Le roman de la quête esthétique
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Le roman de la quête esthétique

Ou les leçons d'une littérature centenaire

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Le roman de la quête esthétique

Ou les leçons d'une littérature centenaire

À propos de ce livre

Les instants de beauté que nous font vivre un être, un paysage, un tableau, un livre, une voix, une symphonie, la rumeur d'un aéroplane... sont parmi les plus forts de nos existences. Mais que faire des impressions esthétiques? Quel prolongement leur donner? Faut-il même chercher à les prolonger? Faut-il leur consacrer nos vies? De quelle façon? Plus généralement, quel est le bon rapport au beau? Aucune époque de l'histoire de la littérature n'aura été plus habitée par cette question que celle des années 1870-1920. Et les romans de Wilde, Huysmans, Proust, D'Annunzio, Thomas Mann, etc. offrent, à travers discours et situations, des réponses d'une richesse inépuisable. Il s'agit ici de retrouver les termes du débat en faisant constamment dialoguer les oeuvres entre elles, comme si elles s'interrompaient les unes les autres pour se compléter, se corriger ou se contredire. Cet essai aura atteint son but s'il fait ressortir leur cohérence, s'il éclaire les positions défendues et leurs implications, s'il aide le lecteur à analyser voire à déterminer son propre rapport au beau. Qui sait? Peut-être avons-nous encore quelque chose à apprendre, nous qui vivons à l'ère de la « consommation des biens et des services culturels », d'une littérature centenaire.

