Suicide et politique
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Suicide et politique

La révolte est-elle honorable?

  1. 152 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Suicide et politique

La révolte est-elle honorable?

À propos de ce livre

«Il n'y a qu'un problème philosophique vraiment sérieux, disait Camus, c'est le suicide». Oui, mais il existe mille façons de parler du suicide et autant de se suicider. La mort volontaire n'est pas ce qu'on pense généralement. Elle ne se réduit pas à un acte choisi, à un événement précis. À preuve Charles Bukowski. Son existence s'apparente à un suicide lent, à un aller vers la mort qui s'accomplit chaque jour. Ce qu'on voit chez lui d'une manière évidente, c'est un «échapper à l'existence»: jeu, alcool, sexe, fainéantise, indifférence même à toute chose. Si l'existence n'est pas toujours facile, souvent absurde, Bukowski plus que Camus l'a montré. Mais on persiste à donner raison à celui-ci et non au premier. On continue de prétendre qu'il faut non pas abandonner, mais se révolter: là serait notre seule condition. En est-on sûr? Menée dans une perspective radicale — celle qui doute de tout sans compromis et sans aucun désir de proposer autre chose à ce qui est soumis à la question —, cette réflexion sur notre rapport à la mort et à l'existence répond à cette question.

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Informations

Comme toujours à Tristan et à Félix
À Yan (Monica) et Arielle Wang
À Hervey
L’art — musique, peinture, poésie, littérature, philosophie, sculpture, architecture, etc. — est la pire des idéologies. Il flatte notre orgueil. Nous nous imaginons libres et créateurs.
Introduction
Rien ne finit, tout recommence, l’autre est encore le même. Minuit n’est que Midi dissimulé, et le grand Midi est l’abîme de lumière d’où, même par la mort et ce glorieux suicide que Nietzsche nous recommande, nous ne pouvons sortir. Le nihilisme nous dit donc sa vérité dernière et assez atroce: il dit l’impossibilité du nihilisme.
Maurice Blanchot
Les corneilles prétendent qu’une seule corneille pourrait détruire le ciel. Cela est hors de doute, mais ne prouve rien contre le ciel, car le ciel signifie précisément: impossibilité des corneilles.
Franz Kafka
«Il n’y a qu’un problème philosophique vraiment sérieux: c’est le suicide. Juger que la vie vaut ou ne vaut pas la peine d’être vécue, c’est répondre à la question fondamentale de la philosophie1», écrivait Camus au début du célèbre Mythe de Sisyphe. Il est exact que le suicide, en mettant fin à la vie individuelle et éventuellement à la possibilité de la vie collective, rend caduc l’amour de la sagesse. À quoi bon philosopher si l’existence est à ce point absurde qu’on voudrait y mettre volontairement fin? L’évidence saute aux yeux, mais comble-t-elle la signification de l’affirmation de Camus? Je ne le crois pas, car il ne s’agit pas seulement de philosophie, mais aussi et surtout de politique. En autorisant le suicide, ce n’est pas que la possibilité de la vie en commun qui est ébranlée, son fondement devient, pour dire le moins, des plus précaires2.
La question philosophique du suicide déborde donc largement sur le politique. Mais si, chez Camus, politique et philosophie se côtoient, c’est d’une manière certainement étonnante puisque ses ouvrages, L’homme révolté spécialement, ont été particulièrement mal reçus au niveau politique3. Pour aborder ce rapport, voyons d’abord en suivant une perspective radicale les liens qu’il tisse entre le suicide et l’existence4.
Le suicide met-il fin à l’existence? On en était jusqu’à récemment encore certain, mais cette certitude tend peu à peu à s’effacer. La finitude de l’homme ne se résume pas à sa mort physico-biologique. Le corps mort, étendu devant l’assistance qui le regarde, le plaint, existe encore sous le mode du cadavre d’une personne aimée, haïe ou le plus souvent indifférente. C’est donc qu’il y a encore à penser dans la question du suicide si la mort n’est pas une fin, mais une possibilité, celle de son propre achèvement. Comment comprendre cet achèvement autrement que comme mort? L’achèvement et la possibilité de l’existence sont-ils rattachés en un sens qui nous échapperait encore? On peut le croire si on les soustrait aux conditions habituelles dans lesquelles elles nous apparaissent et à partir desquelles on les pense. Comment penser autrement l’achèvement?
Camus est, à mon avis, le premier à concevoir l’achèvement en un sens nouveau même si sa tentative était, nous le verrons, vouée à l’échec. Si, pour lui, le suicide est une question philosophique, il a fait des raisons du refus de la mort volontaire une réponse adroite et incontournable à la domination politique. Philosophie et politique sont inséparables, mais en un sens original. La cause de son échec est moins dans son effort de penser singulièrement politique et philosophie que d’avoir succombé en fin de compte aux chimères du politique et voulu échapper au nihilisme.
