Les barbares numériques
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Les barbares numériques

Résister à l'invasion des GAFAM

  1. 204 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Les barbares numériques

Résister à l'invasion des GAFAM

À propos de ce livre

Ce sont les nouveaux grands seigneurs de notre temps. Les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) et autres plateformes (Airbnb, Uber et Netflix) règnent sans partage sur un empire numérique qui transcende les frontières nationales, au mépris de la souveraineté des États et de leurs législations. Épidémie de fausses nouvelles, polarisation des débats, contrôle des données personnelles, surconsommation énergétique et pollution atmosphérique… Ces barbares numériques représentent une véritable menace pour la démocratie. Devant la passivité de nos gouvernements, à Québec comme à Ottawa, Alain Saulnier lance un appel à la résistance. Pour l'ancien directeur de l'information de Radio-Canada, il est urgent d'établir l'équité fiscale, de protéger les droits d'auteur et de moderniser tout l'écosystème numérique. Il en va de la survie de nos médias, de notre langue et de notre culture françaises en Amérique du Nord. Comme le dit Pierre Trudel, «c'est d'un combat extrême qu'il s'agit. Avec ce livre, Alain Saulnier nous procure les repères pour s'y engager la tête haute.»

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1 Il était une fois…

«NOUS AVONS TENDANCE à penser que les GAFA[M] sont des entreprises tellement immenses qu’elles sont intouchables… Et si ce n’était pas le cas2 Cette remarque de Steven Guilbeault est rassurante. Elle est tirée d’un livre qu’il a publié quelques mois avant d’être nommé, en novembre 2019, ministre du Patrimoine canadien au sein du gouvernement libéral minoritaire de Justin Trudeau. Maintenant que Steven Guilbeault est à la tête du ministère de l’Environnement, il n’en tient désormais qu’à son successeur Pablo Rodriguez et au deuxième gouvernement libéral minoritaire de démontrer que les GAFAM ne sont pas «intouchables».
On jugera l’arbre à ses fruits.
Car il faut le reconnaître: nos gouvernements ont erré. Or, cette histoire qui a mal tourné a débuté bien avant la naissance des Facebook, Twitter, Instagram, Google, YouTube, Apple News, Apple TV, Amazon et tutti quanti.
Il faut remonter dans le temps pour saisir à quel point nos gouvernements et nos institutions ont totalement raté le virage numérique pour se retrouver sur l’accotement. Il était une fois… une succession d’erreurs. On peut identifier au moins trois rendez-vous manqués avec l’Histoire: celui d’un Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications (CRTC) endormi, celui d’une Loi sur la radiodiffusion jamais mise à jour et celui d’une Loi sur les droits d’auteur dépassée par l’univers numérique.

Le CRTC veut «favoriser l’essor des nouveaux médias»

