Il faut que je vous que dise
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Il faut que je vous que dise

Mémoires

  1. 736 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Il faut que je vous que dise

Mémoires

À propos de ce livre

« En chacun de nous il y a plusieurs vies. Me raconter, c'est aussi retracer l'histoire d'une gĂ©nĂ©ration, tĂ©moigner de ce que j'ai vu, des Ă©vĂ©nements, des hommes et des femmes. Je veux faire ici le rĂ©cit de mes joies, de mes espoirs, des attentes, des bonheurs, des frustrations, des Ă©checs et des douleurs immenses. Puis il y a eu mes premiers combats, ma rencontre avec François Mitterrand, les campagnes, le coup d'État du 13 mai 1958, la longue route que nous avons suivie jusqu'Ă  la victoire du 10 mai 1981 et Ă  la prĂ©sidence de l'AssemblĂ©e nationale, mes fonctions gouvernementales. » L. M. De François Mitterrand Ă  François Hollande, une histoire oĂč le rĂ©cit d'un engagement politique se conjugue au talent trĂšs personnel d'un Ă©crivain. Louis Mermaz, agrĂ©gĂ© d'histoire, enseignant, a Ă©tĂ© secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral adjoint de l'UDSR (Union dĂ©mocratique et socialiste de la RĂ©sistance) que prĂ©sidait François Mitterrand. Il a fondĂ© Ă  ses cĂŽtĂ©s aprĂšs 1958 la Convention des institutions rĂ©publicaines et est devenu Ă  partir de 1971 l'un des dirigeants du Parti socialiste. DĂ©putĂ© de l'IsĂšre, maire de Vienne et prĂ©sident du conseil gĂ©nĂ©ral, il a prĂ©sidĂ© l'AssemblĂ©e nationale de 1981 Ă  1986, puis son groupe de 1988 Ă  1990. Il a occupĂ© diverses fonctions ministĂ©rielles, l'Équipement, les Transports, l'Agriculture (1990 Ă  1992) et, porte-parole du gouvernement, a Ă©tĂ© chargĂ© des relations avec le Parlement. Il a Ă©tĂ© sĂ©nateur de 2001 Ă  2011, se consacrant Ă  la dĂ©fense des droits de l'homme et se battant pour une politique de l'immigration conforme Ă  la tradition française. 

Foire aux questions

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2013
Imprimer l'ISBN
9782738129949
ISBN de l'eBook
9782738175557
Chapitre XL
En attendant Godot

