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La protestation - 23 août 1942
À propos de ce livre
Il y a 70 ans, dans la France de Vichy, commençaient les grandes rafles de Juifs déportés vers les camps de la mort. Mgr Saliège archevêque de Toulouse, décidait de parler qu'il n'était plus possible de se taire. Le 23 août 1942, tous les curés de son diocèse lisent aux fidèles une lettre qui dénonce les arrestations et les déportations. Elle aura un retentissement considérable.
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Informations
25 mars 1941
Concentration
Saliège s’en souvient : c’était en novembre dernier, quelques semaines après l’indigne poignée de main du Maréchal et du Führer. Le rabbin René Samuel Kapel, nommé aumônier des camps de réfugiés par le consistoire israélite réfugié à Lyon, était venu le trouver à l’évêché, accompagné de notables de la synagogue de la rue Palaprat.
Il les avait reçus en tenue violette dans son bureau officiel, à l’étage.
Kapel rentrait du Béarn. Il avait passé quelques jours dans le camp de réfugiés de Gurs, près d’Oloron-Sainte-Marie. Plusieurs milliers de Juifs allemands y étaient concentrés par l’administration de Vichy, depuis qu’au lendemain de Montoire, les Gauleiters nazis du Bade-Wurtemberg et du Palatinat les avaient déversés par trains entiers dans la zone « libre ».
Il le connaissait ce camp. Il l’avait même visité en 1939, avec son ami l’architecte Augustin Caillebat et le père Bordelongue, le curé du village de Gurs, peu de temps après son ouverture. Le gouvernement Daladier l’avait créé pour recevoir les milliers de miliciens basques fuyant la répression franquiste. Les installations étaient sommaires, mais La Dépêche de Toulouse, dont le frère du directeur Maurice Sarraut était alors ministre de l’Intérieur, prétendait « de source bien informée » qu’il était provisoire. Puis la guerre contre l’Allemagne avait éclaté et nombre des Espagnols, requis pour travailler à l’effort de guerre, avaient été remplacés par les militants communistes, arrêtés par dizaine depuis l’accord germano-soviétique, ainsi que par les « nationaux de l’Empire allemand », assignés ici pour connivence possible avec l’ennemi. Des femmes surtout, des centaines de femmes allemandes, des intellectuelles ou femmes d’intellectuels, de l’intelligentsia antinazie, mais allemandes, parmi lesquelles le quotidien radical-socialiste distinguait une actrice, renommée paraît-il, Dita Parlo. Yves Périssé, avocat du barreau toulousain et militant démocrate-chrétien, que l’archevêque compte parmi ses amis depuis le sauvetage raté du journal Le Télégramme, avait saisi les tribunaux, obtenu la libération de certaines d’entre elles et aidé à leur émigration vers l’Amérique. Comme il le faisait sans relâche, depuis l’armistice, pour de nombreux catholiques et Juifs polonais…
L’affaire du Télégramme. Saliège n’y repense jamais sans un pincement d’amertume. Ça s’est passé lors de sa nomination à l’archevêché de Toulouse en 1929. Le Télégramme était un quotidien régional, contrôlé par des militants du parti démocrate populaire de la Haute-Garonne, dont Yves Périssé. Il était en difficulté. Or l’archevêque voyait d’un bon œil l’existence d’une presse démocrate-chrétienne, apte à diffuser les valeurs sociales de l’Église, à dénoncer l’anticléricalisme traditionnel de La Dépêche, sans céder à la droite catholique fortement teintée d’Action française. Il s’était donc engagé et avait trouvé des fonds pour équilibrer les comptes du Télégramme, sans parvenir à le sauver de la faillite qui survint un an plus tard. Nouvel archevêque de la Ville rose, paysan parachuté de l’évêché de Gap à la tête d’un diocèse doté d’une solide aristocratie ecclésiastique, il avait compris trop tard son erreur et senti souffler le vent des rumeurs et cabales. Le chanoine Casimir Barthas, journaliste à La Croix du Midi – pas un mauvais bougre, le Barthas, mais un esprit orgueilleux d’écrivain –, avait ironisé dans les couloirs du diocèse, et Saliège avait dû user brutalement de son autorité pour mettre son petit monde au pas. Depuis, il se méfie de la politique comme de la peste.
