Journal d'un interné: Compiègne, Drancy, Pithiviers, 12 décembre 1941-23 septembre 1942. Volume 2: Souvenirs et lettres
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Journal d'un interné: Compiègne, Drancy, Pithiviers, 12 décembre 1941-23 septembre 1942. Volume 2: Souvenirs et lettres

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Journal d'un interné: Compiègne, Drancy, Pithiviers, 12 décembre 1941-23 septembre 1942. Volume 2: Souvenirs et lettres

À propos de ce livre

Benjamin Schatzman (1877-1942) a eu une solide formation religieuse: son père était sacrificateur rituel, l'enfant a fréquenté l'école de Zikhron Ya'akov, fondée dans la Palestine ottomane par le baron Edmond de Rothschild très attaché et à la France et aux traditions juives. Par la suite, il est devenu entièrement incroyant, mais n'a pas oublié l'hébreu de son enfance. En 1942, alors qu'il était interné au camp puis à l'hôpital de Compiègne il fut arrêté lors de la rafle dite «des notables», le 12 décembre 1941, il rêvait d'un grand bonheur: être réuni avec les siens autour de la table du premier soir de Pâque où c'était toujours lui qui lisait dans le texte le récit de la Sortie d'Égypte. Ce bonheur lui a été refusé. Le récit de la Sortie d'Égypte, d'origine rabbinique, dit que l'

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Informations

1.
Souvenirs et réflexions

Souvenirs
Régime et distributions alimentaires à Royallieu
Nous avions, en fait, trois sortes de distributions alimen-taires : 1) 1 la distribution officielle faite par les Allemands, celle des achats faits à la cantine et celle, les derniers temps, faite par la Croix-Rouge 1.
La distribution faite par les Allemands consistait, comme je le disais ailleurs, en la soupe de midi, le pain, qui était généralement distribué à partir de 16 heures, les derniers temps, plus de la margarine et de la confiture. Les boules de pain devaient peser au maximum un kilo. Personne, en somme, ne savait son poids exact, car on prétendait que le poids était aussi de 800 à 900 g. En tout cas, on avait droit au maximum à un quart de boule pour vingt-quatre heures. Ces dernières semaines, le quart était plus rare et sous le prétexte que les boules étaient un peu plus grandes, elles étaient données avec le droit à un cinquième ou un sixième, généralement un jour sur deux. C’était l’inquiétude de l’après-midi, aurait-on un quart, ou un cinquième, ou un sixième de boule. Ces boules distribuées, il fallait les découper et les partager en parties égales à chacun, sans avoir de balance. Les uns n’étaient pas à 10 ou 20 g près, d’autres ne pouvaient supporter l’idée d’avoir une si petite quantité en moins. Entre groupes, on s’arrangeait à tirer au sort.
Ce pain était apprécié comme saveur et qualité. La margarine était distribuée après avoir été découpée en morceaux par un des compagnons de la chambre chez nous et il réussissait à faire très bien ce découpage en parties à peu près égales. Pour la margarine, il n’y avait pas de discussions, et la quantité donnée à chacun ne devait pas dépasser sept grammes. Au début, on en recevait presque le double. Mais la confiture, qui était toujours bonne, n’était pas distribuée régulièrement tous les jours. La quantité distribuée était une cuillerée à soupe aux deux tiers ou aux quatre cinquièmes remplie. Il faut que je dise que chaque chef de chambre était d’abord appelé chez le chef de chambre du baraquement et que c’était chez lui que se faisait la distribution pour chaque chambre suivant le nombre des occupants.
Tout était d’abord apporté chez le chef du baraquement, les achats à la cantine et de la Croix-Rouge.
Voilà en quoi consistait l’achat à la cantine : les Allemands, ayant autorisé l’installation d’une cantine dans le camp des Juifs, chaque fois que cette cantine pouvait faire entrer un achat important, il fut entendu, pour que tout le monde en ait un peu, cet achat devait être distribué entre les baraquements d’abord. Voici quelles sortes d’achats ont pu être faits par elle : des sardines salées, des petits anchois, des petits gâteaux secs, collés par deux au moyen d’un peu de confiture. Je n’en ai pas vu à Paris, quelques oranges, citrons, endives, et oignons et pommes. Nous étions si nombreux que, finalement, quand chacun de nous recevait deux sardines ou anchois, on était contents. Nous avons eu une distribution au courant de février, une distribution de rollmops (je suppose que cela s’écrit comme cela), car je ne connaissais pas le nom de ces filets de gros harengs ou grosses sardines, roulés en boules, et marinés dans une sauce aromatisée au vinaigre. La quantité donnée à chacun était plus substantielle, mais c’était toujours la même chose, nous n’avions pas besoin de manger quelque chose qui donne de l’appétit, cela on l’avait toujours, mais nous avions surtout besoin de pain. Le manque de pain devenait une souffrance de plus en plus intolérable.