Le 17 mai 1999 correspond sans doute au point de départ de l’aventure canadienne des superpuissances numériques: le CRTC a pris ce jour-là une décision qui allait faire «entrer le loup dans la bergerie». En effet, dans son Avis public CRTC 1999-84, le CRTC a alors officiellement adopté la politique du «laisser-faire». On peut y lire: «En ne règlementant pas les services des nouveaux médias, nous espérons favoriser leur essor.»
La présidente du CRTC de l’époque, Françoise Bertrand, a fait preuve d’un manque de vision à long terme. Bien entendu, elle n’est pas la seule à avoir erré de la sorte. D’autres pays dans le monde l’ont fait aussi. Sauf que cette absence de réglementation des services des «nouveaux médias», comme on les appelait à l’époque, a mis la table pour les géants numériques au Canada. Car, à n’en pas douter, la décision malheureuse du CRTC a généreusement «favorisé leur essor».
En fait, cet essor a été plus que «favorisé», il a été fulgurant. Sans crier gare, les superpuissances numériques ont profité de ce laxisme réglementaire pour foncer à vive allure sur tout ce qui se trouvait sur leur passage. L’image qui me vient en tête est celle d’un abat dans un jeu de quilles. L’objectif a été atteint! Et les faveurs, elles, ont bel et bien été accordées.
Depuis 1999, les présidents successifs du CRTC ont regardé le train défiler sous leurs yeux, un peu comme un animal observe un convoi de wagons disparaître à l’horizon. Les médias traditionnels de la radio et de la télévision, les distributeurs de signaux par câble et par satellite, qui sont tous assujettis à la règlementation canadienne et au CRTC, n’ont pas, eux non plus, vu venir le coup. Ou le loup, c’est selon…
Les médias écrits, les éditeurs, les auteurs, les créateurs et les producteurs ont été conviés dans l’arène numérique pour y livrer un combat qui s’est rapidement avéré inégal. Le numérique dérèglementé a vite battu de vitesse les productions et les médias traditionnels – radio, télévision, presse écrite. Ces derniers se sont retrouvés avec tous les autres dans le même espace infini, de plus en plus perdus dans la masse. Ils ont alors fait migrer leurs contenus sur les nouvelles plateformes numériques. La grande nouveauté? La radio et la télévision de Radio-Canada se sont mises à produire des textes écrits, tandis que les médias écrits ont fait leur apparition sur des écrans, non seulement avec des textes, mais également avec de la photo et de la vidéo. Ce sont les téléphones mobiles, les ordinateurs, puis les tablettes qui ont permis à tous les médias de converger sur le même type d’écrans. Ces nouveaux écrans ont modifié le mode de «consommation» de la communication, de l’information, de la culture, de la recherche et du divertissement. Aujourd’hui, l’écran est roi! En se retirant de l’univers numérique «en 1999, le CRTC a en quelque sorte scié la branche sur laquelle le CRTC était assis», me confiait Pierre Trudel, professeur de droit à l’Université de Montréal3. L’organisme règlementaire n’a jamais compris qu’en agissant de la sorte, il se mettait lui-même hors-jeu pour réguler les activités et la production numériques des médias. Du même coup, le CRTC a offert aux utilisateurs des réseaux sociaux un droit de parole «libéré» de toute forme de règlementation, laissant le champ libre à toutes les interventions, bonnes comme nocives. Aucune norme.
Cette absence de règlementation a ouvert la porte à la désinformation, aux propos mensongers et au discours haineux. Et, par défaut, ce sont les propriétaires privés des réseaux sociaux comme Facebook et Twitter qui se sont autoproclamés détenteurs du pouvoir d’intervenir dans les contenus, avec tous les glissements et les dérives que nous avons connus depuis.
Conclusion: le CRTC s’est lui-même disqualifié, dès l’an 2000, pour intervenir dans l’univers dominant de la communication. Si vous cherchez encore quel était ce fameux «bogue de l’an 2000», il se trouve notamment dans cette histoire.

Une loi sur la radiodiffusion devenue obsolète

Le Canada a raté un autre rendez-vous: celui de faire une mise à jour de sa Loi sur la radiodiffusion adoptée il y a un peu plus de 30 ans. Rappelons que cette loi définit les règles de la communication et de la diffusion au pays. Elle précise le rôle des diffuseurs privés de la radio et de la télévision ainsi que le mandat de notre diffuseur public, Radio-Canada. C’est la même loi qui fixe le rôle et le mandat du CRTC. Concrètement, elle énonce les obligations et les mandats du CRTC, de Radio-Canada et de l’ensemble des diffuseurs et des producteurs du monde de la télévision et de la radio au pays.
En tardant à moderniser la Loi sur la radiodiffusion, le gouvernement a ouvert une autre brèche qui allait faciliter l’entrée en sol canadien des superpuissances numériques, qui ne sont redevables devant aucune instance règlementaire et législative. Le cadre règlementaire de la Loi sur la radiodiffusion s’applique en effet seulement aux entreprises de la radio et de la télévision canadiennes. À l’époque, les médias écrits en étaient exclus. Mais aujourd’hui, ils logent eux aussi sur un écran.
Les superpuissances numériques américaines, quant à elles, ont conquis l’espace canadien et québécois à compter de 2005.