Je suis reparti le lundi matin pour l’IsĂšre, oĂč j’allais participer Ă  toutes les assemblĂ©es au cours desquelles on dĂ©battrait des trois motions qui seraient prĂ©sentĂ©es au congrĂšs du Bourget. Bernard Soulage, fidĂšle soutien de Michel Rocard, se montra trĂšs actif, alors que Didier Migaud, devenu son alliĂ© pour un temps, expliquait que si je n’avais pas rejoint la motion de la majoritĂ©, c’était parce qu’on ne m’avait rien proposĂ©, alors qu’il savait que dĂšs le dĂ©but j’avais dĂ©cidĂ© de m’y opposer. L’argument, pour spĂ©cieux qu’il fĂ»t, risquait d’ĂȘtre ravageur, car il flattait cette propension Ă  penser que l’homme politique veille d’abord Ă  se servir.
Je me rendis aussi dans plusieurs fĂ©dĂ©rations dont le fichier des adhĂ©rents Ă©tait aussi inaccessible que celui de la rue de SolfĂ©rino. Elles Ă©taient censĂ©es lancer elles-mĂȘmes les invitations, ce qu’elles ne faisaient qu’au compte-gouttes, si bien que je dus me borner Ă  des rencontres avec quelques militants et avec la presse rĂ©gionale. Je commençai ma tournĂ©e par Lille. Je fus reçu le matin par le premier secrĂ©taire Bernard Roman qui avait prĂ©vu du cafĂ© et des croissants comme lors de ma premiĂšre visite oĂč j’étais venu dĂ©fendre Ă  la veille du congrĂšs de Rennes la contribution DĂ©battre pour rassembler. Les invitations Ă©taient arrivĂ©es comme par hasard le lendemain, si bien que le gardien n’ayant pas Ă©tĂ© averti de ma prĂ©sence faillit m’enfermer au siĂšge de la fĂ©dĂ©ration le soir Ă  la fin de son service. C’est pourquoi cette fois-ci je me contentai de tenir une confĂ©rence de presse Ă  laquelle les quotidiens rĂ©gionaux consacrĂšrent quelques lignes. Le lendemain, Le ProgrĂšs, Le DauphinĂ© libĂ©rĂ©, FR3 et les radios me rĂ©servĂšrent un meilleur sort au Club de la presse de Lyon, mĂȘme si je n’étais entourĂ© que de quelques responsables et de peu d’élus. Le 7 octobre, je rĂ©cidivai Ă  Montpellier en donnant une confĂ©rence de presse Ă  l’Antigone. Je retrouvai Ă  cette occasion l’ancien dĂ©putĂ© socialiste de SĂšte Jean Lacombe et le conseiller gĂ©nĂ©ral Guy Couderc, que j’avais connu Ă  Alençon quand il Ă©tait inspecteur du travail. Il me confirma les pratiques de la fĂ©dĂ©ration entiĂšrement sous la coupe de Georges FrĂȘche qui s’apprĂȘtait Ă  « le tuer » Ă  l’occasion de la dĂ©signation des candidats aux prochaines cantonales. J’évoluai dans le mĂȘme dĂ©sert en Gironde. Je fus reçu trĂšs aimablement par le prĂ©sident du conseil gĂ©nĂ©ral Philippe Madrelle, qui soutenait Laurent Fabius, mais, lĂ  aussi, je passai quelques heures dans la seule compagnie d’un petit groupe de militants entraĂźnĂ©s par un jeune agent de la SNCF, Philippe Dorthe, qui essayait de percer la chape de plomb de la fĂ©dĂ©ration et qui parvint Ă  force d’énergie Ă  dĂ©crocher un siĂšge de conseiller gĂ©nĂ©ral. PĂ©nĂ©trer dans la fĂ©dĂ©ration des Bouches-du-RhĂŽne, officiellement la troisiĂšme de France, relevait des travaux d’Hercule. Je m’y aventurai le samedi 9 octobre. ArrivĂ© tĂŽt le matin sur le Vieux-Port, je pris un cafĂ© avec un des rares reprĂ©sentants de ma motion, avant de gagner les Arcenaulx tout proches, oĂč j’avais prĂ©vu de tenir une confĂ©rence de presse et oĂč je rencontrai un ancien militant du CERES qui me dit que j’aurais les cinq voix de sa section. Je fus accueilli par Jeanne Laffitte, membre du conseil municipal de Robert Vigouroux. Elle Ă©tait la