Rabbin d’Alsace et de Moselle, avant guerre, engagé comme aumônier militaire du Ve corps de l’armée française, René Kapel avait joué de son uniforme pour parvenir à pénétrer dans le camp de Gurs :
– Entourées de barbelés, plusieurs centaines de baraques en planches, sans fenêtres, réparties en îlots entourés de chemins de ronde, se succèdent sur au moins deux kilomètres des deux côtés d’une rue centrale goudronnée… Les toits des baraques, recouverts de carton bitumé déchiré par le vent, fuient. Les pluies diluviennes du mois d’octobre ont trempé la plupart des immondes paillasses qui servent de lits. À l’intérieur comme dehors, le sol n’est plus que de la boue visqueuse dans laquelle pataugent les réfugiés, pour rejoindre des sanitaires constitués d’abreuvoirs à bestiaux pour la toilette, ou de plates-formes percées surplombant des cuves pour leurs besoins… Ce sont des étables ! Non, on n’accepterait pas des étables pareilles pour nos bovins ! La dysenterie fait des ravages, des cas de typhoïde et de tuberculose apparaissent… Et les rats et les poux harcèlent ces êtres humains… J’ai vu des milliers de gens – les derniers arrivés sont en majorité des vieillards, des enfants, des nourrissons –, tous exténués, affamés, hagards, les yeux resserrés par l’angoisse, les gestes craintifs, tétanisés, certains devenant incapables d’effectuer les mouvements les plus ordinaires…
Surpris par la violence du propos, Saliège avait fermé les yeux un instant, puis planté un regard sévère dans les yeux du jeune rabbin, qui poursuivait de sa voix glacée, une voix qui se protégeait de l’émotion :
– … Il y a près de 18 000 internés dans ce camp, dont au moins 2 000 enfants qui n’ont pas 16 ans !… Tous avaient des maisons, des parents, des amis, des vies ordinaires, des besoins et des désirs ordinaires, et ils n’ont plus pour survivre qu’une soupe par jour, composée de quelques trognons de choux dans de l’eau chaude et une livre de pain de mauvaise qualité… Une infirmière espagnole, attachée au secteur des Basques, m’a dit ces mots qui résument la situation : « C’est l’enfer que je vois maintenant ! »
Kapel s’était tu, comme pour reprendre le contrôle de lui-même. À moins que ce ne fût pour prolonger l’effet de ses paroles, ménager l’espace de la compassion. Il se tenait debout sur ses jambes droites, tendues et serrées. Ses bras repliés en suspens, sa tête ronde qui dodelinait vaguement : il semblait y être encore ! Et à cause de ce costume noir, soigné mais un peu étroit, qui comprimait ses épaules, Saliège avait pensé à un chef d’orchestre… dirigeant des musiciens mourants. Derrière lui, les notables toulousains de la synagogue étaient alignés comme les figures d’un tableau. L’archevêque en avait déjà rencontré quelques-uns. Avec le rabbin de Toulouse, Moïse Cassorla sans doute, qui était absent ce jour-là et lui recommandait Kapel… Il l’apprécie, le rabbin Cassorla. Ils s’entretiennent régulièrement depuis son arrivée à la synagogue de Toulouse, en 1937. Avec son prédécesseur, le rabbin Nahon, Saliège avait participé à une protestation contre l’antisémitisme, au théâtre du Capitole. C’était au printemps 1933. À l’époque, l’archevêque de Toulouse pouvait encore s’exprimer distinctement en public. Son allocution avait eu du succès. Il avait rappelé que : « Je ne saurais oublier que la tige de Jessé a fleuri en Israël et y a donné son fruit. La Vierge, le Christ et les premiers disciples étaient de race juive. Comment voulez-vous que je ne me sente pas lié à Israël comme la branche au tronc qui l’a portée ! »
Le visage du plus âgé des notables israélites, dessiné par des lunettes d’écaille en hublots, était parcouru de tressaillements qui ponctuaient la cruauté des mots du jeune rabbin. Sur le revers de sa veste anglaise, il arborait les décorations militaires que lui avait values son héroïsme de patriote, durant la guerre de 1914-1918. De temps à autre il se tournait vers son voisin, le patron de la maison de fourrure Alaska dont le magasin, rue d’Alsace, est très couru par la bourgeoisie toulousaine.
