Un désir de beauté
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Un désir de beauté

Essai

  1. 142 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Un désir de beauté

Essai

À propos de ce livre

Les esprits les plus vigilants se méfient de nos jours de la beauté et des discours qu'on tient sur elle. L'art lui-même semble lui avoir tourné le dos. N'est-elle pas un masque jeté sur la laideur des choses, un mensonge qui cache l'iniquité des relations humaines, une fuite devant les exigences de l'action? En même temps pourtant, la soif de beauté est inextinguible, comme l'attestent à travers le monde ces vastes publics enthousiasmés par les événements qui la célèbrent et les lieux qui l'incarnent. Peut-on retrouver la force originelle de la beauté, le sens de son appel, l'élan qui nous porte vers elle? C'est le défi que l'auteur a voulu relever ici, en dirigeant son attention vers ce dialogue sensible avec les choses au travers duquel nous parvenons à habiter le monde.«Ce n'est pas pour nous réfugier en des formes de beauté muséifiées que nous nous retournons vers les grandes œuvres qui ont marqué l'histoire humaine et ce n'est point dans le but de nous replier en des sanctuaires inviolés que nous partons vers des sommets inaccessibles, des jungles impénétrables ou des îles oubliées. C'est plutôt pour retrouver ce qui nous semble essentiel, qui s'avère indépassable et que les brouhahas de l'actualité dérobent à nos entendements. L'approche de la beauté des choses, des existences et des œuvres qui perdurent nous rappelle qu'elles restent là, à demeure, pour que nous puissions nous y ressaisir. Le recours à la beauté est un réenracinement. Un ressaisissement. Ces formes que nous retrouvons ne sont pas des coquilles vides pour des occupations transitoires. Elles sont des demeures sécrétées longuement par la nature ou l'humanité, habitées par l'esprit et qui nous invitent à les connaître, nous liant à elles, en sorte que nous nous connaissions à nouveau.»