propriĂ©taire des lieux qui abritaient un restaurant, des salles de rĂ©union et une librairie. Elle me confia qu’elle avait parfois reçu la visite de François Mitterrand en quĂȘte de livres rares, avant de m’offrir un ouvrage sur Vienne Ă©crit en 1906 par François Charles-Roux, le pĂšre d’Edmonde. Le prĂ©sident des Ă©lus socialistes du conseil municipal venu Ă  ma rencontre me parla du chĂŽmage – 30 % de la population active, 50 % dans les quartiers dĂ©shĂ©ritĂ©s, avec une montĂ©e de la dĂ©linquance chez les jeunes. Mon point de presse se dĂ©roula en prĂ©sence d’un seul journaliste, celui de La Marseillaise, le quotidien communiste. La fĂ©dĂ©ration avait « oubliĂ© » d’inviter Le Provençal. Je dĂ©jeunai ensuite sur place avec quelques camarades. Nous vĂźmes arriver au moment du cafĂ© Michel Pezet et RenĂ© Olmeta, l’adjoint aux sports qui m’annonça que dans sa section, les rĂ©sultats avaient donnĂ© 21 voix Ă  la motion prĂ©sentĂ©e par la quasi-totalitĂ© des courants et 5 Ă  la mienne. Michel Pezet s’empressa de faire remarquer que les rĂ©sultats seraient encore totalisĂ©s par mandats : « Tu sais bien qu’ici on ne fait jamais comme ailleurs. » J’avais croisĂ© dans la matinĂ©e un permanent de la fĂ©dĂ©ration qui m’avait dit que dans Marseille intra-muros, 850 adhĂ©rents seulement avaient repris leur carte en 1993, mais qu’on en faisait voter 4 000.
Un crochet par Orly, et j’arrivai le soir Ă  Brest Ă  21 h 15, oĂč Kofi Yamgnane et l’un de ses amis m’attendaient. Il Ă©tait prĂšs de 22 h 30, quand Kofi me fit rencontrer Ă  Saint-Coulitz ses conseillers municipaux. Je remarquai dans la nuit un trĂšs beau calvaire breton. AprĂšs avoir profitĂ© de son hospitalitĂ©, je fis un point de presse le lendemain Ă  Quimper, puis j’allai au-devant des militants Ă  Douarnenez, rĂ©unis au local de la section. Nous avons dĂ©jeunĂ© Ă  l’invitation de Bernard Poignant, maire de Quimper, dans un village voisin avec une quinzaine de militants, mais nous avons Ă©vitĂ© de parler du congrĂšs. Bernard Poignant Ă©tait depuis l’origine trĂšs engagĂ© auprĂšs de Michel Rocard tout en se dĂ©clarant « le plus mitterrandiste des rocardiens ». Cet agrĂ©gĂ© d’histoire Ă©tait bourrĂ© d’humour, fin psychologue et fin politique. Un repas pris en sa compagnie ne pouvait qu’ĂȘtre un moment de dĂ©tente trĂšs agrĂ©able. Je terminai la journĂ©e au siĂšge de la fĂ©dĂ©ration Ă  Brest oĂč en dehors du premier secrĂ©taire, un rocardien bon teint, je me trouvai en prĂ©sence de militants fort ĂągĂ©s.
Le 13 octobre, alors que je m’apprĂȘtais une fois de plus Ă  aller dĂ©jeuner chez Roland Dumas, je fus prĂ©venu au dernier moment que le PrĂ©sident m’invitait. Pendant que Jean Poperen et Anne Lauvergeon arrivaient Ă  leur tour dans les appartements privĂ©s, il s’inquiĂ©tait du score de ma motion : « Un rapport des renseignements gĂ©nĂ©raux m’indique qu’à la diffĂ©rence de Poperen, vous atteindriez difficilement les 5 %. Il est vrai que ce n’est qu’un rapport de police. » Je le rassurai, tout en lui rappelant la difficultĂ© de l’entreprise. Je lui dis Ă  ce propos ce que j’avais appris du fonctionnement de la fĂ©dĂ©ration des Bouches-du-RhĂŽne. « Il faut le dire », rĂ©pliqua-t-il, comme s’il l’ignorait. HĂ©las ! Ce n’était pas le seul cas. Comme il se plaignait Ă  nouveau de Rocard, je hasardai cette fois-ci :
– Je vois que vous n’ĂȘtes toujours pas rocardien.
– Non, ce n’est pas de l’animositĂ©, mais

