L’approche spécifique
Fiche 7
Catégories, contenu et structure des lois de finances
Il existe plusieurs catégories de lois de finances, il s’agira de définir l’objet de chacune d’entre elles. Avant cela, une précision terminologique.
En langage courant, on parle de « budget de l’État », en langage juridique on retient le terme de « loi de finances » qui est le support matériel et juridique du budget de l’État ; ce dernier prend une forme législative anciennement qualifiée de « loi budgétaire » aujourd’hui de « loi de finances » ; la notion de loi de finances est beaucoup plus large que celle de budget : si la loi de finances contient le budget de l’État qui est une description comptable de ces opérations de dépenses et recettes, elle ne contient pas que le budget, des dispositions non budgétaires c’est-à-dire non attachées à la description de telles opérations peuvent y figurer (par exemple des dispositions relatives au régime de responsabilité des gestionnaires publics, ou encore au droit d’information et de contrôle du parlement)².
Ces lois de finances se distinguent par leur contenu spécifique et suivent une procédure d’élaboration, d’exécution et de contrôle particulière qu’il s’agira de préciser en retenant le texte majeur qui développe l’ensemble des règles encadrant cette procédure, la loi de finances de l’année. Les lois de finances en général et la loi de finances de l’année en particulier entretiennent par ailleurs des liens étroits avec les lois de programmation des finances publiques, les lois de financement de la Sécurité sociale, et les budgets des collectivités territoriales et de l’Union européenne, liens renforcés par la LOPGFP de 2012 précitée.
I. Les quatre catégories de lois de finances
Apparue dans le décret-loi organique du 19 juin 1956, la notion de lois de finances, reprise par l’ordonnance organique du 2 janvier 1959, est définie à l’article premier de la LOLF de 2001. Selon qu’elle prévoit et autorise pour l’année civile les dépenses et recettes de l’État (loi de finances initiale ou LFI ou loi de finances de l’année ou LFA), ou bien qu’elle les modifie en cours d’année (loi de finances rectificative ou LFR dite parfois « collectif budgétaire » lorsqu’elle est adoptée en fin d’année), ou encore qu’elle constate les résultats de l’exercice budgétaire précédent (loi de règlement des comptes et rapport de gestion ou loi de règlement ou LR), une loi de finances reçoit une qualification différente selon sa nature, sa portée et aussi parfois la procédure d’adoption suivie.
À ces trois catégories de lois de finances (LFI, LFR et LR), la LOLF ajoute en son article 45 une quatrième catégorie, les lois de l’article 45, qui sont des lois adoptées en circonstances particulières marquées par l’urgence et résultant de l’observation de la pratique (invalidation totale par le Conseil constitutionnel en décembre 1979 de la loi de finances pour 1980, suspension de la procédure budgétaire parlementaire suite à la dissolution de l’Assemblée nationale prononcée par le chef de l’État en octobre 1962). Ces situations ont conduit à prévoir des « lois partielles » (adoption de la première partie de la loi de finances qui autorise la perception des recettes dans l’attente de l’adoption de l’ensemble du texte) et si échec de ces dernières, des « lois spéciales » autorisant le gouvernement à lever l’impôt.
Les lois de l’article 45 de la LOLF, qui semblent recouvrir ces deux types de lois (lois partielles et lois spéciales), se justifient par le principe constitutionnel de continuité de l’État, principe qui s’impose en droit constitutionnel financier français au contraire par exemple du droit constitutionnel financier américain où semble plutôt prévaloir le principe du vote démocratique quitte à paralyser le fonctionnement de l’État fédéral (shutdown) le temps de trouver un accord entre les deux branches de l’autorité budgétaire, le président des États-Unis et le Congrès.
On rappelle que ces quatre catégories de lois de finances, dans leur présentation et/ou lors de leur exécution, sont soumises aux règles budgétaires d’annualité, d’unité, d’universalité, de spécialité ainsi que de sincérité et d’équilibre, règles définies aux articles 1, 6, 27 et 32 de la LOLF avec les assouplissements et dérogations qui les accompagnent (articles 9 à 24 de la LOLF).
