Cahiers Albert Cohen N°25
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Cahiers Albert Cohen N°25

Albert Cohen : la littérature à l'épreuve

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Cahiers Albert Cohen N°25

Albert Cohen : la littérature à l'épreuve

À propos de ce livre

Au nom d'Albert Cohen est attachée l'image d'une œuvre inclassable, qui échappe à toutes nos normes, qui bouscule nos habitudes de lecteur. Radicalité comique, lyrique, polémique: on trouve là une façon souveraine et absolument inattendue de renouveler le genre romanesque. Si l'écrivain a affirmé avoir cessé de lire dans la trentaine, son œuvre est pourtant marquée par ce qui pourrait tenir lieu d'une lutte avec et contre la littérature. Car ses textes regorgent d'allusions, de citations, de parodies, de pastiches, de réécritures parfois dissimulées, parfois affichées, où l'écriture se questionne elle-même dans le miroir de celle des autres. Les études réunies ici auscultent les nombreuses facettes de ce rapport avec la littérature, questionnent le rôle des modèles et contre-modèles, des influences et des inspirations, qui déterminent la manière inédite dont Cohen construit tant son esthétique qu'une éthique de la littérature.

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Informations

De Joseph à Moïse : Solal, impossible sauveur. La Bible à l’épreuve du roman cohénien

