Le Sang et l'Or
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Le Sang et l'Or

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Le Sang et l'Or

À propos de ce livre

Ce livre est la réédition du témoignage publié au sortir de la Seconde Guerre mondiale par un déporté juif de France. Au-delà de la précision de ce récit vécu, en raison de la proximité des événements qu'il a subis à Auschwitz puis d'autres camps, Unger fait montre de qualités littéraires et humanistes qui donnent toute la force de son texte. Ainsi, pour rendre perceptibles les incompréhensibles conditions de sa survie, l'auteur parle du quotidien et des sentiments de « l'homme » dans cet univers concentrationnaire où l'humanité lui est déniée parce qu'il est né Juif. À cela s'ajoute la pertinence de son analyse des méthodes de terreur et de mensonges déployées par les nazis pour asservir, traquer, spolier en masse les Juifs.

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Informations

Année
2020
Imprimer l'ISBN
9782748191660

Évacuations

C’est ainsi que nous partîmes, mille cinq cents hommes pour Stutthof, à côté de Dantzig.
Nous étions heureux de sortir enfin de ce camp de mort, de ces visions hallucinantes des feux des fours et de l’odeur âcre de chair brûlée. Mais que savions-nous sur ce qui nous attendait au bout du voyage ? Le camp est situé dans un bois, son aspect extérieur et même intérieur est accueillant. Mais la mort y vit à côté des hommes comme une voisine respectable. Ce camp alimente une manufacture d’armes et un dépôt d’aviation. Il y est soi-disant interdit de battre, mais notre souvenir le plus marquant n’en est pas moins celui des coups.
Coups à trois heures du matin pour se lever, coups pour s’habiller au plus vite dans un désordre indescriptible, coups pour se laver, coups pour faire ses besoins, coups pour prendre en sortant du bloc une assiettée de breuvage pour quatre hommes, coups pour se ranger devant le bloc pour l’appel, coups pour aller travailler, coups pour travailler plus vite, coups encore pour avoir mangé une carotte ou un morceau de chou au cours du déchargement. Coups plus violents lors de la distribution de soupe, dehors, par tous les temps, coups pour se tenir continuellement ensemble comme un troupeau de bétail dans la boue, sous un ciel gris, coups encore pour l’appel du soir, coups terribles pour rentrer au bloc, coups pour enlever ses chaussures, coups pour compter les hommes qui pénétraient au dortoir, tenant d’une main leurs souliers et de l’autre le morceau de pain misérable sur lequel brillait un crachat de marmelade, coups enfin pour caser quinze cents hommes dans cent lits à trois étages où un faux mouvement des quatre occupants de l’étage supérieur faisait tomber les planches, la paillasse et les hommes sur ceux de l’étage inférieur.
Si les hommes commençaient à tomber malades, ce n’était pas de leur faute. Il n’existait pas d’infirmerie dans ce camp. Il fallait bien se porter ou mourir. Comme les hommes ne pouvaient pas supporter ce traitement, ils suivaient cette dernière issue.
Ce camp était d’une pauvreté extrême. Les hommes vendaient leurs vêtements et leurs chaussures pour un morceau de pain ou une louche de soupe. Sinon, on les leur volait ou on les prenait de force. On a vu un chef de bloc tuer un jeune homme pour prendre son pull-over.
Trois faits ont encore marqué le court séjour dans ce camp.
C’est là que j’ai vu pour la première fois les restes débandés de la Légion française de volontaires antibolchevique. La France était libérée, il fallait se blanchir pour essayer de rentrer. Il fallait faire la paix aussi avec cette racaille de la Résistance qu’on avait vouée à la mort. Pouvait-elle se faire ? Non.
C’est là aussi que j’ai vu les restes d’une unité de SS qui avait refusé de combattre contre les Russes. Sur un régiment entier décimé et redécimé, cent trente hommes presque tous sous-officiers ont été internés à côté de nous.
C’est ici que j’ai vu pour la première fois un commando d’une taille extraordinaire. Plus de trois cents hommes émergeaient de la grisaille matinale comme des géants tombés sur une terre maudite. À les voir passer à côté de nous, nous croyions que c’étaient des hommes qui n’étaient pas nés d’une mère terrestre. C’étaient des Norvégiens.
Malgré tout, un nombre considérable de déportés politiques polonais y faisaient régner une atmosphère de solidarité plus grande qu’ailleurs.
Comme les Russes commençaient leur offensive sur la Prusse-Orientale et perçaient à Goldap 19, on procéda à l’évacuation. Sur quinze cents qui étaient arrivés, nous ne repartîmes que douze cents, y compris des Lituaniens du camp.
