Heidegger
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Heidegger

Une pensée de la présence

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Une pensée de la présence

À propos de ce livre

Heidegger le rĂ©pĂšte inlassablement: pour les Grecs, «ĂȘtre» signifie «prĂ©sence». Ce qui, plus tard, s'est nommĂ© «ontologie» renvoie ainsi Ă  la question peut-ĂȘtre la plus simple parmi les questions simples: comment les choses nous sont-elles prĂ©sentes? Cette question, nĂ©e en GrĂšce au ve siĂšcle avant notre Ăšre, touche, selon Heidegger, Ă  l'essence la plus intime de la philosophie: celle qui, au cours de notre histoire, s'est dĂ©terminĂ©e comme idĂ©e chez Platon, ĂȘtre en Ɠuvre ou en acte chez Aristote, reprĂ©sentation chez Descartes – et ainsi de suite jusqu'Ă  la volontĂ© de puissance nietzschĂ©enne. Mais comment Heidegger s'est-il acquittĂ© de la tĂąche immense de penser ce qu'il tenait ainsi pour le fond de toute philosophie: la prĂ©sence? Sans doute lui a-t-il fallu en dĂ©celer patiemment les diverses dĂ©terminations au fil de sa lecture des textes qui ont fait l'histoire de la philosophie. Cependant, c'est d'abord comme Ă©lĂšve de Husserl que Heidegger a dĂ©couvert la question de la prĂ©sence – comme Ă©lĂšve de Husserl, c'est-Ă -dire comme hĂ©ritier d'une pensĂ©e qui devait marquer en profondeur le xxe siĂšcle: la phĂ©nomĂ©nologie. Aussi est-ce Ă  partir de la relation de Husserl et Heidegger que l'Ă©tude ici proposĂ©e s'engage sur le chemin d'une pensĂ©e de la prĂ©sence – chemin au long duquel se rencontrent, bien entendu, l'Ɠuvre qui a Ă©tĂ© Ă  l'origine d'un profond diffĂ©rend entre Heidegger et son maĂźtre: Être et Temps, mais aussi une histoire de la prĂ©sence dont la source jusqu'alors inexplorĂ©e se situe, elle, au-delĂ  de la prĂ©sence.

Laurent Villevieille est professeur en CPGE et chercheur associé aux Archives Husserl de Paris (ENS/CNRS).

