Préformation et épigenèse en développement
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Préformation et épigenèse en développement

Naissance de l'embryologie expérimentale

  1. 400 pages
  2. French
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  4. Disponible sur iOS et Android
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Préformation et épigenèse en développement

Naissance de l'embryologie expérimentale

À propos de ce livre

La forme vitale est-elle virtuellement fixée dans le germe ou se détermine-t-elle au cours du devenir embryonnaire? Dans les années 1880, Wilhelm Roux cherche à résoudre ce problème par la création de l'embryologie expérimentale. Au moyen d'une reconstruction rationnelle des étapes historiques de cette discipline, cet ouvrage montre l'importance des concepts de préformation et d'épigenèse aux origines de celle-ci. L'analyse porte sur trois périodes charnières: la réforme mécaniste et darwinienne de l'embryologie morphologique par Ernst Haeckel (1866); l'avènement d'une physiologie réductionniste du développement avec Wilhelm His (1874); et la création d'une « mécanique du développement » par Roux ainsi que les interprétations néo-darwinienne, néo-vitaliste et organiciste de ses résultats les plus significatifs (1888-1908). L'auteur y soutient que ces développements suivent une logique de la découverte, selon laquelle les modèles mécaniques d'explication doivent être renouvelés lorsque leur examen empirique engendre la découverte de nouveaux phénomènes de régulation.Ce livre traite donc d'un enjeu fondamental de la philosophie des sciences: le rapport entre la rationalité scientifique et la découverte. Il offre aussi un éclairage sur une question très actuelle de la philosophie de la biologie, soit les transformations du concept d'épigenèse en rapport avec les théories épigénétiques contemporaines. La méthodologie adoptée ici s'inscrit dans la tradition de l'épistémologie historique, consacrée à l'étude des transformations du savoir scientifique, fondée sur l'analyse historique de diverses sources documentaires. Un éclairage théorique constitué de modèles provenant de la philosophie des sciences et de connaissances scientifiques demeure ici indispensable.

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troisième partie

L’ENTWICKLUNGSMECHANIK
À LA CONQUÊTE DE L’INVISIBLE

Nous nous trouvons vis-à-vis de l’organisation de la cellule, exactement dans la situation d’un mécanicien qui devrait expliquer le mécanisme d’une machine extrêmement compliquée, pour la construction de laquelle toutes les ressources imaginables de la technique physique et chimique auraient été utilisées, et qui ne pourrait s’en référer qu’au travail extérieur qu’elle exécute, sans pouvoir en examiner les innombrables pièces de construction, parce qu’elle serait logée dans une cage impénétrable à ses yeux.
Oscar Hertwig, La cellule et les tissus, 1898.

