Introduction à la sociologie allemande
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Introduction à la sociologie allemande

  1. 228 pages
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Introduction à la sociologie allemande

À propos de ce livre

«Wegweiser — une boussole, voilà résumée en un mot toute l'ambition de ce livre. Il offre, dans un langage dépouillé des éléments habituels du jargon spécialisé, un outil d'orientation pour qui désire se familiariser avec la sociologie allemande. Pourquoi une telle introduction? D'abord, parce que cette sociologie reste mal connue dans nos pays francophones. Ensuite, parce que, en dehors des études spécialisées et mis à part les manuels généralistes ou autres dictionnaires de sociologie, des ouvrages d'introduction similaires n'existaient pas encore en langue française. Enfin, parce que la sociologie allemande est probablement celle qui a inspiré le plus la discipline tant sur le plan des concepts et des méthodes que sur celui des thèmes directeurs.»De Simmel à Luhmann, en passant par Weber, Tönnies, les membres de l'école de Francfort et les autres grands noms de la discipline, des principauxcourants qui ont marqué son passé à l'éclatement actuel des tendances qui l'animent, on trouvera ici présenté plus d'un siècle d'activité intellectuelle et institutionnelle riche aussi bien de pénétration analytique que de débats scientifiques, politiques et personnels. Complété par une série d'annexes — revues de sociologie, universités où la discipline jouit aujourd'hui d'une forte réputation, figures sociologiques moins connues et atypiques —, cet ouvrage constitue un guide utile aussi bien pour l'étudiant et le spécialiste que pour le public qui voudrait y voir plus clair dans une tradition féconde qui a généreusement nourri la pensée sociologique mondiale.

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Informations

Année
2012
ISBN de l'eBook
9782895783183

PREMIÈRE PARTIE
Des débuts à l’entre-deux-guerres

CHAPITRE 1
Origines de la sociologie formaliste

La sociologie formaliste allemande tire son origine de la psychologie des peuples (Völkerpsychologie). La première école de psychologie des peuples est fondée en 1860 par Moritz Lazarus (1824-1903) et Heyman Steinthal (1823-1899)1. Bien que ces deux amis soient tout autant responsables du succès de leur école, Lazarus fait souvent figure de leader car il en a formulé les concepts fondamentaux et la théorie générale.

Lazarus et Steinthal, la première psychologie des peuples

Lazarus et Steinthal se considèrent comme des élèves du pédagogue Johann Friedrich Herbart (1776-1841) qui modernise la pédagogie au début du dix-neuvième siècle en la fondant sur la psychologie. Selon Herbart, le rapport éducatif doit permettre à l’enfant d’apprendre par lui-même. L’adulte ne doit pas le contraindre, mais essayer de l’accompagner vers sa propre autonomie. Cette théorie conçoit deux étapes importantes dans l’évolution cognitive de l’enfant.
La première étape est appelée phase d’approfondissement. Il s’agit de connaître le savoir que possède déjà l’enfant pour évaluer sa capacité d’association. Herbart en déduit le temps dont l’enfant a besoin pour intégrer tout nouveau savoir.
La seconde étape est la phase de consolidation. Les nouveaux savoirs se construisent sur les savoirs anciens. Ensuite, il faut entraîner l’enfant à manipuler intellectuellement l’ensemble de ses connaissances et à les utiliser de façon systématique. Il acquiert ainsi une méthode qui lui permet d’agir efficacement.
Ces deux étapes sont les prérequis de tout apprentissage, dont l’objectif est de former des hommes de culture (Bildung) qui en soient dignes. Lazarus et Steinthal poursuivront un objectif similaire en important cette perspective en sciences de la culture et de la société. À la différence d’Herbart, qui reste attaché à une pédagogie théorique, Lazarus et Steinthal veulent fonder une véritable science empirique de la culture. Ils prennent également leur distance vis-à-vis de la philosophie, en particulier celle de Georg Wilhelm Friedrich Hegel (1770-1831) et son concept d’esprit des peuples (Völkergeist) où les actions des peuples particuliers reflètent l’esprit général qui leur est commun.

La psychologie des peuples, première psychologie sociale ?