C’est ainsi que nous fûmes envoyés, au début de novembre, au camp de Natzweiler. Nous étions heureux de partir de ce camp de misère et de famine. Mais que savions-nous sur ce qui nous attendait au bout du voyage ? Combien plus contents encore étaient les quelques Français de ce transfert à qui le voisinage du pays natal redonnait un souffle de vie.
Le convoi fut coupé en deux. Nous arrivâmes six cents au camp situé aux environs de Stuttgart. C’était un des hangars d’aviation construit tout autour de l’aéroport en ruines. Dès notre arrivée, nous apprîmes par des tracts que sur Strasbourg flottait à nouveau le drapeau de la liberté.
Mais la mort nous accueillit là comme une vieille connaissance. À peine nourris au cours du voyage, nous trouvâmes un hangar immense et vide, sans eau, sans cuisine sans chauffage, sans couvertures. Il y avait des lits, où on pouvait se coucher et mourir. C’est ce que firent plusieurs hommes tout de suite. Ceux qui voulaient vivre devaient commencer par le commence-ment. Il fallait aller chercher sa pitance assez loin. Elle consistait en chou gelé et pommes de terre. Un trou de pluie fournissait l’eau. Il faisait nuit déjà lorsque les hommes reçurent cette nourriture pourrie, que des cochons n’auraient pas voulue.
Il s’agissait d’élargir l’autostrade de Berlin. Un train emmenait tous les jours des pierres qu’il fallait décharger et recharger sur les wagonnets qui les transportaient sur le chantier.
Le pays était nu, vide, froid et mort. Tout était détruit, tout était en ruines, et ce qui restait était bombardé journellement. Les chantiers étaient loin, le camp glacé, la nourriture infecte, le travail accablant. Bien des fois, les hommes comme leurs gardes se demandèrent à quoi servait ce travail, pour qui, pourquoi, à quelle fin ? Personne ne pouvait répondre.
Les SS qui dirigeaient le camp n’en continuaient pas moins à chasser les détenus dès avant l’aube vers ce travail de mort. Certains vendaient leur conscience pour une assiette de soupe ou un morceau de pain. Ils battaient leurs frères de misère pour les faire travailler sans nourriture, sans sommeil, sans chaussures. En récompense, ils pouvaient rester dans le hangar, voler le pain des absents, écumer leur soupe et servir les SS mieux que les gardes allemands de la Luftwaffe 20.
Les hommes mouraient nombreux. Au début, c’était un ou deux par jour, mais plus la misère s’approfon-dissait, plus nombreux étaient les mourants. Les médecins choisis parmi nous faisaient eux-mêmes le travail de fossoyeurs. Les commandos fondaient plus vite que la neige. Des six cents hommes à l’arrivée, nous n’étions plus bientôt que quatre cent cinquante.
Combien de camarades s’endormirent là pour toujours ? Combien de fois au coucher on disait « bonne nuit » à un camarade, et le lendemain au réveil le « bonjour » restait sans réponse ? On avait beau le secouer de toutes nos forces, il ne voulait plus rien attendre ni du travail ni de la misère. L’appel de la liberté totale avait sonné plus fort que toutes les voix humaines. Combien de fois on disait « au revoir » le matin au camarade qui ne se sentait pas bien, et le soir on ne trouvait plus que son cadavre froid ? Mais chacun se sentait si faible lui-même qu’il ne demandait qu’un peu de repos.
Le monde était pour nous une imagination fuyante. La misère était si grande qu’elle dépassait tout. Un jour, les hommes affamés arrachèrent un os à un chien, qui se sauva, effrayé. Le lendemain, ils tuèrent le chien et le mangèrent à moitié cru en se battant pour chaque os comme des fauves. Un froid sauvage gelait les membres, une faim inhumaine tordait les entrailles. Heureux ceux qui trouvaient un trognon de chou oublié dans le champ neigeux, ou qui suçaient un glaçon de quelque ordure de cuisine.
L’homme était debout depuis trois heures du matin jusqu’à la nuit noire dans un pays désert, couvert de neige, comme le rescapé d’un cataclysme, seul, effroya-blement seul, sur une étendue nue et immense, les bras levés au ciel gris hurlant la misère et criant au secours pour ne pas mourir. Et s’il respirait encore, il lui fallait arracher des pierres gelées de ses mains raidies de froid, insensibles, demi-mortes, comme si elles n’étaient plus les siennes.
Garder sa dignité d’homme dans cette nudité sans mesure, voilà un acte d’héroïsme sans pareil. Et montrer sa qualité de Français égalait le sacrifice. P...

Table des matières

  1. Présentation de la Collection « Témoignages de la Shoah » de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah
  2. L’arrivée
  3. La quarantaine
  4. Réception
  5. Visites
  6. Soins corporels
  7. Départs et retours
  8. Ennuis et corvées
  9. Grand départ
  10. Journées mémorables
  11. Noël
  12. Sélection
  13. Bloc 3
  14. Veillée funèbre
  15. Départ
  16. Grand camp
  17. La vie et la mort
  18. Les ghettos
  19. Les hommes marchent en silence
  20. Massacre de Hongrois
  21. Le 6 juin
  22. Derniers souvenirs de Birkenau
  23. Évacuations
  24. Retour