Stress et temporalité

Olivier Lambert, Antigone Mouchtouris

• Éditeur: Éditions Le Manuscrit
• Année: 2015
• Imprimer l'ISBN: 9782304045321
• ISBN de l'eBook: 9782304052220
• Sujet: Sciences sociales
• Sujet: Sociologie

Le stress, mal emblématique de la fin du xxe siècle, persiste et s'étend de nos jours. Stress et temporalité sont indissociables. Le temps, en perpétuelle accélération, génère sans cesse plus de tension. Cet ouvrage fait dialoguer deux disciplines pour permettre au lecteur de mieux cerner un phénomène à la fois quotidien et mystérieux: l'analyse sociologique de l'évolution forcée que subit la majorité de la population active face au travail, et le point de vue d'un médecin sur les problèmes plus spécifiques rencontrés par les sportifs de haut niveau. Stress et temporalité nous montre que l'homme doit rester maître de son temps, posant ainsi les bases d'un nouvel humanisme.

Chapitre VII
Éléments biologiques du stress

Alexandre Cammarata2

Nous allons traiter dans cette partie des consé­quences au niveau biologique des causes majeures du stress, à travers la synthèse d’études scientifiques, notamment américaines, portant sur les facteurs de stress suivant l’âge, les variations des réponses bio­logiques face au stress et sur la nécessité de la gestion du stress dans le traitement thérapeutique.

Introduction

Claude Bernard (1813-1878) a noté que la vie dépend de manière critique du maintien constant de notre milieu interne face à un environnement chan­geant. Le biologiste Cannon (1871-1945) a appelé cette notion « l’homéostasie ». Le médecin Selye (1907-1982) a utilisé le terme « stress » pour représenter les effets de tout ce qui menace sérieusement l’homéostasie. La menace réelle ou perçue par un organisme est désignée comme le « stress » et la réponse au facteur de stress est appelée « réaction au stress ». Bien que les réponses au stress évoluent comme des processus adaptatifs, Selye a observé que des réactions prolongées de stress pourraient conduire à des dommages du milieu interne, voire à des maladies.

Sur la base de l’évaluation de la menace perçue, les humains et autres animaux développent des réactions d’adaptation3. Notre système nerveux central (SNC) a tendance à produire des réponses d’adaptation intégrées plutôt que des changements simples, isolés4. Ainsi, lorsque la lutte ou la fuite immédiate semble possible, les mammifères développent des activités hormonales accrues qui maximisent les possibilités de l’effort musculaire. En revanche, lors de situations d’aversion dans lesquelles une réponse d’adaptation active n’est pas disponible, les mammifères peuvent se livrer à une réponse de vigilance qui implique le système nerveux sympathique (SNS), accompagnée d’une inhibition active du mouvement et une dérivation du sang loin de la périphérie5. Diverses situations provoquent différents modèles de réponse biologique, ce qui est appelé « stéréotypie de situation »6. Bien que différentes situations aient tendance à engendrer différents modèles de réaction de stress, il y a aussi des différences individuelles dans la réponse au stress pour une même situation. Cette tendance à présenter un motif particulier de réponses au stress dans une variété de facteurs de stress est dénommée « stéréotypie de réponse »7. À travers une variété de situations, certaines personnes ont tendance à montrer des réactions de stress associées à une adaptation active, tandis que d’autres montrent des réactions associées à une vigilance passive.

Bien que l’héritage génétique joue certainement un rôle dans la détermination des différences individuelles dans la réponse stéréotypée, il a été démontré que des expériences vécues à la période néonatale par des rats peuvent produire des effets à long terme dans les réponses cognitives et émotionnelles.

Nous allons présenter la façon sont les niveaux d’hormones évoluent. Des chercheurs8 ont montré que les rats élevés par des mères nourricières présentaient un niveau d’activité de sérotonine – une hormone impliquée dans divers désordres psychiques – plus élevé par rapport aux rats moins couvés. L’augmentation de l’activité de la sérotonine conduit à une augmentation de l’expression d’un gène du récepteur des glucocorticoïdes central. Ceci conduit à un plus grand nombre de récepteurs de glucocorticoïdes présents dans le système limbique et à l’amélioration de la rétroaction dans le SNC de glucocorticoïdes tout au long de la vie du rat. Fait intéressant, les rats femelles qui reçoivent un niveau élevé d’attention deviennent à leur tour des mères nourricières, dont les enfants ont également un niveau élevé de récepteurs aux glucocorticoïdes. Cet exemple de l’expression génique induite au niveau comportemental montre comment des rattes jeunes bien nourries arrivent à devenir des adultes présentant une faible anxiété, des mères nourricières résistant mieux au stress. Les rats privés de nourriture ont tendance à montrer des réponses plus importantes et plus fréquentes au stress que ne le font les animaux moins défavorisés. Ces études comportementales sur les animaux ne s’appliquent pas de façon systématique sur l’être humain – qui présente des composantes psychosociales plus complexes – mais nous fournissent des éléments de compréhension.

Parce que l’évolution a fourni des mammifères avec des mécanismes homéostatiques raisonnablement efficaces pour faire face aux facteurs de stress à court terme, les réponses de stress aigu chez les jeunes, les personnes en bonne santé n’imposent généralement pas de fardeau sur la santé. Cependant, si la menace est persistante, en particulier chez les personnes âgées ou n’ayant pas un mode de vie sain, les effets à long terme de la réponse au stress peuvent endommager la santé9. Les effets indésirables du stress...

Table des matières

• Dans la même collection
• « TOPOS »
• Dimension sociologique
• Préambule
• Présentation
• Chapitre ILe temps = Mouvement
• Chapitre IILe temps peut-il être pathogène ?
• Chapitre IIILe stress, l’individu et le travail
• Chapitre IVLe temps crée le stress
• Chapitre VLes sources du stress
• Chapitre VINous et les autres
• Dimension biologiqueet physiologique du stress
• Chapitre VIIÉléments biologiques du stress
• Chapitre VIIIApproches physiologiqueset empirie médicale
• Chapitre IXPhysiopathologie du stress
• Chapitre XLe rôle central des contraintes temporelles
• Chapitre XILe stress dans le milieu professionnel
• Chapitre XIIStress et performances sportives
• Lexique