Voile intégral en France
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Voile intégral en France

Sociologie d'un paradoxe

  1. 256 pages
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Voile intégral en France

Sociologie d'un paradoxe

À propos de ce livre

De´bute´e en 2008, cette enque^te sociologique sur le « voile inte´gral » est une premie`re en France. Qu'est-ce que le niqa^b? Son usage est-il prescrit par la religion musulmane? Qui sont les femmes qui l'adoptent? Sont-elles re´ellement manipule´es? Quels facteurs sociaux et individuels motivent cette pratique qui de´chai^ne toutes les passions en Occident? Pour le savoir, Maryam Borghe´e s'est entretenue avec une trentaine de fide`les, dont une majorite´ de converties.

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Informations

Chapitre 1
Le caractère islamique du voile intégral

« Dans les Ier et IIe siècles de l’Hégire, le “nikab” et le “bourkou” furent introduits dans les mœurs. Ce sont deux voiles dont l’objet propre est de cacher le visage […] cette mode bien musulmane et qui devient d’un usage presque général, comme on peut le remarquer avec Dozy, eut même quelque succès parmi les chrétiens de Sicile, au VIe siècle de l’Hégire. »
Mansour Fahmy,
La Condition de la femme dans l’islam.

Les fondements canoniques

Divergences sur la partie du visage

En France, les femmes qui portent un voile intégral affirment observer une pratique islamique qu’elles ont librement choisie. En vertu de leurs déclarations, notre hypothèse de départ était la suivante : si des musulmanes déclarent porter un niqâb dans un souci religieux, c’est qu’il existe probablement un rapport de causalité, du moins une continuité, entre cet usage et l’islam. Le sociologue Mansour Fahmy, dans une analyse philologique de l’histoire du voile, s’appuie sur une série d’archives et ne rapporte pas moins d’une vingtaine de récits de voyage où il est question de femmes de confession musulmane aux visages recouverts par différents tissus. Au sein de sociétés nomades et sédentaires, en Afrique du Nord, en Egypte, en Syrie, en Turquie, en passant par Shiraz, Djeddah et Médine. (Il cite les carnets de voyages et les correspondances de Pococke, Dozy, Wittman, Turner, Lane, Le Comte de Chabrol, van Ghistele, Belon, Copin, Hellfrich, Roger et d’autres). Du point de vue des us et coutumes, le niqâb et la burqa sont séculaires, mais qu’en est-il de leurs fondements proprement religieux ? Existe-t-il un rapport entre le voile intégral, le Coran et la Sunna1 ? Que dit la jurisprudence islamique (fiqh) à ce propos2 ?
En droit musulman, il y a un consensus sur le caractère obligatoire d’un hijâb censé recouvrir le corps et la tête, excepté le visage et les mains. Selon les oulémas, toute femme pubère doit cacher ses cheveux à l’extérieur de chez elle, étant donné que les épouses du Prophète et de ses compagnons se sont couvertes des pieds à la tête, notamment pour signifier leur statut3. Ce consensus n’est pas établi sur la question du voile intégral, car un débat herméneutique et juridique persiste sur l’étendue de la ‘awra (nudité) chez une croyante. En islam, la discussion touche trois parties du corps féminin : les pieds, les mains et le visage. Nous verrons plus loin que, pour certains spécialistes en jurisprudence, le visage fait partie intégrante de ce que les femmes doivent dissimuler à la vue d’hommes étrangers au noyau familial. Comme l’écrit Éric Chaumont4, le nœud de la divergence éthico-légale concernant la question du voile touche donc à des problématiques bien précises : quelle est l’étendue de la ‘awra chez une croyante ? Le visage fait-il partie de cette zone de pudeur qu’il faudrait mettre à l’abri des regards potentiellement concupiscents ? Le voile facial est-il une prescription de l’islam ?
