Violences entre générations
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Violences entre générations

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Violences entre générations

À propos de ce livre

Ces dix récits cliniques éclairent le déploiement de la perversion narcissique dans les groupes et les organisations, les pervers narcissiques ne parlent que sous l'empire du besoin de se valoriser aux dépens des autres. L'apogée perverse de leur jubilation est atteinte lorsqu'ils sont parvenus à rendre les membres d'un groupe entier assujettis et complices passifs ou actifs de leur impulsivité cruelle. Les victimes désignées ou collatérales ne sortent pas indemnes de leur participation involontaire à cette dérive.

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Informations

Année
2019
Imprimer l'ISBN
9782304046861
ISBN de l'eBook
9782304046878

Chapitre 1
Terre violente ou Terre de parole et de partage ? De la culture de l’oubli
au travail de mémoire

Louis-José Barbançon
Consubstantielle aux colonisations, la violence des conquêtes territoriales s’est déployée sous de multiples formes, y compris les plus cruelles, les plus inconcevables, et pourtant elles ont été ordonnées. Elles ont été déshumanisantes.
En Nouvelle-Calédonie, cette violence a commencé par un acte de prise de possession. Faut-il en parler, alors qu’un processus de décolonisation a été engagé ? Le travail de l’historien est d’être à la recherche des faits que les mémoires individuelles et collectives peuvent oublier. En toute occurrence, contrairement à ce que l’on peut ou veut croire, la dissimulation du passé dans le silence fait le lit de nouvelles violences au lieu de conduire à l’apaisement tel qu’il est espéré dans l’idée du destin commun.
Historien et professeur, Louis-José Barbançon a été à la recherche des données que les archives fournissent. Au cours de son chemin, il a fait des découvertes auxquelles son éducation ne l’avait pas préparé : la rencontre avec des preuves « oubliées » des différentes figures de cette violence consubstantielle. Dans ses travaux, Louis-José Barbançon ne fait pas l’impasse sur ces violences. Il a tenu ici à souligner la violence des réactions aux récits de ce passé récent, lorsque ceux-ci sont construits à partir de données examinées avec la rigueur de l’historien. Dans ce texte, il s’engage aussi en tant qu’être humain de ce pays, dont les chemins sont faits de pierres de douleurs autant que de pierres de joies des heureuses rencontres que l’on peut faire, quand on sait prendre son temps ; ceux qui le connaissent, ils sont nombreux, n’en seront pas étonnés.
Invité au 1er Congrès international de psychologie en Océanie (CIPO) portant sur la violence, je me suis demandé si j’étais vraiment légitime pour disserter sur ce thème, moi qui ai souvent versé dans le pamphlet et la polémique qui, je ne vous apprends rien, vient d’un mot grec signifiant la guerre. Puis, je me suis dit que venir expliquer que, lorsqu’on est marginal dans son île, quand on ne se reconnaît plus dans le miroir de sa communauté, quand on veut continuer à « dire » après avoir publié le Pays du Non-dit (Barbançon, 1992), quand on veut être et demeurer debout, quand on s’obstine à faire face, cela ne peut se faire sans l’usage d’une certaine violence.
Si j’ai pu être debout devant les auditeurs à ce colloque en 2013, ce n’est pas seulement parce que j’ai pu écrire ou émettre quelques réflexions qui ont interpellé, non, c’est aussi parce que pendant toutes ces années, quand je jugeais que c’était important, j’ai rendu coup pour coup. Autrement, je ne serais plus. Mais la polémique qui m’est facile n’apporte qu’un plaisir superficiel, qui n’égalera jamais la profonde jouissance de créer, de fonder, de construire. Vous voilà prévenus, mais je vous avoue aussi que pour être venu à ce congrès et écrire dans cet ouvrage collectif, je ne me suis pas fait trop grande violence.
La violence est consubstantielle à la colonisation
La violence est consubstantielle à la colonisation. Elle commence en Nouvelle-Calédonie par un acte violent : la prise de possession. Pour avoir rappelé cette vérité première qui n’est qu’une évidence, j’ai, il y a quelques semaines, suscité bien de violentes réactions. Tout est posé. A-t-on le droit de parler de la violence dans un pays où le plus grand nombre n’a toujours pas compris qu’il vivait une décolonisation ? Ou plutôt, existerait-il une violence, ou des violences, dont on aurait le droit de parler : celles dues à l’alcoolisme, au cannabis, ou encore les incivilités, la délinquance juvénile, la criminalité, les blocages et les occupations syndicales, et d’autres qui seraient tabous et en particulier celles de l’Histoire ?
L’historien ne se contente pas d’évoluer au milieu des mémoires arrangées, fréquentant les archives, il est forcément confronté à la violence dont l’histoire est chargée. De mon éducation et de ma scolarité, je suis sorti avec la certitude qu’il n’y avait jamais eu d’affrontements, de violences avec les Kanak et que tout s’était toujours bien passé dans le passé. Plus tard, une plongée prolongée dans les archives m’amena à réviser ce qu’en toute innocence et ignorance, je tiens à le préciser, ma mère et mes institutrices m’avaient transmis.
Une fois découverts les spoliations foncières, les arrêtés de déguerpissement, les chefs exilés, fusillés ou décapités, les enfants otages, les populations déplacées ou déportées, les tribus incendiées, le code de l’indigénat, les ravages de l’alcoolisme, la conclusion s’est imposée d’elle-même à moi que colonisation et violence étaient consubstantielles.
Je découvrais aussi la colonisation pénale issue du bagne, un autre univers de violence et de violents s’il en est. En organisant le système de la transportation, puis en l’exportant en Nouvelle-Calédonie, la France y a introduit une forme de violence supplémentaire venue s’ajouter, se superposer à une histoire coloniale déjà douloureuse. Violence passagère ou violences répétées qui, à l’origine, ont conduit des hommes et des femmes à être condamnés ; violence des mœurs internes du bagne ; violence des moyens de répression utilisés, punitions, châtiments corporels, coups de martinet, guillotine, torture parfois, humi-liations souvent, mépris social longtemps ; violence du travail forcé que l’on dit privilégié, car il se déroule en plein air, sur les routes, les chantiers puis sur les mines quand les nouveaux enjeux économiques l’emporteront sur la prétendue égalité de tous devant la peine.
