
- 240 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
Ivres paradis, bonheurs héroïques
À propos de ce livre
« Pas d'existence sans épreuves, pas d'affection sans abandon, pas de lien sans déchirure, pas de société sans solitude. La vie est un champ de bataille où naissent les héros qui meurent pour que l'on vive. Mes héros vivent dans un monde de récits merveilleux et terrifiants. Ils sont faits du même sang que le mien, nous traversons les mêmes épreuves de l'abandon, de la malveillance des hommes et de l'injustice des sociétés. Leur épopée me raconte qu'il est possible de s'élever au-dessus de la fadeur des jours et du malheur de vivre. Quand ils parlent des merveilleux malheurs dont ils ont triomphé, nos héros nous montrent le chemin. » B. C. Chacun de nous a besoin de héros pour vivre, l'enfant pour se construire, l'adulte pour se réparer. Les héros nous apportent l'espoir, le rêve, la force. Attention cependant aux faux héros, attiseurs de violence et de haine, pourvoyeurs du pire. Un livre saisissant. Boris Cyrulnik est neuropsychiatre et directeur d'enseignement à l'université de Toulon. Il est l'auteur de nombreux ouvrages qui ont tous été d'immenses succès, notamment Un merveilleux malheur, Les Vilains Petits Canards, Parler d'amour au bord du gouffre, mais aussi Sauve-toi, la vie t'appelle et, plus récemment, Les âmes blessées.
Foire aux questions
Oui, vous pouvez résilier à tout moment à partir de l'onglet Abonnement dans les paramètres de votre compte sur le site Web de Perlego. Votre abonnement restera actif jusqu'à la fin de votre période de facturation actuelle. Découvrez comment résilier votre abonnement.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptés aux mobiles peuvent être téléchargés via l'application. La plupart de nos PDF sont également disponibles en téléchargement et les autres seront téléchargeables très prochainement. Découvrez-en plus ici.
Perlego propose deux forfaits: Essentiel et Intégral
- Essentiel est idéal pour les apprenants et professionnels qui aiment explorer un large éventail de sujets. Accédez à la Bibliothèque Essentielle avec plus de 800 000 titres fiables et best-sellers en business, développement personnel et sciences humaines. Comprend un temps de lecture illimité et une voix standard pour la fonction Écouter.
- Intégral: Parfait pour les apprenants avancés et les chercheurs qui ont besoin d’un accès complet et sans restriction. Débloquez plus de 1,4 million de livres dans des centaines de sujets, y compris des titres académiques et spécialisés. Le forfait Intégral inclut également des fonctionnalités avancées comme la fonctionnalité Écouter Premium et Research Assistant.
Nous sommes un service d'abonnement à des ouvrages universitaires en ligne, où vous pouvez accéder à toute une bibliothèque pour un prix inférieur à celui d'un seul livre par mois. Avec plus d'un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu'il vous faut ! Découvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l'écouter. L'outil Écouter lit le texte à haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l'accélérer ou le ralentir. Découvrez-en plus ici.
Oui ! Vous pouvez utiliser l’application Perlego sur appareils iOS et Android pour lire à tout moment, n’importe où — même hors ligne. Parfait pour les trajets ou quand vous êtes en déplacement.
Veuillez noter que nous ne pouvons pas prendre en charge les appareils fonctionnant sous iOS 13 ou Android 7 ou versions antérieures. En savoir plus sur l’utilisation de l’application.
Veuillez noter que nous ne pouvons pas prendre en charge les appareils fonctionnant sous iOS 13 ou Android 7 ou versions antérieures. En savoir plus sur l’utilisation de l’application.
Oui, vous pouvez accéder à Ivres paradis, bonheurs héroïques par Boris Cyrulnik en format PDF et/ou ePUB ainsi qu'à d'autres livres populaires dans Psicología et Historia y teoría en psicología. Nous disposons de plus d'un million d'ouvrages à découvrir dans notre catalogue.
Informations
La naissance du héros
Tout petit déjà, je rêvais d’admirer un héros. Par malheur, il n’y avait que du bonheur autour de moi. Comment voulez-vous, dans ces conditions, qu’on devienne vaillant ? On ne peut qu’être normal, ce qui est la cause d’une morne existence.
