
- 176 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
La France en panne d'envie
À propos de ce livre
Parmi les Européens, les Français sont les moins heureux au travail. Traquant sans langue de bois les failles de nos chefs d'entreprise et de leur culture de management, Jean-Michel Hieaux se livre à un réquisitoire sévère mais juste contre un modèle français qui arrive à l'épuisement. (M.Olivier Bas est l'auteur du chapitre "La fin des perroquets".)
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Informations
Sujet
Sciences socialesSujet
SociologieMARTIN BOUYGUES : 1,
LUC VIGNERON : 0
1994, ce n’est pas si loin, mais on a oublié : en matière de téléphonie mobile, la France en était encore à la préhistoire. Deux opérateurs se partageaient le marché : Itineris, l’actuel Orange, filiale du tout-puissant France Telecom et SFR, déjà son challenger. Moins de 2 % des Français étaient équipés. Avec eux, accéder au téléphone mobile tenait tout à la fois de la gageure et de la galère. Produit de luxe réservé à une poignée de privilégiés, il fallait des semaines d’attente pour y avoir droit. Son usage coûtait une fortune et il fonctionnait quand il le voulait bien. Les coupures étaient fréquentes et la qualité de transmission déplorable.
1994, donc, l’État décide d’en finir avec cet anachronisme. Il met sur le marché une troisième fréquence et lance un appel d’offres. Trois groupes se portent candidats : Alcatel, qui connaît bien le secteur puisqu’il figure parmi les grands équipementiers de réseaux, la Lyonnaise des eaux, que son expérience dans le câble avait préparée et… le groupe Bouygues.
Sur ce dernier, on se gaussa. Que venait faire dans les télécoms ce spécialiste du bâtiment et des travaux publics, dirigé qui plus est par un brave garçon sans envergure, un héritier « faute de mieux », un patron dont le seul titre de gloire était d’avoir lancé les Maisons de maçon ? Il y avait de quoi rire et si les trois partirent ensemble, les deux premiers avaient la fleur au fusil, certains de laminer le troisième.
Le cahier des charges était particulièrement copieux et exigeant. Il fallait prouver son savoir-faire technologique et garantir tant le succès que la qualité. La montée en puissance serait, elle aussi, notée (l’ensemble du territoire devrait être couvert en l’an 2000), ainsi que la capacité à créer des emplois.
Bouygues s’attelle donc à la tâche. Le groupe dispose de trois qualités incontestables : une époustouflante équipe d’ingénieurs de très haut niveau, une capacité à monter des équipes-projets d’une rare efficacité qui lui permet depuis des années de remporter d’énormes marchés sur toute la planète, et le fameux esprit Bouygues, façonné par Francis, le fondateur, et cultivé depuis comme un bien aussi précieux qu’unique.
Mais il faut ajouter à cela un atout déterminant qui fera la victoire puis la réussite éclatante de l’entreprise : Martin Bouygues avait une vision. Il ne souhaitait pas seulement répondre au mieux aux exigences du cahier des charges, mais offrir « une cathédrale » aux Français et le bonheur et la fierté de la construire à ses équipes.
Avec quelques collaborateurs qu’il réunit pour monter le dossier, il invente le téléphone mobile pour tous. Son leitmotiv : « Grâce à Bouygues Telecom, on ira acheter son téléphone comme on va chercher son pain. » Si aujourd’hui, c’est une évidence, c’était à l’époque totalement incongru. L’équipe prend deux initiatives qui vont révolutionner le marché : elle imagine le fameux forfait qui permet à chacun de savoir à quoi il s’engage sur ce marché dominé par la surenchère de tarifs aussi abscons que coûteux, et crée la vente en pack ; en d’autres termes, la vente en rayon « prêt-à-emporter ». On achetait son téléphone tel un Russe faisant d’interminables queues devant le Goum ; désormais, on le glissera dans son caddie entre deux boîtes de conserve, une plaquette de beurre et un saucisson.
Pour Martin Bouygues, il ne s’agit plus de répondre à un appel d’offres mais d’endosser une mission bénéfique pour tous. Il la fera partager à tous ses collaborateurs, au fur et à mesure de leur recrutement. Portés par elle, fiers de contribuer à ce bond en avant, ils feront exploser tous les compteurs du cahier des charges, bâtissant le réseau plus vite qu’ils ne s’y étaient engagés, investissant des milliers de points de vente trop heureux d’accéder à ce nouveau marché.