Même les procédures de réhabilitation, censées marquer un progrès, entraînent de nouvelles violences. Il en va ainsi des deux piliers de la réinsertion des condamnés : la politique de mise en concession, ce retour à la terre, qui suppose une spoliation préalable des terres des tribus.
Il y a eu aussi le mariage des transportés. Cette tentative de reconstitution des liens de la famille s’est trop souvent pratiquée en faisant des femmes épousées, « les bagnardes des bagnards. » Et que dire des filles et des garçons de concessionnaires placés en internat pour les éloigner de leurs parents (Bogliolo, 1994 ; Delathière, 2012), l’Administration s’arrogeant le droit d’estimer et de juger qu’ils n’avaient pas atteint un degré moral et intellectuel suffisant pour les éduquer ? On brisait ainsi les liens familiaux.
Restait la colonisation d’exploitation, la bien-nommée. Là encore, les hécatombes des travailleurs néo-hébridais sur les mines, les conditions de travail des Chan Dang tonkinois et des Wong contrat javanais ont confirmé que la violence est consubstantielle à la colonisation. Dans ce pays de mines, de ports, de plantations et d’élevage, la société, y compris la société libre, est dominée par la surmasculinité, un contexte que l’on retrouve, à la même époque, dans le bush et les centres miniers australiens pour prendre un exemple proche, ou encore dans les mines du Klondyke mythifiées par les romans de Jack London. Les scènes de beuverie et les rixes qui suivent les soirs de paie, l’aura du bagarreur, font alors partie d’un vécu quotidien souvent très alcoolisé.
On m’oppose souvent que tout ceci ne découle que de la violence des temps. Doit-on s’arrêter à celle-ci ? C’est pourtant ce que beaucoup demandent. C’est ce que l’on m’a demandé pendant ces quarante dernières années. Les arguments étant toujours les mêmes : « Ça c’était avant, il faut se remettre dans le contexte de l’époque, ça ne compte plus, quand on regarde en arrière on ne voit pas les obstacles devant, pourquoi ressasser le passé ? » Jusqu’à tout dernièrement, sur un blog, une longue diatribe en rimes pauvres sur le thème « Barbançon a mal à son histoire », et signée Prosper, sans doute un Prosper Périmé qui croit faire des vers mais qui ne produit que des pets rimés.
Est-ce à dire pour autant que l’Histoire du pays ne serait que violences ? Certainement pas, il y a eu et il y a aussi de belles rencontres, des actes d’amour, de générosité, de solidarité, de fêtes et de rires partagés. Le nier serait vouloir rester ignorant des autres visages du pays et le méconnaître. Combien d’entre nous ne seraient pas parmi nous aujourd’hui si tous ces regards qui se sont croisés n’avaient pas également existé ?
Doit-on pour autant se complaire et s’enliser dans le : « tous victimes ». J’ai dénoncé cette thèse. L’étude de l’histoire mouvementée de la Nouvelle-Calédonie, depuis la prise de possession, m’a appris que l’on pouvait être victimes à un moment donné, c’est le cas « des victimes de l’Histoire », mais qu’après, on en devenait co-acteurs.
Être acteur veut dire avoir une responsabilité dans ses actes. Les êtres humains que nous sommes, même les plus opprimés ne font jamais que subir : ils agissent, ils créent, ils imaginent, ils inventent des stratégies de survie. C’est vrai pour les esclaves ailleurs, c’est vrai ici pour les forçats (Barbançon, 2003), les travailleurs engagés et les Kanak. Deux écueils sont à éviter : l’état permanent de victimisation et la négation de la violence de l’histoire de l’île.
Pour celles et ceux qui vivent sur le territoire depuis des générations, ce qui précède éclaire d’une certaine lumière l’accueil chargé de méfiance que les récits des historiens ont reçu, quand ceux-ci s’éloignent de la vision imposée par les uns ou par les autres. Le fait mérite d’être souligné que l’âpreté des critiques est quelque fois inversement proportionnelle à la durée de la présence de leurs auteurs dans le pays, comme si, pour beaucoup, l’Histoire commençait le jour où ils avaient atterri à l’aéroport de Tontouta. Tout ce qui s’est passé avant n’ayant évidemment aucun intérêt. Je le dis d’autant plus volontiers que pendant longtemps, les Calédoniens de vieille souche, dont je suis, ont considéré que l’histoire de la Nouvelle-Calédonie avait commencé le jour où eux-mêmes avaient débarqué et posé leur sac sur le quai de Nouméa ou celui de l’île Nou.
En Nouvelle-Calédonie, l’historien est particulièrement confronté à ceux qui estiment que le non-dit sur la violence passée, qui n’est alors pas niée, est fondateur. Cette demande adressée à l’historien repose sur une croyance selon laquelle si l’Histoire organisait l’oubli des moments de violence, il serait plus facile d’arriver à un consensus. Je me suis longtemps interrogé sur cette disposition d’esprit qui conduit notre société insulaire, issue d’une histoire coloniale évidemment violente, à penser et même à professer que l’oubli et le non-dit seraient fondateurs et que, sans ces deux piliers, chez nous on dirait ces deux poteaux, il serait impossible de construire une case commune.
La France de l’après-Seconde Guerre mondiale a bien connu ce phénomène. Il fallait reconstruire, aussi la nécessité de s’appuyer sur des cadres s’est-elle très vite imposée. Or, un certain nombre avait servi avec zèle sous Vichy en devançant les lois de l’occupant. Cette nécessité a entraîné des phénomènes de non-dit. Exhumées bien des années plus tard, les affaires Bousquet ou Papon en attestent.
Pour ceux qui ont subi bien des violences, les libérés du bagne ou les engagés asiatiques, le non-dit apparaît alors comme salvateur car il est dit que cette stratégie de l’oubli ou du silence permet de surmonter les moments difficiles. Mais, au fil du temps qui passe, on comprend que cette stratégie n’est qu’un leurre. Le droit à l’oubli a longtemps prévalu sur le devoir de mémoire. Dans le monde kanak, le rapport au passé a été plus sinueux, dans le sens où la transmission des épisodes violents du passé s’est perpétuée, d’abord à l’abri, dans les cases autour des foyers, puis ouvertement et publiquement, nourrissant et légitimant la revendication nationale. Aujourd’hui, en raison des violences de 1984, puis de 1988-1...