– … On ne peut pas dire qu’ils sont maltraités par les autorités, continuait l’aumônier. Ils ne sont pas traités du tout, ce qui revient au même. Ils n’ont rien, on ne leur donne rien, et ils n’ont pas le droit de sortir… L’hiver va être dur pour ces gens ! Il faut s’attendre au pire… Je n’ai vu que deux femmes, des quakeresses américaines, qui aient réussi à se faire accepter par les autorités et à s’installer dans le camp. Elles travaillent officieusement à aider les plus faibles. En attendant que les associations de secours puissent mettre en place une véritable assistance médicale et alimentaire. Or il nous faut l’accord du gouvernement de Vichy pour pouvoir le faire ! C’est pourquoi…
Kapel sollicitait son intervention auprès du préfet Cheneaux de Leyritz et des autorités de Vichy afin d’obtenir au plus vite, pour les organisations privées, le droit d’entrer dans les camps. Une vingtaine d’œuvres caritatives françaises et internationales étaient réunies à Nîmes, où il partait le lendemain faire son rapport. Les quakers américains de l’AFSC, le Secours suisse, le « Joint » des Juifs américains, la CIMADE protestante et le YMCA, ainsi que la quasi-totalité des organisations juives dont la HICM, spécialisée dans l’aide à l’émigration, le Comité d’aide aux réfugiés (CAR), l’Organisation de secours aux enfants (OSE), ainsi que l’Organisation reconstruction travail (ORT), composaient ce nouveau comité, dans lequel il s’étonnait, en passant, de l’absence des œuvres caritatives de l’Église catholique de France.
Cette critique subreptice de l’Église avait aussitôt déclenché l’objection de l’ancien combattant de la Grande Guerre :
– En tant que Toulousain de confession israélite, je tiens à préciser que nous ne contestons nullement la nécessité pour l’État français de protéger la population et l’économie françaises de cet afflux débordant d’étrangers, sans ressources, dans la situation actuelle de pénurie que nous impose l’occupant…
Pris d’une subite quinte de toux, le vieillard s’était tourné vers son voisin dont une main, amicalement posée sur son épaule, l’avait aussitôt soulagé tandis que Kapel, impassible ou contrarié, regardait ailleurs. Le souffle retrouvé, l’ancien combattant avait poursuivi son discours d’une voix plus chevrotante, qu’une pensée incongrue de l’archevêque avait comparée à celle de Pétain :
– C’est avant tout en tant que Français que nous soutenons l’action du rabbin Kapel en faveur des milliers d’étrangers qui arrivent sur notre sol dans un dénuement absolu. Car nous partageons avec le grand rabbin Helbronner, président du consistoire de France et grand ami du Maréchal, le souci de distinguer clairement la question confessionnelle de la question nationale. Et si le statut des Juifs nous paraît présenter une ambiguïté insoutenable à notre sujet, ambiguïté qu’il faut bien attribuer aux exigences de l’occupant, nous connaissons la position de l’Église, et votre lettre d’octobre à notre rabbin, dont nous vous sommes très reconnaissants, nous a témoigné…
Quelques jours plus tard, Saliège avait appris de l’abbé Glasberg – un Russe d’origine juive, qui parle parfaitement le yiddish et a ses entrées dans toutes les synagogues – que l’afflux de Juifs polonais, allemands, autrichiens et belges, très assidus dans les synagogues de France depuis la débâcle, n’allait pas sans causer quelques frictions avec les fidèles autochtones. Moins pratiquants et vite surpassés en nombre, ces derniers, qui sont intégrés depuis longtemps à la société locale, se revendiquent Français avant d’être Juifs et redoutent d’être assimilés aux étrangers. À Toulouse, le statut d’octobre n’a pas manqué d’exacerber ces sentiments, jusqu’à menacer l’intégrité de la synagogue lorsque le consistoire central lui-même envisagera, un instant, le remplacement du rabbin Cassorla, pour cause de sa trop récente origine yougoslave…
Saliège avait promis au rabbin Kapel d’intervenir. Il avait envoyé un courrier au cardinal Gerlier qui a l’oreille de Pétain et était allé en personne trouver le préfet de Toulouse.