Mélanie Adda
L’intertexte biblique sature le cycle romanesque d’Albert Cohen, du premier paragraphe de Solal, roman inaugural, publié en 1930, où il est fait référence aux Psaumes[1], à la dernière ligne de Belle du Seigneur[2], roman publié en 1968 (mais dont l’élaboration commence dans les années 1930), qui clôt l’univers romanesque sur une référence au Chema Israël (Dt 6, 4).
La Bible est au cœur de l’ethos cohénien, de la vision fondamentale du « combat de l’homme », répétée à travers toute l’œuvre – soit mot pour mot, soit modifiée par la voix de différents personnages. Cette vision fondamentale lie deux positions apparemment contradictoires : d’une part la vénération de la Bible, création du peuple juif, dont la sacralité est proclamée, et d’autre part l’athéisme, qui va croissant de Paroles juives (1921) ou de Solal (1930), où la présence de Dieu peut encore se manifester, à Belle du Seigneur (1968), où l’inexistence de Dieu est affirmée sans détour[3]. Dans un univers ainsi privé de transcendance, la Bible est tenue pour un texte né de la volonté du peuple juif de rompre avec la nature bestiale de l’homme ; elle a pour fonction d’entretenir, à travers les âges, ce « combat de l’homme [4] » contre la Nature. La Bible est donc « Loi d’humaine grandeur ", à la fois parce qu’elle correspond à la naissance de l’Humanité parmi les hommes, jusqu’alors bestiaux, ainsi qu’à l’arme dont se sert cette Humanité débutante pour ne pas retomber dans l’état de Nature, et parce qu’elle est une création strictement humaine, sans origine ni finalité transcendantes. Cependant, cette origine humaine de la Bible n’en annule pas la sacralité, dans la mesure où la vacance du divin n’entraîne pas la disparition du sacré mais son déplacement vers l’humain. Le sacré est constitué par tout ce qui provient de l’esprit juif d’« antinature » et par tout ce qui perpétue cet esprit. Ainsi, la Bible reste un texte sacré malgré la négation de son statut de Révélation.
Mais la Bible ne se limite pas à cette place centrale explicite dans l’ethos cohénien : elle est aussi un intertexte souterrain structurant pour toute l’œuvre romanesque. Et en tant que telle, si sacrée qu’elle soit, elle n’échappe pas plus qu’aucune autre œuvre absorbée par le roman cohénien au dialogisme et à l’ambiguïté caractéristiques de l’écriture romanesque de Cohen, qui rejette toute forme d’univocité – sans qu’il soit toutefois jamais question d’une démarche simplement ludique ou gratuitement destructrice : la Bible est mise à l’épreuve du roman cohénien. Ainsi, l’intertexte biblique, aux prises avec la dualité constitutive de l’univers romanesque de Cohen, porte concomitamment deux sens contradictoires : il est presque toujours vecteur de la voix de l’écrivain « prophète » clamant l’immortalité du peuple juif d’antinature, mais il peut aussi véhiculer une autre voix, implicite cette fois et dissonante : celle d’un romancier, ambivalent quant à son propre peuple, et beaucoup plus pessimiste après la Shoah, qui semble ne plus croire lui-même aux promesses prophétiques de salut pour le peuple juif et pour l’Humanité qu’il continue pourtant de proférer. Outre cette dualité fondamentale, l’intertexte biblique est aussi soumis à la liberté et à l’élasticité qui caractérisent le travail de Cohen sur les textes auxquels il emprunte. Les thèmes, les schèmes et les figures bibliques, qui irriguent l’intrigue et nourrissent de nombreux personnages, sont toujours modifiés, bouleversés (souvent jusqu’à la mise en échec). Cette mise à l’épreuve particulière de l’hypotexte biblique passe notamment par le fait que Cohen n’hésite pas à confronter les éléments empruntés au texte biblique, à les mélanger, les mettre en dialogue, non seulement avec d’autres intertextes de la littérature occidentale, mais aussi entre eux.
Le principal lieu de rencontre, d’achoppement, de synthèse inédite des intertextes littéraires, mythiques et bibliques, est le personnage de Solal, rendu disponible par une certaine béance identitaire. Cette dernière est ménagée par la posture solitaire d’entre-deux qu’occupe le héros (entre Orient et Occident, entre appartenance au peuple juif et amour-passion idolâtre à l’occidentale, etc.), posture dont Solal, personnage complexe et ambivalent, ne parvient pas à se défaire car il n’accepte ni le choix d’une appartenance contre l’autre, ni le moindre compromis – nous y reviendrons. Cette béance identitaire, cette incapacité à appartenir, vécues dans la douleur, sont soulignées par le nom du héros : Solal des Solal. En effet, ce nom est l’un des seuls, dans un cycle romanesque où l’onomastique est presque toujours signifiante[5], à être dépourvu de référence mythique ; en outre, le héros, loin d’y lire le riche superlatif hébraïque qui l’auréole aux yeux de ses parents juifs d’une aura messianique, vit son nom comme le symbole d’un destin de solitude et d’indétermination identitaire[6]. Cette exception d’un nom sans référentiel mythique clair et signe d’une faille identitaire peut être comprise comme un refus de la part du romancier d’enfermer son héros dans une seule référence. N’ayant pas de « patron » unique ou immédiatement repérable, Solal peut donc se construire comme un personnage pluriréférentiel empruntant à une multitude de figures littéraires et mythiques. Il est notamment, et nous entrons là dans le cœur de notre propos, le centre d’un faisceau de références bibliques, qui s’entrecroisent, se télescopent, créant entre elles des rapports divers, de complémentarité parfois, de contamination toujours, mais aussi bien souvent de contradiction, d’empêchement réciproque. Les différentes figurations bibliques de Solal, quand elles ont fait l’objet de recherches, ont le plus souvent été analysées indépendamment les unes des autres. En particulier, leur mise en échec systématique a généralement été envisagée au cas par cas, et non dans la perspective, que nous adoptons ici, d’un réseau intertextuel, où l’émergence, la transformation, la mise à l’épreuve et l’échec de la référence biblique pourraient être compris par leur relation avec d’autres références bibliques concurrentes[7]. Dans une œuvre romanesque éminemment polyphonique, cet effet de télescopage des figurations bibliques au sein du personnage de Solal nous semble largement lié au fait que le héros est l’objet de nombreux fantasmes bibliques émanant d’instances différentes : fantasmes idolâtres de ses maîtresses occidentales, fantasmes messianiques des Juifs de Céphalonie et des Juifs allemands persécutés, fantasmes narcissiques du héros lui-même – autant de sources de figurations bibliques pour Solal avec lesquelles joue l’instance narratrice, sans jamais se départir de l’ambiguïté qui la caractérise.
