Le Schisme identitaire
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Le Schisme identitaire

Guerre culturelle et imaginaire québécois

  1. 282 pages
  2. French
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  4. Disponible sur iOS et Android
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Le Schisme identitaire

Guerre culturelle et imaginaire québécois

À propos de ce livre

Depuis deux décennies, les Québécois traversent un mauvais rêve où une idéologie hégémonique remet en question leur droit même d'exister comme nation, qui serait désormais porteur d'exclusion et à rebours du sens manifeste de l'histoire. Étienne-Alexandre Beauregard décortique ce discours officiel afin d'en démonter les mécanismes et d'en dévoiler les pièges. Il fait appel à de nombreux penseurs, en particulier Antonio Gramsci, pour montrer comment divers phénomènes, dont la montée du populisme, le discours émergent du care et l'instrumentalisation du discours écologiste, ont plongé le Québec dans ce qui n'est rien de moins qu'une guerre culturelle dont l'enjeu est la définition même de la nation québécoise, de son histoire et de son avenir. Le réalignement politique que traverse présentement le Québec, avec la montée de la Coalition avenir Québec et de Québec solidaire, est la conséquence directe de cette lutte pour contrôler l'imaginaire québécois.Pour Beauregard, cette guerre culturelle doit impérativement être gagnée par le camp nationaliste. Avant même de se projeter dans l'avenir, le Québec doit raffermir la légitimité de sa propre existence comme nation, car cela constitue le fondement premier de toute action collective, présente ou future. La guerre culturelle est à ses yeux une occasion pour les nationalistes de crier haut et fort que l'histoire du Québec n'est pas terminée, comme tente de nous le faire croire le discours officiel. Bien au contraire, l'auteur affirme que notre parcours particulier doit se poursuivre en continuité avec l'héritage d'affirmation nationale de la Révolution tranquille, menacé par une idéologie hégémonique qui conçoit le nationalisme comme un résidu passéiste à dépasser. À travers la guerre culturelle, c'est un combat pour l'âme même de la nation québécoise qui se joue.

