Les Juifs de Tunisie sous le joug nazi

Claude Nataf

• Éditeur: Éditions Le Manuscrit
• Année: 2020
• Imprimer l'ISBN: 9782304040623
• ISBN de l'eBook: 9782304040630
• Sujet: Histoire
• Sujet: Seconde Guerre mondiale

« Ce sont eux, ces témoins qui ont vraiment écrit l'histoire, des Juifs de Tunisie entre novembre 1942 et mai 1943. Ce sont dans ces récits que quelques historiens ont puisé leurs sources depuis soixante-dix ans. Nous devions tous les éditer ou les rééditer pour les rendre disponibles. Ces témoignages sont particulièrement précieux pour celui qui veut monter dans la machine à remonter le temps et en ces lieux où les Juifs tunisiens étaient taillables et corvéables et où leurs persécuteurs rêvaient de massacres que seule leur victoire pouvait provoquer, ou de déportation rendue impossible par le manque de navires et par la domination de la Navy. À ces obstacles auxquels se heurtait la barbarie nazie, ajoutons la réserve de la population arabe encadrée par les forces de police de Vichy. « Ces récits sont éclairés par le remarquable appareil critique de Claude Nataf qui réussit brillamment à faire de ces pages de mémoire des pages d'histoire, car il corrige, il précise, il informe, et il renseigne partout où il faut se poser des questions. Sans Claude Nataf, on lirait ces centaines de pages dans le doute, il nous guide, nous éclaire d'un bout à l'autre de cette traversée du semestre où les Juifs de Tunisie ont frôlé de très près la Shoah, et dont leurs voisins, les Juifs de Libye, ont été victimes. »

Témoignage
de Maximilien Trenner

Présentation du témoin

Maximilien Trenner est un personnage étranger au judaïsme tunisien qui se trouve mêlé aux événements que subit la Communauté juive de Tunis à partir du mois de décembre 1942.

Lorsque, le dimanche 6 décembre 1942, le grand rabbin Haïm Bellaiche et le président de la Communauté Moïse Borgel sont introduits dans le bureau du colonel Rauff, ils voient arriver par une autre porte, encadré par deux SS, un homme d’une quarantaine d’années, portant des habits fripés, nerveux et agité, et paraissant lui-même étonné de se trouver là. C’est lui qui est chargé de traduire le diktat de Rauff. Il se présente comme un Juif autrichien arrivé depuis peu à Tunis. Rauff a précisé qu’il devra faire partie obligatoirement du comité juif dont il exige la constitution dans la journée, et qu’il assurera la traduction des échanges entre la Communauté juive et les SS.

C’est avec beaucoup de méfiance que les responsables de la Communauté accueillent Maximilien Trenner que personne jusqu’alors n’avait vu à Tunis : on se demande s’il est réellement juif et si, de toute façon, il ne renseigne pas Rauff sur ce qui se passe et se dit à la Communauté. Robert Borgel le décrit ainsi : « Inquiétant de prime abord, surprenant… criant, gesticulant, pleurant presque parfois, il inquiète ; ayant surgi on ne sait d’où, il inspire la méfiance ; certains le prennent pour un mouton, alors qu’il s’avéra, sembla-t-il, quand on le connut mieux, un bon Juif, pourri d’excellentes intentions, mais un peu névropathe, très charitable, capable de dévouement et non dépourvu d’une certaine finesse, au demeurant extrêmement fatigant par ses incessantes interventions à propos de tout et de rien » 210.

Réfugié d’Autriche à Toulouse, Trenner aurait réussi à monter un atelier de réparations d’appareils électriques et radiophoniques dont il aurait été dépossédé à la suite du statut des Juifs. Des organisations caritatives s’occupant des réfugiés étrangers en France lui avaient procuré un contrat de travail de technicien radio à Sfax, deuxième ville de Tunisie. Il avait donc pu quitter Marseille pour Tunis où il avait débarqué quelques jours avant l’arrivée des Allemands. Ces derniers installés à Tunis, Trenner tente de se cacher mais son comportement paraissant suspect à des soldats italiens, il est arrêté et livré à la Gestapo. Enfermé et gardé au secret, il sera libéré par Rauff avec la mission rappelée ci-dessus. Il sera pendant six mois un collaborateur quotidien de la Communauté juive, assistant à toutes les rencontres avec les chefs SS et prenant une part active à tout ce qui se passe.