Au cœur de ce réseau dialogique d’intertextes bibliques visant tous Solal, se trouve la figure génésiaque de Joseph[8] – et, dans une moindre mesure, celle d’Esther qui en est en quelque sorte l’équivalent féminin. Ces deux figures, cousines sinon jumelles, et les schèmes narratifs qui leur sont associés, constituent à notre sens la référence intertextuelle principale pour le personnage de Solal. Nous émettons ici l’hypothèse qu’à partir de cet intertexte joséphique (et esthérique), sans cesse mis en échec, peuvent être interprétées toutes les autres références bibliques constitutives de Solal, qui nous semblent toujours prises dans une relation dialogique de compensation ou de contradiction avec cette figuration principale. Après avoir rappelé les contours principaux de la figuration joséphique/esthérique de Solal et avoir tenté d’en expliquer l’échec systématique par un faisceau de causes conjointes, nous envisagerons donc trois autres figures bibliques qui participent à la constitution du personnage de Solal, en les analysant non pas séparément mais à travers la relation qu’elles entretiennent avec le schème joséphique, au sein de cet univers romanesque hautement polyphonique où tant de fantasmes se croisent, se contaminent, s’entrechoquent : Jésus, Jacob et Moïse.
Solal : Joseph et Esther en Occident[9]
Dans la Bible hébraïque, les histoires de Joseph[10] et d’Esther mettent en scène, à quelques nuances près, la même situation et les mêmes enjeux : un Hébreu devient un personnage hautement influent au sein de la plus puissante des nations païennes – Joseph devient le bras droit de Pharaon en Égypte, et Esther l’épouse favorite de Xerxès (Assuérus), Roi de l’Empire perse. Cette position de puissant en terre étrangère, Joseph et Esther la doivent non pas à l’entremise de Dieu, qui est en retrait dans l’histoire de Joseph et n’est pas une seule fois évoqué dans le Livre d’Esther, mais à leurs qualités propres, à savoir une grande beauté, à laquelle s’adjoint, dans le cas de Joseph, une remarquable intelligence. De même, Solal est un Juif de Céphalonie – petite île en périphérie de la grande Histoire, que le travail intertextuel désigne à la fois comme Éden et comme Terre promise –, devenant un personnage influent dans une Europe antisémite qui s’apparente aux nations bibliques pour être largement retombée dans un paganisme mal camouflé sous les oripeaux du christianisme (idolâtrie de l’argent c’est-à-dire du Veau d’or, idolâtrie de la force bestiale dissimulée sous le masque de l’amour-passion à l’occidentale, etc.). Combinant les qualités d’Esther et de Joseph, Solal parvient à s’assurer cette position de puissant en terre « païenne » grâce à sa grande beauté et à son intelligence hors du commun. Comme Joseph qui devient le second de Pharaon, Solal devient, dans Solal, le second de Monsieur de Maussane, homme politique de premier ordre, qui finit par obtenir pour son protégé un poste de ministre. Comme dans l’histoire de Joseph, cette position s’accompagne d’un mariage mixte avec une étrangère qui se trouve, par ses liens familiaux, au cœur de la religion dominante de la nation dans laquelle l’Hébreu s’est fait une place de puissant : ainsi, Pharaon donne pour femme à Joseph Aséneth, la fille du grand-prêtre de la religion égyptienne, et Solal obtient de Maussane la main de sa fille, Aude, qui a été élevée par son grand-père pasteur. Et comme pour Joseph que Pharaon assimile véritablement à sa nation en lui donnant un nom égyptien, Tsafnath-Panéah, la position de puissant en terre étrangère et le mariage mixte s’accompagnent pour Solal d’une naturalisation (Maussane lui obtient la nationalité française). Puis, dans Mangeclous et Belle du Seigneur, Solal est devenu sous-secrétaire général de la Société des Nations, dont le nom, dans le contexte romanesque, fait évidemment écho aux nations au sens biblique : Solal, comme Joseph, est bien à nouveau le deuxième personnage le plus influent au sein des nations.
Mais le schème narratif des histoires de Joseph et d’Esther ne se limite pas à ce succès au sein des nations. Au faîte de leur réussite, les deux personnages bibliques vont se trouver confrontés à une requête urg...

Table des matières

  1. Crédits
  2. Avant-propos
  3. L’homme sans lettres
  4. La littérature à coups d’encrier
  5. « Sur le marbre, un livre ». Les personnages d’Albert Cohen et leurs lectures
  6. Burlesque et héroï-comique dans les romans d’Albert Cohen : anachronisme, métatextualité, éthique
  7. Dramaturges et dramaturgies cohéniennes
  8. L’écriture d’Albert Cohen et le roman-poème stylistique d’une rencontre
  9. Albert Cohen et la langue du roman contemporain
  10. Albert Cohen, du côté de Guermantes
  11. Albert Cohen, lecteur de Dostoïevski
  12. Les cousins d’Aladdin. Albert Cohen, lecteur des Mille et une nuits
  13. « Va un peu voir à Jérusalem si j’y suis » Parodies du retour à la terre chez Albert Cohen
  14. De Joseph à Moïse : Solal, impossible sauveur. La Bible à l’épreuve du roman cohénien
  15. Couverture