La Nouvelle Interprétation des rêves
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La Nouvelle Interprétation des rêves

  1. 256 pages
  2. French
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  4. Disponible sur iOS et Android
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La Nouvelle Interprétation des rêves

À propos de ce livre

« Chacun d'entre nous rêve, et probablement de quatre à cinq fois par nuit. Mais un rêve qui s'évanouit est comme un fruit qu'on n'a pas cueilli. Un rêve qui n'est pas interprété est comme une lettre qui n'a pas été lue. Toi qui rêves, mon frère, ne raconte pas ton rêve à un inconnu ; ne laisse pas quelqu'un dont tu ignores les intentions énoncer des vérités sur toi à partir de ton rêve. Car le rêve se réalisera à partir de la parole de l'interprète. J'ai voulu écrire ce livre comme un guide d'interprétation des rêves, pour aider chacun d'entre nous dans les moments difficiles qu'il nous arrive de traverser. Ce livre est constitué de ma propre expérience de thérapeute, au cours de laquelle il m'est souvent arrivé, comme à la plupart de mes collègues, d'interpréter des rêves. Formé à la psychanalyse, j'ai toujours été convaincu que le rêve appelait par nature une interprétation. Rêver, c'est toujours et partout recevoir une interprétation !J'ai également cherché, dans ce livre, à croiser les données les plus récentes des disciplines les plus variées comme la neurophysiologie du rêve, la psychophysiologie, l'anthropologie sur le traitement traditionnel du rêve dans différentes cultures, la psychanalyse, mais aussi la mythologie. » T. N. Une toute nouvelle interprétation des rêves.Tobie Nathan est professeur de psychologie à l'université Paris-VIII. Il est le représentant le plus connu de l'ethnopsychiatrie en France. Il a notamment publié L'influence qui guérit, Psychanalyse païenne et Psychothérapies, qui ont été de très grands succès.

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2011
Imprimer l'ISBN
9782738119056
ISBN de l'eBook
9782738199539
Chapitre 1
Le rêve et son interprétation
Usager des rêves, mon frère, ce livre t’est adressé. Il est destiné à tout usager des rêves – non pas seulement au rêveur – nous le sommes tous ! –, mais au rêveur qui n’a pas renoncé à comprendre. Celui qui a décidé d’utiliser la force de l’envers pour enrichir son existence. C’est lui que j’appelle « usager des rêves ».
Le rêve est un événement commun et pour une grande part collectif – tout le monde sait que tout le monde rêve ! Il est aussi un événement singulier : personne ne peut rêver à ma place ; un rêve est une expérience strictement personnelle. En cela, il est comme une prière. Observe une église, une mosquée, une synagogue, à l’heure de la prière. Chaque fidèle prie la divinité pour lui-même, quelquefois les yeux fermés, à la recherche de son intimité, mais tous font la même chose, au même moment. Plus même, ils doivent confusément savoir que leur prière a d’autant plus de chances de parvenir à son destinataire qu’ils sont plus nombreux à partager l’expérience. C’est ainsi que, dans un même village, dans une même ville, la majorité des habitants prient au même moment, rêvent au même moment – chacun pour lui-même, mais tous ensemble.
Si le rêve est produit au cœur de notre intimité, durant notre sommeil le plus profond, il est toujours perçu comme un « objet » étranger à nous-mêmes ; à la fois si proche du noyau et toujours radicalement autre. Une fois transformé en souvenir, il devient objet étrange, information de l’ailleurs, message dont on ne connaît ni l’expéditeur ni le destinataire. Il reste à l’esprit comme une question qui attend réponse. Difficile à saisir, il a tendance à s’évanouir et, pour certains rêves désagréables, il est aussi quelquefois difficile de s’en débarrasser.
Schématiquement, on peut considérer que deux doctrines ont tenté de convaincre le rêveur de l’attitude qu’il doit adopter envers son rêve. L’une, d’Aristote aux cognitivistes modernes, l’incite à négliger ce qu’elle considère n’être que les scories de ses nuits ; on la dit rationaliste, mais il n’est pas certain qu’elle soit la plus rationnelle. L’autre l’encourage à lui prêter l’attention la plus extrême, lui présentant le rêve comme une énigme dont l’interprétation se révélera décisive pour sa destinée. Cette seconde doctrine est certainement la plus répandue à travers le monde puisqu’on la retrouve, sous des formes très différentes, dans toutes les traditions culturelles. L’une et l’autre sont étayées sur de véritables arguments.