Il faisait bon travailler chez Bouygues Telecom. Certes on ne comptait pas son temps, on n’attendait pas les 35 heures, on était portés par ce formidable défi. Tellement que la DRH demanda à la sécurité de passer le soir dans tous les bureaux pour contraindre les acharnés à rentrer chez eux. Même les fournisseurs avaient le sentiment de contribuer à quelque chose d’exaltant et d’en être respectés. L’envie était partout. Au point de réveiller les deux concurrents, qui firent tout pour rattraper leur coupable retard. Ils disposaient de deux ans avant que Bouygues n’ouvre la première tranche de son réseau en Île-de-France. Ils firent feu de tout bois, mirent les bouchées doubles, multipliant les campagnes de pub pour attirer le chaland, obsédés par la volonté de tuer dans l’œuf ce nouvel arrivant dont on s’était moqué, bien à tort.
En vain. Le 28 mai 1996, Martin Bouygues appuie sur le bouton. Il a dressé un chapiteau sur le Champ-de-Mars. 3 500 invités découvriront sa révolution au cours d’un spectacle qui fera date. On éteindra même la tour Eiffel pour la rallumer aux couleurs de Bouygues Telecom. Toujours l’envie. Du jamais vu qui fera jaser les jaloux. Trop tard ! Le nouvel opérateur s’empare très vite de 15 % du marché, achève son réseau deux ans avant l’échéance et s’impose comme celui qui a réveillé la téléphonie mobile. Martin Bouygues, qui au passage se révèlera un grand patron (tous le reconnaîtront), a gagné son pari et avec lui beaucoup d’argent. Il n’a jamais eu l’intention d’en perdre, mais ce n’était pas sa motivation première. Il avait compris qu’un projet, quand il est porté par une vision exaltante, donne envie et qu’alors tout est possible. Même de faire la fête ! C’est le formidable cadeau de remerciement que Martin Bouygues offrit à ses 4 000 collaborateurs lors du passage à l’an 2000. Il fit monter une tente de plus d’un hectare sur l’hippodrome de Longchamp et y organisa La nuit des Bouygtels. Pendant quatre mois, tous ceux qui s’estimaient un talent étaient conviés à monter un spectacle. Cinq films de fiction furent tournés et six spectacles de musique et de danse furent créés, le tout avec un soupçon d’autodérision sur les us et coutumes de l’entreprise. L’émotion fut énorme, même Martin versa une larme. Les Bouygtels dansèrent jusqu’à cinq heures du matin. Gageons que notre petite Marie n’aurait pas été en reste. Le lendemain, des centaines de mails affluèrent (on n’était pourtant qu’aux débuts de cette nouvelle maladie). Martin Bouygues avait su créer l’envie ; il venait de prouver qu’il savait également l’animer.
Voilà bien une chose étrangère au patron de Thales, lui qui avait pourtant tout pour susciter l’envie et l’entretenir. On a dit que ce groupe était l’un des plus impressionnants qui soient par le niveau de ses chercheurs, sa puissance d’innovation et l’étendue de sa gamme de produits.
On a vu qu’il souffrait toutefois d’un manque de cohérence, en tout cas en apparence, tant il répartissait son activité sur des métiers divers, accumulant les silos autonomes et plutôt concurrents au lieu d’agréger des savoir-faire autour d’une même vision.
En intervenant dans l’air et sur la terre, dans les fonds sous-marins et dans l’espace ; en fabriquant des radars et des satellites, des missiles et des sonars, des systèmes de sécurité des frontières et des dispositifs de contrôle aérien, etc., il avait fini par fractionner sa culture et multiplier les bastions, trop heureux d’une autonomie qu’ils justifiaient par leur spécificité. Et si chacun était fier d’appartenir à Thales, personne n’avait le sentiment d’y faire le même métier.
Et pourtant, sans en avoir conscience, justement, ils faisaient le même. C’est ce que découvrirent les consultants chargés de sauver le soldat Vigneron quand ils se penchèrent sur l’entreprise pour tenter de la comprendre et de la rendre lisible.
En fait, l’activité de Thales s’articule autour de trois métiers complémentaires et intimement liés. D’abord le groupe imagine, produit et installe des capteurs à même de recueillir toute information essentielle dans tous les univers : air, terre, mer espace, cyberespace et milieu sous-marin.
Ensuite, il conçoit et développe les logiciels ultra-sophistiqués capables de traiter l’ensemble de ces informations.
Enfin, il délivre la synthèse la plus opérationnelle, la plus rapide et la plus ergonomique possible pour permettre à chaque acteur d’être certain de prendre la bonne décision au bon moment.
Ces acteurs sont le pilote de ligne, le contrôleur aérien, le chef de bataillon, le pilote de chasse, le soldat en opération, le responsable du trafic ferroviaire ou celui de la sécurité d’une grande ville.
