Rendez-vous avec la mort
eBook - ePub

Rendez-vous avec la mort

Journal d'un dernier tour de piste

  1. 152 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub

Rendez-vous avec la mort

Journal d'un dernier tour de piste

À propos de ce livre

Alors que les sociétés débattent de l'aide médicale à mourir, une question sousjacente aux délibérations est rarement posée: «est-ce que ma vie m'appartient?»Après un rendez-vous manqué avec la mort, un homme entreprend un dernier tour de piste pour informer ses proches qu'il veut mettre fin à ses jours. Ses rencontres l'amènent à réfléchir aux répercussions sociales d'un tel geste. Il rédige un journal dans lequel on trouve un condensé des débats de société sur le suicide et l'euthanasie. Pendant qu'il poursuit sa route vers un deuxième rendez-vous avec la mort, dont il a fixé la date, il se heurte à une société dont le message est qu'il faut vivre à tout prix. Cet essai traite la question délicate du choix de mourir avec beaucoup de sensibilité et d'humanité, autant que d'originalité.

Foire aux questions

Oui, vous pouvez résilier à tout moment à partir de l'onglet Abonnement dans les paramètres de votre compte sur le site Web de Perlego. Votre abonnement restera actif jusqu'à la fin de votre période de facturation actuelle. Découvrez comment résilier votre abonnement.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptés aux mobiles peuvent être téléchargés via l'application. La plupart de nos PDF sont également disponibles en téléchargement et les autres seront téléchargeables très prochainement. Découvrez-en plus ici.
Perlego propose deux forfaits: Essentiel et Intégral
  • Essentiel est idéal pour les apprenants et professionnels qui aiment explorer un large éventail de sujets. Accédez à la Bibliothèque Essentielle avec plus de 800 000 titres fiables et best-sellers en business, développement personnel et sciences humaines. Comprend un temps de lecture illimité et une voix standard pour la fonction Écouter.
  • Intégral: Parfait pour les apprenants avancés et les chercheurs qui ont besoin d’un accès complet et sans restriction. Débloquez plus de 1,4 million de livres dans des centaines de sujets, y compris des titres académiques et spécialisés. Le forfait Intégral inclut également des fonctionnalités avancées comme la fonctionnalité Écouter Premium et Research Assistant.
Les deux forfaits sont disponibles avec des cycles de facturation mensuelle, de 4 mois ou annuelle.
Nous sommes un service d'abonnement à des ouvrages universitaires en ligne, où vous pouvez accéder à toute une bibliothèque pour un prix inférieur à celui d'un seul livre par mois. Avec plus d'un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu'il vous faut ! Découvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l'écouter. L'outil Écouter lit le texte à haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l'accélérer ou le ralentir. Découvrez-en plus ici.
Oui ! Vous pouvez utiliser l’application Perlego sur appareils iOS et Android pour lire à tout moment, n’importe où — même hors ligne. Parfait pour les trajets ou quand vous êtes en déplacement.
Veuillez noter que nous ne pouvons pas prendre en charge les appareils fonctionnant sous iOS 13 ou Android 7 ou versions antérieures. En savoir plus sur l’utilisation de l’application.
Oui, vous pouvez accéder à Rendez-vous avec la mort par Yves St-Arnaud en format PDF et/ou ePUB ainsi qu'à d'autres livres populaires dans Social Sciences et Death in Sociology. Nous disposons de plus d'un million d'ouvrages à découvrir dans notre catalogue.

