Remords et honte
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Remords et honte

Lecture sociologique des sentiments

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Remords et honte

Lecture sociologique des sentiments

À propos de ce livre

Les émotions comme la honte et les remords sont des sentiments qui prennent leur source dans les rapports intimes des individus avec la société. L'originalité de cet ouvrage est de démontrer que pour l'individu, la transgression des règles et des interdits crée un mal-être.Ne pas être dans les normes de la représentation sociale peut devenir une souffrance mais aussi un levier pour modifier l'existant et a permis la société d'avancer au niveau des acquis sociaux.Cet ouvrage regroupe les recherches et réflexions de nombreux chercheurs européens qui ont ainsi donné naissance à « la vie intime des sentiments sociaux ».

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Informations

Année
2016
Imprimer l'ISBN
9782304046380

Le poids du prénom en héritage : entre assignations sociales et stratégies de reconnaissance

Angèle Smaldone
Doctorante en sociologie
Université de Lorraine
Le prénom répond à un phénomène de mode entendu comme la transformation cyclique du goût collectif, mais aussi « à une détermination sociale, familiale ou religieuse » (Galland, 2004, p. 131). Le prénom est selon la définition de Besnard « un bien gratuit dont la consommation est obligatoire » (Besnard, Desplanques, 1986, p. 11) qui peut révéler le sexe, l’origine sociale, l’âge, l’origine géographique ou une appartenance religieuse. Selon Françoise Zonabend « le prénom transmet toujours un message qu’il convient, selon les époques et les cultures, de décoder » (2001, p. 49). En tant que marqueur social et identitaire, son choix fait l’objet d’une pression familiale et sociétale. Certains prénoms sont affublés de lourds préjugés qui peuvent compliquer la vie ou même, comme le souligne Jean-François Amadieu, « tracer encore trop souvent les destins de chacun » (2006). Des pièces de théâtre et des films comme Le prénom[1], des romans comme La revanche de Kévin[2] ou des sketchs comme celui de Léon de Jamel Debbouze[3] se font les échos réguliers de cette problématique.
Néanmoins, certains prénoms sont producteurs d’une honte (et partant d’une véritable souffrance) telle qu’elle pousse certains individus à entreprendre des démarches[4] pour en changer. Mais au-delà de ces cas particuliers, les problématiques du prénom touchent de nombreux enfants et adultes, quelle que soit la société dans laquelle ils vivent. Ainsi, Barack Obama déclarait-il en 2004 au Caire « qu’un Américain d’origine africaine et ayant pour nom Barack Hussein Obama ait pu être élu président a fait couler beaucoup d’encre… », attestant, par ces paroles des polémiques sur son deuxième prénom et l’inscription dans un espace et une culture par son lieu de naissance et sa religion.
Chaque individu doit composer avec le poids de son prénom dans l’héritage familial, mais aussi dans l’espace social. Quand ce prénom est la cible de moqueries, de mépris, d’injures, de préjugés ou de discriminations, son porteur va éprouver « des réactions émotionnelles négatives telles que la honte, la colère ou l’indignation » (Honneth, 1992, p. 23).
Axel Honneth précise que « les émotions qui accompagnent l’expérience du mépris pourraient constituer la motivation affective dans laquelle s’enracine la lutte pour la reconnaissance » (ibid., p. 230–231). Nous chercherons d’une part à comprendre comment l’individu se confronte et gère la honte liée à son prénom et, d’autre part, à analyser les raisons qui peuvent le conduire à adopter des stratégies d’invisibilisation (dissimulation du stigmate) ou des stratégies de valorisation (retournement stigmate[5]).