Quant à moi, je me soucierai avant tout de l’usager, n’entrant pas plus que nécessaire dans le détail des doctrines, m’intéressant plutôt à la pragmatique du rêve. J’examinerai les propositions concrètes, tentant d’en tirer une pensée cohérente. Que propose-t-on à l’homme, à la femme qui rêve ? Que doit-il faire de cet objet, ramassé en ses nuits et qui parfois l’encombre des jours durant ? Que lui propose la tradition en Afrique ? en Australie ? en Asie ? en Amérique du Sud ? Que lui propose-t-on dans nos sociétés postmodernes ? Et que fera-t-il de toutes ces propositions ? Qui le guidera dans ses choix ?
Je n’en resterai pas là. Je ne me contenterai pas d’énumérer les traditions et les pratiques. Mon ambition n’est pas de proposer un guide géographique – « touristique » – du rêve. Il ne s’agira pas seulement d’éclairer le rêveur, de l’informer des différentes sortes de praticiens qu’il est susceptible de rencontrer – ce qui peut évidemment se révéler salutaire. Je prétends aussi lui fournir une sorte de canevas pour une interprétation possible de son rêve. Car ce livre se veut avant tout méthode. Mais si, en suivant les indications que je propose, le lecteur pourra pénétrer assez loin dans l’exploration de son rêve, annonçons-lui d’emblée qu’il ne pourra jamais remplacer l’interprète.
Car, en dernier ressort, aucun rêve ne peut être interprété par le rêveur lui-même.
Si le rêveur interprète son propre rêve, il ne fera que produire un nouveau rêve. C’est une expérience que bien des rêveurs ont faite, et parfois au sein même d’un rêve où, après avoir rêvé, ils ont vu, toujours rêvant, l’interprétation de leur rêve dont surgissait un nouveau rêve.
Dans un premier temps, je fournirai de manière synthétique quelques propositions claires sur la nature du rêve – du moins sur ce que nous pouvons en dire aujourd’hui. Pour ce faire, je puiserai à trois sources : les recherches modernes, récentes, puisqu’elles ont commencé dans les années 1960, sur la psychophysiologie et la neurophysiologie du rêve, les données anthropologiques sur le traitement traditionnel du rêve dans différentes cultures et enfin les propositions psychanalytiques qui, répandues dans la culture ambiante, ont profondément marqué notre époque. Je croiserai ces données provenant de champs différents, de l’anthropologie, des neurosciences et de la psychanalyse, les confrontant, les opposant, parfois, les poussant autant que possible jusqu’à leurs conséquences ultimes.
Ce livre n’est pas un ouvrage théorique ; je l’ai plutôt conçu comme une sorte de manuel, une entreprise qui enrichit l’« usager », lui permettant d’affiner son expertise. L’expression « clé des songes » utilisée autrefois ne m’aurait pas déplu si elle n’avait été aussi négativement connotée – « clé » puisque cet ouvrage prétend fournir au lecteur l’opportunité d’entrer dans un monde dont il ignorait peut-être la dignité, celui de la pragmatique du rêve.
Si ce travail puise à différentes sources d’information, son âme est constituée de ma propre expérience de thérapeute, au cours de laquelle il m’est, comme la plupart de mes collègues, souvent arrivé d’interpréter des rêves. Le lecteur trouvera çà et là témoignage de cette pratique. Formé à la psychanalyse, j’ai toujours été convaincu, dès mes années d’étude, que le rêve appelait par nature une interprétation. Pour paraphraser Hegel qui écrivait, on s’en souvient, qu’« être, c’est être devenu » et Sartre qui savait que « pleurer, c’est déjà être consolé », je suis persuadé que le seul fait de rêver implique une interprétation : rêver, c’est toujours recevoir une interprétation ! Toujours, et partout ! Quel que soit le monde du rêveur, quels que soient son pays, sa langue, quelle que soit la personne à laquelle il s’adresse. Voilà une donnée « transculturelle » – au moins une !