CHAPITRE 5

LA RÉVOLUTION KARYOKINÉTIQUE1:
LE DÉVELOPPEMENT DU PRÉFORMATIONNISME IDIOPLASMIQUE

De manière générale, on apprend de l’histoire des sciences que l’invisible est un vaste champ aux possibilités explicatives multiples, dont la mise en forme théorique est balisée par le visible. Dans certains contextes, les données de l’expérience prennent même la forme d’un chant de sirène, dont le savant doit parvenir à s’abstraire pieusement; c’est ainsi que Galilée admirait les premiers adeptes de l’héliocentrisme, qui «par la force de leur intellect ont pu dominer leurs sens au point de faire passer ce que leur dictait la raison avant les données ouvertement contraires de l’expérience sensible2». Vers la fin du XIXe siècle, la théorisation en biologie développementale exigeait cependant une conformité normative avec les données morphologiques obtenues. Si plusieurs avancées embryologiques reposèrent incontestablement sur une description améliorée de la fécondation et de la division cellulaire, l’accès à ces nouveaux phénomènes ouvrait également la voie aux diverses transformations et à la précision des champs théoriques qui, en occupant l’invisible, dotent le visible de sens.
«Le développement», suggère Roux en introduction des Beiträge zur Entwicklungsmechanik des Embryo (Contributions à la mécanique du développement de l’embryon, 1885), consiste en «la manifestation de la diversité perceptible3». En tant que produit phénoménal du sujet connaissant, la morphogenèse dévoile ainsi «une diversité», mais garde le secret de son origine. Le renouvellement par Roux de la problématique du développement, en vertu d’une réinterprétation de l’opposition entre préformation et épigenèse, visait précisément la connaissance de cette origine. Le germe, qui est avant tout une cellule, apparaît d’abord comme le substrat prodigieux d’une telle diversité génétique, morphologique et fonctionnelle. Mais une fois le préstructuralisme de His récusé, l’idée préformationniste, selon laquelle toute cette diversité y serait déjà contenue de manière latente et imperceptible, devient problématique: comment une telle prouesse exercée par les moyens physico-chimiques connus peut-elle se rendre intelligible? Encore plus surprenante est l’idée épigénétiste que ce germe soit plutôt la condition initiale d’un système autoformateur, dont la constante activité régulatrice engendrerait une diversité nouvelle et fonctionnellement organisée. Quel que soit le scénario envisagé, le verdict ne peut pas être définitivement arbitré par le simple jeu de jugements subjectifs. Le défi de l’Entwicklungsmechanik sera alors, grâce à la méthode expérimentale, de cartographier la répartition causale du développement, et ainsi résoudre la question de l’origine en limitant les déductions hasardeuses sur la nature et le fonctionnement des microdéterminants restés invisibles. Les résultats d’une embryologie expérimentale naissante s’avéreront fort prometteurs et significatifs, mais ils resteront de toute évidence insuffisants pour la production d’une topographie détaillée et consensuelle de cette origine complexe.
Le programme de recherche rouxien évolua donc au sein d’un contexte riche en productions théoriques, éveillé notamment par la révolution karyokinétique qui mena au renversement de la théorie protoplasmique de la cellule. Dès que l’agencement systématique et généralisé des cordons chromatiques (chromosomes) lors de la division indirecte fut associé aux phénomènes héréditaires, les modèles achevés de la mitose, de la fécondation et de la méiose donnèrent forme à des théories rivales du développement, dont chacune «sauvait» à sa façon ces nouveaux phénomènes. Entre tous les acteurs de cette profonde révolution, c’est certainement August Weismann qui sut inférer, à partir d’un ensemble de découvertes initialement isolées, les bouleversements théoriques les plus radicaux: ségrégation entre le plasma germinal et le plasma somatique, rejet de la transmission héréditaire d’acquisitions somatiques et stricte prédétermination nucléaire du développement. À la lumière des données probantes, ces conclusions étaient tout à fait contestables, et sous le poids des anomalies, les modèles épigénétiques de Hans Driesch et d’Oscar Hertwig, entre autres, offrirent des alternatives théoriques qui stimulèrent les recherches de Theodor Boveri, de Thomas Morgan et de Hans Spemann dans les phases ultérieures de l’embryologie expérimentale.