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Informations

1

Saisis par l’admiration

N’est-il pas admirable que l’homme puisse éprouver le désir d’admirer ? N’aurait-il pu se contenter de consommer ? De dominer le monde ? De l’instrumentaliser ? Mais non ! Quelque part de lui voulait qu’il s’émerveille ; qu’il soit l’objet d’enchantement, porté par ce désintéressement dont Kant nous entretient à propos du jugement esthétique. L’individu n’est pas seulement cet être affairé qui calcule et suppute, mais celui qui s’abandonne, se livre à cet acte gratuit en quoi peut consister l’admiration d’un simple paysage, d’un visage, d’une musique, d’un galet sur une plage. En cet instant, l’homme s’offre à la beauté. Peut-être même se perdra-t-il en ce don de lui-même à ce qui se livre à lui. Il n’empêche : il ne pourra se passer du désir d’admirer, sachant qu’il y a là quelque chose d’inutile, certes, puisque aussi bien, à strictement parler, il ne sert à rien de contempler la grâce de cette figure, de s’envelopper de cette musique, de s’approcher de ces roses et de respirer leur vie.
Car il nous faut de la beauté, probablement, pour donner sens à nos heures. Cette inutilité nous est indispensable. Comment pourrions-nous vivre une existence où il nous serait refusé de pouvoir nous exclamer, nous oublier, en ces instants où le charme des chimères nous semble préférable aux contacts de la réalité ?
Un robot, en aucune façon, ne saurait admirer. Trop programmé pour cela : nulle marge de jeu n’est disponible en lui pour laisser place à l’inutilité d’un ébahissement. Nous ne sommes pas des automates, pour notre part, et donc cette gratuité — cette liberté de jeu — existe en nous, qui peut nous faire nous arrêter soudain, nous faisant nous exclamer : « Comme c’est beau ! » Mais alors, si nous ne sommes point des automates, n’en venons-nous pas à nous demander à partir de quand — de quel degré d’évolution, de quel seuil de sophistication des organismes vivants — la capacité d’admiration peut apparaître ? Sommes-nous — humains — les détenteurs exclusifs de cette dimension existentielle en apparence superflue ?
On se souviendra, alors, de cet étonnement. Le bateau longeait des falaises plongeant à pic. Le soleil se couchait. La mer était de feu. Soudain, très haut, surgissant en silhouette au sommet d’une falaise, une chèvre sauvage était apparue. Elle s’était immobilisée. Longuement, très longuement, elle avait contemplé l’étendue marine, l’astre rouge, au loin, disparaissant à l’horizon. Que faisait-elle ? Admirait-elle ? Nulle raison ne justifiait une telle attente en cette immobilité si totale. Figée en sa contemplation, on aurait aimé pouvoir l’imaginer stupéfaite de beauté. Mais bien sûr, c’était en soi que ce désir était venu, de ce que l’admiration du monde, en cet instant, s’incarnât en cette chèvre dominant cette falaise. Il n’empêche : que sait-on réellement des chèvres ? Et de ce que perçoit, par leurs yeux, leur esprit ?
Que sait-on de cette ouverture intérieure, dans le règne du vivant, qui fait que l’émotion esthétique puisse se glisser ? Parce qu’elle se tient en nous, cette ouverture, nous nous risquons vers la beauté. Et si nous nous portons vers elle, ce n’est guère, peut-être, parce qu’elle est bonne pour nous — qu’elle nous comble de ses bienfaits — et ce n’est point, non plus, parce que nous espérons, à travers elle, rejoindre quelque vérité qui nous conforte et nous rassure, mais simplement parce qu’elle est ce qu’elle est et qu’il nous est impossible de nous en tenir à la banalité des formes insignifiantes. Nous ne pouvons pas ne pas admirer et nous nous risquons donc à le faire.
Ainsi la beauté n’apporte pas de réponse, mais fait question. Elle ne clôt rien mais ouvre des brèches devant nos yeux, nos sens. Cependant, rien ne nous assure que nous atteindrons le Vrai ni le Bien au terme de ces avancées. Nous rejoindrons le Rien, plutôt, ce rien qui nous portera plus loin, chaque fois, en notre quête de l’admirable. Régulièrement, nous serons comblés et non moins fatalement nous verrons-nous insatisfaits, à la recherche, toujours, du sens de la satisfaction que nous aurons connu. Admirant le réel, nous saurons avoir rencontré la beauté sans pourtant savoir, réellement, ce que nous aurons rencontré. Ainsi n’en finirons-nous jamais d’admirer, faute de pouvoir savoir quel est le sens de notre admiration.
Cette exigence d’admiration, d’ailleurs, est-ce en nous qu’elle se tient ? Provient-elle de nous ? Ne rencontrons-nous pas cette exigence avant même de rencontrer quelque objet que ce soit ? N’est-ce pas le monde, en vérité, qui s’admire en nous, à travers nous, alors même que nous pensons l’admirer ? N’est-ce pas lui qui nous impose cette tension, nous faisant nous retourner vers lui ?
Il faudrait alors imaginer que le monde puisse éprouver ce singulier désir : se retourner sur lui-même, par le travers de nos consciences, à la seule fin de s’étonner de ce qu’il est. Contemplant les étoiles, un soir d’été, ces dernières s’admireraient par nos yeux. L’univers ne serait plus aveugle, il s’éclairerait par ce retournement. N’est-ce pas ce que Longin supposait ? Il écrivait autrefois dans Du sublime que la nature « nous a introduits dans la vie et dans l’univers comme dans une grande panégyrie, pour y être contemplateurs de ce qui s’y passe […] Elle a fait naître en nos âmes un amour irrépressible pour tout ce qui est éternellement grand et pour ce qui est, en comparaison de nous, divin […] C’est pourquoi même l’univers dans son ensemble ne suffit pas à l’élan de la contemplation et de la conception humaines. […] Et si, faisant le tour de la vie, ce qui est supérieur et beau l’emporte sur tout, on reconnaîtra rapidement la fin pour laquelle nous sommes nés. »