Le pain était l’aliment essentiel, et, n’en ayant que si peu, il fallait, chaque fois qu’on recevait sa ration, faire un effort d’arrachement pour s’arrêter de tout manger à la fois. Cette sorte d’arrachement restera le souvenir le plus pénible et le plus triste que nous ayons connu. Le plus souvent, on mangeait le soi-disant dîner qui, en somme, n’était ni un goûter ni un dîner, mais une mise en appétit. Manger un morceau de boule, en petites tartines couvertes d’un peu de margarine et d’un peu de confiture, ne pouvait absolument pas suffire pour nous nourrir et nous faire attendre jusqu’à la soupe du lendemain, même quand nous avions une sardine ou deux petits anchois en plus ! C’était pour tous la torture de la faim ! On comprend que ceux qui avaient de l’argent et qui avaient à choisir entre un morceau de pain ou cet argent qui n’était pas mangeable, n’hésitaient pas à offrir des centaines de francs pour un quart de boule. En mars, avant mon départ, le quart valait ou était payé 300 F 2. Quant à moi, pour avoir suffisamment de pain pour la soupe, j’ai pris l’habitude de ne pas manger le lendemain matin. Comme je ne me levais pas avant 11 heures, je me contentais pour la matinée des deux quarts de tisane que je buvais à 8 heures. Cela me faisait, en moyenne, quinze à seize heures à rester sans aucune nourriture. Cette vie, je l’ai menée pendant un mois avant d’être évacué, et, c’est certainement à ce moment que j’ai le plus maigri et me suis le plus affaibli ! Mais il n’y avait pas moyen de faire autrement. Quoi que j’aie pu faire, je n’aurais pas mangé plus. Et le fait d’avoir tout mangé, de n’avoir absolument rien à sa disposition, si on était après poussé par la faim à manger quelque chose était une sensation affolante et douloureuse.
En conclusion de cela, je ne prenais que deux repas par jour, espacés entre eux en moyenne de cinq heures, ce qui fait que je restais sans aucune nourriture pendant dix-neuf heures par jour. Si ce que je pouvais manger avait contenu les éléments essentiels pour me donner les calories et les éléments suffisants de reconstitution en protides, cela n’aurait eu aucune importance, au contraire même, ce repos du tube digestif pendant un si long intervalle n’aurait pu être que bienfaisant. Mais, malheureusement, cela n’était pas le cas. Le corps, pour vivre encore, s’usait aux dépens de sa musculature, aux dépens de toute sa structure, et cela se passe ainsi jusqu’à une fin rapide et brutale. Ma cachexie fut reconnue à temps, et c’est ainsi que j’ai pu être sauvé, autrement, il est probable que je n’aurais pas pu durer plus de quinze jours à trois semaines encore. D’ailleurs, les morts augmentaient rapidement. La moindre maladie emportait les gens et ceux qui, pour des raisons diverses, et surtout notamment [ceux qui] ont mangé trop vite et en grande quantité les provisions reçues ont été atteints de diarrhée, et une bonne proportion en est morte. Ici, dans cette salle, il y a eu une douzaine de morts 3. Et ceux qui n’en sont pas morts ont plus de [mal] encore que moi à se remettre. Ainsi, avec moi, fut amené un homme qui était atteint de diarrhée. On nous a mis dans la même chambre, et j’ai pu ainsi voir sa souffrance. Il a passé la nuit à crier, à pousser des gémissements de douleur, je peux dire toutes les demi-heures, et se précipiter sur le grand pot de chambre, et, finalement, ne pas évacuer beaucoup chaque fois. Comme, le lendemain, on m’a fait quitter cette chambre, je n’ai pas su comment il allait, en tout cas, le lundi suivant, il fut parmi les libérés, donc, il s’en est tiré et, d’ailleurs, il est parti le jour même.