Il existe différents degrés de nécessité dans le caractère prescriptif d’une norme islamique et plusieurs niveaux d’exigence au sein des règles qui régissent la pratique religieuse. D’abord, la « prescription » en islam possède un sens distinct de celui que l’on emploie en droit positif français. En islam, il recouvre un ensemble de règles qui vont de la simple indication à l’obligation ferme en passant par la recommandation. « Ce classement est établi en fonction de la sanction ou de la récompense auxquelles le croyant s’expose, selon qu’il accomplit, ou non, l’acte en question5. » Ensuite, il semblerait que l’avis prépondérant de chaque école de jurisprudence n’accorde pas au niqâb un caractère obligatoire ; il est donc permis – mubah – de ne pas le porter. Ce jugement repose sur l’interprétation des versets coraniques relatifs au voile6 et sur un nombre important de sources islamiques traditionnelles.
Selon un hadîth7, le Prophète aurait dit à la fille d’Abu Bakr : « Ô Asma, quand la femme atteint la puberté il n’est pas autorisé de voir d’elle son corps à l’exception de ceci et cela, et il montra les mains et le visage8. »
Shîrâzî9 écrit : « La nécessité veut que l’on montre le visage pour vendre et acheter et que l’on montre la main pour prendre et donner10. »
Un juriste contemporain défend la même idée : « Les parties intimes de la femme sont tout son corps sauf le visage et les mains […] pour la nécessité des relations sociales et des échanges. […] On les a autorisées à découvrir ce qu’on a pris l’habitude de découvrir ou ce qu’il faut découvrir par nécessité. C’est que la législation islamique a été droite et tolérante11. »
À l’inverse, dans les écoles méthodologiques, une fraction de juristes considère le niqâb comme une prescription conseillée (sunna mustahâb), une autre comme une prescription fortement recommandée (sunna mu’akkadah), une troisième comme une pratique obligatoire (fard ou wâjib). À ce titre, le hanbalisme12 est habituellement présenté comme l’école la plus rigoriste, favorable au caractère obligatoire du niqâb. Or il n’est pas possible de confirmer cette assertion sans entreprendre un sérieux travail philologique et islamologique. De même, le salafisme en tant que mouvement réformateur d’obédience hanbalite, « pur esprit sunnite, refusant de composer avec l’altération des normes13 », n’a pas une vision monolithique de cette pratique : la figure centrale du courant salafiste contemporain, Nasir al-Din al-Albani14, stipule qu’Ahmad ibn Hanbal et ses partisans n’étaient pas favorables à un jugement sévère sur la question ; dans un ouvrage critique intitulé Al-Râdd al-moufhim, il en a fait la démonstration détaillée15.
En réalité, pour les défenseurs du niqâb, la signification des versets relatifs au voile va dans le sens d’un dérobement complet et du corps et de la physionomie dans l’espace public. À ce titre, la traduction d’Albert Kasimirski des versets du chapitre al-Ahzâb est plutôt inattendue : « Ô Prophète ! Prescris à tes épouses, à tes filles et aux femmes des croyants d’abaisser un voile sur leur visage, il sera la marque de leur vertu et un frein contre les propos des hommes16. » L’orientaliste choisit donc de définir précisément l’objet de la prescription – alors que le mot « visage » (wajh) n’apparaît nulle part dans ces versets. Selon les partisans du voile intégral, l’injonction coranique vise justement à cacher tout ce qui peut être vu, à l’exception de ce qui apparaît inévitablement, tel que le volume du corps ou le tissu du vêtement. D’après cette lecture, l’ensemble du corps féminin serait ‘awra, y compris le visage et les mains. Hormis le Coran, les textes sur lesquels se fonde cette interprétation reposent principalement sur des éléments de la Sunna, la tradition prophétique.