Informations

Chapitre 1
Mai
6 mai 2018
Hier soir, je suis revenu au chalet après un rendez-vous manqué avec la mort. Je suis en paix. J’ai soixante-seize ans et j’ai décidé de mettre fin à mes jours. Je ferai un dernier tour de piste pour préparer mes proches au deuil que je leur imposerai. J’en tiendrai un journal, un journal ouvert, comme on dit d’une lettre qu’elle est ouverte. Une sorte de testament spirituel. Je verrai, le temps venu, s’il est pertinent de le rendre public. Mon prochain rendez-vous aura lieu le 2 novembre prochain, jour des morts.
Cette idée d’un « dernier tour de piste » évoque un film de Louis Malle Le Feu follet ( 1963 ), un souvenir de jeunesse. Au début du film, on voit un homme seul dans sa chambre. Il envisage le suicide. Il revoit des objets qui lui rappellent sa vie passée, des objets qu’il met de côté parce qu’ils n’ont plus de résonance. Il prend un pistolet, prêt à passer à l’acte, mais le dépose après un instant sur sa table de chevet. Il a décidé de faire une tournée de ses amis, à la recherche d’une raison de vivre. À la fin du film, n’ayant rien trouvé de significatif, il se retrouve dans cette même chambre où il met fin à ses jours.
7 mai
Mon premier témoin sera mon beau-frère. Depuis la mort de ma conjointe, il y a douze ans, je n’ai plus de contact avec ma belle-famille. L’aîné seul fait exception. Il y tient le rôle de pater familias depuis la mort des parents. Il m’a toujours fait bon accueil depuis mon mariage avec sa sœur. Lorsque je vais à Québec, il m’arrive de le rencontrer pour un déjeuner. Depuis que je suis veuf, il m’invite encore à certaines rencontres familiales. Je me désiste, et il accepte que je me tienne à distance. Je préfère un tête-à-tête occasionnel avec lui plutôt que les fêtes d’une famille qui, à part lui, ne m’a jamais réellement accepté au cours de mes quarante ans de mariage. J’ai pris rendez-vous. Nous déjeunerons ensemble samedi prochain.
13 mai
La rencontre d’hier avec mon beau-frère s’est prolongée tard en après-midi. Un moment d’intimité, malgré son incompréhension à l’égard du geste que je veux poser.
Je rédigerai une lettre pour résumer l’essentiel de nos échanges. Il ne la recevra jamais, mais le style épistolaire peut m’aider à faire le point. C’est cette rencontre d’ailleurs qui m’a donné l’idée d’un journal de mon dernier tour de piste. J’ai mis par écrit rétroactivement les événements qui l’ont précédée, depuis le 6 mai.
Cher beau-frère1,
Merci de m’avoir reçu et de m’avoir écouté malgré le caractère insolite de ce tête-à-tête. J’ai été très touché par ton accueil.
Nous avons évoqué notre histoire familiale. Lorsque j’ai quitté la communauté religieuse dans laquelle j’ai vécu pendant sept ans, ta sœur m’a présenté à vos parents pour leur annoncer que nous allions vivre ensemble. J’ai compris leur déception : un ex-religieux ? Si au moins il venait d’un ordre prestigieux comme celui dont tu avais fait partie ! Tu n’as pas protesté lorsque je t’ai parlé de l’attitude hautaine de tes parents. Je présume que tu en as souffert toi-même après avoir quitté l’ordre des Dominicains pour te marier et fonder une famille avec « une fille du peuple » comme disait ton père. Tu sais comment ta mère pouvait transmettre subtilement son mépris dans une conversation apparemment anodine. Je me rappelle cette remarque lors de notre première rencontre : « L’ordre des Dominicains a beaucoup contribué au renouveau social du Québec. Malheureusement, toutes les communautés n’ont pas suivi, vous êtes bien placé pour le savoir. » Ta sœur souffrait, comme moi, de cette attitude. Sans compter l’hostilité de ton frère qui s’opposait sans subtilité à notre mariage. Bref, nous avons quitté la ville de Québec pour aller vivre en banlieue de Montréal, ce qui a fait l’affaire de tous. Toi seul es demeuré accueillant pour moi.
Lors de cette dernière rencontre, tu t’es dit surpris que je veuille mettre fin à mes jours. Après quelques tentatives discrètes pour m’en dissuader, tu as respecté mon choix. Je t’en suis reconnaissant. Tu n’en voyais aucune raison, alors que j’ai seulement soixante-seize ans. J’ai voulu répondre à ta curiosité bien légitime.
Lorsque je t’ai dit que je ne souffrais d’aucune maladie grave, seul le poids de l’âge se faisant sentir dans mes articulations, tu m’as demandé s’il s’agissait d’une souffrance morale. La réponse est plus difficile. J’exclus la dépression ou toute autre maladie mentale qui me rendrait la vie intolérable. Je vis en paix avec moi-même et je goûte les plaisirs quotidiens. La seule « souffrance morale » que je pourrais alléguer est le sentiment d’une vie devenue insignifiante, auquel s’ajoute la perspective de devenir invalide et encombrant alors que j’aurai perdu les moyens d’en finir. Après une vie bien remplie dont je suis satisfait, je considère que j’ai eu ma part d’humanité. J’arrive à la dernière ligne du scénario où il est écrit que le personnage quitte lentement la scène sans se retourner. Il y a pourtant un sursis, puisque j’ai entrepris ce dernier tour de piste. Mais ma sortie ne saurait tarder.