À suivre Longin, on en viendrait à concevoir que l’exigence d’admiration, non contente de transcender l’humain, s’imposant à lui, en vienne à dépasser l’amplitude même de l’univers sur lequel elle s’exerce : « C’est pourquoi même l’univers dans son ensemble ne suffit pas à l’élan de la contemplation. » L’amplitude de l’admiration outrepasserait le champ de l’admirable. L’admiration « inventerait » l’admirable à seule fin de fournir un objet à ses exigences.
Ce surplus d’admiration — en quête d’admirable — n’aurait d’autre fin que de maintenir en tension une quête d’assouvissement jamais satisfaite. Si l’inassouvissement devait cesser, disparaîtrait aussi ce mouvement par lequel l’univers n’a de cesse de s’émouvoir de lui.
Nous sommes traversés par l’admiration. Nous la portons en nous parce qu’elle nous porte plus loin. Nous nous laissons aller vers ce que nous aimons, ne sachant ce qui nous dessaisit de notre ordinaire afin de nous lier à ce qui nous prend. Et donc, étant pris, nous prenons un risque. Serons-nous payés en retour ? Qui peut nous assurer que l’admirable saura se retourner sur l’admiration pour se joindre à elle ? Dans Wagner et notre temps, Thomas Mann méditait : « L’admiration est la source de l’amour, elle est déjà l’amour lui-même, lequel n’aurait aucune profondeur, aucune flamme, et surtout ne serait pas d’essence spirituelle s’il ne laissait place au doute et ne savait pas souffrir de son objet. »
Car l’admiration est souffrance, également. Qu’en un sens nous soyons traversés par quelque présence, quelque dimension du cosmos dans l’instant où nous admirons la beauté d’un objet particulier, cela n’est pas sans nous troubler. Mais qu’en cet élan qui nous dessaisit de nous nous ne puissions savoir, précisément, le sens de ce que nous saisissons, cela ne peut que nous troubler encore plus. « Que serait l’homme, poursuit Mann, l’artiste, sans l’admiration, l’enthousiasme, le sentiment d’une plénitude intérieure, d’un besoin de s’abandonner exclusivement à un objet qui n’est pas lui-même, qui est beaucoup trop grand pour être lui-même mais auquel il se sent lié par de profondes affinités et par un puissant attrait ? »
Car cet objet « beaucoup trop grand », qu’est-il, en vérité, sinon le monde ? L’univers ? « Cosmos » ne signifie-t-il pas, à la fois, monde et ordre, présence et parure ? Chant de la nature. Puissance de la Création dévoilée à l’homme par l’admirable spectacle des vies et des choses autour de soi. Ainsi Marc Aurèle, l’empereur philosophe, marchait-il dans la campagne romaine, méditant. « Maître du monde », disait-on de lui, mais lui savait bien qu’il n’en était rien, n’étant maître que de ces pas marqués les uns après les autres sur ce chemin de terre.
Il avançait. Ces oliviers étaient-ils beaux ? Ils étaient. Comment auraient-ils pu ne point l’être puisqu’ils étaient ? Il était admirable que cela puisse être : ces figues mûres sur ces branches, ces feuilles aux doigts ouverts, ces épis dans les champs, ces collines au loin. Ne suffisait-il pas d’accepter que le monde vienne à soi ? L’homme marchait, donc, et cependant qu’il avançait il lui semblait que ces arbres, ces lumières, ces courbes de la terre venaient vers lui. Il suffisait donc de s’ouvrir, de se rendre disponible pour que l’admiration advienne à l’homme, se mirant en son esprit.
« Les figues, elles aussi, écrivait Marc Aurèle dans ses Pensées, s’ouvrent quand elles sont bien mûres. Et les olives qui murissent dans l’arbre prennent, quand elles sont près de pourrir, une beauté particulière. Et les épis qui penchent, la crinière du lion, l’écume qui coule de la gueule du sanglier et bien d’autres choses, si on observe en détail, sont sans doute loin d’être belles et pourtant, parce qu’elles dérivent d’êtres produits par la nature, sont un ornement et une séduction. »
Elles n’étaient pas belles, ces choses, à strictement parler, mais il était admirable qu’elles soient et, ne serait-ce que pour cela, leur beauté était indiscutable. Marc Aurèle poursuivait : « Et si l’on se passionnait pour les êtres de l’univers, si on avait une intelligence plus profonde, il n’est sans doute nul d’entre eux, même ceux qui sont la conséquence des autres, qui ne paraîtrait une agréable créature. »
Sommes-nous, pourtant, indispensables ? En notre absence, la beauté disparaîtrait-elle ? Ces figues, pour n’être pas saisies par un regard humain, en seraient-elles moins émouvantes ? Qui s’émouvrait ? Personne. Et pourtant, ces figues seraient là et il serait admirable qu’elles soient, serait-ce en l’absence de tout contemplateur. Ainsi s’interroge ce solitaire, Ernst Jünger, en Sardaigne, notant dans Le contemplateur solitaire : « La plage était d’une blancheur aveuglante. Le ruban de sable, léché par le ressac, était marqué de délicates bandes de rose qui s’ordonnaient en dessins. C’étaient des filets, des linéaments d’une grande harmonie. Chaque vague les effaçait et la suivante en esquissait de nouvelles. Un tel gaspillage inouï de compositions se produit-il sans qu’un œil en jouisse, sans qu’une conscience en prenne plaisir ? »
Car le scandale est là : il peut y avoir — il y a — de l’admirable pour rien. Pour personne. De l’admirable bon à jeter, en somme, dans les oubliettes de l’admiration puisqu’en fait nul n’est là pour ouvrir ses yeux, sa pensée, sur la beauté présente. Ce « gaspillage » tient à cela. Nous savons que nous ignorons ces ch...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Crédits
  4. Avant propos
  5. 1. Saisis par l’admiration
  6. 2. Déprises et prises
  7. 3. Oscillations
  8. 4. Formes et fins
  9. 5. La beauté se décline
  10. 6. États de grâce
  11. 7. Vérités et nécessités
  12. 8. Accomplissements sans fin
  13. 9. Incorporations
  14. 10. Dans l’abri des sphères
  15. 11. L’esthétique précède l’éthique
  16. 12. De l’esthétique au politique
  17. 13. Monde sans beauté ?
  18. 14. Ces prisons et ces temples
  19. Bibliographie