Mais, nous avons appris quelques jours après que, deux jours après sa libération, il est mort. Nous pouvons déduire de cette mort rapide que, dès qu’il était arrivé chez lui, il n’a pas pu s’empêcher de manger beaucoup et, probablement n’importe quoi, et la conséquence fut fatale.
L’infirmière nous a annoncé encore une autre mort ce matin, parmi les évacués ; c’est quelqu’un que je ne connais pas, du moins, je ne l’ai pas connu dans la salle.
Des êtres humains, atteints gravement par une déficience continuelle, et devant en même temps se défendre contre le froid et un minimum de fatigue, n’ont plus que peu de moyens de défense contre la maladie et la mort. Il n’y a que ceux qui avaient une plus grande réserve, comme ceux qui étaient plus ou moins gras, qui présentaient un aspect de résistance meilleure. Ils ne se plaignaient que d’amaigris-sement. On voyait des baisses brutales, ou des décollages, pour employer l’expression du camp, c’est-à-dire, en quelques jours, des hommes, qui paraissaient encore en bon état, donnaient l’impression d’être vidés. Et, en effet, on apprenait qu’ils étaient envoyés à l’infirmerie. Il n’y a donc que ceux qui, au moyen de leur argent, ont pu se débrouiller à recevoir ou acheter des victuailles qui dureront le plus longtemps. À moins que, finalement, ils puissent recevoir officiellement des colis alimentaires 2. Il est certain que peu de gens disposent de moyens de payer 160 F une boîte de conserves contenant un peu de viande et de graisse, 600 F une boîte double de sardines, 300 F un flacon d’anchois, etc.
Le chocolat a monté à un prix fantastique les 500 g. Tout ce qui pouvait se manger était payé des prix énormes. En janvier, un de mes voisins payait 100 F pour trois oranges. Lui avec ses amis, ils étaient trois associés, ouvraient souvent le soir, après la soupe, des boîtes de conserves ; on m’a rapporté, fin février, qu’ils avaient déjà dépensé, à trois, 24 mille francs. En dépit de ces suppléments, qui devaient leur fournir des moyens de résister à la déficience pendant une durée bien plus longue, on les voyait aussi s’affaiblir, prendre mauvaise mine et un aspect malade, on peut estimer alors combien ceux qui n’avaient absolument à manger que ce qui fut donné par le camp devaient nécessairement dépérir rapidement. Le plus curieux et le plus amusant, dans ce triste spectacle, fut que c’étaient ceux qui avaient le plus ingéré de la nourriture substantielle en plus qui protestaient le plus contre l’infériorité nutritive de la soupe et le reste.
Une sensation intéressante à noter, commune à tous, est celle-ci : souffrance profonde de la faim pendant une heure environ après avoir mangé. Ce n’est qu’après ce laps de temps qu’on retrouvait la sensation normale d’avoir un peu mangé et d’une faim moindre. En bref, c’était le cri général : j’ai faim, j’ai faim !
On peut ainsi comprendre pourquoi toute leur attention ne fut concentrée que vers cette souffrance et que les êtres chers laissés derrière passaient au second plan ! C’est cet état de choses lamentable et douloureux que j’ai laissé derrière moi et mon ami David souffrait de plus en plus de ce manque.