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CHAPITRE 1

Un nationalisme normal
Peu de périodes de l’histoire québécoise peuvent démontrer la puissance d’une idéologie hégémonique aussi bien que la Révolution tranquille et ses suites. Entre 1960 et 1995, le Québec a effectivement été dominé par une idéologie néonationaliste à ce point prépondérante que tous les partis de gouvernement ont été contraints de s’y soumettre pour demeurer politiquement acceptables. Fortement influencé par des historiens comme Lionel Groulx et Maurice Séguin, ce discours présentait le Québec comme une nation dont le destin consistait à cheminer vers la souveraineté pour accéder au statut de pays « normal ». Dans les faits, bien que ce récit n’ait pas permis au Québec de conquérir son indépendance, force est de constater que sa puissance s’est manifestée dans sa capacité à forcer ses adversaires naturels, les fédéralistes québécois, à accepter le débat constitutionnel comme un élément central du jeu politique tout en adoptant une philosophie du « Québec d’abord » au risque de s’aliéner le gouvernement canadien. L’hégémonie néonationaliste a donc exercé une influence profonde et durable sur le Québec durant plus de trois décennies tout en réaménageant profondément sa conception de lui-même et de son histoire.
La victoire de Groulx sur Bourassa
Bien qu’elle soit largement méconnue du grand public, la première fondation intellectuelle de la Révolution tranquille est survenue lors de la victoire idéologique de Lionel Groulx sur Henri Bourassa au sein du nationalisme québécois. Ces deux grandes figures du début du xxe siècle appartenaient au mouvement nationaliste, bien qu’une querelle irréductible les ait toujours opposées : l’espace dans lequel il fallait articuler le nationalisme du peuple canadien-français, pas encore devenu proprement québécois.
Perpétuellement en lutte contre le nationalisme canadien-anglais, qui repose alors sur l’Empire britannique, Henri Bourassa défend vigoureusement un nationalisme pancanadien foncièrement opposé à une vision impériale qui divise naturellement les Canadiens entre francophones et anglophones. Dans le contexte de la seconde guerre des Boers (1899-1902), il prend position contre toute intervention canadienne, opposant son « Canada d’abord » à « l’Empire d’abord » de ses adversaires anglo-saxons, et milite pour la « création d’un véritable patriotisme canadien, conscient, éclairé, aussi éloigné du jingoïsme que du séparatisme1 ». Si la majorité de ses interventions au Parlement canadien l’amènent à affronter d’abord le nationalisme canadien-anglais, il n’en est pas plus tendre avec son équivalent canadien-français, lui qui refusera toujours de voir le Québec comme une patrie du même ordre que le Canada. Au contraire, il se consacre à l’édification d’un véritable nationalisme from coast to coast qui laisserait de côté les questions linguistiques et culturelles héritées de l’Ancien Monde au profit d’une appartenance commune au Canada. C’est pourquoi il sera toujours insensible à l’idée de faire du Québec un État national, appelant « à mettre la grande patrie au-dessus de la petite ». Même l’idée d’un statut particulier ne trouve pas grâce à ses yeux, lui qui soutient que « ce régime est même bienfaisant et fécond, pourvu que chaque province, tout en conservant sa vie propre, collabore loyalement à l’œuvre commune et que l’équilibre de l’ensemble ne soit pas rompu par la prépondérance exagérée de l’un des membres de l’association nationale2 ». Ainsi, lorsque surgit l’idée d’indépendance, au début du xxe siècle, Bourassa la tourne en ridicule, prétendant qu’un Québec souverain n’aurait pas plus d’influence sur l’Amérique du Nord que Monaco n’en a sur la France, appelant du même souffle ses compatriotes à « [ne pas donner] à Rome l’impression que nous sommes plus passionnés pour notre langue que pour notre foi3 ». En ce sens, on trouve chez Bourassa une certaine parenté intellectuelle avec Pierre Elliott Trudeau, dont l’œuvre sera principalement guidée par cet idéal consistant à faire en sorte que les francophones et les anglophones du Canada s’identifient d’abord à Ottawa.
La bougie d’allumage de la Révolution tranquille se trouve chez Lionel Groulx qui, à l’inverse de Bourassa, voit le Québec comme le cadre nécessaire pour penser le nationalisme canadien-français. Dans l’enquête « Notre avenir politique », produite en 1922 par L’Action française, dont le chanoine est directeur, on explicite déjà ce programme qui se trouvera plus tard au cœur de la Révolution tranquille : « un travail immédiat de “souveraineté intérieure” qui demande d’accorder une nouvelle importance à l’État provincial et de le considérer comme l’État national4 ». Prônant également une intervention plus musclée de l’État québécois dans l’économie, Groulx envisage la souveraineté comme un horizon pour la nation, avançant que, « [quelle] que soit la prochaine transformation politique, elle ne sera que transitoire si elle ne permet pas au Québec de prendre place dans le monde international en qualité d’État souverain français d’Amérique5 ». En 1936, dans Directives, il postule que cet État français qu’il appelle de ses vœux naîtra « de l’action positive de la politique québécoise6 ». Contrairement à Bourassa, Groulx souhaite que les Canadiens français rejettent leur statut minoritaire pour ancrer leur nationalisme dans un État sur lequel ils auraient le plein contrôle : l’État québécois. Cette révolution mentale qu’on doit à la pensée du chanoine sera la prémisse du changement le plus fondamental qui marquera la nation durant la Révolution tranquille : le passage de Canadiens français à Québécois.
De Canadiens français à Québécois
« Nous sommes des Québécois7. » Ce sont les premiers mots d’Option Québec, de René Lévesque, dont la signification est transformatrice pour la nation à ce moment de son histoire. Au cœur de ce changement de nom, on trouve d’abord le rejet de la condition minoritaire qui était le lot du Canadien français, lequel se définissait avant tout dans l’espace canadien. Jean Bouthillette, dans Le Canadien français et son double, traite de l’ombre qui plane en permanence sur le Canadien français, incapable d’exister sans l’Autre puisqu’il se conçoit par la négative face au Canadien anglais majoritaire, et accueille comme une véritable libération le vocable « Québécois » pour redéfinir la nation :
[…] dans l’intuition d’un nom – puisque tout a commencé dans un nom – nous nous réapproprions notre véritable identité ; un nom qui lève toute ambiguïté et qui nous reconstitue concrètement dans notre souveraineté intérieure et nous réconcilie avec nous-mêmes : Québécois. […] Nous sommes, dans ce pays, un peuple face à un autre peuple ou nous ne sommes pas8.
C’est donc en se concevant d’abord comme des Québécois qu’on pourra s’approprier l’État comme un peuple majoritaire et ainsi en faire l’instrument de notre émancipation collective. Cette transformation identitaire causera le divorce avec la diaspora canadienne-française, ce qui s’accomplit aux États généraux du Canada français en 1967 lorsque les velléités indépendantistes des Québécois s’opposent aux vues de la majorité des francophones hors Québec présents aux États généraux. Affranchis des liens de solidarité qui les liaient jadis aux francophones hors Québec comme membres d’une même nation canadienne-française, les Québécois concentrent leurs énergies sur l’État du Québec, dès lors investi du rôle d’État-nation francophone.
Parallèlement à la construction du référent national québécois se produit une démonisation sans pareille du Canada français, devenu le repoussoir symbolique du Québec refondé de la Révolution tranquille. Afin d’accentuer la rupture, le Canada français se voit caricaturé comme une société attardée et prémoderne, « habité[e] d’une mentalité passablement obscurantiste – [une] mentalité d’Ancien Régime9 », dans les mots du politologue Louis Balthazar. Cet état d’esprit arriéré serait à l’origine d’un retard économique par rapport au reste du Canada, que la Révolution tranquille aura pour mission de combler, alors que des voix de partout dénoncent l’état d’un peuple économiquement sous tutelle.
L’Église en vient à porter largement le blâme et on fait état d’une « trahison des clercs » issue de la propension du clergé à collaborer avec les autorités anglaises pour maintenir son pouvoir ins...

Table des matières

  1. Page couverture
  2. Les Éditions du Boréal
  3. Faux-titre
  4. Titre
  5. Crédits
  6. Dédicace
  7. Introduction - Une certaine idée du Québec
  8. Chapitre 1 - Un nationalisme normal
  9. Chapitre 2 - Les conditions perdantes
  10. Chapitre 3 - Le renouveau progressiste de l'idée fédérale
  11. Chapitre 4 - Québec solidaire, d'une gauche à l'autre
  12. Chapitre 5 - La fin de l'Homme nouveau québécois et le retour du nationalisme enraciné
  13. Chapitre 6 - Le Québec en guerre culturelle
  14. Chapitre 7 - Tory blues, ou l'impossibilité d'un conservatisme canadien
  15. Chapitre 8 - La convergence impossible
  16. Chapitre 9 - Le détournement de l'urgence climatique
  17. Chapitre 10 - La démocratie contestée
  18. Conclusion - L'histoire du Québec n'est pas terminée
  19. Remerciements
  20. Crédits et remerciements
  21. Fin
  22. Quatrième de couverture