Léopold Cheneaux de Leyritz, ancien membre du Conseil d’État nommé préfet par la Révolution nationale, est un homme d’une cinquantaine d’années. Grand et d’allure martiale, il dirige la préfecture avec une autorité militaire. Il assume sans état d’âme les immenses prérogatives que Vichy assigne à ses préfets, et de cette loi du 4 octobre, qui lui octroie le pouvoir discrétionnaire d’interner non seulement les « opposants potentiels » mais tout « ressortissant de race juive », il se sert sans compter. Article premier : « Les ressortissants de race juive pourront, à dater de la promulgation de la présente loi, être internés dans des camps spéciaux par décision du préfet du département de leur résidence. » Dans son bureau de l’ancien palais épiscopal de Toulouse, confisqué et devenu préfecture lors de la Séparation, au-dessus de sa tête, le portrait officiel du Maréchal regarde de biais. Et lorsqu’en ces jours de décembre, dans une Ville rose embrunie par l’humidité des premiers froids, le préfet signait, parmi des centaines, un arrêt d’internement administratif, celui peut-être d’un Ariel Poznanski, 47 ans, marié, père de cinq enfants, sans domicile connu, Juif apatride, en surnombre dans l’économie nationale et potentiellement dangereux pour l’ordre public, le portrait officiel du Maréchal regardait de biais.
Accompagné de Louis de Courrèges d’Ustou, son évêque auxiliaire, Saliège avait été reçu par le haut fonctionnaire avec l’affabilité hautaine du représentant de l’État, jaloux de son pouvoir matériel et coercitif devant la toujours contestable autorité spirituelle. Le préfet lui était apparu de méchante humeur… Mais il n’y était pas allé par quatre chemins. Il avait évoqué les témoignages bouleversants provenant du camp de Gurs. Il avait expliqué comprendre les problèmes d’intendance et de ravitaillement inévitables dans la situation exceptionnelle. Il avait exposé l’urgence d’une amélioration des conditions de vie au nom de la charité chrétienne et s’était inquiété des moyens du pouvoir public pour remédier à la détresse physique et morale de ces étrangers. Il avait démontré l’intérêt pour les autorités de permettre aux œuvres privées de fournir au plus vite une aide matérielle et spirituelle…
– Vous pouvez peut-être m’éclairer les propos de monseigneur, avait lâché d’un ton cassant le préfet, en regardant Courrèges.
L’esquive était si grossière que Saliège, glissant sur l’offense, s’était dit : « Mon garçon, ton épouse n’a pas tant de difficultés à me comprendre ! » Car la préfète, âme pieuse, fréquente la cathédrale, et l’archevêque, soucieux du lien de la hiérarchie avec le quotidien de l’activité pastorale, ne dédaigne pas d’y confesser quelques personnalités.