Devenu orphelin dès mes premières années, le monde s’est transformé en épopée : j’ai échappé à la Gestapo en m’enfuyant la nuit, j’ai rencontré des gens merveilleux, j’ai triomphé des nazis puisque j’ai survécu. N’ayant pas eu le droit d’aller à l’école, ayant appris à lire de-ci de-là, je ne sais où, je me réfugiais dans la rêverie que mes lectures alimentaient.
Mon premier héros fut Rémi de Sans famille1, enfant artiste de rue, entouré d’animaux malicieux. Puis, j’ai aimé Oliver Twist, orphelin anglais exploité par de cruels adultes. J’ai admiré Jules Vallès, L’Enfant qui défendait le monde en luttant contre les méchants capitalistes. Ces héros ont enchanté mon enfance délabrée.
Je n’ai pas aimé Poil de Carotte2. Son écriture vengeresse mettait en scène une mère moche, méchante et bigote. Elle maltraitait un papa mou qui se hâtait de vieillir afin de priver sa femme du plaisir d’être désirée.
Mes parents étaient des héros puisqu’ils étaient morts à Auschwitz. Ils auraient obtenu la nationalité française s’ils n’avaient pas été déportés. J’ai souvent relu cette phrase sur leur acte de disparition. Ils n’étaient pas morts, simplement disparus. Je regardais souvent une photo de ma mère toujours jeune et jolie, la main sous le menton, regardant vers le ciel dans une posture romantique. J’admirais mon père, dans son uniforme du bataillon des volontaires étrangers de l’armée française. Je me demandais pourquoi, blessé à Soissons, décoré par le général Huntziger, il avait été arrêté sur son lit d’hôpital par la police du pays pour lequel il combattait. J’étais fier d’eux, ils vivaient dans mon imagination.
Pas d’existence sans épreuves, pas d’affection sans abandon, pas de lien sans déchirure, pas de société sans solitude, la vie est un champ de bataille où naissent les héros qui meurent pour que l’on vive.
« Écoutez maintenant des choses étonnantes aussi bien qu’affreuses ! Neuf mille écuyers gisaient à terre, frappés à mort, et au centre douze chevaliers, compagnons de Dancwart. On le voyait seul debout au milieu des ennemis3. » Connaissez-vous l’histoire d’un pays qui ne commence pas par une tragédie ? C’est par l’épopée que débute le récit qui identifie un groupe. Un héros blessé à mort n’est pas une victime puisqu’il a combattu pour que triomphe son peuple.
Ne connaissant pas mes origines, sachant mal de qui j’étais né, je ne pouvais que me rêver, ce qui était un grand bonheur. J’avais besoin d’un mythe fondateur, j’y ai cru, je l’ai aimé. Ça ne me gênait pas que tout commencement soit une tragédie. Puisque ça m’était arrivé dans le réel, je savais qu’il y aurait toujours un héros pour me sauver. « L’épopée qui relate des destins héroïques apparaît à l’aube historique lorsqu’un groupe prend conscience de lui-même, crée ses modèles et se célèbre à travers eux4. »
Que la vie serait fade sans événements menaçants ! Qu’elle est belle et tragique quand une aventure en marque le commencement ! J’avais besoin d’un héros qui ne serait ni divin ni vraiment sacré. Rémi, Oliver Twist, David Copperfield, Jules Vallès et Tarzan vivaient dans un monde de récits merveilleux et terrifiants. Mes héros étaient faits du même sang que le mien, nous traversions les mêmes épreuves de l’abandon, de la malveillance des hommes et de l’injustice des sociétés. Leur épopée me racontait qu’il était possible de s’élever au-dessus de la fadeur des jours et du malheur de vivre.
Quand ils parlent des merveilleux malheurs dont ils ont triomphé, nos héros nous montrent le chemin. Il en est ainsi au départ de toute existence. Quand, lors de notre naissance, nous débarquons au monde, nous ressentons un effroi qui se transforme en chaleur merveilleuse dès qu’une figure d’attachement nous prend dans ses bras, nous apaise et nous montre la voie.