L’interprétation fournie au rêveur est plus ou moins explicite ; elle est quelquefois formulée comme un énoncé sans ambiguïté ; mais il arrive bien souvent qu’elle soit marquée de la même incertitude que celle du rêve. Elle peut ainsi être fournie de manière interrogative avec un minimum de propositions. Il arrive également, surtout dans le cadre de psychanalyses freudiennes, qu’elle ne soit pas formulée du tout. Elle reste là, suspendue dans l’espace de la séance, parole jamais dite, propriété d’un « sujet imaginaire supposé savoir ». Formulée, suggérée ou tue, l’interprétation reste, dans tous les cas de figure, le complément obligatoire du rêve, comme l’autre face de la médaille, le verso du récit du rêve. Elle semble plus présente encore lorsque l’interprète se dérobe à sa divulgation, la constituant de ce fait comme une révélation à venir, stricto sensu une apocalypse.
Certes, les interprétations susceptibles d’être délivrées au rêveur sont multiples, relevant de cadres de référence différents selon l’identité, la culture d’origine, la langue et la formation de l’interprète. Mais ces cadres de référence ne sont pas innombrables même si leurs formes se déclinent à l’infini. Ils présupposent tous que le rêve n’est pas un assemblage aléatoire d’images et de mots.
Je dois dire également, et j’aurai l’occasion d’y revenir longuement, que le rêve n’est pas seulement appel à l’interprétation, il est aussi présentification d’un tiers, d’un invisible avec lequel un dialogue insoupçonné a été établi à mon insu – à l’insu du moi. Toutes les interprétations du rêve, y compris psychanalytiques, impliquent que le rêve est un dialogue avec un partenaire d’une nature radicalement différente de celle du rêveur. Elles supposent aussi que cette communication particulière comprend des modalités spécifiques – précisément celles du rêve.
Deux exemples très opposés
Je prendrai pour illustrer l’existence de cette communication particulière deux exemples, l’un moderne, issu des recherches en neurophysiologie, l’autre très ancien, provenant de cette vieille tradition attestée dès l’Antiquité la plus ancienne.
Les neurophysiologistes ont établi que le rêve survient lorsque le dormeur se retrouve coupé de tout accès au monde : sens et motricité déconnectés, il ne peut alors ni le percevoir ni agir sur lui. Et le rêve survient du seul fait du « cérébral » – non pas des stimulations externes, et certainement pas de la volonté du sujet, consciente ou inconsciente, puisqu’il est le résultat d’une activité instinctuelle et automatique. Lorsqu’il survient, ce « cérébral » établit des échanges (des échanges dont la neurophysiologie moderne parvient même à filmer les traces) avec une partie de lui-même – partie dont les neurophysiologistes s’accordent généralement à décrire comme instinctuelle.
On pourrait dire que le rêve contraint le dormeur à établir une relation avec sa « nature » instinctuelle propre. Voilà donc, d’après certains neurophysiologistes, l’interlocuteur avec lequel le rêve se connecte, en un mot : son noyau biologique.
