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À propos de ce livre

Les quatorze nouvelles qui composent le recueil Stations, première œuvre de fiction de Nick Mulgrew, s'intéressent aux angoisses et aux paradoxes de la jeunesse. Ancrées en Afrique du Sud, sur la côte, ces histoires mettent en scène des personnages issus de toutes les sphères de la société. Étudiant·e·s ou salarié·e·s, ces jeunes vivent dans un monde cosmopolite, bigarré, écartelé entre un passé innommable et un présent éclaté et stimulant.

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Informations

Photo 1-h

Traduction Iris Lindsay
Wern revint de l’arrière-boutique juste à temps pour la voir partir. Il eut tout d’abord l’idée de se lancer à sa poursuite dehors dans la chaleur humide, de descendre à grands pas l’avenue Mackeurtan, à l’ombre parsemée des acajous et des érythrines se putréfiant dans le jacassement des mainates. Il lui vint l’idée de pincer les deux bouts d’une boîte de pellicule entre son pouce et son index, pour la projeter derrière sa tête d’une main experte.
Il estima cependant qu’il y avait des obligations professionnelles en jeu. Il fixa du regard le sac de papier sur le comptoir, sur lequel elle avait griffonné ceci :
MACKEURTAN PHOTO 1-H * 5 AVENUE MACKEURTAN,
DURBAN NORTH * 563 4433
NOM
MME S. DE COSTA
DATE
7/10/2003, matin
ADRESSE
53 LANSDOWNE CRES
DURBAN NORTH
NUMÉRO DE TÉLÉPHONE 563 6501
INSTRUCTIONS
2 FILMS, 135
DÉVELOPPEMENT + IMPRESSION, MAT, S.V.P.
Son nom de jeune fille. L’adresse où il habitait jadis, en face de Northwood.
« Désolé, mon frère », lança Dees, derrière le comptoir vitré à l’avant de la boutique. « Je ne sais pas pourquoi elle a opté pour notre labo parmi tant d’autres. »
Son écriture n’avait pas changé.
« Pas si surprenant, soupira Wern. Il n’y a pas vraiment d’autre endroit où faire développer des photos dans le coin. »
Il secoua le sachet, les boîtes de film cliquetaient à l’intérieur. Il fit rouler le tout sur le comptoir. À gauche, Reala ISO 100 : Superia ISO 800 à droite.
« Hé, savais-tu que CNA a cessé de prendre les films ? Ils n’en acceptent plus aucun, ils n’impriment qu’à partir de fichiers à présent », dit Wern.
Dees était accroupi, ajustant les appareils dans la vitrine sous la caisse. « Ouais, j’étais au courant, dit-il d’un ton détaché. En espérant que ça attirera plus de clients ici. »
Wern se retourna, le rouleau de Superia au creux de la main. Il évalua son poids comme il l’aurait fait avec une pierre plate au bord d’une rivière, puis le posa à l’endroit sur le comptoir. Il se surprit à tracer des doigts l’écriture sur l’emballage : la boucle de ses « O », l’inclinaison de ses déliés vers la droite, les traits de plume entre chacune des lettres.
Deux ans déjà, pensa-t-il.
Il s’apprêtait à dire quelque chose à Dees — quelque chose de spontané, de fortuit, afin de secouer les senti­ments qui grandissaient en lui — lorsque de la chaleur torride de l’extérieur parvint un homme portant des lunettes de soleil réfléchissantes. Il demanda à Dees de le conseiller pour l’achat d’un appareil numérique. Wern chiffonna le sac de papier dans sa main, s’empara des boîtes de film et gagna l’arrière-boutique.
L’air empestait le solvant et la pourriture d’un contenant de mangues que Dees avait laissé dans un coin. Les machines sommeillaient. Les samedis, les activités étaient au ralenti. Pourtant, cela convenait à Wern. Il aimait prendre son temps pour bien faire les choses : s’assurer d’atteindre la meilleure qualité pour chacune des images avant qu’elles ne soient livrées. Au-dessus de son ordinateur était accroché un tableau d’affichage où des papillons adhésifs étaient pris dans une toile de bouts de ficelle, de modes d’emploi, de listes de contrôle, des préférences de ses clients habituels.
Cette méticulosité qu’avait Wern comportait des avantages. Son ordinateur constituait un catalogue complet des mœurs du voisinage, conservé au fil des centaines d’heures qu’il avait consacrées au contrôle de la qualité. Des autoportraits d’étudiants de l’école technique, avec leurs poitrines blêmes, leurs membres alanguis et leurs visages impénétrables. Des clichés intimes pris à la hâte, surexposés, que lui avaient confiés des inconnus. Des collections d’amis adolescents, de filles d’amis éclatantes dans leur bikini, sous un parasol de plage. Une série de photos de jeunes mariés au bord de la piscine parsemée d’images de leurs soirées, de leurs ébats amoureux. Il avait un faible pour ces dernières, s’il pouvait se permettre de dire qu’il avait une préférence. Il pensait qu’elles relataient une histoire, une substance qu’il pouvait diriger, telle une musique : une chose à laquelle il pouvait s’accrocher.
Wern les conservait sur un autre disque dur que celui qui contenait les photos de lui et de son ex-femme — de lui soumis, d’elle en lingerie ou dénudée, d’eux ensemble, exaltés. La mise au point était impeccable. À une certaine époque, elles furent des images de fierté. Il prenait des heures à les développer, à les retoucher minutieusement, à faire disparaître leurs imperfections, leurs irrégularités et — il l’espérait — leur banalité. Dernièrement, il les avait pourtant trouvées trop raffinées. Comme une nostalgie retouchée de quelque chose qui n’avait jamais réellement existé. À présent, il y avait du nouveau matériel pour la supplanter, des souvenirs qui lui semblaient plus vrais. Il songea à se départir de toutes ces photos d’elle, ces évocations, à brûler les copies papier. Bientôt, pensa-t-il. Il devait le faire pour elle, sans doute.