Table des matières

  1. Les auteurs
  2. Préface
  3. Naissance du sentiment social
  4. Première partie Regards d’historiens
  5. Chapitre 1 Terre violente ou Terre de parole et de partage ? De la culture de l’oubli au travail de mémoire
  6. Chapitre 2 Réflexion sur la violence coloniale et les effets de « brutalisation » des rapports sociaux. L’exemple de la Nouvelle-Calédonie
  7. Deuxième partie Regards anthropologiques
  8. Chapitre 1 Un regard anthropologique sur les régimes de violence parmi les populations autochtones des îles polynésiennes depuis le début du XIXe siècle
  9. Chapitre 2 Le genre féminin en Océanie ou la violence d’une définition problématique
  10. Chapitre 3 Violences délinquantes d’adolescents
  11. Chapitre 4 La mémoire de la guerre en Papouasie-Nouvelle-Guinée : pratique artistique et guerre civile à Bougainville
  12. Troisième partie Regards cliniques
  13. Chapitre 1 Une approche latino-américaine du groupe pour mettre au travail le legs psychique de la colonisation et la violence qui en découle
  14. Chapitre 2 D’un retour en arrière utopique à l’utopie potentiellement créatrice. Quand tout est crise autour de soi, entre la vie et la mort en Grèce
  15. Chapitre 3 Un masque derrière un masque derrière un masque : un tiers multiple
  16. Chapitre 4 Violence et enfance : l’importance de la psychopathologie pour tenter d’expliquer les comportements et engager une politique concrète de prévention
  17. Chapitre 5 Le deuil en après-coup
  18. Chapitre 6 Visibilité de l’invisible des violences dans différents contextes
  19. Chapitre 7 Suicide, insularité et crise du corps d’équipe dans un dispensaire néo-calédonien
  20. Mise en perspective Faire société après la fin des sociétés de culture traditionnelle ?
  21. Le premier Congrès international de la psychologie en Océanie