Un autre exemple provenant d’une tradition très différente, très ancienne et qui perdure néanmoins jusqu’à nos jours : ce qu’on appelle l’« incubation ». Cette tradition, probablement originaire du Moyen-Orient le plus ancien, de Mésopotamie sans doute, d’Égypte, certainement, est attestée dans la Grèce antique par d’innombrables sources. Elle consiste à convoquer dans son rêve une divinité dont on attend des bienfaits. La personne qui souhaitait recevoir des informations en rêve devait dormir dans le temple du dieu, chez les Grecs, le sanctuaire d’Asclépios (Esculape en latin, dieu-serpent, dieu de la médecine, avatar d’Apollon), à Épidaure, en Argolide. Le dieu répondait si souvent à l’invitation, et les rêveurs étaient si satisfaits de cette rencontre, que les temples se sont multipliés – sans doute plusieurs centaines à l’époque romaine. Il fallait naturellement se préparer à accueillir un tel invité, se purifier, consentir à des sacrifices, donner du sang, de la viande, de la farine, des gâteaux… Avant de laisser la personne plonger dans son sommeil dans l’attente du message divin, les prêtres lui recommandaient de scruter le rêve qu’elle ferait nécessairement, pour y déceler les manifestations de la divinité. Cette tradition, comme toutes les pragmatiques, a traversé les espaces géographiques et les cultures. Il en va ainsi des techniques divinatoires et des techniques agricoles ; elles ne restent jamais la seule propriété d’un peuple, tirant de leur efficacité l’attraction qu’elles exercent sur leurs voisins. Car il ne s’agit pas de simples pensées, mais de pensées en actes, de manières de faire. C’est ainsi que l’incubation s’est transmise tout naturellement aux cultures voisines et à celles qui se sont succédé dans ce même espace méditerranéen. Si bien qu’on la retrouve dans le Maroc actuel où il n’est pas rare que le demandeur vienne, parfois de très loin, dormir dans un marabout, tombeau d’un saint devenu sanctuaire, afin de recevoir en rêve le message attendu. Dans cette tradition de l’incubation, il est manifeste que le rêve est l’espace privilégié de l’échange avec la divinité.
Si les neurophysiologistes pensent aujourd’hui qu’il permet un dialogue avec la partie instinctuelle du cerveau, une sorte de code, sans doute, avec lequel il n’est possible de se connecter que par des moyens cybernétiques, les praticiens de l’incubation, les gardiens du sanctuaire et les usagers pensent que le rêve permet d’établir une connexion, et même un dialogue, avec des saints disparus depuis des siècles.
Il va de soi que les rêves apparaissant dans ces lieux consacrés – temples de l’Antiquité, aujourd’hui marabouts du Maroc ou d’Afrique de l’Ouest – ne sont pas limpides. Ils appellent l’interprétation du praticien.
Les rêves ne sont pas seulement messages, ils sont aussi actions
Aelius Aristide, qui fut un rhéteur grec de grande renommée au IIe siècle après J.-C., nous a laissé un document exceptionnel, un journal des rêves qui lui sont venus au sanctuaire d’Esculape, où il s’est rendu durant des années pour soigner les terribles douleurs qui l’affligeaient depuis l’âge de 26 ans. À la lecture de ce témoignage, nous comprenons que la fonction de l’interprète n’est pas seulement d’explicitation – presque pas d’explicitation –, elle est surtout de facilitation. L’interprète fait en sorte que le mouvement du rêve puisse s’accomplir dans le monde réel. L’interprétation n’est pas ici seulement discours, elle est aussi action. Sa fonction n’est pas de traduire un texte opaque, mais de faire advenir l’action de la divinité dans le monde des humains. Voici par exemple un rêve où un chien vient renifler la partie malade du rêveur ; voici un autre où un serpent vient mordre le rêveur à la cheville. L’interprète agit pour que le malade tienne compte du fait que le dieu est apparu sous forme de chien, sous forme de serpent, pour lui inoculer sa substance du tréfonds du rêve, en des endroits endoloris de son corps. L’aboutissement du rêve sera la recommandation de l’interprète. Il ordonnera une offrande, une prière, un vœu, un ex-voto, pour que le dieu ne se retire pas, pour que l’intervention opérée en rêve, traversant le miroir, parvienne jusqu’aux humains, s’incarne, en un mot.
Par ailleurs, la fonction de l’interprète – il est de moins en moins de lieux où il s’agit encore d’un métier – se cantonne très rarement au seul rêve. Le psychanalyste ne se fixe pas pour but l’interprétation des rêves que lui rapporte son patient, il s’assigne la tâche de conduire la psychanalyse ; de même, le thérapeute traditionnel, le « maître du secret » qui délivre une interprétation, est lui aussi guidé par sa fonction de thérapeute. Quant aux interprètes d’obédience religieuse, qui ont souvent aussi une fonction thérapeutique, il va sans dire que leur mission principale est de guider le rêveur dans la voie de la divinité. Il n’est quasiment jamais de professionnel de l’interprétation du rêve qui s’intéresse au seul rêve. Tout interprète instrumentalise le rêve – c’est la raison pour laquelle j’affirme que le problème du rêve, c’est son interprétation. Il suffirait de cette remarque pour comprendre que le rêve est cette part d’insoumission radicale de la nature qui échappe aux fonctions et aux disciplines.