Comment raconter une épopée en termes quotidiens ? On ne peut tout de même pas écrire : « Ulysse a acheté du pain à la boulangerie du coin. Il a trouvé que la baguette était trop chère. » Ce n’est pas ainsi que parlent les héros. Il leur faut de l’emphase et de la poésie pour se placer au-dessus des hommes. Écrivez alors : « Ulysse dans sa juste fureur s’emporta et décida de lutter contre la famine. Il fit fructifier le froment et, grâce à son superpouvoir, distribua du pain aux pauvres. » Voilà comment on se paye de mots. Tel est le langage du héros, c’est celui de l’épopée. Grâce à Ulysse, le peuple affamé put reprendre des forces afin de lutter contre le tyran.
« Je préfère mourir debout que vivre à genoux », a dit Jacques Decour avant d’être fusillé par les soldats allemands5. Voilà comment parle un héros ! Il est mort de cette phrase, mais que c’était beau ! Devant tant de courage et de majesté verbale, je me sens beaucoup mieux.
Quand j’étais petit, le monde était peuplé de vieux. Quatre-vingts ans plus tard, il n’y a que des jeunes autour de moi. Comment expliquez-vous ça ? Le monde était méchant quand j’étais seul et faible, ignorant de la vie. Mais dès que j’ai été rassuré par une figure familière, le même monde m’a intéressé. C’est l’affection qui m’a sécurisé et m’a donné la force et le plaisir d’explorer la vie. Une tragédie sociale m’avait privé de toute figure familière, le premier lien familial avait été déchiré par la guerre, les substituts éducatifs avaient tenté une suture souvent maladroite, c’est mon héros qui me réconfortait quand je pensais à lui, c’est lui qui me donnait la force d’affronter un réel désespérant. Je devais donc lire, rencontrer et rêver pour me remettre à vivre.
C’est ainsi que j’ai rencontré le Rémi de Sans famille. « Je suis un enfant trouvé », m’a-t-il dit dès la première ligne. Je me suis alors demandé comment il était possible de devenir un homme quand on est sans famille. Quand j’ai croisé Rémi, j’étais âgé de 11 ans, il en avait 10. Ce petit héros parlait de moi, il m’indiquait un chemin de vie possible, malgré tout. Enfant trouvé (donc perdu), c’est l’amour de madame Barberin qui l’avait réchauffé. Mais quand son mari blessé, incapable de travailler, a été renvoyé des chantiers, il a vendu la vache et chassé l’enfant. Rémi, par bonheur, a rencontré un merveilleux substitut artistique, monsieur Vitalis le bien nommé et sa petite troupe composée de trois chiens et d’un singe qui lui ont permis de gagner sa vie en produisant des spectacles dans les villages de France. Quelle poésie ! Malgré son malheur, Rémi et sa nouvelle famille m’ont entraîné à chaque page vers de nouvelles aventures. L’histoire de mon héros me reconstruisait, puisqu’elle me racontait qu’il était possible de reprendre une place dans l’aventure sociale.
Si vous n’aimez pas Rémi, c’est que mon héros n’est pas le vôtre. Votre histoire est différente, nous n’avons pas les mêmes blessures, nos pansements seront variés. Si vous souffrez de la pauvreté dans une culture marchande, vous serez sauvé par l’histoire d’un immigrant devenu riche en se baissant pour ramasser une épingle. Ce monsieur s’appelait Rockefeller, et l’épingle de cravate était un petit diamant. Cette légende a réconforté des milliers de pauvres immigrés en donnant forme à leur désir de rêve américain.
En grandissant, j’ai préféré Oliver Twist, qui avait échappé à la délinquance forcée en découvrant une famille bourgeoise. Mais le héros qui m’a le plus accompagné dans mes années d’enfance, c’est à coup sûr Tarzan. Son corps musclé, son poignard passé dans la ceinture de son slip déchiré, son cri étrange qui appelait à la rescousse ses amis les animaux provoquaient en moi un joyeux plaisir. Dans les salles de cinéma, les spectateurs criaient avec Tarzan et encourageaient les lions, les chimpanzés et les éléphants à accourir. « Plus vite ! », criait la salle. C’était magnifique et moral aussi, car Tarzan, devenu roi des animaux, les a protégés à son tour contre la méchante civilisation.