Je reviens à moi et à mes impressions ainsi qu’à mes observations dans le camp. Que d’ignorances, que de prétentions, de manque d’égard pour les compagnons de misère et quel souci de l’hygiène d’une manière idiote. Je n’ai entendu que des imbécillités sur ces questions et surtout sur la valeur nutritive des aliments ! L’opinion la plus amusante généralement exprimée parce que les gens ne se préoccupent pas de la nécessité de savoir, de comprendre, et quand ils ne savent pas, ou ne comprennent pas, avoir au moins la probité intellectuelle, ou probité tout court, de s’informer, de demander des explications et non pas de se contenter de répéter et de parler des choses dont ils entendent parler. Ainsi, par exemple, les conditions alimentaires dans le camp étant désastreuses, on parlait de vitamines, et alors, on entendait dire que si on avait des vitamines, l’alimentation serait plus substantielle. J’ai eu beaucoup de mal à faire comprendre et accepter la notion simple que la vitamine n’est qu’un principe catalyseur qui permet à l’organisme d’assimiler des aliments stérilisés. Qu’il suffit d’une toute petite quantité de différents jus de fruits pour empêcher des troubles pathologiques tels que le scorbut, etc., etc. Une autre notion qui devrait être répandue bien plus encore est celle de la ration alimentaire suffisante pour fournir au corps tous les moyens de faire face à ses fonctions normales et à son activité. J’ai eu ainsi l’occasion pendant mon séjour avec des vingtaines de compagnons souffrant du même malheur et de la même misère de constater l’ignorance puérile sur cette question et d’entendre des absurdités innombrables. Ces gens ne sentaient aucune gêne, aucune honte à parler de n’importe quoi avec beaucoup d’assurance et de prétention.
Les douches
Pendant que j’y pense, je voudrais raconter la façon dont les autorités du camp ont voulu assainir les internés, ou déportés, comme on nous appelait 4, sous le rapport de l’invasion des poux. Nous apprîmes un jour, c’était le 3 janvier 42, après avoir été couchés sur une ignoble litière de paille, sur laquelle tout le monde marchait depuis notre arrestation, que tous nous devions recevoir une douche, d’une part, et que les vêtements seraient, pendant ce temps-là, soumis à la stérilisation. C’était toute une révolution, toute une série de mesures prétentieuses, il fallait ramasser les vêtements et les couvertures et les porter dans une chambre à part, pour leur stérilisation, et puis, par groupes de 75 à 100 internés, partir aux douches, en rang par cinq. Ils font tout le temps la guerre, au cours de l’appel, et poussent des hurlements parce que les gens ne se mettent pas assez vite en rang par cinq et tout cela pour la commodité de les compter. Et il fallait voir comment ils prenaient leur temps pour faire la vérification et combien ils se souciaient peu du temps qu’il faisait. C’était normal pour eux de faire rester dehors tous ces malheureux qui ne faisaient que se demander pourquoi ils étaient là, et cela durait aussi bien trente, quarante-cinq et soixante minutes.
Je disais donc que c’était par groupes que nous avions été amenés dans la partie du camp où se trouvaient les douches. Ces Allemands ont une curieu...

Table des matières

  1. Présentation de la collection « Témoignages de la Shoah » de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah (FMS)
  2. Comité de lecture de la collection (2005)
  3. 1. Souvenirs et réflexions
  4. 2. Feuillets épars 28
  5. 3. Lettres à Cécile
  6. 4. Notices
  7. Crédits des illustrations
  8. Titres disponibles dans la collection « Témoignages de la Shoah » 2019 par catégorie de témoignage