La Vie d'un homme

Samuel Levi

• Éditeur: Éditions Le Manuscrit
• Année: 2019
• Imprimer l'ISBN: 9782304047660
• ISBN de l'eBook: 9782304047677
• Sujet: History
• Sujet: Historical Theory & Criticism

Enfant caché et fils de survivants de la déportation, Samuel Levi réunit ici ses souvenirs et les traces retrouvées de l'histoire des siens. Samuel Levi est né en 1937 à Paris dans une famille sépharade. Son père, Elia, vient de Turquie et Sol, sa mère, est originaire de Grèce. Pendant la guerre, Samuel vit séparé de son père. Engagé volontaire démobilisé, celui-ci sera emprisonné et interné à plusieurs reprises au camp du Vernet avant d'être déporté de Drancy vers Auschwitz-Birkenau par le convoi no 75 en mai 1944. A Paris, Samuel et sa mère échappent grâce à une voisine à la grande rafle des Juifs apatrides de février 1943. Avec l'aide du Comité Amelot, Samuel est caché dans le Morvan puis protégé jusqu'à la fin de la guerre dans des fermes de la région parisienne. Recherchée par la police, Sol est arrêtée en juin 1944 puis déportée à Auschwitz par le convoi no 76. A leur retour de déportation, Elia et Sol ne vivront plus ensemble. De retour sur les bancs de l'école, Samuel obtiendra son certificat d'études puis commencera à travailler à 14 ans. Pratiquant divers métiers, il vivra entre la France et Israël avant de revenir s'installer à Paris avec son épouse en 1980. Avec elle, il a pu offrir à leurs enfants la stabilité et l'amour familial dont il fut privé.

Pendant la guerre

En l’absence de mon père

En septembre 1939, suite à l’invasion brutale de la Pologne par les armées du IIIe Reich, la France, le Royaume-Uni ainsi que d’autres pays à travers le monde ont déclaré la guerre à l’Allemagne nazie. Comme de nombreux Juifs étrangers, mon père s’est engagé pour combattre. Il nous a laissés, ma mère et moi, à Paris. Nous n’avions aucune nouvelle de lui. C’était le temps de la « Drôle de guerre », sans combat. Pour gagner de quoi vivre, ma mère travaillait à domicile. Elle allait souvent voir sa mère qui habitait une petite pièce dans le XVIe arrondissement.

En mai 1940, la France a été envahie par les armées allemandes ; en juin, un armistice a été signé, et la France s’est trouvée divisée en deux : le Nord et l’Ouest étaient occupés par les Allemands et le Sud étais sous l’autorité du gouvernement français établi à Vichy avec à sa tête le maréchal Pétain.

Des mesures discriminatoires envers les Juifs ont très rapidement été prises. Une première ordonnance allemande du 27 septembre 1940 a prescrit le recensement des Juifs de la zone occupée, que devait organiser l’administration française. Ce recensement s’est déroulé du 3 au 20 octobre. Il fallait se présenter avec ses papiers d’identité au commissariat de son quartier à une date précisée en fonction de l’ordre alphabétique de son patronyme.

Pour le « L » (de Levi), il s’agissait du 11 octobre 1940. En l’absence de mon père, ma mère a fait le nécessaire. Elle a été enregistrée comme « Levi, née Mordohai , en 1913 à Salonique », de nationalité : « hellène » (grecque), « couturière » de profession, habitant « 57 rue de Flandre à Paris XIXe », mariée à un Juif, un enfant de moins de 15 ans à charge, moi, « Samuel », né en « 1937 », de nationalité « française ». Lors de ma naissance, mes parents avaient en effet procédé à une déclaration qui m’avait permis d’obtenir cette nationalité.

Fiche de recensement de Solange/Sol Levi, la maman de Samuel, octobre 1940.

Les mois ont passé. Je n’ai évidemment aucun souvenir de cette époque, j’étais trop petit. Mais l’on sait à quel point la vie quotidienne des Juifs est devenue de plus en plus difficile, les mesures à leur encontre s’étant multipliées. Des arrestations et de grandes rafles ont eu lieu à Paris, dont celle particulièrement tragique du Vél’ d’Hiv’ en juillet 1942, au cours de laquelle des familles entières ont été arrêtées, internées puis déportées. Nous n’étions pas sur les listes d’arrestations qui visaient majoritairement des familles venues de Pologne. Celles en provenance de Grèce n’étaient pas visées.