Le courant eut du mal à passer entre ce Juif ashkénaze solitaire, inconnu et isolé dans un pays dont il ignorait les mœurs et les coutumes, et ces Juifs séfarades. Néanmoins, comme le relève Robert Borgel, il se révéla un bon Juif, risquant sa vie à tout instant en essayant de défendre ses coreligionnaires.

Après la libération de la Tunisie, il sera arrêté par les autorités françaises qui se demandèrent s’il n’était pas en réalité un espion allemand. Sa bonne foi ayant été reconnue après plusieurs mois de détention, il s’établit à Tunis. Il ouvrit dans les souks un magasin de ventes et de réparations d’appareils de TSF mais, tout en entretenant de bons rapports avec les anciens dirigeants qu’il avait côtoyés dans l’épreuve, il ne se mêla pas de la vie de la Communauté.

Il se serait installé à Nice en 1962.

Il a rédigé un récit des événements subis par la Communauté juive durant les six mois d’occupation allemande, qu’il a déposé au Centre de documentation juive contemporaine à Paris.

Ce récit qui révèle sa personnalité complexe est à la fois confus et précis. Confus parce qu’il mêle à un récit factuel des considérations personnelles embrouillées et souvent redondantes. Précis parce qu’il révèle une profonde connaissance de la psychologie des SS qui eurent affaire à la Communauté, et qu’il permet de comprendre la réalité du danger qui a pesé sur celle-ci. Très conscient de ces dangers, Trenner salue l’intelligence des dirigeants de la Communauté parmi lesquels il se compte, qui ont su manœuvrer leurs interlocuteurs nazis pour éviter de plus grands risques à leurs coreligionnaires, ainsi que le remarque Serge Klarsfeld 211.

Il a semblé intéressant de publier quelques extraits de ce récit d’un homme qui est à la fois extérieur à la Communauté juive de Tunisie mais totalement solidaire dans le danger.

* * *

La croix gammée s’aventure
en Tunisie (extraits)

Introduction

Ce livre n’est pas un roman.

C’est une série presque invraisemblable d’épisodes vécus.

L’auteur et tous ceux qui le connaissent personnellement savent de leur propre expérience que ce récit est le miroir d’un passé qui devra servir de torche éternelle au souvenir du judaïsme.

Selon les lois découvertes (ou selon certaines conceptions encore mystérieusement voilées), le passé, le présent, l’avenir semblaient être dirigés et les persécutions pouva...

Table des matières

• Présentation de la collection « Témoignages de la Shoah » de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah
• Comité de lecture de la collection (2012)
• Préface
• Introduction
• Avertissement aux lecteurs
• Les persécutions à Tunis : rapport et témoignage des responsables de la Communauté de Tunis
• Rapport du Conseil de la Communauté israélite de Tunis sur les persécutions subies par la Communauté durant les six mois d’occupation allemande remis après la libération de la ville (8 mai 1943) aux autorités du protectorat
• Témoignage de Georges Krief
• Les camps de travail forcé dans la zone d’intervention de l’armée italienne
• Témoignage de Robert Bellaiche
• Travail forcé à Tunis ou dans les camps proches de la capitale tunisienne
• Témoignage de Charles Zeitoun
• Témoignage d’Henri Slama
• Témoignage du rabbin Gilbert Haskia Habib
• Le camp de Bizerte
• Témoignage de Jacques Krief
• Procès-verbal d’audition de Gilbert Taieb entendu par le tribunal militaire de Tunis à la Libération
• Témoignage de Georges Smadja
• Témoignage de Jacob André Guez Lettre à ses parents
• Témoignage de Jacques Habib Cacoub
• Témoignage devant le tribunal militaire permanent de Tunis de Jacques Krief sur les mauvais traitements au camp de Bizerte
• Sousse
• Témoignage d’Albert Moatti
• Procès-verbal de la déposition de Georges Binhas devant le procureur de la République de Sousse
• Témoignage de Me Sauveur Baranès
• Sfax
• Témoignage de Léon Masliah
• Témoignage du Dr Isidore Sperber
• Un Juif autrichien à Tunis pendant l’occupation allemande (novembre 1942 – mai 1943)
• Témoignage de Maximilien Trenner
• Annexe : un officier juif britannique pendant la campagne de Tunisie
• Crédits des illustrations
• Titres disponibles dans la collection « Témoignages de la Shoah » (2019) par catégorie de témoignage