Nous avons surtout parlĂ© du projet de rĂ©vision de la Constitution adoptĂ© le matin mĂȘme en Conseil des ministres et dont le bureau du Parti socialiste aurait Ă  dĂ©battre le soir : « J’ai obtenu du Premier ministre que le droit d’asile soit sauvegardĂ©, nous dit le PrĂ©sident. Rien n’est changĂ© au prĂ©ambule de la Constitution. La France se rĂ©serve le droit de rĂ©examiner les demandes rejetĂ©es par d’autres États ayant signĂ© la Convention de Schengen. Cela sera explicitement inscrit dans la Constitution au chapitre des traitĂ©s internationaux. » AprĂšs le dĂ©jeuner, il me fit remettre par Anne Lauvergeon le projet de rĂ©vision initial, tel que proposĂ© par Édouard Balladur et celui rectifiĂ© Ă  sa demande. J’intervins au bureau exĂ©cutif pour que notre dĂ©libĂ©ration tĂźnt compte de ce que je venais d’apprendre sur le droit d’asile, mais je me prononçai comme mes camarades contre la rĂ©vision de la Constitution que nous considĂ©rions dangereuse du fait des intentions de la majoritĂ©.
Nous Ă©tions maintenant Ă  la veille du congrĂšs. Les votes sur les motions se poursuivaient dans les fĂ©dĂ©rations. On vota Ă  Vienne Ă  la salle des fĂȘtes Ă  partir de 18 h 30 le vendredi 15 octobre. Les rĂ©sultats donnĂšrent 199 voix Ă  ma motion, 4 Ă  celle de Poperen et 7 Ă  celle de Michel Rocard. ChevĂšnement avait vu juste il y a quelques annĂ©es en rappelant la formule Cujus regio, ejus religio. Comme au temps des guerres de religion, Telle souverainetĂ©, telle religion. Le congrĂšs fĂ©dĂ©ral se tint le lendemain Ă  Tullins. La commission de vĂ©rification des mandats commença par constater que la rentrĂ©e des cotisations s’était accĂ©lĂ©rĂ©e au cours du dernier mois. Mille sept cents camarades Ă©taient Ă  jour, contre 1 200 seulement au dĂ©but d’octobre. Au final ma motion Ă©tait devancĂ©e de 148 voix par celle de Michel Rocard, Refonder, sur laquelle la plupart des autres sensibilitĂ©s s’étaient regroupĂ©es. Notre courant demeurait le plus fort, mais face Ă  cette coalition, nous allions perdre la direction de la fĂ©dĂ©ration. Le DauphinĂ© titra le lendemain en premiĂšre page : « L’IsĂšre Ă©chappe Ă  Mermaz », mĂȘme si le signataire de l’article Philippe Gonnet notait que seul je faisais un meilleur score qu’au prĂ©cĂ©dent congrĂšs.
Le 21 octobre j’assistai Ă  l’ÉlysĂ©e Ă  une remise de dĂ©corations. Parmi les rĂ©cipiendaires, Charles Santoni, le directeur du Petit Bastiais, que le PrĂ©sident appela en lui remettant la LĂ©gion d’honneur « Santini », Marceau Long, le vice-prĂ©sident du Conseil d’État, qui fut prĂ©sident d’Air France (« C’est peut-ĂȘtre ce qu’il vaut mieux rappeler aujourd’hui », lui dit François Mitterrand), mon ancien professeur de philosophie Jean-Toussaint Desanti, Pierre BergĂ©. Le PrĂ©sident que Roland Dumas et moi-mĂȘme Ă©tions allĂ©s saluer au moment oĂč les invitĂ©s s’approchaient du buffet, feignit de nous demander : « Dois-je envoyer un message au congrĂšs ? » Comme j’avais rĂ©pondu oui, il fit : « Le problĂšme n’est pas lĂ . C’est que dire ? » Ce soir-lĂ , nous sommes convenus Dumas et moi que nous ne voterions pas la rĂ©solution finale et que nous nous abstiendrions lors de l’élection du premier secrĂ©taire.
Le matin du vendredi 22 octobre, j’arrivai en retard au Bourget, car des agents d’Air France en grĂšve bloquaient l’autoroute du Nord. Michel Rocard Ă©tait en train de prononcer le discours introductif. L’aprĂšs-midi fut consacrĂ© aux rĂ©unions des commissions. Roland Dumas avait tout de mĂȘme Ă©tĂ© choisi pour prĂ©sider celle sur l’Europe et l’international. AprĂšs le dĂźner, les signataires des trois motions et leurs amis se rĂ©unirent sĂ©parĂ©ment pour Ă©tablir les listes de leurs candidats au conseil national. La motion des grands courants avait recueilli un peu plus de 82 % des votes, celle de Poperen 11 % et la nĂŽtre 6,6 %. La journĂ©e du samedi fut celle des discours. Je rĂ©clamais une vĂ©ritable mise en perspective de notre action : ne nous contentons pas d’égrener les mesures Ă  prendre, mais fixons aussi un horizon Ă  notre pays. D’autre part, si nous avons beaucoup fait pour relancer l’activitĂ© lorsque nous gouvernions, il est temps maintenant de nous prĂ©occuper Ă©galement du pouvoir d’achat. J’annonçai enfin que nous ne ferions pas la synthĂšse avec les autres courants et que nous resterions extrĂȘmement vigilants sur les orientations du parti tout en dĂ©fendant son unitĂ©. Jean-Paul Huchon me succĂ©da. Il s’en prit aux « phrases assassines de Roland Dumas, de Louis Mermaz, de Jean Poperen » : « Y a-t-il eu sous le gouvernement de Michel Rocard des ministres heureux et des ministres malheureux ? » Ce ton polĂ©mique passa mal et la salle le conspua. Michel Rocard fut Ă©lu avec 75 % des voix, tandis que les amis de Jean Poperen ne participaient pas au vote et que les miens s’abstenaient. Il annonça alors qu’il conduirait la liste socialiste aux prochaines Ă©lections europĂ©ennes. Il y mettait une condition : qu’elle compte 50 % de femmes