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Informations

L’opposition fondamentale

Parmi tous ces exemples se dégagent donc deux grands systèmes opposés de rapport au beau. Il s’agit des modèles proustien et wildien. Le premier consiste, pour ainsi dire, à faire de l’art sa vie et le second, à faire de sa vie un art. On verra que cette grande alternative ne se confond pas avec l’opposition présente chez Thomas Mann entre l’art, d’un côté, et la vie, de l’autre.
Les figures de l’opposition
Sur le premier terme, tous s’entendent à peu près.
La création artistique exige un engagement de tout l’être et une discipline de fer. Comme Spinell, l’écrivain de Tristan, Aschenbach se lève tôt et se lave à l’eau froide avant de se mettre au travail231. Il a adopté le mot d’ordre de Frédéric II : Durchhalten (« tenir bon »)232. Basil Hallward se consacre entièrement à son art et n’a guère de temps pour les sorties et les conversations. Elstir se relève la nuit pour travailler et vit à l’écart du grand monde233. Car, selon une représentation qui doit encore beaucoup à la conception romantique, l’art isole ses serviteurs, les éloigne de la société. Chez Thomas Mann, cette solitude de l’artiste commence dès l’enfance, comme si elle n’était pas la conséquence mais la cause du travail artistique, comme si les individus en question ne se livraient pas ainsi corps et âme à la modalité de création par un choix longuement mûri ou, au contraire, par un concours de circonstances mais par tempérament (voir Tonio Kröger, Aschenbach, ainsi que le petit Hanno Buddenbrook, génie précoce et prématurément disparu). Dans l’unique allusion à l’écrivain qu’il est devenu, le narrateur de la Recherche parle de lui-même comme d’un « étrange humain qui, en attendant que la mort le délivre, vit les volets clos, ne sait rien du monde, reste immobile comme un hibou et comme celui-ci, ne voit un peu clair que dans les ténèbres234 ». Ce qui n’empêche pas la solitude de l’artiste d’être habitée par le monde : une formule du critique Vincent Descombes résume bien la situation : « L’œuvre s’accomplit dans un espace séparé du monde, non pourtant des saveurs du monde, seulement des besognes mondaines235. » C’est ainsi qu’il faut comprendre ici la place et la représentation de l’atelier de l’artiste. La discussion sur l’art du chapitre central de Tonio Kröger se déroule dans l’atelier munichois de Lisaveta Ivanovna, situé « à l’étage supérieur d’un immeuble de fond de cour de la Schellingstrasse236 ». Le soleil n’y pénètre que « par un clapet entrouvert de la fenêtre237 », et c’est encore trop pour l’artiste, qui se plaint d’avoir du mal à travailler au printemps238. L’atelier d’Elstir à Balbec, frais et humide, plongé dans la pénombre et protégé de l’extérieur par des stores « clos de presque tous les côtés239 », est une sorte de grotte ou de cave (la fournaise du maître-verrier d’Il Fuoco, lieu symbolique de l’activité créatrice, se trouve dans un passage « humide, taché de salpêtre, plein d’une odeur saumâtre comme un antre marin240 »). Le narrateur doit aller le trouver fort loin de la digue et de ses badauds, dans une villa qui lui fait penser aux habitations de la banlieue parisienne. Là il trouve déjà l’obscurité et le silence qui régneront dans la chambre aux volets clos, aux murs tapissés de liège, où lui-même, devenu artiste, développera ses impressions tels de précieux clichés. L’atelier de Basil Hallward se situe également à bonne distance de la ville, et l’agitation citadine n’y est plus perçue, sinon « comme le bourdon d’un orgue dans le lointain241 ». Il est protégé de l’extérieur par de longs rideaux de soie tirés devant une fenêtre, si bien que l’activité des oiseaux et des insectes du jardin voisin se manifeste seulement par le passage de quelques ombres, « produisant passagèrement une sorte d’effet japonais242 ». Il n’est pas interdit de voir là, au passage, une nouvelle représentation du travail de filtrage et de stylisation que l’artiste fait subir au réel. La porte de l’atelier de Basil Hallward est néanmoins ouverte sur le jardin, et il faut interpréter cette particularité à la lumière de ce qui suit : la pénétration des effluves du lilas et de l’épine rose, l’évocation d’un cytise aux fleurs de miel243 annoncent la conversation dans le jardin entre Lord Henry et son éphèbe. L’essentiel n’est pas ce qui s’achève dans cet atelier, à savoir le tableau du peintre, mais ce qui s’y prépare : la rencontre et partant, la fécondation spirituelle, provoquées par ce tableau mais réalisées dans le jardin. Au cours du chapitre suivant, le parfum des roses continue à envahir l’atelier. Chez Wilde, l’appel du monde est le plus fort. Bref, quoiqu’il y ait entre toutes ces représentations du lieu de la création des différences non négligeables, les caractéristiques essentielles sont les mêmes.
Le cadre et le mode de vie de l’artiste vont de pair avec la fadeur et l’austérité de sa personne. Cela vaut d’abord pour son apparence physique. Tonio Kröger, Spinell, Aschenbach ont hérité des cheveux bruns et/ou des yeux foncés de leur créateur et, dans l’imagerie de Thomas Mann, ils s’opposent respectivement au beau Hans Hansen, au fringant M. Klöterjahn et à l’éphèbe Tadzio. Lorsque Basil Hallward déclare avoir mis beaucoup de lui-même dans le tableau qu’il achève, Lord Henry refuse de reconnaître derrière le jeune Adonis du portrait les traits abrupts (« rugged strong face ») et le cheveu charbonneux (« coal-black hair ») du peintre. De même Swann ne pourra-t-il pas faire le rapprochement entre la sublime sonate entendue chez les Verdurin et l’humble professeur de piano de sa campagne : « Oh ! Non, répond-il aux Verdurin, si vous l’aviez vu deux minutes, vous ne poseriez pas la question ! ». Le narrateur relèvera le paradoxe :
comme il était singulier que le pressentiment le plus différent de ce qu’assigne la vie terre à terre, l’approximation la plus hardie des allégresses de l’au-delà se fût justement matérialisée dans le triste petit bourgeois bienséant que nous rencontrions au mois de Marie à Combray ! 244
D’ailleurs, Vinteuil et Basil Hallward présentent plusieurs caractéristiques de « l’artiste bourgeois », même si ce thème est loin d’avoir dans la Recherche ou Dorian Gray la valeur fondamentale qu’il prend chez Thomas Mann. Leurs discours, leurs jugements et leurs comportements sont ...

Table des matières

  1. « L’Esprit des lettres »
  2. Dans la même collection
  3. Introduction
  4. Le phénomène esthétique
  5. Les modalités d’appréhension du beau dans le monde
  6. La vie comme un art
  7. La création artistique comme modalité d’appréhension du beau
  8. L’opposition fondamentale
  9. Conclusion
  10. Bibliographie sélective