La nomination : une classification permettant une double inscription sociétale et familiale

Une évolution des modes de nomination parallèle à l’extension des fonctions distinctives du nom

Nommer est un besoin vital de l’homme, il lui est lié intrinsèquement[6]. Pour Claude Lévi Strauss, une analogie existe entre le système de classification biologique et le système de classification sociale, car les noms propres sont « voisins des noms d’espèces » en ce sens qu’ils « jouent le rôle d’indicatifs de classe » (Lévi-Strauss, 1962, p. 268). Selon lui, « on ne nomme donc jamais : on classe l’autre » (ibid., p. 240).
Les modes de désignation et de transmission varient fortement selon les cultures, mais répondent à des fonctions communes et universelles.
Les fonctions du nom, selon Jacques Frédry (2009), sont d’intégrer (reconnaissance et insertion d’un individu dans une société et son histoire), d’interpeller (mise en relation à l’Autre), de se référer (facilitation du dialogue par identification des personnes) ou de porter un message (message imposé avec lequel l’individu compose).
Par ailleurs, le mode de désignation des personnes a fortement évolué au cours des siècles. En Europe, le passage d’un nom unique à un nom à deux éléments (prénom plus nom) s’est effectué progressivement sous l’influence d’évolutions sociales et politiques[7] qui ont entraîné une stabilisation des noms de famille. Les prénoms quant à eux ont bénéficié d’une relative liberté dans leur mode d’attribution et se sont modifiés au cours du temps tout en restant comme le souligne Christian Bromberger « un système onomastique comportant une double grille de lecture de la société et de la culture dont il participe ». « D’une part, un système classificatoire… selon lequel une société regroupe et distingue les individus ; c’est de l’autre, un système de symboles dont l’analyse dévoile les valeurs et les enjeux qui se greffent sur l’identité individuelle et collective » (Bromberger, 1982).
Ce classement permet d’identifier l’individu dans l’espace social. Le prénom peut refléter à la fois le capital économique (par exemple la classe sociale) et le capital culturel (les préférences, les goûts par exemple) des parents d’un individu, mais aussi influer le capital social (« ses relations[8] ») de celui-ci. Le prénom entre dans la catégorie de ce que Bourdieu nomme « le capital symbolique » (Bourdieu, 1994), car il est l’interface de la relation avec autrui. De plus, ce sociologue précise que le capital social peut se transformer en capital économique et vice-versa (Bourdieu, 1984, p. 56). On comprend dès lors que le choix du prénom peut relever d’enjeux sociétaux et familiaux.

Le prénom comme marqueur social

Il y a un lien entre la fixation des prénoms et la construction des États-nations[9].
Selon les États et les temps historiques, les prénoms ont été utilisés de façons différentes : soit comme facteur différenciateur soit comme facteur intégrateur[10]. De nombreux pays disposent actuellement de listes noires de prénoms[11] et d’autres discrimineraient les prénoms sur une base ethnique[12].
En France, un élargissement du stock des prénoms a eu lieu en deux siècles, celui-ci passant de « quelques centaines à plus de trois mille » (Zonabend, 2001, p 44) et parallèlement, une déconcentration des prénoms s’est opérée[13].
Aujourd’hui, la tendance est à l’individualisation du prénom et une législation plus permissive depuis 1993 « a entériné une liberté presque totale des parents » (Galland, 2004, p 132). D’autre part, le prénom est de plus en plus utilisé comme mode d’interpellation dans la sphère professionnelle en supplantant l’usage du nom. Si utiliser le prénom dénote une proximité affective ou spatiale, il n’en reste pas moins qu’il demeure un identificateur de classe sociale[14]. Or comme le souligne Elias « l’évolution sociale vers un plus haut degré d’individualisation ouvre à l’individu la voie de certaines formes spécifiques de satisfaction ou d’accomplissement en même temps que d’insatisfaction et d’échec… La plus grande liberté de choix et l’augmentation des risques vont de paire » (Elias, 1987, p. 178–179, p. 240–241). Ainsi, le choix du prénom en tant que « symbole nominal » sous lequel un individu a été enregistré à la naissance répond à la fois à la question pour l’individu « de savoir qui il est à ses propres yeux », mais « montre en même temps qui l’on est aux yeux des autres ».