RentrĂ© Ă  Vienne dĂšs le lundi, j’écoutai le soir François Mitterrand, invitĂ© de L’Heure de vĂ©ritĂ©. Il esquivait avec un art consommĂ© les questions de personnes. AprĂšs avoir reconnu Ă  Balladur la qualitĂ© d’honnĂȘte homme et Ă  Chirac celle de travailleur avec en plus le sens du service public, il dĂ©cochait cependant ce trait Ă  Michel Rocard en faisant observer qu’« il Ă©tait jadis sur une autre ligne politique que moi », comme si depuis le congrĂšs du Bourget il s’était rĂ©signĂ© Ă  rentrer dans le rang. Les derniers jours d’octobre furent consacrĂ©s Ă  d’ultimes nĂ©gociations pour la mise en place de la nouvelle direction de la fĂ©dĂ©ration de l’IsĂšre. Didier Migaud et Bernard Soulage se mirent d’accord pour prĂ©senter la candidature de l’ancien dĂ©putĂ© Yves Pillet, maire de Pont-en-Royans, au poste de premier secrĂ©taire. Migaud lui trouvait un avantage : il n’était pas rocardien, Soulage pensait qu’il Ă©tait trĂšs proche de lui. Je n’avais pas rĂ©ussi Ă  dĂ©cider AndrĂ© Vallini Ă  ĂȘtre candidat, bien que j’eusse rempli la condition qu’il m’avait fixĂ©e, ĂȘtre dĂ©signĂ© au conseil national, nouvelle dĂ©nomination du comitĂ© directeur depuis le congrĂšs de Bordeaux en juillet 1992.
Deux jours plus tard, j’assistai Ă  la premiĂšre rĂ©union du conseil au troisiĂšme sous-sol de l’AssemblĂ©e. Je pris place avec mes amis Ă  la gauche de la tribune. Les travĂ©es centrales Ă©taient occupĂ©es par les membres de la motion Refonder. Un membre de la nouvelle direction donna lecture de la composition du bureau. Sur cinquante-quatre siĂšges, notre motion en obtenait trois. Michel Rocard fit une brĂšve intervention. Il prĂ©cisa ses positions sur le partage du temps de travail, qui ne devrait pas se traduire par une diminution de salaire pour ceux qui gagnaient moins de 120 000 francs par mois. Il fit connaĂźtre ensuite les noms des nouveaux secrĂ©taires nationaux. Les jospinistes se taillaient la part du lion avec la gestion des fĂ©dĂ©rations, l’administration, la trĂ©sorerie et le poste de porte-parole. Lionel Jospin Ă©tait « chargĂ© de mission » auprĂšs du premier secrĂ©taire pour prĂ©parer des « Assises de la transformation sociale ». Les fabiusiens par contre Ă©taient marginalisĂ©s, n’obtenant que le secrĂ©tariat aux Ă©lections.
Prenant la parole aussitĂŽt aprĂšs Michel Rocard, je rappelai une nouvelle fois que notre rĂŽle n’était pas d’amĂ©liorer Ă  la marge certains projets du gouvernement, mais d’y opposer les nĂŽtres : « Ne nous laissons pas paralyser sous prĂ©texte que nous n’avons pas fait telle ou telle rĂ©forme ou que nous craindrions de ne pas les rĂ©aliser toutes Ă  l’avenir. Tranchons avec la politique de Balladur. Ayons conscience que le partage du temps de travail se traduira dans les circonstances actuelles par une extension du chĂŽmage partiel. Ne soyons pas complaisants sur le Gatt. Continuons de nous opposer Ă  l’unilatĂ©ralisme des États-Unis. »