On pourrait considérer que les seuls professionnels qui s’intéressent au rêve sui generis, pour lui-même, pour ainsi dire, sont les spécialistes des neurosciences – eux qui sont pourtant les seuls à penser, dans leur grande majorité, que le rêve ne véhicule aucun message, ne mérite aucune interprétation et qu’il convient seulement de décrire les modalités de sa survenue. Cependant, même les cognitivistes les plus extrêmes commencent à remarquer de singulières cohérences dans les récits des rêves. Et certains parmi eux explorent les capacités créatrices du rêve.
Je veux ici m’intéresser au rêve, au rêve seul ! Et c’est pour cette raison que je propose au lecteur un guide d’interprétation – non pas une nouvelle étude du rêve, encore moins une explication. Je ne suis au service d’aucune discipline, ni de la neurophysiologie, ni de la psychanalyse, ni de tel dieu, ni de tel autre. Je veux rendre compte de cette capacité du rêve à laisser surgir la vie à partir des interstices, témoigner de sa liberté irréductible de toujours venir habiter les incertitudes.
De l’actualité des vieilles pensées
Usager des rêves, mon frère, peut-être considéreras-tu que je m’intéresse à de très vieilles pensées. Peut-être penses-tu qu’elles sont trop vieilles ? Il est vrai que, pour ce qui concerne cette question très particulière qu’est l’interprétation des rêves, les textes importants sont anciens, parfois très anciens. Il existe un traité d’interprétation des rêves dans les papyrus égyptiens datant du IIe millénaire avant J.-C. ; une clé des songes babylonienne datant du VIIe siècle avant J.-C. se trouve dans l’ensemble de tablettes connu sous le nom de bibliothèque d’Assurbanipal ; les plus anciennes clés des songes provenant d’Inde datent du Ve siècle avant J.-C. Et le modèle de toutes les clés des songes, sa quintessence, pour ainsi dire, toujours pillé, souvent mal compris, jamais égalé, reste l’Onirocriticon d’Artémidore de Daldis, auteur grec du IIe siècle après J.-C. Par la suite, des traités apparaîtront durant le Moyen Âge musulman, puis chrétien et aussi juif. Le plus connu, encore abondamment cité dans les pays arabes, est Le Grand Livre de l’interprétation des rêves de Muhammad Ibn Sîrîn (VIIIe siècle), témoignage d’une liberté de penser surgissant au cœur même de l’islam des débuts. Quant au Pitron Halomot de Chélomo Almoli, traduit en français sous le titre La Clef des rêves, mais qui signifie littéralement « résolution des rêves », soulignant par là qu’un rêve non interprété reste toujours comme un problème, il date du XVIe siècle séfarade (d’abord l’Espagne, puis Istanbul). L’apport de ce traité doit être considéré comme aussi décisif que celui d’Artémidore, quoique selon une tout autre perspective.
Comme tu le constateras, ce n’est pas d’aujourd’hui que le rêve est pris entre l’insensé, l’aléatoire et le sacré… Il y a fort longtemps que le monde est partagé entre ceux qui trouvent un sens aux rêves et ceux qui s’en gardent bien. C’est pourquoi je prends ces auteurs, pour...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. À Michaël
  5. Chapitre 1 - Le rêve et son interprétation
  6. Chapitre 2 - Étrange intimité
  7. Chapitre 3 - Le cauchemar
  8. Chapitre 4 - Qu’est-ce qu’un rêve ?
  9. Chapitre 5 - Les corpus de référence
  10. Chapitre 6 - Les principes de l’interprétation
  11. Chapitre 7 - Les dynamiques de l’interprétation
  12. Chapitre 8 - Classifications
  13. Chapitre 9 - Vade-mecum
  14. Références
  15. Du même auteur chez Odile Jacob