Tu m’as aussi demandé si je voulais défendre une
cause quelconque par ce geste. Je te l’ai dit, ce n’est pas le cas. Je souhaite me retirer sans éclat. Tellement que j’ai été sur le point de le faire en cachette. Je t’ai parlé du sentiment de tristesse de dernière minute qui m’a fait ajouter quelques lignes au scénario de ma vie. J’ai pensé que ce serait plus responsable d’en informer quelques personnes, dont toi. Malgré notre éloignement et mon absence de lien significatif avec ta famille, tu as toujours été présent pour ta sœur et moi. Mais au lendemain de notre rencontre, ta question m’a donné une idée. J’ai commencé un journal de mon dernier tour de piste. Peut-être pourrait-il susciter une réflexion sur la mort volontaire. Je verrai plus tard s’il est pertinent de le transmettre à qui que ce soit, voire de le rendre public. Dans les débats de société actuels, on ne se pose jamais une question de fond : « Est-ce que ma vie m’appartient ? » Je t’ai parlé de ce que l’on raconte des Inuits qui peuplent le Grand Nord canadien. Lorsque les vieillards deviennent un poids pour leur communauté, ils « partent sur la glace » comme ils disent. Ils s’isolent et se laissent mourir de froid, par sacrifice en quelque sorte pour le reste de leur famille. Quel contraste avec la levée de boucliers de ceux qui, dans notre société, s’opposent à toute forme de mort volontaire ! Même les lois sur l’aide médicale à mourir, pourtant si restrictives, rencontrent de l’opposition.
Tu me disais craindre qu’une libéralisation de la mort volontaire nous entraîne vers un « devoir de mourir ». La prise en considération d’une démographie galopante, du vieillissement de la population, des coûts incontrôlables du système de santé pourrait créer une pression terrible qui s’exercerait sur les personnes en fin de vie. On leur ferait comprendre qu’elles doivent mourir pour éviter l’impact social d’une vie prolongée au-delà d’un certain seuil. Certes, la vigilance est de mise, mais je continue, pour ma part, à défendre la mort volontaire, confiant qu’on saura l’encadrer. La meilleure protection contre une
pression indue est le principe que la vie de chacun lui appartient. On peut penser que les Inuits qui « partaient sur la glace », se sacrifiant pour le bien de la communauté, subissaient une pression sociale, mais cela ne signifie pas que leur décision, une fois cette coutume intégrée dans leur système de valeurs, ne relevait pas d’un choix personnel. Il y a sans doute une limite à ne pas franchir dans la société, mais on peut très bien la respecter tout en aidant les gens qui le souhaitent à bien mourir. Tu craignais qu’on puisse un jour fixer l’âge de la mort comme on fixe l’âge de la retraite. Tu me trouvais naïf lorsque j’alléguais une ligne rouge à ne pas franchir. Je t’ai concédé qu’un dérapage reste possible, mais j’y vois une raison de plus pour reconnaître le principe que « ma vie m’appartient ».
Tu as cherché d’autres explications à mon désir d’en finir. Ta générosité, dont j’ai toujours été témoin, ne m’a pas étonné lorsque tu m’as dit que si jamais une des raisons était d’ordre financier, je pouvais compter sur toi. Tu pensais que mon entrée tardive sur le marché du travail et ma retraite forcée avant l’âge de soixante-cinq ans pouvaient me laisser avec des fonds insuffisants. Je t’ai rassuré en te disant que j’avais de quoi bien vivre sans problème.
Tu m’as questionné aussi au sujet de mon fils, mort prématurément, à l’âge de vingt-sept ans. Tu craignais que la tristesse de l’avoir perdu, accentuée par le décès de ta sœur onze ans plus tard, soit à l’origine de ma décision. Tu as compris que mon deuil était terminé, que j’étais parfaitement serein dans les deux cas. Ces événements m’ont plutôt aidé à apprivoiser la mort. Aujourd’hui, elle est devenue pour moi presque une amie. Je fredonne souvent cette chanson interprétée par Serge Reggiani en pensant à la mort comme à une sœur jumelle de la « solitude ».
Pour avoir si souvent dormi
Avec ma solitude
Je m’en suis fait presqu’une amie
Une douce habitude
Elle ne me quitte pas d’un pas
Fidèle comme une ombre
Elle m’a suivi çà et là
Aux quatre coins du monde…
Tu t’es demandé si j’espérais rejoindre mon fils et ma femme dans l’au-delà. Je t’ai appris, ce qui ne t’a pas étonné, que j’avais depuis longtemps perdu la foi. Pour moi, je te l’ai dit, la mort est un terminus. Et c’est très bien ainsi. Seul l’être humain considère qu’il ne devrait pas mourir. En tout respect pour le croyant que tu es, je rejette cette vision, qu’elle soit religieuse ou transhumaniste. Ce qu’on observe partout dans la nature, et l’homo sapiens n’a ...

Table des matières

  1. CP_RendezVous
  2. CP_RendezVous-1
  3. CP_RendezVous-2
  4. CP_RendezVous-3
  5. CP_RendezVous-4
  6. CP_RendezVous-5
  7. CP_RendezVous-6
  8. CP_RendezVous-7