Journal d'un résistant juif dans le Sud-Ouest

Roger Fichtenberg

• Éditeur: Éditions Le Manuscrit
• Année: 2020
• Imprimer l'ISBN: 9782304045482
• ISBN de l'eBook: 9782304045499
• Sujet: Histoire
• Sujet: Seconde Guerre mondiale

Roger Fichtenberg est né en 1921 dans le XIe arrondis-sement au sein d'une famille parisienne depuis plusieurs générations. En juin 1940, devant l'avancée des troupes allemandes, les Fichtenberg se réfugient à Lapalisse, à 25 km au nord-est de Vichy (Allier).Roger entre aux Éclaireurs israélites de France (EIF) en mai 1941. Suite aux rafles de Juifs dans la zone dite « libre » (août 1942), il fonde avec d'autres la branche clandestine du mouvement, la « Sixième »: son totem, « Jaguar », sera son nom de guerre. À partir de Moissac (Tarn_x001A_et_x001A_Garonne), quartier général des EIF, l'organisation clandestine met en oeuvre le sauvetage de milliers d'enfants juifs. Réalisation de faux papiers, recherche de planques, convoyage et passages des frontières suisse et espagnole, diffusion de tracts clandestins… Roger brave les dangers en sillonnant la zone Sud. Intégré à l'état-major des FFI du Lot_x001A_et_x001A_Garonne, il participe à la libération d'Agen où il occupe la préfecture (19 août 1944), et contribue au rétablissement des institutions républicaines.À partir de ses notes des années de guerre, Roger Fichtenberg nous fait partager le cheminement exemplaire d'un jeune homme juif dans la Résistance.

1943

Le rabbin Fuks m’indique des jeunes hommes désireux de passer en Espagne. Premier convoi le 10 janvier ; deuxième, le 25 janvier. J’accompagne alors huit jeunes. Nous prenons le train à Agen, nous changeons à Toulouse et à Pau. Nous arrivons à Oloron-Sainte-Marie. À la gare, je dois prendre contact avec le passeur. Moment délicat ! On m’avait dit : il sera devant la porte du buffet de la gare, il aura un béret basque bleu sur la tête, tiendra le journal Signal
sous le bras gauche, tu t’approcheras de lui et tu devras lui dire : « Vous êtes bien le cousin d’Henri ? » Il devra répondre : « Son cousin germain. » Ainsi est-il fait. Le contact est établi.

Nous sortons de la gare. Les jeunes nous suivent discrètement. Nous entrons dans un café-restaurant donnant sur le Gave. Nous sommes introduits dans une arrière-salle où le passeur nous explique comment les choses vont se dérouler. Une voiture viendra les chercher par petits groupes. Ils seront dirigés vers Tardets
, puis la longue marche commencera. Il leur donne des conseils, en particulier d’être discrets et attentifs aux instructions qui leur seront données. « Vous ne serez pas seuls, nous sommes plusieurs à nous relayer et à éclairer le chemin. Vous n’avancerez qu’en terrain sécurisé. Faites-nous confiance ! »

J’ai revu deux de ces jeunes après la Libération : Georges Raufman et Guy Ledoux. Ils m’ont raconté comment ils avaient franchi la frontière. Arrivés en Espagne, ils ont été arrêtés par la Garde civile. Ils ont été internés au camp de Miranda, puis libérés. Ils ont pu enfin rejoindre l’Afrique du Nord, être incorporés dans la 2e DB, être ensuite transférés en Grande-Bretagne, débarquer en France, participer à la libération de Paris, puis de Strasbourg, et finir la guerre à Berchtesgaden, sous le nid d’aigle d’Adolph Hitler.

Nous sommes plusieurs sur cette mission. Au début, Lucienne Samuel, une éclaireuse, s’en occupe avec moi. D’autres viennent nous relayer pour que ce ne soit pas toujours les mêmes visages sur le trajet entre Toulouse et Oloron-Sainte-Marie.

Cette filière a parfaitement fonctionné de janvier 1943 jusqu’à la libération du territoire. Nous n’avons eu à déplorer aucune arrestation.

Le 5 janvier 1943, le Commissariat aux questions juives procède à la dissolution de la 4e direction Jeunesse de l’UGIF et met fin à l’activité des Éclaireurs israélites. Seule est conservée la 6e division : Service social des jeunes. Marc Haguenau en est le directeur, assisté de sa secrétaire, Édith Pulver. Cette décision nous amuse beaucoup, car c’est précisément sous le couvert de la 6e direction (« la Sixième ») que s’effectue notre travail clandestin.

Sur le plan financier, cela présente un intérêt certain, du fait que la 6e division est subventionnée par l’UGIF. Les fonds officiels sont ainsi utilisés pour la clandestinité.

Le 7 janvier, je participe à une réunion de cadres de la Sixième à Montauban, chez Atlas, 3, rue Princesse, avec la participation de Marc Haguenau.

Le 9 février, je vais à Toulouse. Je me rends à l’ORT
, où se tient une réunion à laquelle participent : Lucien Fayman (Hibou), Nicole Bloch (Roseau), Rosette Donoff (Hérisson) et Ninon Haït. Cette rencontre entre responsables de la Sixième est très importante. Elle nous permet de comparer les besoins de chacun et les aides dont nous bénéficions. Nous aurons beaucoup d’autres réunions comme celle-ci par la suite. Elles se tiendront souvent à l’ORT.

Le 16 février, le STO (Service du travail obligatoire) est institué
. Nombreux sont les jeunes qui n’ont aucune envie d’aller travailler en Allemagne. Ils devront alors soit se cacher, soit rejoindre les maquis. Cela va me donner du travail supplémentaire : établir de faux papiers à des réfractaires et leur trouver des planques. Moi-même je suis visé par cette loi. Je risque donc à tout moment d’être convoqué.

Le 27 février, je c...

Table des matières

• Présentation de la collection « Témoignages de la Shoah » de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah
• Comité de lecture de la collection (2015)
• Biographie de Roger Fichtenberg
• Préface
• Avant-propos
• 1940
• 1941
• 1942
• 1943
• 1944
• 1945
• Épilogue
• Crédits des illustrations
• Titres disponibles dans la collection « Témoignages de la Shoah » (2019) par catégorie de témoignage