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Les Loups. Témoignage d'un déporté, matricule 126026
À propos de ce livre
Eugène Klein eut un destin hors du commun, une vie aux multiples facettes qu'il nous présente ici entrelacées dans un témoignage riche et inédit. Eugène Klein vécut sa jeunesse en Hongrie dans un dénuement cruel. Durant la Première Guerre mondiale, il fut enrôlé dans l'armée austro-hongroise et servit en particulier dans les Carpates où les conditions de vie étaient terribles. Le bonheur, il le connut en France dans l'entre-deux-guerres. Son aptitude pour le sport - il pratique la course à pied - lui a permis de s'y installer avec de fonder une famille. Parce qu'ils étaient juifs, Eugène et les siens connurent les persécutions nazies, ils furent arrêtés à Paris le 1er mai 1943.
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Informations
Mon entre-deux-guerres
Je n’ai pas eu beaucoup de repos ; peu après, j’ai été incorporé dans l’Armée rouge. De nouveau en kaki, avec cette différence qu’au lieu d’un képi j’avais une casquette avec un bouton rouge.
Le communisme n’avait pas réussi à la Hongrie, pays isolé dans un monde hostile, sauf pour la Russie, mais celle-ci avait assez de mal avec elle-même.
C’était un régime de grande misère. Nous manquions de tout. Chacun cherchait à se débrouiller avec le marché noir, selon les moyens dont il disposait. François et Vili, les deux mômes, faisaient du trafic de cigarettes.
J’ai été affecté dans un bureau, une place confidentielle. Je surveillais le téléphone. Ainsi, un jour du mois d’août, j’ai appris que l’armée blanche de Horthy 39, à l’aide de l’armée roumaine, avançait à toute allure vers la capitale. Il fallait donc que je me sauve à toute vitesse. Il ne fallait pas qu’ils me trouvent en uniforme de l’Armée rouge.
J’ai laissé ma veste, j’ai caché mon revolver dans mon pantalon et j’ai pris la fuite comme un hors-la-loi. J’ai couru à la maison, et mon premier soin a été de cacher mon revolver au grenier, mais le soir même, le couvre-feu était décrété et les murs recouverts d’affiches : « Celui chez qui on trouve une arme sera fusillé. »
Malheureusement pour les Juifs, Béla Kun était juif, de même que plusieurs de ses collaborateurs. Ainsi pour les Juifs a commencé une oppression terrible. Les antisémites se sont groupés en parti politique. Ce n’était pas encore l’antisémitisme à la Hitler, mais nous avions à subir l’humiliation des excités fascistes.
À l’université, le numerus clausus a été décrété. Très sensible, je subissais mal ces humiliations. J’avais fait la guerre, j’avais risqué ma vie pour un pays qui n’était plus le mien. Évidemment, ce n’était pas ce changement que j’attendais de la guerre. Je me tourmentais de l’incertitude et de l’angoisse du lendemain. Je souffrais de ma condition juive.
J’avais un oncle qui était installé comme peintre en enseignes. Il était venu un jour nous voir à la maison. Étant donné que j’avais déjà travaillé dans le métier, il a bien voulu m’embaucher. J’ai travaillé chez lui pendant un an ; c’est là que j’ai connu Rose. Elle avait quinze ans, mais je ne l’avais jamais vue auparavant. Elle était belle, et je suis devenu amoureux fou.
Août 1920, j’ai eu l’honneur d’être incorporé dans l’armée blanche de Horthy. Je me serais bien passé de ce privilège d’être soldat dans une armée fasciste… Trois Juifs avaient ainsi rejoint le 11e régiment d’infanterie qui stationnait à Debrecen.
Le lendemain matin de notre arrivée, rassemblement. Le commandant voulait voir les nouveaux. Il nous a fait sortir du rang. Il s’est arrêté devant le premier qu’il a accablé d’invectives, de mots injurieux, grossiers, orduriers, de tous les noms : « Sale Juif, c’est vous qui avez détruit le pays, a-t-il hurlé. Vous paierez ça, cochon de Juif », etc. Au deuxième, il a craché à la figure. Il n’est pas venu jusqu’à moi. Être juif dans un régiment pareil… Qu’est-ce qui m’attendait ?
Cependant, nous étions choisis comme bons soldats, tous trois décorés. Nous étions trois contre mille. Ça allait barder.
J’étais réduit à me poser des questions sur notre responsabilité : sommes-nous totalement innocents ? Puisque l’antisémitisme est quasi universel, comment lutter contre le monde entier ? Ces réflexions sur la question juive m’ont empêché de dormir, sans pour autant que j’en trouve la réponse. Je me sentais d’autant plus malheureux que ma participation à la défense du pays avait été reconnue par trois décorations. Probablement était-ce la raison de ma présence dans ce régiment !
J’avais servi sous François-Joseph, sous Charles IV, puis dans la captivité, sous le régime américain, puis italien, sous le régime communiste… Ils devraient me laisser tranquille à présent, le kaki, j’en avais marre ! Les choses étant ainsi, elles ne pouvaient être autrement, contre la force il n’y a pas de résistance. Il allait falloir s’adapter du mieux possible.
J’ai fait mon service impeccablement, ils ne pouvaient rien me reprocher. En ce qui me concerne, je n’ai jamais eu la moindre brimade, ni de la part de mes supérieurs, ni des soldats. Je savais me faire respecter.
Joseph m’a fait connaître les plaisirs du stade. J’ai fait de l’athlétisme, de la course à pied. Je manifestais une certaine aptitude dans cette discipline. J’avais donc intérêt à mettre à profit mes capacités sportives.