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Informations

Année
2022
Imprimer l'ISBN
9782340064263
Parcours en pensée
Chapitre I
Conscience et présence (Husserl et Heidegger)
1. Les variations de la présence
Par une belle journĂ©e de juillet, nous dĂ©jeunons Ă  l’ombre d’un pin. Comment celui-ci nous est-il prĂ©sent ? L’ombre qu’il donne Ă  notre table, en y dessinant les branches sur fond desquelles se dĂ©tache le ciel Ă©blouissant de l’étĂ©, se confond Ă  la splendeur du site, nous invitant peut-ĂȘtre, aprĂšs le repas, Ă  la douceur d’une sieste ou Ă  la lecture du livre que nous avons entamĂ© la veille. En cas d’incendie de forĂȘt, cependant, le mĂȘme pin nous sera tout autrement prĂ©sent qu’il ne l’était Ă  la faveur d’un agrĂ©able dĂ©jeuner, rappelĂ© qu’il se trouvera dĂ©sormais au caractĂšre notoirement inflammable de sa sĂšve et de ses cĂŽnes qui, si l’incendie venait Ă  se propager jusqu’au seuil de la propriĂ©tĂ©, constitueraient un terrible pĂ©ril pour notre maison de vacances. Ordinairement prĂ©sent par sa beautĂ© et l’ombre qu’il nous dispense, le pin l’est dĂ©sormais sur le mode de la menace. Simple affaire de situation ? Peut-ĂȘtre, mais les variations de la prĂ©sence ne sauraient s’y rĂ©duire. Car en situation normale, notre pin sera tout autrement prĂ©sent Ă  un botaniste qu’il ne nous l’était Ă  la faveur de notre dĂ©jeuner estival. Certes, rien n’empĂȘchera le botaniste en vacances de jouir, comme nous, de son ombrage : cet arbre lui sera alors prĂ©sent comme Ă  n’importe quel vacancier. Mais prĂ©cisĂ©ment, notre compagnon de table cessera d’ĂȘtre botaniste pour se faire vacancier. Redevenu botaniste, en revanche, il verra dans le pin un arbre Ă  croissance monopodiale du genre conifĂšre, dont la photosynthĂšse est assurĂ©e par les aiguilles situĂ©es Ă  l’extrĂ©mitĂ© des rameaux, le flux de nutrition par la symbiose des racines et de champignons qui s’y infiltrent, etc. En somme, le pin lui sera prĂ©sent sur un mode que dĂ©termine la science ; et pas n’importe quelle science, mais la botanique – la science physique, par exemple, engageant un autre mode de prĂ©sence encore.
Sans doute serait-on tentĂ© d’interprĂ©ter ces variations de la prĂ©sence Ă  partir de l’opposition classique de l’opinion et du savoir, l’opinion pouvant ĂȘtre diversement affectĂ©e par des sensations comme l’agrĂ©ment ou des Ă©motions comme la peur (agrĂ©ment d’un dĂ©jeuner estival, peur d’un incendie), le savoir, quant Ă  lui, se partageant en diffĂ©rents secteurs (dont la botanique ou la science physique).
Une telle interprĂ©tation est Ă©videmment toujours possible. Mais elle rĂ©duit considĂ©rablement le champ de variation de la prĂ©sence. Car que dire, par exemple, du mode selon lequel le pin est prĂ©sent Ă  l’émondeur, qui y verra un arbre de telle hauteur ayant telle ramification de branches Ă  Ă©laguer, ou encore au bĂ»cheron, qui y dĂ©cĂšlera un bois propre Ă  la menuiserie et impropre au chauffage ? Ces modes de prĂ©sence que mĂ©nagent le mĂ©tier et l’usage trouvent-ils vraiment leur place au sein de l’opposition de l’opinion et du savoir ? Sans doute pourra-t-on les apprĂ©hender comme des savoirs, Ă  condition, bien entendu, de ne pas les mettre sur le mĂȘme pied que la science physique, ni mĂȘme que la botanique : on les dĂ©terminera alors comme des savoirs pratiques, par opposition aux savoirs thĂ©oriques des diffĂ©rentes sciences. Soit, mais comment interprĂ©ter ensuite la prĂ©sence du pin pour le peintre qui, rendant sensibles les correspondances de tout ce qu’embrasse le ciel d’étĂ©, fera rĂ©sonner le chant des cigales dans les touches hachurĂ©es par lesquelles l’arbre s’imposera au regard ?
Trouver Ă  ce nouveau mode de prĂ©sence une place au sein de l’opposition entre opinion et savoir, par exemple en fondant cette opposition sur une thĂ©orie des facultĂ©s et en Ă©tablissant comment la beautĂ© artistique est une amplification de la sensibilitĂ© dans l’imagination, on le peut. D’autres interprĂ©tations permettraient Ă©galement d’en rendre compte. Mais quelles que soient les interprĂ©tations qu’on en propose – grossiĂšres ou subtiles, Ă©videntes ou complexes, systĂ©matiques ou non-systĂ©matiques – la variation des modes de la prĂ©sence n’en constituera pas moins, Ă  chaque fois, la source. C’est de notre attention Ă  cette variation que pourront naĂźtre diverses articulations de concepts, telles qu’opinion et savoir, sensibilitĂ© et affectivitĂ© ou thĂ©orie et pratique. L’essentiel rĂ©side donc moins dans ces concepts ou la façon dont on les articule, que dans les modulations de la prĂ©sence dont ils tentent de rendre formellement compte et qui, dĂšs lors, s’avĂšrent fondatrices de l’entreprise que l’on nomme « philosophie ».
2. Modes de présence et modes de conscience
Tel est du moins le cas lorsque la philosophie se trouve comprise Ă  la lumiĂšre de ce qui en fut, au XXe siĂšcle, l’une des plus magistrales expressions : la phĂ©nomĂ©nologie, dont Heidegger, Ă  la suite de son maĂźtre Husserl qui en fut le fondateur, s’avĂ©ra plus qu’un continuateur. Comme son nom l’indique, la phĂ©nomĂ©nologie se veut en effet apprĂ©hension des phĂ©nomĂšnes, c’est-Ă -dire non pas tant des choses, que de la maniĂšre dont celles-ci se montrent Ă  nous. Mais en quoi la phĂ©nomĂ©nologie diffĂšre-t-elle fondamentalement de la peinture ou de la botanique, qui, elles aussi, sont Ă  chaque fois tournĂ©es vers un certain mode de prĂ©sence des choses ? En ceci, que la phĂ©nomĂ©nologie s’attache moins Ă  saisir tel ou tel mode de prĂ©sence, qu’à les ressaisir tous Ă  partir de leur variation mĂȘme. C’est ce qu’indique, lĂ  encore, le mot mĂȘme de « phĂ©nomĂ©nologie », oĂč le suffixe -logie signifie, par-delĂ  notre rapport aux phĂ©nomĂšnes, un projet qui y trouve son assise : celui d’atteindre la phĂ©nomĂ©nalitĂ© mĂȘme des phĂ©nomĂšnes, donc le lieu oĂč se joue la variation de leurs modes de prĂ©sence. C’est par son ambition de ressaisir l’ensemble de ces possibles variations que la phĂ©nomĂ©nologie entend s’acquitter de la tĂąche philosophique. Contrairement au peintre, au botaniste, Ă  l’émondeur ou mĂȘme au vacancier, elle n’instaure pas un rapport de prĂ©sence : elle s’attache Ă  dire ce que peut ĂȘtre, pour ces derniers et pour d’autres encore, la prĂ©sence elle-mĂȘme. Mais pourquoi la prĂ©sence ?
Si Heidegger, comme nous le verrons bientĂŽt, comprend bien les choses en termes de prĂ©sence, ce n’est pas de cette maniĂšre que son maĂźtre Husserl exprime le sens de la phĂ©nomĂ©nologie. Aux yeux de son fondateur, la phĂ©nomĂ©nologie doit dĂ©crire non pas des modes de prĂ©sence, mais des modes de conscience. Dans les Recherches logiques, qui, parues en 1901, furent, comme Husserl le reconnut plus tard, et Heidegger Ă  sa suite, « l’Ɠuvre de percĂ©e » de la phĂ©nomĂ©nologie1, plus prĂ©cisĂ©ment dans la cinquiĂšme Recherche, Husserl note en effet :