Il est vrai que la pensée de Camus a été l’objet de jugements impitoyables. Il est certainement l’un des philosophes qui ont enduré le plus de sarcasmes et de mépris de la part de leurs compatriotes. Et pourtant, il y a dans sa réflexion beaucoup plus qu’on ne l’a cru; il a posé les fondements philosophiques de la révolte humaine5. Ce n’est pas rien dans un monde où la question politique fait foi de tout. Comprenons bien, il ne s’agit pas ici de la révolte politique comme on l’entend en général. S’il est question de la révolte de l’homme contre tout ce qui l’asservit, il faut ajouter, et cet aspect est essentiel chez Camus, que les modes de servitude incluent les grandes idéologies politiques (capitalisme, communisme, fascisme, etc.). On le voit, philosophie et politique sont dans un rapport singulier. Contrairement à plusieurs, la philosophie pour Camus ne se laisse pas commander par la politique. La réflexion n’a d’autre impératif qu’elle-même; elle ne peut être déterminée par l’urgence de la situation. Elle est souvent lente, capricieuse, inconséquente, instable et toujours indifférente. On comprend que Camus ait été si mal accueilli par ceux qui sont toujours asservis à l’obligation d’agir.
Il n’est donc pas question ici de révolution, qui n’est rien d’autre que la subordination de la révolte à une idéologie politique6. Ce dont on parle est plus important et essentiel. De la révolte chez Camus, on peut dire qu’elle est ontologique, liée d’une manière nécessaire à l’existence de l’homme. C’est cette singularité de la révolte qui fait de lui un penseur si remarquable. En refusant de lier directement la révolte aux idéologies politiques, il a permis de la penser philosophiquement — hors des contingences sociohistoriques7 — et surtout il a répondu à la question de l’absurdité de l’existence d’une façon fort inattendue. Mais qu’est-ce donc la révolte?
La révolte
L’intelligence de Camus, c’est d’avoir fourni une réponse qui nous conduit sur des chemins qui nous semblent aujourd’hui étonnants tant la vérité est sous condition politique8. Il a fourni les idées pour comprendre le suicide et penser philosophiquement contre lui: la révolte et la liberté. En fait, il nous a légué les raisons qui, dans l’ordre philosophique, écartent le suicide comme solution à l’énigme de l’existence humaine, individuelle et communautaire, et comme enjeu de réflexion. D’une certaine façon, il a pensé la question du se donner la mort volontairement contre toute problématique sociopolitique, qui est devenue pour nous tellement évidente qu’il est pratiquement impossible de considérer la révolte autrement que sur le mode politique. Sa réflexion sur la révolte reste aujourd’hui des plus éclairantes pour lutter contre la domination politique concrétisée dans l’absurdité de notre condition humaine. Absurdité que le communisme, le capitalisme, l’anarchisme, le fascisme ne font que reconduire sous des formes diverses. Il nous a procuré une raison incontournable, une force considérable, pour refuser l’irrémédiable; l’homme est capable de révolte.
Il est vrai que cette formule est devenue banale pour nous, modernes, qui en avons fait un devoir et même une nécessité. L’idée que l’homme soit sous la domination de forces politiques qui le briment et l’oppriment est une certitude et une évidence qui hantent nos existences tout comme l’est sa conséquence, le refus de cette hégémonie et le désir de la combattre de toutes nos forces. La révolte est ainsi conçue comme ce moment où l’homme conscient de sa condition aliénée s’efforce de lever cette contrainte qui pèse sur lui. Il s’efforce de persévérer.
Comment faut-il dès lors entendre la révolte? En son sens habituel ou selon ce que Camus en dit? Tradi­tionnellement, la révolte est, plus encore qu’un effort de persévérer, un vouloir échapper à ce qui nous opprime. Elle a été paradoxalement problématisée comme une raison de la lutte politique — une exigence nécessaire mais jamais suffisante. Elle ferait partie de la nature de l’homme moderne, sa condition sociohistorique, qui est de s’opposer à tout ce qui l’opprime ou l’anéantit au nom plus souvent qu’autrement de la liberté. Pourtant, jusqu’à Camus et encore aujourd’hui, jamais ou rarement on n’a considéré que la révolte parvenait à sortir l’homme de son état de minorité. Avec elle, ce n’est pas la rupture et la sortie de l’oppression. Trop individuelle, elle n’est pas assez politique. C’est plutôt la révolution qui constitue la négation totale, le triomphe contre ce qui nous soumet.