5.1 De la théorie protoplasmique à la karyokinèse:
l’amorce d’une révolution

a) Réductionnisme et organicisme
au sein de la théorie protoplasmique

Alors que la théorie cellulaire avait d’abord réuni les règnes végétal et animal sous une unité élémentaire de formation, sa version protoplasmique devait les réunir encore plus étroitement par la reconnaissance d’une substance vitale commune (Carl von Nägeli, 1846; Ferdinand Cohn, 1850), dont les vastes variations spécifiques laissaient néanmoins transparaître les affinités chimiques (substance azotée), fonctionnelles (nutrition, irritabilité et contractilité) et morphologiques fondamentales. Cet épisode protoplasmique de la théorie cellulaire s’établit véritablement – sous l’impulsion des études histologiques de Max Schultze (1861)4 sur les corpuscules musculaires (Muskelkörperchen) du têtard – par une révision du rôle accordé à la membrane cellulaire depuis le modèle fondateur de la théorie cellulaire, celui du «verre de montre» (Uhrglass) de Matthias Schleiden (1838) et de Theodor Schwann (1839); bien qu’elle était considérée par ceux-ci comme le produit d’une sédimentation cristalline, la membrane leur apparaissait comme un élément indispensable de la formation cellulaire, exerçant une force d’attraction sur le fluide cytoblastémique5. Comme les Muskelkörperchen semblèrent à Schultze dépourvus de membrane, ce dernier en inféra plutôt que la cellule primordiale, avec l’ensemble de ses facultés génétiques et métaboliques, tient à «un petit amas de protoplasme à l’intérieur duquel se trouve un noyau6». Cette orientation de la théorie protoplasmique, selon laquelle la substance vitale posséderait une structure faiblement organisée, demi-fluide et plus ou moins homogène, sut finalement convaincre Thomas Huxley que le protoplasme était the physical basis of life7. Il souscrira ainsi à l’idée de Haeckel8, selon laquelle l’organisme originel de la biogenèse correspondrait à un amas de protoplasme anucléé appelé monère, récapitulé nécessairement au départ de toute ontogenèse.
La théorie protoplasmique ne s’est toutefois pas construite de manière monolithique et, en réaction à ce courant réductionniste, des modèles axés sur l’organisation intrinsèque de la cellule devinrent des atouts heuristiques incontournables à sa progression épistémique. Parmi ceux-ci, les modèles de Robert Remak et d’Ernst Brücke, tous deux issus de l’école müllérienne, nous apparaissent comme les plus instructifs au niveau épistémologique.
C’est d’abord en substituant le principe de division cellulaire à l’endo­genèse et à l’exogenèse cytoblastémique (Schwann) que Remak (1852-1855) marqua un véritable tournant dans la théorie cellulaire9. Ce principe renverse notamment la hiérarchie génétique précédemment établie; bien que Remak confère au protoplasme des fonctions métaboliques et reproductives, celles-ci dépendraient entièrement de l’activité de microstructures comme le noyau et la membrane. Bref, l’anatomie de nouvelles cellules ne peut être engendrée que par l’extension reproductive de cellules préexistantes et structurellement organisées. Indispensable à toute division cellulaire, la membrane est le socle de l’intégrité individuelle de l’unité vitale.
Pour sa part, le physiologiste Ernst von Brücke (1861), initialement cofondateur du programme berlinois de physiologie réductionniste, déduisit une organisation systémique au sein même des transformations largement imperceptibles du protoplasme. La cellule serait un véritable organisme élémentaire, mais dont l’essentiel de la structure demeurerait inaccessible aux moyens contemporains d’investigation; cette matière d’apparence gélatineuse, vaguement caractérisée par sa nature albuminoïde, serait avant tout symptomatique de notre ignorance10. Il est d’ailleurs à noter qu’on retrouve une déduction analogue à la base des théories préstructuralistes de A. von Haller et de W. His, de même qu’on la retrouvera plus tard dans l’hypothèse rouxienne d’une «diversité imperceptible» à l’origine du développement. De manière récurrente, l’analyse morphologique se voit incapable de soutenir une explication suffisante des faits physiologiques et morphogénétiques tout en respectant l’heuristique mécaniste; la déduction d’une micro-organisation sous-jacente permet de transposer provisoirement l’intelligibilité des phénomènes macro-anatomiques au niveau moléculaire.
Dans le cadre de la théorie protoplasmique, Brücke oppose donc un système organique à un agrégat de macromolécules (comme les plastidules de Haeckel) plus ou moins équivalentes qui seraient dispersées dans le milieu protoplasmique de manière plus ou moins aléatoire. L’argument principal de Brücke est antiréductionniste; si complexes soient-elles, de telles molécules ne sauraient, par la simple addition d’effets physico-chimiques indépendants, opérer des fonctions aussi sophistiquées que la reproduction, la réaction à l’irritation et la motilité. Postulant la construction consécutive du noyau et de la membrane à partir de dispositifs protoplasmiques déjà organisés, Brücke hésite d’ailleurs à attribuer des fonctions spécifiques et exclusives à des micro­structures morphologiquement identifiées. Tandis que l’explication de Remak était fondée sur l’attribution de fonctions aux éléments micro­anatomiques conformément au comportement cellulaire analysé, le modèle physiologique appliqué à la théorie cellulaire suspend ces rôles individuels et collectifs en reléguant le fonctionnement à un effet à la fois holiste et moléculaire.
À la suite de Brücke, Albert von Kölliker (1865) reprit l’idée que «la cellule a son développement et son histoire comme un organisme entier11» et appela – tout en priorisant l’induction morphologique – au développement d’une physiologie cellulaire. Selon Yves Delage...

Table des matières

  1. CITATION DES OUVRAGES
  2. INTRODUCTION
  3. REMERCIEMENTS
  4. PREMIÈRE PARTIE
  5. DEUXIÈME PARTIE
  6. troisième partie
  7. CONCLUSION
  8. BIBLIOGRAPHIE