Le dĂźner du dimanche 21 novembre rue de BiĂšvre fut bien sĂ»r l’occasion de revenir sur les derniĂšres pĂ©ripĂ©ties socialistes. Étaient prĂ©sents Danielle, Jean-Christophe, Christine Gouze-RĂ©nal, Roger Hanin, Louis Mexandeau et moi-mĂȘme. Le PrĂ©sident s’enquit avant que nous passions Ă  table de ma situation en IsĂšre et me taquina : « Alors, Migaud, comme ça, est contre vous ? » Puis il dĂ©plora la mollesse des rĂ©actions du parti sur la plupart des sujets d’actualitĂ©, mais aussi sur la demande de levĂ©e de l’immunitĂ© parlementaire de Tapie, mis en cause pour abus de biens sociaux dans une affaire qui l’opposait Ă  un associĂ©, Ă©galement dĂ©putĂ©. Seuls mes amis et moi-mĂȘme ainsi que les poperĂ©nistes nous Ă©tions prononcĂ©s contre au bureau du parti oĂč les autres s’étaient bornĂ©s Ă  recommander au groupe un simple refus de vote. Il me conseilla de garder de bonnes relations avec les fabiusiens et certains jospinistes. « Glavany s’est d’abord vu contester le poste de porte-parole que les rocardiens voulaient s’attribuer, remarqua Louis Mexandeau, Emmanuelli ne doit pas se sentir trĂšs bien lui non plus lĂ  oĂč il est. Ils lui ont refusĂ© le secrĂ©tariat aux entreprises. »
François Mitterrand aborda alors la question des prĂ©sidentielles et nous dit pour la premiĂšre fois : « Delors a laissĂ© passer l’occasion. Rocard veut Ă  tout prix ĂȘtre candidat. Il a 63 ans. C’est comme pour Chirac. C’est maintenant ou jamais. Quant au Parti socialiste, il va remonter par un effet mĂ©canique. »
Comme je faisais observer que Balladur vivait dans l’attente du moment oĂč Chirac dĂ©ciderait de l’abattre, il reprit : « À la mi-1994 il va bien falloir qu’ils se dĂ©terminent. Si c’est Chirac, Monory pourrait se prĂ©senter. C’est un grand Ă©lu, prĂ©sident du SĂ©nat. Barre peut y songer, Giscard n’ira pas, quand il aura le nez sur la dĂ©faite. Il y aura vingt et un ans qu’il a Ă©tĂ© Ă©lu. »
Roger Hanin dit imprudemment :
– Et puis Monory peut ĂȘtre prĂ©sident par intĂ©rim.
– Mais non, objecta avec vivacitĂ© Danielle Mitterrand. À moins qu’il arrive un accident Ă  François.
– Oui, rĂ©pliqua ce dernier. En cas d’accident, il serait dans la place, avec l’envie d’y rester.
La conversation bifurqua alors sur Jack Lang et ses comptes de campagne au lendemain des lĂ©gislatives : « Il tĂ©lĂ©phone tous les jours, dit Mitterrand. On n’y peut rien. Est-ce que le Conseil constitutionnel pardonnera s’il y a eu dĂ©passement ? Vraiment on n’y peut rien ! » Le Conseil ne « pardonna » rien et le dĂ©mit de son mandat au dĂ©but de l’annĂ©e suivante.
Puis comme souvent, lĂąchant la politique, il Ă©voqua Ă  la suite d’une lecture le procĂšs des templiers Ă  Vienne : « Ça a Ă©tĂ© atroce. ClĂ©ment V, le premier pape d’Avignon, Ă©tait aux ordres de Philippe le Bel. Ça a Ă©tĂ© affreux. Il y a eu des tortures. »
Ce soir-lĂ , François Mitterrand dit quelques mots de sa santĂ© : « J’ai eu ces jours-ci trĂšs mal au dos. » Et tournĂ© vers Annie : « Avec la crainte d’ĂȘtre paralysĂ©. Je fais face Ă  mes obligation...