Lorsqu’ils décrivent leur programme scientifique dans la revue qu’ils viennent de fonder à Berlin, la Zeitschrift für Völkerpsychologie und Sprachwissenschaft, Lazarus et Steinthal avouent que l’expression « psychologie des peuples » est mal choisie2. Il s’agit plutôt d’une psychologie sociale qui cherche à comprendre l’identité des peuples sur la base de leur usage particulier du langage. Lazarus et Steinthal rapprochent ainsi leur psychologie sociale de la linguistique de Wilhelm von Humboldt (1767-1835) pour qui l’identité culturelle dépend du langage. Cela passe par le développement d’une théorie de la connaissance où il ne s’agit pas de se demander si tel peuple possède ou non telle caractéristique socioculturelle qui le distinguerait des autres. Elle peut se retrouver chez n’importe quel peuple. Dès lors, comment une caractéristique socioculturelle spéciale apparaît-elle chez un peuple déterminé ?
Lazarus cherche à savoir comment le tout, c’est-à-dire l’environnement social et culturel dans lequel vivent les peuples, peut influer sur le comportement des individus. Il donne un titre similaire à sa contribution « Du comportement des individus vis-à-vis du tout », qui cristallise ses intuitions fondamentales3. En 1865, il la fait suivre d’un texte intitulé « Quelques réflexions synthétiques sur la psychologie des peuples4 ». Ces deux articles décrivent les lois régissant les rapports entre le particulier et le général. Il les nomme l’« esprit subjectif » et l’« esprit objectif », deux catégories qui auront une très grande influence sur les premiers sociologues allemands.

Le sens et l’ordre

Pour Lazarus, deux nécessités président au questionnement sur la culture : le sens des choses et des comportements quotidiens, et l’ordre qui rend cette culture possible.
Le sens de ce qui se fait sans même qu’on y pense Le sens n’est pas à chercher, comme chez Hegel, dans une institution (l’esprit objectif, l’État) qui définit la culture et la société. Il est à reconstruire sur la base des événements, des expériences, des biens culturels qui se transmettent de génération en génération au sein d’un peuple. Les acteurs n’en ont qu’une conscience partielle. Ainsi, lorsque Pythagore inventa la règle de trois, il ne se doutait probablement pas qu’elle ferait un jour partie du bagage scolaire de tout élève. Sur ce point, l’influence de Herbart sur Lazarus est bien visible. En effet, Lazarus exploite à propos de la culture la même technique que Herbart : l’accumulation de biens culturels matériels et immatériels renseigne sur la manière dont une culture parvient à se renouveler et à durer. Cette « manière » est en fait un rapport entre l’ancien et le nouveau. Lazarus déconstruit ce rapport pour comprendre le sens d’une culture.
L’ordre Il découle des interactions entre l’esprit subjectif et l’esprit objectif — les acteurs sociaux et leur environnement. Ce n’est pas un ordre social au sens strict du terme, c’est-à-dire l’ordre réel de la société garanti par un ensemble d’institutions. Il s’agit de l’ordre des rapports sociaux qui n’ont du sens qu’assemblés d’une certaine façon, pour un temps donné et dans un espace déterminé.
Un héritage méconnu
À son époque, Moritz Lazarus est un personnage important de la vie intellectuelle germanophone. Il est professeur et recteur de l’université de Berne (Suisse ; 1860-1866), puis professeur à la Haute École pour la formation des officiers à Berlin (1867). En 1874, il devient professeur honoraire de psychologie et de philosophie à Berlin. Il contribuera à la fondation de la Haute École pour l’étude de la culture juive en Allemagne (1870), ainsi qu’à la mise en place de la fondation allemande Schiller (1859), qu’il présidera de nombreuses années. Protégé du prince Frédéric III, il est un membre important de nombreuses associations juives (par exemple le Deutsch-Israelitischer Gemeindebund ou la section berlinoise de l’Alliance israélite universelle) et il s’engage contre les pogromes en Europe de l’Est. En dépit de sa renommée et de sa prestigieuse carrière, il sera marginalisé de l’histoire de la pensée allemande. Par exemple, Ernst Cassirer (1874-1945) dira en 1939 que les sciences de la culture n’ont pas de tradition en Allemagne —, obérant l’élan que Lazarus leur avait donné*. En effet, Lazarus détache le concept de culture de ses références aux mœurs de l’aristocratie. De plus, il n’en fait pas un concept abstrait, comme c’est le cas chez Hegel, mais le rapproche de la réalité socioculturelle. Ainsi, le concept de culture chez Lazarus est le premier à renvoyer aux biens culturels, non seulement à l’art, mais également aux monuments, aux réalisations architecturales, aux villes et plus généralement aux institutions et aux espaces publics. Lazarus considère également que la psychologie des peuples est une science du quotidien. Décrire l’esprit d’un peuple, c’est remonter à son origine dans les pratiques des acteurs sociaux, dans les modes d’organisation d’une société, dans les rapports que les acteurs et les sociétés établissent avec leur environnement naturel. Cette façon de considérer les sciences de la culture et de la société influera d’ailleurs sur le marché de la publication populaire durant la seconde moitié du dix-neuvième siècle. Les calendriers et les journaux se remplissent de rubriques dédiées à des questions qui concernent les arts de vivre au quotidien. Enfin, Lazarus divise les sciences de la culture en de multiples sciences spéciales autonomes, comme l’économie politique, la science politique, les sciences sociales, l’ethnologie, les sciences des religions. Toutes ces disciplines contribuent à la description des manifestations de la culture. Par conséquent, si les sciences de la culture ne sont pas principalement philosophiques, elles ne sont pas non plus avant tout historiques ou politiques, sociales, ethnographiques, religieuses.
* Voir l’article de Cassirer « Natüralistische und humanistische Begründung der Kulturphilosophie » dans son recueil Erkenntnis, Begriff, Kultur, réédité en 1993 par Rainer Bast (Hambourg, Meiner), p. 231.