L’auteur des jours de Tarzan s’appelait Edgar Rice Burroughs. Il n’était jamais allé en Afrique car il ne se plaisait qu’à Los Angeles6. Aucune importance, ce qui comptait pour moi, c’était l’image d’un orphelin dans la jungle. Tarzan me racontait qu’après la mort de ses parents dans un accident d’avion, de gentils animaux, substituts maternels, l’avaient sauvé et rendu roi de la jungle. Dans sa gratitude filiale, Tarzan était devenu leur chef pour mieux les protéger. Son enfance fracassée l’avait chassé de la condition humaine, mais les animaux l’avaient humanisé. Quand il a grandi, la divine Jane l’a civilisé en lui apprenant à parler au lieu de crier : « Toi Tarzan, moi Jane », lui avait-elle enseigné en pointant son joli doigt.
Tarzan me racontait ma propre histoire en termes poétiques. Mon héros avait métamorphosé le malheur de mon enfance en aventure magnifique. Tarzan me montrait le chemin.
En grandissant, j’ai rencontré d’autres héros. Je les ai aimés eux aussi, un peu moins que Tarzan – j’en avais moins besoin. J’avais trouvé une famille, j’allais à l’école maintenant, nous jouions au football dans la rue. Je jouais mal, mais j’étais entouré de copains. Quand une voiture arrivait, nous posions un pull-over par terre pour repérer l’endroit où était le ballon. Quand elle était passée, nous remettions le ballon à la place du pull-over et le match recommençait. En 1948, à Paris, cela arrivait trois ou quatre fois par heure.
Dans ce nouveau contexte familial et social, j’ai aimé Superman parce qu’il était musclé et qu’il volait au secours des faibles. Puis j’ai aimé Mandrake le Magicien qui faisait disparaître ou apparaître les objets selon sa volonté. Puis j’ai aimé Nasdine Hodja, parce que mon oncle Jacques m’apportait tous les jeudis Vaillant, le journal le plus captivant. J’ai aimé ce héros qui sauvait les Arabes avec son turban exotique, ses pantalons bouffants et son sabre courbe, plus terrible que les glaives rectilignes des Francs. À cette époque, où un Français sur trois était communiste, le Comité central préparait les jeunes esprits à accepter l’idée que les Palestiniens allaient s’allier avec les Israéliens pour faire exploser les monarchies proche-orientales. Les héros seraient-ils porteurs d’un message idéologique ?
Vers l’âge de 14 ans j’ai découvert Jules Vallès, un enfant maltraité qui devenait L’Insurgé pour réparer les injustices sociales7. J’ai lu avec fièvre un grand nombre de pages de La Révolution française dans un gros livre relié8 acheté au marché aux puces. Le peuple arrachant sa liberté, je trouvais ça très beau, plus beau que Zorro qui commençait à me paraître naïf avec son cheval et son grand chapeau. J’étais gêné par les décapitations de la Terreur et les noyades de Nantes au cours desquelles trois mille curés avaient été jetés à l’eau par les révolutionnaires. Était-ce bien utile ? Est-ce ainsi que l’on vit quand il faut prendre le pouvoir pour écraser les oppresseurs comme ils nous ont écrasés ? Devenir persécuteur à mon tour, ce n’est pas ainsi que j’imaginais mon avenir.