Pendant que Courrèges traduisait minutieusement ses propos, l’archevêque avait eu le loisir d’observer consciencieusement le fonctionnaire. Ce devait être la quatrième ou la cinquième fois qu’il le rencontrait depuis son arrivée à la tête de la préfecture de Toulouse. Il appréciait l’efficacité avec laquelle il avait restauré le calme en ville, réorganisé les transports et le ravitaillement dans les semaines qui suivirent l’armistice. Quelques spectaculaires actions de répression du marché noir et arrestations de prostituées et souteneurs, dans les rues interlopes du quartier de la gare, témoignaient de son souci de moraliser la société. Les jambes croisées sous son bureau, il portait des bottes de cheval – à moins que ce ne soit de motocyclette –, qui adjoignaient à la civilité de son protocolaire complet de laine grise et ses boutons de manchette dorés l’énergie tendue du coup de pied de l’ordre. Son visage, rasé de très près, est sculpté dans une chair dure et marquée aux arêtes, mais plus grasse et molle dans les intervalles. Son regard est carré, d’une bonne conscience puritaine, avec ce soupçon de cruauté dans les angles qui trahit les servilités consenties pour devenir chef. Ce type-là peut traverser les catastrophes sans inquiétude, à cheval sur son devoir de fonctionnaire… C’est un croyant. Mais il n’a pas la foi. Sa croyance est une certitude, comme la foi, mais elle ne connaît pas ses passionnantes inquiétudes. Elle n’est pas un sacrifice, ni une victoire, mais un postulat. Comme celle de Maurras. Un affect de l’ordre… Tandis que sa femme est soigneuse, respectueuse de son devoir d’épouse, aveugle quand il le faut, sentimentale dans les babioles, intraitable dans les comptes, mais blessée dans son amour, comme toutes les femmes. Elle vient chercher au pied du Seigneur tout ce qu’elle n’est pas. Elle contribue aux œuvres.
Le préfet avait répondu que le gouvernement envisageait l’autorisation d’accès aux camps pour les associations cultuelles, dès la mise en place des modalités d’agrément administratif, qu’il ne fallait pas oublier que la pénurie touchait aussi les populations non internées et que la possibilité de distribuer l’aide matérielle des associations privées était à l’étude, dans le cadre du Secours national ou de la Croix-Rouge française. Ceci afin de contrôler l’immixtion d’organisations étrangères, suisses ou américaines, sur le territoire dépendant de la seule autorité de l’État français. Par ailleurs, il s’engageait – en conformité avec les dernières circulaires du ministère – à limiter désormais aux éléments les plus dangereux le recours à l’internement administratif. Il transmettrait au ministre la requête de Mgr l’archevêque…
Mais l’hiver s’était avancé et rien n’avait changé. Gerlier était intervenu auprès des autorités de Vichy dans le courant du mois de décembre, par le biais de Mgr Guerry, coadjuteur de l’archevêque de Cambrai, in...
Table des matières
- Couverture
- Titre
- Copyright
- Du même auteur
- Table des matières
- L’éditeur au lecteur
- 22 décembre 1940 - Jésus est contre
- 5 janvier 1941 - Troubles
- 8 février 1941 - Encycliques
- 25 mars 1941 - Concentration
- 20 mai 1941 - Notre-Dame et ses saints
- 8 juillet 1941 - Bénir
- 12 août 1941 - Luchon
- 17 septembre 1941 - Corps
- 4 novembre 1941 - L’hypothèse du pape
- 11 décembre 1941 - Dissidence
- 3 janvier 1942 - Réseau
- 26 février 1942 - Confiscations
- 21 avril 1942 - Noé et Récébédou
- 21 juin 1942 - Maréchal nous voici !
- 22 juillet 1942 - La victoire de l’Allemagne
- 20 août 1942 - La lettre pastorale
- 18 septembre 1942 - Pressions
- 11 novembre 1942 - Sauver
- Épilogue
- Ressources documentaires et bibliographiques
- Annexe I
- Annexe II
- Dans la même collection