L’objectivation de l’esprit des peuples

L’objectivation de l’esprit des peuples désigne la façon dont les rapports sociaux structurent une société et une culture, la manière dont ils se relient les uns aux autres. Ces liens reflètent les ponts qui existent entre la vie quotidienne des acteurs individuels et collectifs. Lazarus distingue cinq ponts à tous les niveaux d’une société et d’une culture.
Les ponts spirituels ou immatériels que sont la langue, la mentalité, la religion et le mythe.
Les ponts institutionnels comme les administrations publiques, le système scolaire et les formes de la sociabilité, aussi bien les formes les plus intimes (par exemple, le rapport au corps) que les plus publiques (se saluer, jouer).
Le pont des habitudes, que Lazarus définit comme des dispositions psychophysiques héritées du contexte socioculturel et transmises entre les générations.
Les ponts instrumentaux tels les machines, les outils, les techniques.
Les ponts matériels, les œuvres architecturales de toutes sortes (art, routes, villes).
Ces ponts sont les cinq domaines de l’esprit objectif. Ils forment la seconde nature de l’homme après sa nature biologique. Ils sont sa culture, ses champs de socialisation. L’esprit objectif qui résulte des rapports entre ces cinq champs ne désigne jamais un état ou une substance. Il représente la collectivité qui, à l’instar des rapports qui le forment, est constamment agissante et changeante. Pour Lazarus et Steinthal, la doctrine de l’esprit objectif a son socle dans la psychologie des peuples. Elle se distingue radicalement de la doctrine de l’âme en philosophie car elle prend appui sur le collectif. Ce concept, de plus en plus présent chez Lazarus, se substituera souvent à celui d’esprit objectif.

Apports

Lazarus et Steinthal ont ouvert la philosophie kantienne et néokantienne à autre chose qu’au rationalisme critique, rompant avec l’idéalisme allemand et la philosophie. En ce sens, ils ont aménagé le chemin qu’emprunteront les premiers sociologues allemands. Lazarus et Steinthal rompent également avec le darwinisme social et la tentative de ramener la culture et la société à la biologie et à la médecine. Enfin, ils se distinguent des psychologues car l’individu, s’il compte, n’est pas au centre de leur propos. Signalons pour terminer que Lazarus et Steinthal ne pratiquent pas la rupture épistémologique. Autrement dit, ils ne pensent pas qu’il y ait une différence de nature entre la science et le sens commun. Ce sont deux points de vue différents mais également légitimes sur le monde, et deux rapports distincts à la culture. En revanche, ils séparent strictement les sciences de la nature et les sciences de la culture car elles n’ont pas le même objet. Les sciences de la nature décrivent l’environnement naturel, les sciences de la culture l’environnement socioculturel.

Wilhelm Wundt et la deuxième psychologie des peuples

Wundt (1832-1920) est le fondateur de la deuxième école de psychologie des peuples (1900-1920). Après avoir obtenu sa chaire à l’université de Leipzig, en 1874, il fonde le premier institut de psychologie expérimentale en Allemagne (1879). Il fera œuvre de pionnier en inscrivant la psychologie dans les sciences naturelles. En même temps, il rompt avec l’école de Lazarus et Steinthal5. Pour Wundt, ceux-ci manquent d’un programme réaliste parce qu’ils ne voient en l’individu que le produit de l’influence du contexte socioculturel, alors qu’il faut le considérer comme le point de départ de toute enquête scientifique. De plus, Lazarus et Steinthal n’ont pas les connaissances nécessaires en ethnologie pour pouvoir faire de leur psychologie des peuples une science de la culture. Steinthal reprochera à Wundt de partir des données d’observation en postulant que les comportements des individus sont rationnels6. Lazarus et lui conçoivent leur psychologie des peuples comme une analyse de ce qui ne dépend pas directement de la rationalité individuelle, mais des comportements collectifs. Wundt répétera jusqu’à la fin de sa vie qu’il n’a rien à voir avec la psychologie des peuples de Lazarus et Steinthal. Sa psychologie se construit sur la base de faits objectifs et à partir de résultats vérifiables par l’e...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Crédits
  4. Préface
  5. Avant-propos
  6. Première partie - Des débuts à l’entre-deux-guerres
  7. Deuxième partie - Des années 1920 à l’immédiat après-guerre
  8. Troisième partie - De l’après-guerre à l’an 2000
  9. Conclusion - Les tendances actuelles
  10. Annexes
  11. Notes