Seule Thales peut se targuer d’un aussi vaste champ d’intervention et d’une telle cohérence dans son activité.
Mais, tels monsieur Jourdain qui faisait de la prose sans le savoir, ses dirigeants étaient les champions du monde des systèmes de sécurité sans s’en être finalement rendu compte.
Quand les consultants mirent le doigt sur cette pépite, ils l’exprimèrent dans une campagne de pub signée : Thales. We discern, You decide. Ils la présentèrent à Vigneron et celui-ci fut tellement convaincu que, fait très inhabituel dans ce genre de circonstances, il en fit part dès le lendemain à ses actionnaires lors de l’assemblée générale. Et le jour suivant… il l’enterra, ou peu s’en faut, pour ne pas avoir à dépenser quelques centaines de milliers d’euros en communication.
Il aurait dû la publier dans tous les grands médias, et surtout l’afficher sur tous les murs de ses bureaux comme de ses usines. Il aurait dû prendre son bâton de pèlerin et porter la bonne parole sur tous les sites.
On imagine aisément la fierté que l’opinion aurait ressentie à la découverte d’un groupe français seul capable d’assurer si bien la sécurité – ce besoin sans cesse plus impérieux – dans tous les coins du monde. On imagine mieux encore l’enthousiasme de ses soixante-huit mille collaborateurs d’assurer une telle mission.
Il y avait vraiment de quoi donner envie, c’était l’occasion ou jamais de transformer des tailleurs de pierre en bâtisseurs de cathédrales. C’était sans doute aussi le meilleur moyen pour Vigneron de contrer les scuds envoyés par ses adversaires et de conserver le poste à la tête d’un groupe où (c’est peu de le dire) en matière de redressement il n’avait pas démérité.
Au lieu de centrer ses interventions sur les seuls impératifs de marge, d’économie et de profits, au lieu de prôner comme seule culture la rigueur des process, il aurait encouragé chez chacun le goût de l’innovation et l’envie d’accroître le temps d’avance qu’ils avaient pris sur le reste du monde. Gageons que les bénéfices auraient suivi et que chacun en aurait eu sa part.
Thales est bien l’exemple d’un rendez-vous manqué entre un dirigeant et ses troupes. Le premier avait tout pour susciter l’envie chez les seconds, sauf qu’il en ignorait les mérites.
Les dirigeants doivent changer de registre, comprendre puis admettre que les performances économiques ne sauraient être une fin et que, si elles sont une condition nécessaire, elles ne sauraient être suffisantes.
Ce ne devrait pas être compliqué, mais ça demandera quand même de sortir de son bureau, d’apprendre un peu l’Histoire et de s’ouvrir au monde. Il faudrait aussi qu’ils comprennent que c’est justement en période de recherche d’économies à tout-va (ils en sont tous là) qu’il faut oser investir pour mobiliser, créer et animer cette fameuse envie.
Cela coûterait beaucoup moins cher que ces augmentations ou ces primes qu’ils ne peuvent plus distribuer. Et c’est surtout plus efficace.
Allons même plus loin : osons écrire, quitte à en effrayer quelques uns, que c’est dans les moments difficiles et même dans les tempêtes que l’entreprise doit mettre la priorité sur l’envie. C’est quand elle est forcée de réduire la toile qu’elle doit trouver les mots et les idées qui donneront foi à ceux qui restent.
Choquant ? Sans compassion pour ceux qui partent ? Sûrement pas ! Seulement réaliste et responsable : donner de l’espoir et même de l’enthousiasme à tous ceux qui ont la charge de sauvegarder l’entreprise est le meilleur moy...
Table des matières
- Couverture
- 4e de couverture
- Copyright
- Titre
- Dédicace
- Introduction
- Marie
- Citations
- Triste échec
- La chute des élites
- Les marchands d’indignation
- La France est sortie du marché
- Interlude. Paroles d’historiens
- Pauvre France
- Interlude Sur les chemins de Compostelle
- L’entreprise le fait, la France doit le faire
- Thales ou la transformation sans envie
- Changer de paradigme
- Martin Bouygues : 1, Luc Vigneron : 0
- Les DRH, ces fossoyeurs d’envie
- La com RH : pas l’envie, l’ennui
- Les partenaires sociaux, ces ennemis de l’envie
- La fin des perroquets
- Raconte-moi ton « socio-style » et je te dirai comment créer l’envie
- L’envie au cœur de Zappos ou l’exception qui confirme enfin la règle
- Et enfin Marie créa l’envie
- Conclusion
- Remerciements
- Table des matières