensuite toute distinction statistique entre les multiples infractions agrégées au sein d’un même index, même si ces infractions recouvrent parfois des comportements délictuels aux caractéristiques très différentes. Autre exemple avec les index n° 79 »environnement » ...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Titre
  4. Copyright
  5. Dédicace
  6. Sommaire
  7. Prologue
  8. 1re partie - L’outil de mesure de la délinquance
  9. Chapitre 1 - L’état 4001
  10. Chapitre 2 - Limites de l'état 4001
  11. 2e partie - Les outils de manipulation de la statistique
  12. Chapitre 3 - La manipulation des statistiques de l'état 4001
  13. Chapitre 4 - L’observatoire national de la délinquance et des réponses pénales
  14. 3e partie - Le mensonge des chiffres
  15. Chapitre 5 - La sous-estimation de la délinquance
  16. Chapitre 6 - La surestimation du taux d'élucidation
  17. 4e partie - Détourner l'attention du public
  18. Chapitre 7 - Police technique et scientifique : un mirage soigneusement entretenu
  19. Chapitre 8 - Homicides et assassinats : un voile pudique sur les affaires non élucidées
  20. Épilogue
  21. Annexes
  22. Glossaire
  23. Bibliographie