Table des matiĂšres

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Dédicace
  5. Citation
  6. Sommaire
  7. Chapitre premier - Le « pÚre des enfants » 1931-1939
  8. Chapitre II - Juin 1940-août 1944
  9. Chapitre III - La France libérée
  10. Chapitre IV - Chroniqueur au Réveil normand
  11. Chapitre V - De nouveaux horizons
  12. Chapitre VI - Un été en Algérie (1952)
  13. Chapitre VII - La Sorbonne (1953-1954)
  14. Chapitre VIII - D’une guerre à l’autre (1954)
  15. Chapitre IX - Le nid de guĂȘpes de L’Aigle (1955)
  16. Chapitre X - L’honneur des rĂ©publicains
  17. Chapitre XI - L’indĂ©pendance de l’AlgĂ©rie
  18. Chapitre XII - L’an I de la Convention des institutions rĂ©publicaines (1963)
  19. Chapitre XIII - Annie
  20. Chapitre XIV - François Mitterrand candidat à la présidence de la République
  21. Chapitre XV - DĂ©putĂ© de l’IsĂšre
  22. Chapitre XVI - La chute et le rebond (1968-1971)
  23. Chapitre XVII - L’unitĂ© des socialistes (1971-1974)
  24. Chapitre XVIII - Du haut de la tour Montparnasse
  25. Chapitre XIX - La prĂ©sidence du conseil gĂ©nĂ©ral de l’IsĂšre
  26. Chapitre XX - Le 10 mai 1981
  27. Chapitre XXI - La prĂ©sidence de l’AssemblĂ©e nationale (1981-1986)
  28. Chapitre XXII - D’un continent à l’autre
  29. Chapitre XXIII - Fabius Premier ministre (1984-1986)
  30. Chapitre XXIV - La statue du commandeur (1986-1988)
  31. Chapitre XXV - « Le tour de Michel Rocard » (1988)
  32. Chapitre XXVI - L’échouage des socialistes à Rennes (1990)
  33. Chapitre XXVII - « L’agriculture, vraiment ? »
  34. Chapitre XXVIII - Cabourg : la mort de Frédéric
  35. Chapitre XXIX - Avocat des agriculteurs (1991-1992)
  36. Chapitre XXX - L’agriculture à l’heure de Maastricht
  37. Chapitre XXXI - Fabius hissĂ© à la tĂȘte du PS
  38. Chapitre XXXII - Pierre Bérégovoy à la peine
  39. Chapitre XXXIII - DĂ©fense et illustration de l’agriculture
  40. Chapitre XXXIV - Une victoire à l’arrachĂ©
  41. Chapitre XXXV - L’art de manier la langue de bois
  42. Chapitre XXXVI - À l’heure des soldes
  43. Chapitre XXXVII - Fin de partie
  44. Chapitre XXXVIII - Le testament de François Mitterrand
  45. Chapitre XXXIX - « Vous reviendrez ? – À Venise ? SĂ»rement ! »
  46. Chapitre XL - En attendant Godot
  47. Chapitre XLI - Delors ? Jospin ! (1995)
  48. Chapitre XLII - La rencontre de Plénée-Jugon
  49. Chapitre XLIII - La mort de François Mitterrand (8 janvier 1996)
  50. Chapitre XLIV - Les certitudes d’Alain JuppĂ© (1995-1997)
  51. Chapitre XLV - Lionel Jospin Premier ministre (1997-2001)
  52. Chapitre XLVI - La chute de Vienne (2001)
  53. Chapitre XLVII - Candidat aux élections sénatoriales (septembre 2001)
  54. Chapitre XLVIII - Le dernier combat (avril-mai 2002)
  55. Chapitre XLIX - Quand Sarkozy perçait sous Sarkozy
  56. Chapitre L - C’était avant

  57. Chapitre LI - La mort de Pierre (27 août 2003)
  58. Chapitre LII - Faire face
  59. Chapitre LIII - L’Europe en suspens
  60. Chapitre LIV - SégolÚne (2007)
  61. Chapitre LV - Le bal des fantasmes
  62. Chapitre LVI - Reims sans le sourire de l’ange (novembre 2008)
  63. Chapitre LVII - François Hollande, président (2012)
  64. Épilogue
  65. Crédits photographiques
  66. Cahier photos
  67. Du mĂȘme auteur