 je revendique comme une Ă©vidence qu’il y a en fait des « modes de la conscience », c’est-Ă -dire des modes de la relation intentionnelle Ă  l’objet, essentiellement diffĂ©rents entre eux
2
C’est ainsi Ă  la conscience que les modes de la prĂ©sence dont nous avons donnĂ© un aperçu doivent, selon Husserl, leur variation. Dans cette perspective, la maniĂšre dont un pin apparaĂźt au vacancier, avant que d’ĂȘtre un simple mode de prĂ©sence, est un mode de la conscience, Ă  laquelle le mode de prĂ©sence de l’objet est directement redevable de son mode mĂȘme. Est-ce Ă  dire cependant que Husserl tient un tel mode pour quelque chose de purement subjectif, refoulĂ© qu’il serait dans une conscience qui se rapporte de telle ou telle maniĂšre aux choses, mais qui n’engage ni n’altĂšre en rien les choses elles-mĂȘmes ? Si tel Ă©tait le cas, Husserl emboĂźterait le pas, semble-t-il, au bon sens le plus Ă©lĂ©mentaire. Car enfin, si le vacancier, le botaniste ou l’émondeur voient chacun le pin comme ils le voient, n’est-ce pas justement depuis leur subjectivitĂ© de vacancier, de botaniste ou d’émondeur – subjectivitĂ© qui n’affecte en rien l’objet « pin », mais qui est susceptible de s’y ajuster plus ou moins, donc de revendiquer plus ou moins une objectivitĂ© ?
3. La notion d’intentionnalitĂ© chez Husserl
Telle n’est justement pas la signification des « modes de la conscience » husserliens. Si les Recherches logiques furent une « Ɠuvre de percĂ©e », c’est parce qu’elles soutiennent prĂ©cisĂ©ment le contraire. La thĂšse entiĂšrement novatrice qui le leur permet porte un nom : l’intentionnalitĂ© (Ă  laquelle le texte prĂ©citĂ© fait rĂ©fĂ©rence lorsqu’il nomme la « relation intentionnelle »). Si les « modes de la conscience » ne sont pas ravalĂ©s au rang de donnĂ©es purement subjectives, c’est qu’il n’y a jamais conscience sans un « quelque chose » dont la conscience est la conscience, un tel « quelque chose » se trouvant corrĂ©lĂ© Ă  chaque fois Ă  la conscience selon tel ou tel mode. C’est cette nĂ©cessaire corrĂ©lation que Husserl saisit sous le titre d’intentionnalitĂ©. Ce sont ses variations qu’il apprĂ©hende, selon les termes du texte citĂ©, comme des « modes de la relation intentionnelle » – modes qu’il dĂ©crit dans les termes suivants :
Dans la perception quelque chose est perçu, dans l’imagination quelque chose est imaginĂ©, dans l’énonciation quelque chose est Ă©noncĂ©, dans l’amour quelque chose est aimĂ©, dans la haine quelque chose est haĂŻ, dans le dĂ©sir quelque chose est dĂ©sirĂ©, etc.3
Il n’y a ainsi jamais variation modale de la conscience sans un « quelque chose » qui varie corrĂ©lativement, et qui libĂšre la conscience de la subjectivitĂ© Ă  laquelle on croit ordinairement pouvoir la ravaler.
Cela ne signifie assurĂ©ment pas que la conscience a le pouvoir d’altĂ©rer les choses mĂȘmes. Mais cela implique inversement que les choses mĂȘmes ne sont rien en-dehors de la maniĂšre dont elles nous apparaissent. Car qu’est-ce que « le pin lui-mĂȘme » ? Est-ce le pin du botaniste ? Mais nous avons vu que c’était lĂ  une certaine maniĂšre, pour le pin, d’apparaĂźtre. Dira-t-on alors que le pin vĂ©ritable est la chose matĂ©rielle qui subsiste en-dehors de notre pensĂ©e ? Il faudra rĂ©pondre que les dĂ©terminations de la chose matĂ©rielle (matĂ©rialitĂ©, spatialitĂ©, temporalitĂ©) sont encore une certaine maniĂšre, pour le pin, d’apparaĂźtre, maniĂšre qui appartient, par excellence, au physicien. En somme, on ne saurait atteindre les choses mĂȘmes en nous arrachant Ă  la maniĂšre dont elles nous apparaissent, puisqu’un tel arrachement demeurerait, lui aussi, une certaine maniĂšre, pour elles, d’apparaĂźtre. Cela ne revient Ă©v...

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  1. Couverture
  2. Page de titre
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  4. Contexte
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  6. Parcours en textes
  7. Vocabulaire
  8. Table des matiĂšres