Textes invoqués en faveur du niqâb

Le clergé saoudien considère le port du niqâb comme une pratique obligatoire. Parmi ses oulémas, certains ont une influence transnationale : ‘Omar ibn ‘Abd al-Aziz ibn Ben Baz17 ; Mohammed ibn Sâlih al-’Utheymin18 ; Sâlih al-Fawzen19 ; ‘Abdel Muhsin al-’Abbâd ; Rabi’i al-Madkhâli ; le Yéménite ibn Hâdi al-Wâdi’iyya Muqbil, et alii. La fille de ce dernier, la prédicatrice Umm’Abdillah al-Wadi’iyya20, écrit à propos de la femme musulmane : « Son Seigneur sait parfaitement où se trouve son intérêt, c’est pourquoi Il lui a imposé de porter le voile […] car la femme chaste se distingue de la débauchée par son voile […] il est malheureux de voir des femmes porter le voile tout en découvrant mains, pieds et yeux. Or ceci est un chemin menant aux troubles. » Notons que la diffusion des préceptes du salafisme et de l’obligation de porter le niqâb se fait en grande partie par le prosélytisme qui opère sur Internet. Les fidèles possèdent d’ailleurs presque toutes une vidéo où Mohammed ibn Sâlih al-’Utheymin s’exprime en ces termes :
« – Il est établi que la femme doit se couvrir le visage. Est-ce que cette loi doit être appliquée telle quelle en pays non musulman, sachant que cela lui occasionne des problèmes ?
– Oui, oui ! Elle doit se couvrir le visage parce que les pays d’islam ou autres sont au même rang par rapport à la loi de Dieu ! Même si elle est gênée par les regards des autres, elle doit être endurante. Elle doit attendre en contrepartie une rétribution de la part de Dieu. Et Dieu défend ceux qui croient. Il m’a été rapporté de certaines personnes que leurs épouses et les femmes qui les accompagnent se couvrent le visage sans que quiconque ne les inquiète. Cependant cela peut varier d’un pays à l’autre. En tout état de cause, il faut appliquer les lois que Dieu a fait descendre en pays non musulman et en pays musulman. »
Voyons à présent quelques motifs traditionnels, non exhaustifs, invoqués en faveur du niqâb, sans nous intéresser au degré d’authenticité des textes. Le problème de la traduction se pose également, et nécessite une vaste réflexion que nous ne pouvons mener ici. Dans tous les cas, ces sources canoniques sont interprétées comme des preuves irréfutables et diffusées comme telles, justifiant tantôt la légitimité, tantôt l’obligation du port du voile facial pour l’ensemble des musulmanes.
D’après un hadîth, le Prophète aurait dit : « La femme en état de sacralisation [durant la période du pèlerinage] ne doit ni se voiler le visage ni porter de gants21. »
Le Prophète aurait dit également : « La femme – tout entière – est nudité (‘awra)22. »
D’après un hadîth, une des épouses du Prophète, Aïcha, aurait dit : « Alors que j’étais ainsi assise, je fus gagnée par le sommeil et m’endormis. Pendant ce temps, Safwân ibn al-Mu’attal, qui restait en retrait par rapport à l’armée, s’était mis en route dans la dernière partie de la nuit. Il arriva près de l’endroit où je me trouvais au petit matin. Il vit une forme humaine allongée et s’approcha. Il me reconnut car il avait vu mon visage avant l’obligation du voile sur celui-ci. […] Je cachai alors immédiatement mon visage par le moyen de mon voile23. »
Aïcha aurait dit aussi : « Lorsque nous étions avec le Messager d’Allah, en état de sacralisation, des cavaliers passaient devant nous. Dès qu’ils arrivaient à notre hauteur, nous prenions le pan de notre tunique au-dessus de la tête pour le rabattre sur notre visage. Et une fois qu’ils étaient passés, nous pouvions découvrir notre visage24. »
Ibn Kathîr, interprétant le verset 59 de la sourate al-Ahzâb, écrit dans son exégèse : « Dieu commande à Son Envoyé d’ordonner aux femmes croyantes, en particulier ses épouses et ses filles, pour leur noblesse, de revêtir leurs mantes pour qu’elles se distinguent des femmes païennes. » Pour étayer sa thèse, il cite ibn Abbas qui aurait dit : « Dieu ordonne aux femmes des croyants, quand elles sortent de chez elles pour un besoin, de couvrir leur visage par-dessus leur tête avec les mantes, et de ne montrer qu’un œi...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Copyright
  4. Titre
  5. Dédicace
  6. Préface
  7. Prologue - Une journée avec des femmes en noir
  8. Introduction
  9. Chapitre 1 - Le caractère islamique du voile intégral
  10. Chapitre 2 - Qui sont-elles ? Caractéristiques sociologiques des « niqabistes »
  11. Chapitre 3 - Généalogie des facteurs sociaux : les causes structurelles d’une pratique
  12. Chapitre 4 - Le port du voile intégral au regard de l’altérité
  13. Chapitre 5 - Le voile total et ses symbolismes : interface du sacré
  14. Conclusion
  15. Annexe - Audition de Mme Ismahane Chouder et de Mme Monique Crinon, du Collectif des féministes pour l’égalité1
  16. Glossaire
  17. Bibliographie