Dérives de la commission Charbonneau
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Dérives de la commission Charbonneau

  1. 142 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Dérives de la commission Charbonneau

À propos de ce livre

Créée en 2011, la Commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction, couramment appelée commission Charbonneau, a siégé pendant trois ans (2012-2014). Ses séances ont tout ce temps retenu l'attention de la presse et du public dont elle a nourri la conversation et l'humeur. On attendait d'elle qu'elle fasse toute la lumière sur un présumé vaste système de corruption et de collusion qui semblait pourrir le Québec.Voix discordante dans l'approbation collective de cet exercice, l'avocat Louis Demers procède ici à un sévère examen de la commission: de ses énormes pouvoirs, de son mandat démesuré, de sa durée excessive, de ses cafouillages embarrassants autant que cruels, des victimes collatérales qu'elle a semées sur son passage, des résultats médiocres auxquels elle a abouti. Or, paradoxalement, ces résultats mêmes devraient réjouir: la société québécoise n'était pas celle, gangrénée, dont on dressait un portrait accablant.

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Chapitre 1
Ah! le beau bateau!
Ce fut un grand vaisseau taillé dans l’or massif:
Ses mâts touchaient l’azur, sur des mers inconnues;
La Cyprine d’amour, cheveux épars, chairs nues,
S’étalait à sa proue, au soleil excessif.

Enfin, presque.
Dans cette strophe du poème de Nelligan (Le vaisseau d’or), le seul mot qui ne s’adapte pas vraiment au grand bateau que l’on s’est monté est «amour». La Cyprine, dans notre cas, était loin d’être engageante. Aussi, il ne fallait pas s’aimer beaucoup pour s’embarrasser d’un tel navire. Redoutable certes, mais construit pour quoi? contre qui? Quels bâtiments battant notre propre pavillon, parfois même avec panache sur toutes les mers du monde, avions-nous tant besoin de pourchasser?
En tout cas, c’est collectivement que nous l’avons construit. Peut-être à la suite de vagues chimères, mais très concrètement par le décret 1119-2011, adopté le 9 novembre 2011 par le gouvernement du Québec, qui, portez bien attention, est ainsi rédigé:

IL EST ORDONNÉ, sur la recommandation du premier ministre:
QUE, conformément à l’article 1 de la Loi sur les commissions d’enquête, soit constituée une commission d’enquête dont le mandat est le suivant :
1. d’examiner l’existence de stratagèmes et, le cas échéant, de dresser un portrait de ceux-ci qui impliqueraient de possibles activités de collusion et de corruption dans l’octroi et la gestion de contrats publics dans l’industrie de la construction incluant, notamment, les organismes et les entreprises du gouvernement et les municipalités, incluant des liens possibles avec le financement des partis politiques;
2. de dresser un portrait de possibles activités d’infiltration de l’industrie de la construction par le crime organisé;
3. d’examiner des pistes de solution et de faire des recommandations en vue d’établir des mesures permettant d’identifier, d’enrayer et de prévenir la collusion et la corruption dans l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction ainsi que l’infiltration de celle-ci par le crime organisé.