Quand on est enfant, on ne peut que rêver la vie qui nous attend. Parmi les scénarios que la culture propose, certains vont satisfaire nos aspirations mal conscientes. Ce n’est pas un vrai rêve, c’est plutôt une forme narrative donnée à nos désirs : « Grâce au récit nous parvenons à […] construire une personnalité qui nous relie aux autres, qui nous permet de revenir de manière sélective sur notre passé, tout en nous préparant à affronter un futur que nous imaginons9. »
Tarzan n’est pas un surhomme, c’est un éclopé, un privé de famille, seul dans la brousse où tout est dangereux. En racontant son histoire, il donnait forme à mes rêves : « Un jour je serai fort, je sauverai les animaux et rencontrerai Jane. »
Superman me contait une aventure du même type. Né en 1938 sur une planète menacée de destruction, il s’enfuit sur un vaisseau interplanétaire. Recueilli par un couple sans histoires, il découvre ses superpouvoirs, mais préfère les cacher sous l’apparence d’un petit journaliste timide10. Il a peur des femmes et ne peut aimer Loïs Lane que de loin, sans oser le lui dire tant elle l’impressionne. « Ne vous fiez pas à l’apparence, cherche-t-il à nous faire croire, vous pensez que je suis un orphelin fragile, alors que je possède des superpouvoirs que je cache pour ne pas vous dominer. »
Batman est né en 1939 mais s’est retrouvé seul quand ses parents ont été assassinés. Cette tragédie est à l’origine de sa vocation de traquer les assassins.
Spiderman est né en 1962. Orphelin lui aussi, recueilli par sa tante, il est piqué par une araignée qui lui donne des pouvoirs arachnéens. Il peut coller aux murs et tisser une toile où s’engluent les bandits.
En devenant étudiant en médecine, j’ai encore une fois changé de héros. J’ai aimé les images de médecins qui créaient en moi une impression composée d’un mélange de Zorro et de quelques zestes de Mandrake le Magicien. Ces hommes avaient un pouvoir qu’il était possible d’acquérir, afin de soigner les malades et les pauvres. Je lisais Cronin11 et Franck Slaughter12. J’allais au cinéma pour voir Le Grand Patron13, dans lequel Pierre Fresnay mettait des paillettes dans mon âme pendant plusieurs semaines. J’étais à l’affût de tout renseignement concernant le docteur Schweitzer et son aventure africaine. Ces héros médicaux sortaient du peuple pour sauver le peuple, quelle belle mission !
Quand on est petit et faible, il faut être mégalomane pour espérer un jour devenir un homme. On ne peut tenter ce rêve que si notre entourage nous permet d’y croire. On ne parvient au sommet de l’Himalaya que s’il y a un camp de base pour se ressourcer et reprendre son souffle. Un enfant ne peut se développer que s’il est tutorisé par un milieu sécurisant et fortifiant14. Alors, vous pensez bien que pour un orphelin, un sans-famille, un enfant sans espoir, un camp de base ne peut être qu’imaginaire puisqu’il n’y a rien autour de lui. Par bonheur, un héros pourra l’aider à construire au fond de lui le sentiment qu’un être faible possède des dons cachés qui vont l’épanouir, malgré tout.
Un homme affaibli par les malheurs de l’existence se réfugie lui aussi dans un imaginaire compensateur, pour ne pas se laisser mourir. Comment vais-je faire pour m’en sortir ? Qui va m’aider ? Que dois-je dire pour ne pas être écrasé par la pitié des nantis ? C’est ainsi qu’un Congolais mégalomane énumère ses richesses : « J’ai trois flacons d’eau de Cologne, deux cantines et une armoire pleine de vivres. » Dans un contexte social où l’on gagne un dollar par jour et où le soir on se contente de mâcher un bambou de canne à sucre, il faut être mythomane pour affirmer un tel rêve. « J’ai un pagne qui coûte cher, mais j’ai aussi une natte. Personne n’en a d’aussi jolie15 », affirme-t-il pour cacher sa honte de dormir à même le sol.
L’idiot du village,
vengeur de notre médiocrité
Monte-Cristo est un héros dans la mesure où il répare, vingt ans après, une terrible injustice. Cette autoréparation révèle que notre identité ne cesse de changer alors qu’on éprouve comme une évidence le sentiment de rester soi-même. Vingt ans après le crime de la justice, Monte-Cristo, qui n’est plus le même, répare le crime commis contre lui-même...
Table des matières
- Couverture
- Titre
- Copyright
- Chapitre 1
- Table
- Du même auteur chez Odile Jacob