Cabanis, un idéologue
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Cabanis, un idéologue

De Mirabeau à Bonaparte

  1. 320 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Cabanis, un idéologue

De Mirabeau à Bonaparte

À propos de ce livre

Pierre-Jean-Georges Cabanis, médecin, physiologiste et philosophe d'origine corrézienne, est l'un des grands représentants du matérialisme de la fin du XVIIIe siècle. Pour ce continuateur de La Mettrie ou de Condillac : « vivre, c'est sentir ». Venu à Paris pour y faire ses études, il fit rapidement son chemin dans les cercles intellectuels, grâce notamment à Mme Helvétius. C'est dans son salon qu'il rencontra Turgot, Holbach ou encore Condorcet, qu'il se lia avec Destutt de Tracy et qu'il connut ceux qui l'engagèrent dans la Révolution.?Remarqué par Mirabeau, il en vécut avec passion les premiers mois. À côté de ses travaux sur la perception qui ont contribué à introduire la physiologie dans la psychologie et influencé aussi bien Schopenhauer et Maine de Biran que Stendhal, il fut aussi une figure politique. Retraçant le parcours de l'un des précurseurs de la neurophysiologie, le professeur Yves Pouliquen redonne vie à tout le bouillonnement intellectuel des derniers temps de la Révolution, qui inspira la politique du Consulat et de l'Empire. 