Le mois suivant a eu lieu à Nyiregyhaza le championnat national militaire d’athlétisme. Je m’entraînais sérieusement. Ma devise était : « Étant juif, tu dois te surpasser, tu dois faire mieux que les autres. » Ce n’est pas qu’un Juif soit plus capable qu’un non-Juif, non certes, mais parce que pour nous Juifs, c’est une question vitale de se surpasser ; vaincre, c’est oublier les humiliations, relever le défi, être gladiateur devant l’empereur commandant qui n’aime pas les Juifs.
Les épreuves de sélection m’étant favorables, ma participation au championnat était assurée. Je suis parti pour Nyiregyhaza gonflé à bloc. Le samedi a eu lieu l’épreuve de quatre cents mètres plat. Je ne me rappelle plus le déroulement de la course, j’ai gagné assez aisément, à la satisfaction de mon commandant qui, ayant probablement oublié que j’étais juif, m’a serré la main. Je n’étais pas peu fier.
Le lendemain a eu lieu l’épreuve de saut en longueur que j’ai gagnée aussi. Auréolé d’une nouvelle victoire, mon prestige devenait immense. Je dédiais mes victoires à Joseph qui m’avait donné le goût du sport.
Le dimanche, quand nous avions la permission de sortir, nous allions dans un café-pâtissier, dans la rue à côté de l’hôtel Bika. Nous dégustions d’excellents chocolats au lait, mais le propriétaire était juif. Les non-Juifs n’avaient pas le droit de fréquenter ce lieu bien agréable.
Les patrouilles passaient de temps en temps et arrêtaient les non-Juifs, qui étaient punis.
Une anecdote montre bien la considération dont je jouissais au sein de la compagnie : une nuit, j’avais été désigné pour faire le service de garde devant un bâtiment qui contenait des armes et des munitions. Il faisait très chaud et il y avait un silence de mort ; je me suis endormi, faute grave, passible du conseil de guerre. Un lieutenant qui n’était pas de ma compagnie m’a surpris. Il a noté mon nom et a fait son rapport. Dans l’anxiété, j’ai attendu le verdict pendant une quinzaine de jours, quand un matin, le capitaine a lu le rapport au rassemblement de la compagnie.
Je n’ai pas le souvenir de ce qu’il a lu textuellement, surtout que c’était en hongrois, mais l’esprit de son exposé contenait à peu près ceci : « Le soldat Klein Jenö a gravement manqué à son devoir, mais vu sa conduite jusque-là exemplaire, sa punition ne sera que verbale. » Ouf ! Le Juif ne sera pas mangé…
Je correspondais régulièrement avec Rose ; nous échangions des lettres de plus en plus enflammées. J’envisageais sérieusement de l’épouser.
Je terminais mon service au régiment, et le jour du départ, j’étais déjà en civil quand mon capitaine m’a cherché pour me dire au revoir, et ce dernier jour de régiment m’a consolé de l’accueil du premier jour.
Revenu à la vie civile, j’allais chaque jour voir Rose. Elle avait une voisine, amie d’enfance, qui s’appelait Ilus, mais moi, je la baptisais du nom de Babus. Chaque fois que j’allais voir Rose, elle était présente. Cela était gênant, alors j’ai réussi à amener Joseph avec moi pour qu’il s’occupe de la petite qui était bien mignonne. Ça ne lui plaisait pas… Il fallait alors toujours lui promettre quelque chose, puis un jour, il s’est aperçu qu’il était amoureux. Il est devenu le meilleur des époux !
J’avais encore perdu un an avec leur connerie militaire. Il fallait tout de même faire quelque chose, avoir un métier qui corresponde à mes goûts. Désiré avait aussi changé de métier après la guerre : il travaillait dans un orchestre comme porteur d’instruments. Je n’ai pas compris pourquoi, quand on abandonne un métier, c’est pour un meilleur, ce n’était pas le cas. Il avait fait connaissance d’une femme divorcée avec un enfant, c’était son premier grand amour. Il l’a épousée en grand secret, car mes parents étaient profondément contre. Connaissant sa nature jalouse et son caractère difficile, ils savaient que c’était un mariage impossible. J’ai été son témoin au mariage ; mes parents ne l’ont su que bien plus tard.
Je m’étais inscrit dans une académie des beaux-arts, où, à ma grande surprise, le professeur de sculpture était mon ancien lieutenant pendant la guerre : Keleti. Je travaillais avec lui. Il était passionné de céramique. Il avait même un atelier. Huit mois plus tard, il a quitté l’académie et m’a persuadé de le suivre. Je suis devenu céramiste, métier que j’aimais passionnément.
Deux ans plus tard, je passais contremaître. Nous avions une vingtaine d’employés. Nous travaillions un peu à la manière de Bernard Palissy qui, pour terminer la cuisson de son four, avait brûlé ses parquets, après avoir brûlé ses meubles, faute de combustible. Nous restions souvent toute la nuit pour surveiller la cuisson ; fréquemment, j’allais ...
Table des matières
- Présentation de la collection « Témoignages de la Shoah » de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah
- Biographied’Eugène Klein
- L’arrestation et le camp de Drancy
- Le camp d’Auschwitz II-Birkenau
- Le camp de Jaworzno
- Mon enfance en Hongrie
- La survie au camp
- Soldat juif dans l’armée austro-hongroise
- S’endurcir pour survivre
- Souvenirs de la Grande Guerre
- La marche de la mort
- La fin de ma première guerre
- Mon entre-deux-guerres
- LA LIBERTÉ !