Le début du parcours chaotique de mon père

Je ne savais pas ce que mon père était devenu après son engagement volontaire. Un document d’archives, une notice individuelle établie plus tard, en mars 1944, au camp du Vernet, retrace succinctement l’ensemble de son parcours jusqu’à cette dernière date
. Le début en est marqué par plusieurs péripéties.

Selon ses déclarations, mon père a d’abord été « engagé volontaire au RMVE », soit au régiment de marche de volontaires étrangers, et envoyé en Syrie vers le mois d’avril 1940. Rapatrié en France après juillet 1941
, démobilisé en zone « libre », il est rentré à Paris sans sauf-conduit.

Notice individuelle d’Elie (sic) Maurice Levi (sic), le père de Samuel, détenu au camp de Vernet, mars 1944.

Transcription du paragraphe écrit en bas du document :

« Antécédents
« Condamné 1942 par T[ribunal] C[orrectionnel] Nice à 3 m[ois] de prison, vagabondage rural ; [condamné] 1943 [par TC] Toulouse [à] 3 [mois de prison] détention de fausse C[arte d’] I[dentité]. Expulsé le 18.6.[19]42. Ne peut obtempérer à la mesure d’expulsion. Peu intéressant personnage. A quitté sa famille pour vivre aux crochets de fille soumise qu’il escroque et il s’occupe de placer une certaine Marie Croupier épouse Ferrarini dans diverses maisons de tolérance. Condamné pour détention et usage de fausse CI de Français. Réfractaire à la législation sur les Juifs. Évadé d’un CTE. Envoyé au Vernet par M. le préfet [des] Alp[es]-Maritimes le 4 septembre 1942. [Envoyé au Vernet par M. le] préfet r[égion]al [de] Toulouse le 11 mars 1944. »

Il est ensuite reparti en zone non-occupée ; il s’est dans un premier temps réfugié en Avignon, puis à Nice au printemps 1942. La ville se trouvait alors sous occupation italienne, et puisque les Italiens se refusaient à pratiquer la politique allemande et vichyssoise de persécution des Juifs, nombre d’entre eux s’y étaient réfugiés.

Vers la mi-juin 1942, il a été arrêté à Nice « pour vagabondage » et condamné à « trois mois de prison » par le tribunal correctionnel de la ville. Ont aussi été évoqués des problèmes de relations avec des femmes, problèmes qu’il est toutefois nécessaire de replacer dans leur contexte : il s’agit d’une affaire purement française en zone « libre » soumise à la législation du gouvernement de Vichy, les autorités allemandes n’étant en rien concernées. Par ailleurs, si les accusations portées contre mon père avaient été prouvées, il aurait certainement été condamné beaucoup plus sévèrement. Les prénom et nom de mon père étaient révélateurs de son identité juive, d’où de possibles rumeurs, ou ragots, voire des délations de la part d’antisémites hostiles.

Quoi qu’il en soit, à la suite de cette condamnation, il a été l’objet d’une mesure d’expulsion (hors du territoire français), le 18 juin 1942. Cependant, en pleine guerre, il ne « peut obtempérer à la mesure d’expulsion ». Il a donc été envoyé, manifestement après avoir purgé sa peine de prison, au camp du Vernet
par décision du préfet des Alpes-Maritimes, le 4 septembre de cette même année 1942

Ma mère et moi échappons à une rafle

Selon le souvenir que j’ai du récit de ma mère, la concierge de notre immeuble du 57 rue de Flandre nous aurait dénoncés aux Allemands. Ils sont entrés dans la cour, la voisine du dessus les a vus et serait venue chez nous pour nous prévenir. Elle m’a trouvé seul (ma mère était sortie pour acheter du pain), m’a emmené chez elle et m’a ainsi sauvé la vie. Il fallait désormais nous cacher ailleurs au plus vite. Il nous était impossible de rentrer chez nous pour prendre la moindre chose, les scellés ayant été posés sur notre porte. Lorsque ma mère est revenue des courses, nous avons été obligés de partir précipitamment sans rien emmener, sans papier d’ident...

Table des matières

• Biographie de Samuel Levi
• Avant la guerre
• Une nouvelle vie à Paris
• Pendant la guerre
• Après la guerre
• Mon baroud en Algérie
• Au fil des annéesentre Israël et la France
• Mon mariage en Israël
• Épilogue
• Titres disponibles dans la collection « Témoignages de la Shoah »par catégorie de témoignage