C’est parce qu’on a fait du politique le centre et le fondement de l’existence humaine que la révolte n’a jamais été considérée comme le moyen pour l’homme de se libérer. La philosophie n’aura été en conséquence qu’un prétexte pour s’exercer à la politique. La révolte n’a été qu’une formalité de la révolution. L’auteur de L’homme révolté offre une autre façon de considérer la révolte. Pour bien la comprendre, empruntons un moment le chemin qu’il a suivi.
Révolte et révolution
Camus distingue révolte et révolution. Cette distinction n’est pas évidente pour tous. Souvent présentée comme une exigence de la révolution, la révolte est le moment du faire face de la contestation, non plus seulement individuelle mais collective. Il ne peut y avoir de révolution sans la prise de conscience d’une injustice, une vexation à la morale du bien ou du juste et surtout une volonté de dire non à l’oppression. Le faire face est nécessaire mais toujours perçu comme insuffisant. La révolution suppose qu’on se soit avisé de sa condition d’exploité ou d’aliéné soumis à un système accablant à renverser. La révolte est cette prise de conscience individuelle qui n’a pas l’ampleur ou la portée historique de la révolution. Une étincelle qui allume un brasier, mais qui reste toujours limité et insuffisant car facile à éteindre. Ce n’est qu’une rébellion9. Elle est certes l’œuvre d’une conscience réfractaire mais, selon plusieurs, sans réelle portée historique.
L’interprétation proposée par Camus fait heureusement figure d’exception. Sa critique passe par l’association de la révolution au nihilisme, qui traite l’homme comme une chose, un moyen en vue d’une fin qui dépasse l’homme lui-même. «La révolution contemporaine qui prétend nier toute valeur est déjà, en elle-même, un jugement de valeur. L’homme, par elle, veut régner. Mais pourquoi régner si rien n’a de sens? Pourquoi l’immortalité, si la face de la vie est affreuse? Il n’y a pas de pensée absolument nihiliste sinon peut-être dans le suicide, pas plus qu’il n’y a de matérialisme absolu. La destruction de l’homme affirme encore l’homme. La terreur et les camps de concentration sont les moyens extrêmes que l’homme utilise pour échapper à la solitude. La soif d’unité doit se réaliser même dans la fosse commune. S’ils tuent des hommes, c’est qu’ils refusent la condition mortelle et veulent l’immortalité pour tous10.» Il y a beaucoup dans ce passage. Retenons-en pour le moment trois aspects qui nous permettront de mieux comprendre la conception de la révolte que propose Camus.
La révolution est un jugement de valeur, le jugement de celui qui veut régner. Cette valeur vide, la révolution, se prétend au-dessus des valeurs. Que n’a-t-on pas fait pour elle? La réponse est connue et il n’est pas nécessaire d’y revenir encore une fois. La révolution rejette les valeurs qu’elle juge néfastes, mais en fait elle en promeut de plus dangereuses. Elle veut permettre à l’homme de régner sur le monde, mieux que jamais auparavant. C’est là tout un programme et en même temps sa limite. Il faut pour satisfaire «la soif d’unité», explique Camus, détruire l’homme pour en fabriquer un nouveau. Une fois libérée, plus rien ne pourra freiner la puissance de destruction de l’homme animé par la volonté de dominer le monde. La révolution propose seulement, dira-t-on, une autre façon de régner, mais qui, au bout du compte, consistera encore et toujours en une politique de destruction de l’homme par l’homme. L’unité et l’immortalité méritent-elles qu’on sacrifie autant de vies humaines?
On est aussi en droit de se demander par quel moyen la révolution entend imposer le règne de l’homme. La réponse de Camus est sans appel: elle utilise les moyens extrêmes pour créer une vie en commun libérée de toute coercition. Il faut que la solitude soit devenue telle pour l’homme qu’il pense à user de moyens extrêmes pour s’en délivrer. Quels sont ces moyens extrêmes? Un refus total et sans appel de ce qui est, une négation qui se revendique de l’absolu, une aversion incroyable pour ce qui est indifférent, insensé, immobile. Il y a peu de moyens qui s’offrent à l’exception de la violence et de la mort. Encore faut-il être attentif à ce qui s’énonce et comprendre par «moyens extrêmes» ceux, singuliers, que réclame une visée unique. La violence n’est pas en soi un moyen condamnable, mais est-ce seulement cela que propose la révolution? Celle-ci est à elle-même sa propre justification. Elle délivre au nom d’une puissance qui n’est pas en son pouvoir. L’idée de révolution ne tue pas; elle mobilise une puissance et une volonté qui ne sont pas les siennes et elle eng...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Dépôt Légal
  3. Dédicace 1
  4. Dédicace 2
  5. Introduction
  6. Chapitre 1: L’impossibilité de l’homme
  7. Chapitre 2: Littérature contre philosophie
  8. Chapitre 3: Haine: révolte et suicide
  9. Conclusion
  10. Notes