Le prénom comme marqueur généalogique et d’appartenance

Le prénom est une composante essentielle de l’identité d’un individu qui apparaît comme le révélateur d’un projet familial. Celui-ci peut être celui stratégique de positionner l’enfant dans une inscription territoriale en vue de sa légitimation par le biais d’une francisation du prénom[15].
Or, il semblerait qu’aujourd’hui selon Jean-Gabriel Offroy le souci de différenciation prime sur celui d’intégration[16]. Pourtant, cette donnée est à relativiser comme l’affirme Berthelot, le choix du prénom répond à un double mécanisme de conformisme pour ne pas exclure l’enfant de sa communauté d’appartenance et de distinction pour des raisons identitaires (Berthelot, 2004). De nombreux parents issus de la « diversité[17] » font le choix de prénoms « transnationaux » pour leurs enfants (issus de couples mixtes ou non) ce qui traduirait un compromis entre maintien des traditions et volonté d’intégration dans la société[18]. Plus des trois quarts des requérants (environ 3 000 par an) pour une demande de changement de prénom ont, au moins, un parent né à l’étranger. Ce phénomène toucherait principalement la population issue de la diversité avec des demandes de francisation ou de défrancisation. Il s’agirait alors d’avoir un prénom en adéquation avec l’identité souhaitée, choisie et vécue par l’individu[19]. Or, cette identité se construit au cours de la vie et particulièrement lors de l’enfance et l’adolescence et peut se modifier à plusieurs reprises, en passant d’une identité assignée dévalorisée à une identité revendiquée et sublimée. Certains artistes comme Claude Barzotti relatent de façon autobiographique ce cheminement de construction identitaire passant d’un « j’aurais voulu m’appeler Dupond » à « Je suis rital » (Galloro, 2015). L’exemple de l’acteur Kad Merad, qui se déclare à moitié algérien et à moitié français[20], semble suivre un cheminement semblable. En 2009, il tourne L’Italien[21], film qui retrace le parcours de Mourad Ben Saoud, qui se fait passer pour Dino Fabrizzi aux yeux de son patron, mais aussi de sa compagne et dont la double identité intenable va être révélée. Cette histoire résonne comme un écho à celle de l’acteur et de son père[22]. Ce dernier s’étant fait appeler « Rémi » à son arrivée en France et dont la femme française a choisi des prénoms arabes pour ses enfants un peu contre son gré. En premier lieu, nous pouvons dire que la génération des parents de l’acteur, nous montre une double inscription du prénom : pour son père, comme une inscription dans une société (dans les années 60, la francisation du prénom était réputée comme permettant une intégration plus aisée) et pour sa mère, comme une intégration dans une lignée familiale (respect des origines). En second lieu, des confidences de l’acteur sur sa jeunesse, nous conduisent à évoquer le patronyme comme un composant identitaire fort sous un triple angle.
Le prénom peut se révéler gênant et honteux (à 18 ans, il transforme son vrai prénom Kaddour en François Kaddour afin de draguer une fille[23]). Le prénom peut être aussi manipulable et répondre à des stratégies d’invisibilisation ou de valorisation (au début des années 80, il utilise un diminutif et se fait appeler Mister Kad[24]) ; d’autre part, il indique comment, dans sa fratrie, chacun a...

Table des matières

  1. Crédits
  2. Table des matières
  3. Préface
  4. La honte d’Ève et les remords d’Oreste Réflexions sur le fondement de l’imaginaire occidental
  5. Souffrance sociale, honte, jeu social
  6. Phénoménologie comparée de la honte et de la pudeur
  7. Les deux hontes des victimes de la discrimination
  8. Honte et remords, entre intimité, opinion publique et espace commun
  9. Du mektoub à el ghorba : parcours de vie des immigrés âgés. L’exil de la honte ?
  10. Les enfants des prostituées face à la honte
  11. Les symboles significatifs de la honte pour les jeunes placés en foyer de l’enfance
  12. Le poids du prénom en héritage : entre assignations sociales et stratégies de reconnaissance
  13. Discours politiques remords et honte : sentiments décalés, l’exemple des résistants de la guerre civile en Grèce
  14. Les camps de la honte et la honte des camps Gestion sociale de la mémoire
  15. Postface Hontes, remords et espaces publics
  16. Couverture