II. Contenu et structure des quatre catégories de lois de finances
Aux termes de l’art. 34 C., « les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l’État dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique ». La loi organique auquel l’article 34 C. renvoie ici est la LOLF de 2001 qui en son article premier vient ainsi préciser que « les lois de finances déterminent, pour un exercice, la nature, le montant, et l’affectation des ressources et des charges de l’État, ainsi que l’équilibre budgétaire et financier qui en résulte. Elles tiennent compte d’un équilibre économique défini, ainsi que des objectifs et des résultats des programmes qu’elles déterminent ». La LOLF insiste sur l’équilibre dans ses trois dimensions à la fois internes (équilibre budgétaire et financier) et externe au budget de l’État (équilibre économique) ; elle innove surtout par l’introduction de la notion de programme fondant ainsi une gestion du budget de l’État selon une démarche de performance que traduisent les termes « objectifs » et « résultats ».
La LOLF énonce par ailleurs qu’« ont le caractère de lois de finances : la loi de finances de l’année et les lois de finances rectificatives, la loi de règlement et les lois prévues à l’article 45 ». Par cette formulation successive des quatre catégories de lois de finances, elle rappelle le régime juridique commun entre les lois de finances de l’année et lois de finances rectificatives pour bien le distinguer de celui applicable à la loi de règlement et dans une moindre mesure celui applicable aux lois prévues à l’article 45.
A. La loi de finances de l’année (LFA) ou loi de finances initiale (LFI)
Appelé projet de lois de finances (PLF) lors de son dépôt au Parlement par le gouvernement, ce texte reçoit la qualification de loi de finances initiale (LFI) ou loi de finances de l’année (LFA) une fois définitivement adopté par l’Assemblée nationale et le Sénat. Son contenu et sa structure sont précisés à l’article 34 de la LOLF aux termes duquel :
• la LFI, outre un article liminaire introduit par l’article 7 de la LOPGFP de 2012, a une présentation bipartite : une première partie qui prévoit et autorise l’ensemble des recettes, qui rapportées à un plafond de dépenses et d’autorisations d’emplois rémunérés par l’État, permet d’établir l’équilibre (déficit) budgétaire (art. 34 I) ; une seconde partie vient détailler les moyens des politiques publiques c’est-à-dire les autorisations de dépenses, à savoir les crédits qui sont votés par mission, ensuite spécialisés et exécutés par programmes (art. 34 II) ;
• cette structure bipartite distingue les dispositions selon qu’elles doivent figurer chaque année en LFI (domaine obligatoire prévu à l’article 34 I 1°, 5°, 6°, 7° et 8° et à l’article 34 II 1°, 2° et 3°), de celles qui doivent figurer lorsqu’on envisage de prendre de telles dispositions pour l’année concernée (domaine exclusif prévu à l’article 34 I 2°, 3° et 4° et à l’article 34 4°, 5° et 6°), de celles enfin qui peuvent y figurer car toute autre loi peut également les contenir (domaine facultatif ou domaine partagé prévu à l’article 34 II 7°). Ainsi le contenu de la LFI est sévèrement encadré par la LOLF et donc par la Constitution dans laquelle elle puise son fondement.
Le Conseil constitutionnel a développé toute une jurisprudence visant à protéger les domaines obligatoires, exclusifs et facultatifs de la LFI ; à cet effet, s’il est saisi par les autorités politiques compétentes, il sanctionne certaines dispositions qu’il qualifiera alors de « cavaliers budgétaires ». Une telle sanction est prononcée dès lors qu’une disposition figurant dans la LFI n’a pas sa place car elle ne répond pas au critère d’appartenance à l’un de ces trois domaines défini par la LOLF. Le juge invite alors le législateur qui souhaite malgré tout reprendre et faire adopter de telles dispositions qualifiées par le juge de « cavalier budgétaire » de pouvoir le faire mais en les inscrivant dans un autre texte de loi qu’une loi de finances. Il s’agit d’exclure ces dispositions qui risquent d’alourdir inutilement le texte et d’allonger le débat budgétaire. La tentative du législateur (Parlement et/ou gouvernement) d’introduire une telle mesure susceptible par la suite d’être sanctionnée par le juge est parfois motivée par la volonté de voir son adoption accélérée car le calendrier parlementaire de discussion et de vote d’une loi de finances est enfermé dans un délai constitutionnel assez court, il est en effet fixé à 70 jours par l’art. 47 C.
B. La loi de finances rectificative (LFR)
On connaissait jusque-là en moyenne deux LFR par an, en début et surtout en fin d’année (« collectif budgétaire d’automne »). Leur nom...