Retour sur 1991

Il faut préciser ici que la Loi sur la radiodiffusion a été adoptée en 1991, sous le gouvernement conservateur de Brian Mulroney. C’est donc bien avant l’arrivée du numérique dans nos vies. L’adoption de cette loi, pilotée à l’époque par le ministre des Communications, Marcel Masse, avait été précédée par la Commission Caplan-Sauvageau. Cette commission recommandait de moderniser la Loi sur la radiodiffusion datant de 1968. Ce qui fut fait. La loi votée en 1991 soulignait que «le système de radiodiffusion doit être, effectivement, la propriété des Canadiens et sous leur contrôle4».
En 2021, on n’en est plus là. Avec l’invasion des superpuissances numériques américaines, l’univers de la radiodiffusion n’est plus sous le contrôle des Canadiens. Nous assistons plutôt à la marginalisation de la diffusion par ondes hertziennes et de la distribution des signaux radio et télé par câble et par satellite. La propriété de ce nouveau système échappe au contrôle canadien, et le CRTC n’a pas l’autorité pour l’encadrer.
L’article 3.1.e stipule que «tous les éléments du système doivent contribuer […] de la manière qui convient à la création et [à] la présentation d’une programmation canadienne». À l’heure actuelle, Netflix, Disney+, Amazon Prime, Apple TV et l’ensemble des plateformes numériques ne sont toujours pas tenus de prendre de tels engagements. Mettre sur un pied d’égalité les entreprises canadiennes et étrangères était l’objectif principal du projet de loi C-10 du gouvernement libéral, mais l’ajournement des travaux du Parlement pour déclencher une élection inutile en septembre 2021 a fait avorter cette initiative.
La loi de 1991 établit aussi une distinction nette entre les marchés francophone et anglophone (article 3.1.c). C’est une bonne chose, tant et aussi longtemps qu’on parle des marchés traditionnels. Par contre, le portrait est aujourd’hui différent. Ni l’un ni l’autre n’a les coudées franches pour concurrencer à armes égales les géants numériques pour ce qui est de la production cinématographique et des téléséries.
Plus loin, la Loi sur la radiodiffusion indique que «le système canadien de radiodiffusion devrait servir à sauvegarder, enrichir et renforcer la structure culturelle, sociale et économique». On ajoute: «Cette règlementation et cette surveillance du système devraient être souples et à la fois: tenir compte des caractéristiques de la radiodiffusion dans les langues française et anglaise et des conditions différentes d’exploitation auxquelles sont soumises les entreprises de radiodiffusion qui diffusent dans l’une ou l’autre langue.» Enfin, la Loi donne au CRTC le pouvoir d’intervenir par règlement, pour «définir (ce qui constitue) une émission canadienne pour l’application de la présente loi» (Règlement 10.b – Mission et pouvoirs du conseil en matière de radiodiffusion).
Ces principes restent valables, mais les superpuissances numériques n’y sont toujours pas assujetties. Cela a créé un immense déséquilibre et leur a permis d’exercer une influence démesurée sur le public québécois et canadien. Pourtant, il aurait suffi d’étendre ces missions et ces principes déjà prévus à la loi de 1991 à toutes les entreprises de diffusion, aussi bien étrangères que canadiennes. Si on avait su… mais on l’a ignoré.
Depuis 30 ans, la Loi sur la radiodiffusion poursuit son petit bonhomme de chemin avec des règles devenues obsolètes, sans que personne ne voie l’urgence de la mettre à jour. De son côté, l’univers numérique s’est développé à vitesse grand V, en parallèle de l’ancien monde de la diffusion, de la distribution et de la production de contenus d’information et de culture. Pourtant, l’iceberg était droit devant!
Étant donné l’absence de règles du jeu clairement établies, le Canada s’est enlisé progressivement dans son erreur. Avec l’élection d’un deuxième gouvernement libéral minoritaire en 2021, tout est à recommencer. Nous avons perdu une autre année. On verra si le ministre du Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez, réussira là où son prédécesseur a échoué. «La modernisation de la Loi sur la radiodiffusion, qui se fait attendre depuis très longtemps, est une priorité absolue pour le gouvernement… et une nécessité absolue pour le secteur culturel5», a-t-il déclaré le jour du discours du Trône.

La souveraineté culturelle

Cela fait longtemps qu’on souhaite moderniser la Loi sur la radiodiffusion. Ainsi, en 2003, quelques personnes plus éclairées ont bien tenté de formuler des réponses devant le danger numérique qui nous guettait. Mais leurs recommandations ont rapidement été «tablettées». C’est notamment ce qui est advenu du rapport du Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes, présidé à l’époque par le député libéral Clifford Lincoln. Le document, intitulé «Le deuxième siècle de la radiodiffusion canadienne», suggérait déjà plusieurs pistes de solutions pour faire face au choc du futur. La plus importante était sans nul doute cet énoncé insistant pour que le Canada protège, quoi qu’il arrive, sa souveraineté culturelle. C’était la première fois qu’on entendait à Ottawa cette expression souventes fois évoquée au Québec lors des premiers mandats de Robert Bourassa.
«La souveraineté culturelle du Canada est une valeur toujours pertinen...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Les barbares numériques
  3. Crédits
  4. Préface
  5. Avant-propos
  6. Introduction – La conquête
  7. 1 – Il était une fois…
  8. 2 – GAFAM-dépendance et pandémie
  9. 3 – Un taux d’imposition vraiment minimal
  10. 4 – La culture francophone en péril
  11. 5 – Mondialisation numérique et souveraineté des États
  12. 6 – Information et désinformation, le combat extrême du XXIe siècle
  13. 7 – Iceberg en vue
  14. Conclusion – Faire gaffe aux GAFAM
  15. Notes