Tout est là. Les mots sont clairs. Il est vraiment énorme ce bateau!
Je m’attarde au premier article du mandat confié à la Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction, sans parler des deux autres, car il est déjà amplement suffisant. Tout un mandat que celui d’enquêter sur toute collusion et toute corruption dans tous les contrats publics de construction au Québec et cela au cours des quinze dernières années. Il y en a eu beaucoup de contrats publics dans le domaine de la construction, industrie très importante, et quinze ans, c’est très long. À cela, il a fallu que l’on ajoute l’étude «des liens possibles [de cette industrie] avec le financement des partis politiques» et pour la même période. Ça non plus ce n’est pas rien.
De toutes les commissions d’enquête créées par les gouvernements du Québec et du Canada depuis 1867, très rares sinon inexistantes sont celles qui ont obtenu un mandat aussi vaste couvrant une aussi longue période. J’écris cela sans avoir vérifié mais avec la plus grande assurance. Ne perdons pas non plus de vue que notre commission devait en même temps enquêter sur les activités du crime organisé dans cette industrie pendant la même période. Tout un programme.
Comment avons-nous pu arriver à créer une telle commission avec un tel mandat? Qu’est-ce qui se passait de si grave, que nos différents corps policiers n’arrivaient absolument pas à découvrir, pour donner à des êtres humains comme nous des pouvoirs aussi immenses que ceux accordés aux commissaires d’une commission créée en vertu de la Loi sur les commissions d’enquête? Qu’est-ce qui nous distinguait tant des autres États, où la collusion et la corruption existent aussi depuis toujours et parfois à des niveaux beaucoup plus importants que chez nous, pour en arriver là?
La question n’est pas anodine. Il n’existe pas de tribunaux qui aient plus de pouvoirs d’enquête que ceux prévus à cette loi, dont on fait en conséquence un usage parcimonieux. Et comme si cela ne suffisait pas, la commission allait se donner elle-même les règles de procédure les plus dures, les moins respectueuses des personnes.
Le mandat ne visait initialement qu’à «examiner l’existence de stratagèmes». Mais pour découvrir ces combines, la commission allait-elle s’en tenir aux témoignages d’experts ou de témoins volontaires? Allait-elle plutôt soupçonner et assigner une série des personnes et les forcer à témoigner publiquement, répéter ce qui avait déjà été dit sous le regard voyeur de la télévision? Une fois lancée, risquait-elle de devenir incontrôlable et de se lancer à la recherche de noms plutôt que de stratagèmes? Allait-elle en somme vouloir faire le grand ménage comme elle l’entendait?
Une commission semblable n’a peut-être pas le pouvoir d’accuser ni de condamner, mais elle peut complètement détruire des personnes et des entreprises, juste par ce qui sera dit sur elles en réponse aux questions de ses procureurs, sans souvent, en fait la plupart du temps, leur donner la moindre possibilité de se défendre. Et de fait, juste par ce qui a été dit sur elles à la commission Charbonneau, plusieurs seront effectivement démolies en quelques minutes.
Les plus importants pouvoirs donnés aux commissaires, j’y reviens, sont décrits dans certains articles de la Loi sur les commissions d’enquête:

9. Les commissaires, ou l’un d’eux, peuvent, par une assignation sous leur signature, requérir la comparution devant eux, aux lieu et place y spécifiés, de toute personne dont le témoignage peut se rapporter au sujet de l’enquête, et contraindre toute personne à déposer devant eux les livres, papiers, documents et écrits qu’ils jugent nécessaires pour découvrir la vérité.
Ces personnes doivent comparaître et répondre à toutes les questions qui leur sont posées par les commissaires sur les matières qui font le sujet de l’enquête, et produire devant les commissaires les livres, papiers, chèques, billets, documents et écrits qui leur sont demandés et qu’ils ont en leur possession ou sous leur contrôle, suivant la teneur des assignations.
Les commissaires ou l’un d’eux peuvent exiger et recevoir le serment ou affirmation ordinaire de toute personne qui rend ainsi témoignage.
10. Toute personne, à qui une assignation a été signifiée en personne ou en en laissant copie à sa résidence ordinaire, qui fait défaut de comparaître devant les commissaires, aux temps et lieu y mentionnés, peut être traitée par les commissaires de la même manière que si elle était en défaut d’obéir à une citation (subpoena) ou à une assignation légalement émise par une cour de justice.
11. Quiconque refuse de prêter serment lorsqu’il en est dûment requis, ou omet ou refuse, sans raison valable, de répondre suffisamment à toutes les questions qui peuvent légalement lui être faites, ou de témoigner en vertu de la présente loi, commet un outrage au tribunal et est puni en conséquence.
Toutefois, nulle réponse donnée par une personne ainsi entendue comme témoin ne peut être invoquée contre elle dans une poursuite en vertu d’une loi, sauf le cas de poursuites pour parjure ou pour témoignages contradictoires.
12. Si quelqu’un refuse de produire, devant les commissaires, les papiers, livres, documents ou écrits qui sont en sa possession ou sous son contrôle, et dont les commissaires jugent la production nécessaire, ou si quelqu’un est coupable d’outrage à l’égard des commissaires ou de leurs fonctions, les commissaires peuvent procéder sur cet outrage de la même manière que toute cour ou tout juge en semblables circonstances. […]
16. Les commissaires jouissent de la même immunité et des mêmes privilèges que les juges de la Cour supérieure, pour tout acte fait ou omis dans l’exécution de leurs devoirs.
17. Nulle injonction et nul bref visé aux articles 846 à 850 du Code de procédure civile ni aucune autre procédure légale ne peuvent entraver ou arrêter les procédures des commissaires à l’enquête.

La Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction résume ainsi sur son site internet sa compréhension des pouvoirs de ses commissaires:

La loi prévoit que les commissaires peuvent, par tous les moyens légaux qu’ils jugent les meilleurs, s’enquérir des choses dont l’investigation leur est déférée. Pour établir les faits et découvrir la vérité, les commissaires ont le pouvoir d’assigner à comparaître devant eux les témoins qu’ils jugent nécessaires à l’accomplissement de leur mandat, pour témoigner ou pour produire des documents. Ces témoins sont obligés de répondre, mais nulle réponse ne peut être invoquée contre eux dans une poursuite en vertu d’une loi, sauf le cas de poursuites pour parjure ou pour témoignages contradictoires (article 11, alinéa 2 de la Loi sur les commissions d’enquête). En vertu de la Loi attribuant certains pouvoirs d’inspection et de saisie à la Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction, les commissaires peuvent également autoriser les procureurs de la Commission à exiger la production de certains documents ou renseignements, autoriser l’inspection de certains lieux et autoriser un procureur ou un agent de la paix à s’adresser à un juge de paix pour permettre la recherche et la saisie de tout objet ou document pertinent au mandat de la Commission.

Une commission d’enquête comme la commission Charbonneau a donc été dotée de larges et exceptionnels pouvoirs d’enquête, plus grands que toutes les cours de justice au Canada. Si cela ne vous inquiète pas, c’est que vous êtes un saint qui n’a absolument rien à se reprocher ou que, n’étant pas avocat, vous jugez mal la portée des droits accordés à de simples personnes que l’on nomme gentiment commissaires.
Si on vous dit que la commission a des pouvoirs d’enquête de nature inquisitoire, comme c’est le cas ici, l’image qui vous vient alors immédiatement à l’esprit est celle de l’inquisition religieuse d’une époque où la foi justifiait les moyens — et vous n’avez pas tout à fait tort. Dans notre cas, c’est une mission tout aussi noble qui est poursuivie: la recherche de la pureté, la pureté perdue. Heureusement, de nos jours, la torture n’est pas autorisée. Adieu donc écraseur de tête, séparateur de genoux, chaise de Judas, poire d’étouffement, empalement, cisailles crocodiles, fourche de l’hérétique, araignée espagnole, manivelle intestinale, supplice du chevalet. Reste cependant que, si vous ne répondez pas aux questions posées par des personnes plus ou moins agréables et sagaces, ou si vous hésitez à donner des réponses qui risquent de vous mettre très sérieusement dans l’embarras devant des centaines de milliers de personnes qui vous regardent dans leur salon, voici ce qui pourrait vous arriver: être privé de votre liberté et être emprisonné. Pas d’atteinte physique donc, sauf de très gros maux de tête et tout ce qui pourrait vous arriver en prison.
Qu’est-ce qui a donc justifié qu’on confie un mandat aussi considérable, couvrant une période aussi longue, à une commission dont les travaux dureront plus longtemps que ceux de toute autre commission d’enquête jamais créée? Il fallait vraiment le vouloir! Rappelons rapidement quelques-unes de ces raisons qui ont amené nos politiciens, la plupart à leur corps défendant, à prendre cette décision par le décret déjà cité.
D’abord, il y avait de la collusion dans certains types de contrats accordés par soumissions publiques ou de gré à gré par la ville de Montréal. Tout le monde le disait depuis très longtemps et réclamait, comme le maire Tremblay, que les nombreuses enquêtes policières en cours aboutissent.
Il y avait également à Montréal m...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Dépôt Légal
  3. Dédicace
  4. Introduction
  5. Chapitre 1: Ah! le beau bateau!
  6. Chapitre 2: Un équipage d’exception
  7. Chapitre 3: La loi à bord
  8. Chapitre 4: Héros de la marine
  9. Chapitre 5: Expédition inutile
  10. Chapitre 6: Le pirate
  11. Chapitre 7: Le repaire
  12. Chapitre 8: La chaîne de commandement
  13. Chapitre 9: Un homme à la mer
  14. Conclusion
  15. Notes