La surface en faux granit de la table de travail de Wern commençait à être usée. Au-dessus, sur les tablettes, étaient posées des enveloppes, des paires d’étiquettes autocollantes numérotées dans l’ordre, sept bobines de ruban adhésif, un enchevêtrement de cordelettes et trois plateaux de disquettes aux couleurs de l’arc-en-ciel portant les traces des étiquettes. Le processeur vrombit derrière lui. Il prit un extracteur de film dans le premier tiroir et poussa sa languette dans chacune des ouvertures des cartouches pour faire sortir les amorces. Il apposa les étiquettes numérotées sur chaque cartouche : 6076, 6077. Au-dessus, les ampoules clignotèrent.
Il récupéra le sachet à demi écrasé à ses pieds. Peut-être avait-il omis quelques directives précises, pensa-t-il, un symptôme de sa minutie habituelle, une raison qui la pousserait à se plaindre s’il eût négligé un détail — il ne trouva rien. Aucune liste de caractéristiques techniques comme celles qui accompagnaient les premières épreuves qu’il avait développées pour elle, seize ou dix-sept ans auparavant, dans la chambre noire improvisée de son vieil appartement à Westville. C’est au cours de cette soirée, après avoir répandu une indélébile traînée de fixateur sur le tapis du propriétaire, qu’il avait compris le motif qui le rendrait un jour amoureux d’elle : ses photos. Des silhouettes d’ibis contre un ciel couleur bleu de Chine, des portraits d’enfants mangeant des sandwichs au fromage à l’extérieur du Garlicks ou de marchands ambulants sur Smith Street — des choses dont personne d’autre ne lui avait révélé la beauté jusqu’à ce jour.
Wern frotta ses paumes sur sa chemise. Il pensa à ce que pourraient produire ces pellicules. Il colla le Reala sur une carte de plastique, souleva le couvercle du processeur et inséra le film. Dans quelques instants, les négatifs émergeraient. Il allait bientôt savoir ce qu’elle lui avait donné à voir. D’ici là, comme toutes les photographies, elles n’existaient que dans une sorte d’état de Schrödinger, sous forme d’attente. C’était la beauté de la photographie : les photos n’existaient au départ que dans l’esprit, puis lorsque les négatifs apparaissaient, les images n’étaient pas forcément comme on les avait imaginées. La mise au point était peut-être inadéquate ou la lumière mal rendue. La biologie et la mécanique nous jouent parfois des tours.
Avant que la cartouche ne soit coupée, que la pellicule en soit sortie, qu’elle traverse les éponges et les produits chimiques, qu’elle soit entraînée par les mécanismes et les rouleaux dans l’obscurité à travers les sulfates, le bain d’arrêt, les fixateurs et les agents de rinçage jusqu’au séchoir, pensa-t-il, les images ne sont que des espérances : certaines sont finement calibrées, d’autres sont spontanées : on y a peu réfléchi, ou pas du tout, jusqu’à ce qu’elles soient dans nos mains ou contre un rayon de lumière et qu’on constate qu’au bout du compte, c’était comme on l’avait imaginé ou, au contraire, que c’était raté, totalement raté.
Voilà ce qui manque aux appareils numériques, songea Wern : ils n’ont rien en commun avec la vie.
Un bip sourd. Les négatifs dépassaient de l’autre extrémité du processeur. Wern se retourna, prit la bande flasque, la détacha de la carte de plastique et l’étendit sur sa table de travail. À l’aide d’un massicot, il la coupa en six parties d’égale longueur, puis épingla chaque section au rebord d’une table lumineuse éteinte. Il consulta une reliure à levier sur son bureau avant de régler le processeur pour le deuxième film, qu’il mit en route aussitôt.
Il pouvait entendre le bourdonnement qui provenait de la radio à l’avant, où Dees parlait encore avec le client. L’animateur annonçait un risque d’orages. Wern ferma la porte et éteignit les lumières de l’arrière-boutique. Il contourna le processeur sifflotant afin de mettre en marche la table lumineuse. L’ampoule hésita, puis s’alluma, blanche et saisissante. Sur la surface, les bandes de négatifs se distinguant par des teintes ambrées, noires et bleues révélèrent les formes.
Elle était allée au parc ornithologique avec les filles. Il parcourut les négatifs en ordre, comme une bande dessinée. Pour les deux premières images, Wern discerna les contours inversés des visages de ses filles — noires, les dents redressées par des broches, des yeux noirs aux pupilles lumineuses, des mèches de cheveux électrisés tombant sur leurs épaules. Au milieu, des images de toucans dans des cages grillagées, de paons faisant la roue, de fougères et de monsteras : une douzaine d’images floues d’oiseaux trop rapides pour être captés. Il y avait un homme avec les filles dans la dernière série d’images. Il les prenait dans ses bras. W...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Faux titre
  3. Stations
  4. Page légale
  5. Préface
  6. La traduction,une histoire d’amour
  7. Note de l’éditeur
  8. Les tours d’Athlone
  9. Tournant
  10. Le postier
  11. Ponta do ouro
  12. Étoiles
  13. Fille
  14. Jour de gala
  15. La bibliothèque pour aveugles
  16. Photo 1-h
  17. Reconnaissance
  18. M. Dias
  19. Le restaurant
  20. Le jardin de Mariannhill
  21. Stations
  22. Table des matières
  23. Quatrième de couverture