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2013
Imprimer l'ISBN
9782738128805
ISBN de l'eBook
9782738177650
XXIX
Les disciples de Cabanis
Nous avons évoqué les réactions qui avaient accompagné la publication des Rapports du physique et du moral, enthousiastes sous le Consulat encore imprégné de l’élan révolutionnaire, plus nuancées sous l’Empire et véritablement hostiles sous la Restauration. À distance de ses réactions à chaud sur des textes novateurs et provocateurs relativement aux idées reçues, il est intéressant de constater que l’œuvre de Cabanis a continué à inspirer, longtemps encore, philosophes et littérateurs. Il était en effet difficile pour ceux-ci d’ignorer l’incidence des états physiques sur le comportement mental des hommes, ceux que Cabanis avait proposés et dont les avancées scientifiques du XIXe siècle confirmaient peu à peu le bien-fondé. La libido chez Freud s’inscrivait directement à la suite des propos concernant le rôle de la sexualité dans le comportement des êtres et reprenait – peut-être à son insu – l’une des propositions les plus originales et hardies de Cabanis. Il n’est par ailleurs que de consulter les revues philosophiques du siècle pour y trouver des allusions, favorables ou défavorables, aux thèses de notre médecin-philosophe. Nous n’en retiendrons que quelques exemples car notre propos n’est pas de reprendre les nombreuses et passionnantes études qui ont été consacrées à son œuvre1.
Schopenhauer, par exemple, fut un attentif lecteur de Cabanis et les Rapports du physique et du moral, qu’il découvrit en 1828, furent l’une des sources principales de sa pensée. Il est probable toutefois qu’il n’eut pas connaissance, au moins dans l’immédiat, de la Lettre à Fauriel. Il ne cite en fait Cabanis qu’assez rarement dans son œuvre, une dizaine de fois, alors que Voltaire l’est quatre fois plus. Toutefois, il avouera qu’« en dehors de Kant, seuls Helvétius [qu’il citera souvent et dont le matérialisme l’a beaucoup marqué] et Cabanis ont eu ce rôle ». Entendant par là qu’« ils avaient fait époque dans sa vie2 ». N’écrira-t-il pas à son ami Frauenstaedt : « Oui, la philosophie a fait des progrès, mais non de manière à faire oublier Cabanis et Bichat. Je vous en prie, n’écrivez rien sur la philosophie sans avoir pris le suc et le sang de Cabanis et Bichat. » Cabanis avec ses Rapports et Bichat avec ses Recherches physiologistes sur la vie et la mort apportaient tous deux à Schopenhauer par leurs démonstrations physiologiques des confirmations empiriques à ses théories métaphysiques et à l’intuition qui les sous-tend. Le philosophe de Francfort trouve chez eux et particulièrement chez Cabanis les confirmations du principe dominant qu’il met en exergue, la volonté. Pour Édouard Sans3, « Cabanis, reprenant l’idée de Destutt de Tracy, explique ainsi dans son dixième mémoire que le moi réside exclusivement dans la volonté, et c’est par là qu’il a exercé une forte influence sur le spiritualisme volontariste de Maine de Biran autant que sur la philosophie de Schopenhauer : le moi s’identifie chez lui à la force agissante ». Schopenhauer apprécie la vision moniste du monde qu’a Cabanis, mais il loue surtout chez lui le physiologiste et son travail scientifique. Aussi a-t-il écarté délibérément sa réflexion « métaphysique » qui apparaît çà et là dans ses ouvrages et surtout dans sa Lettre à Fauriel. Il n’a en réalité voulu retenir que la démarche scientifique, voire technique du Français et pense malgré tout que le dernier mot revient plutôt à la philosophie qu’à la physiologie. « En réalité, si Schopenhauer doit toute la partie subjective de sa philosophie à Kant et à Fichtre, c’est à Cabanis et à Bichat qu’il en doit la partie objective4. » « Ma métaphysique s’affirme donc comme étant la seule à posséder, dira-t-il, une frontière véritablement commune avec les sciences physiques5. » Moniste Schopenhauer ? Comme Helvétius, comme Cabanis, les matérialistes, mais cherchant chez ce dernier comme chez Bichat à prouver que les résultats des sciences de son temps apportent de fermes confirmations à sa métaphysique6. Position qui le rend solidaire des physiologistes et des hommes de science, et qui permet à Jean-Charles Banvoy de proposer presque deux siècles plus tard ce titre à sa thèse : Schopenhauer et l’inconscient neurocognitif : le dépassement du cognitivisme7, se demandant si le philosophe n’avait pas anticipé, en s’appuyant sur la physiologie de Cabanis, la critique de ce cognitivisme8 par des neuroscientifiques tels que Damasio, Edelman ou Ramachandran, mais aussi, par ailleurs, si l’on ne trouve pas dans Schopenhauer un modèle pour penser l’inconscient cérébral ou neurocognitif. Cette interrogation prolonge avec brio l’intuition première de Cabanis, à laquelle les neurosciences et la neuropsychologie apportent une indéniable confirmation.
Tout spécialement intéressé par les relations de l’être et de son milieu, Auguste Comte lui-même consulta de près l’œuvre de Cabanis, qu’il situait dans le sillage de Buffon. « Sa conceptualisation de la sensibilité interne est à l’image de tout le travail de Comte sur la sensibilité en général. Elle croise trois références principales : Cabanis, Blainville et Gall9. » Toutefois, si ces philosophes, parmi d’autres avaient abordé avec intérêt l’œuvre de celui qui avait teinté la médecine de leur discipline, les écrivains eux-mêmes, et c’est peut-être moins évident ne restèrent pas indifférents à l’œuvre de Cabanis.
N’est-il pas surprenant de découvrir chez l’érudit Jules Barbey d’Aurevilly une allusion à notre médecin philosophe dans ses Diaboliques, dont le modèle du docteur Torty n’était autre que son parent le docteur Jean-Louis Pontas du Meril, vieux libéral de Valognes : « Athée, il a la plaisanterie sacrilège et prône comme Cabanis en matière de philosophie un matérialisme absolu10. » Nous avons un exemple beaucoup plus singulier avec Stendhal. Lorsqu’on consulte ses écrits intimes, on est étonné d’y trouver de très nombreuses évocations de l’œuvre de notre médecin-philosophe mais peut-être plus encore de Tracy son élève avec lequel il entretint des contacts étroits et par là même avec l’Idéologie.
À croire Stendhal, il aurait fait la connaissance de l’œuvre de Cabanis très tôt. Évoquant sa démission de l’armée, il rapporte dans La Vie d’Henry Brulard que les Rapports du physique et du moral avait été sa bible à 16 ans. Ce dont s’étonne Victor del Litto11, car il ne put le lire avant l’édition de 1805. C’est surtout, alors qu’il prépare une comédie (Les Médecins), qu’il s’attache à en faire une lecture attentive. Nous le retrouvons méticuleux lecteur des Rapports bien sûr, mais aussi de Coup d’œil sur les révolutions et les réformes de la médecine, du Degré de certitude de la médecine et du Journal de la mort de Mirabeau, dont il veut tirer quelques vérités claires sur la pratique de la médecine. Il veut « passer en revue toutes les classes de médecins depuis Cabanis jusqu’à ceux qui distribuent des affiches sur le Pont-Neuf12 ». Il complétera par les textes de Pierre Roussel, un ami intime de Cabanis, la collecte de ses informations. Il en tire essentiellement des idées sur le caractère de l’homme, « le plus curieux des objets d’histoire naturelle », dira-t-il. Il s’intéressait aussi au magnétisme, au « contagionisme » et à la vaccination, des curiosités d’alors.
Quand il aura compris plus tard tout l’intérêt d’un Cabanis auquel il reprochait de « faire des phrases », il dira de lui que, s’il constatait que toutes ses observations n’étaient pas originales, il ne pouvait nier qu’il ne les ait reproduites avec une élégance et une pureté de style qui lui étaient tout à fait propres. Il en fera l’un de ceux qui, pour lui, « ont fondé la science de l’homme », tout en gardant à Maine de Biran l’avantage de lui permettre de mieux pénétrer le mécanisme propre des passions.
Mais les rapports les plus intimes de Stendhal avec Cabanis se situent, d’abord avec lui-même. Dans La Vie de Henry Brulard ne dit-il pas « je passe, je crois pour l’homme le plus gai et le plus insensible. Il est vrai que je n’ai jamais dit un seul mot des femmes que j’aimais. J’ai éprouvé absolument à cet égard tous les symptômes du tempérament mélancolique décrit par Cabanis. […] Par pudeur de tempérament mélancolique [de Cabanis] j’ai toujours été à cet égard d’une discrétion incroyable, folle », une discrétion « parfaite » qu’il lie encore au « tempérament mélancolique de Cabanis ». Une idée fixe mais qui traduit sans doute chez lui une bonne part de ses difficultés de vivre.
En fait, sa lecture du médecin-philosophe se trouve directement appliquée à lui-même alors qu’à 22 ans (en 1805), il s’inquiète des raisons de son instabilité de caractère, de son embarras, de sa timidité face aux interlocuteurs du monde parisien qu’il découvre et surtout aux femmes. Et aussi dans sa position face aux autres, au peuple qu’il côtoie et dont il veut comprendre pourquoi il en éprouve tant de contrariété : « J’emprunterai pour un instant la langue de Cabanis. J’ai la peau beaucoup trop fine, une peau de femme (plus tard, j’avais toujours des ampoules après avoir tenu mon sabre pendant une heure). Je m’écorche les doigts que j’ai fort bien pour un rien, en un mot la superficie de mon corps est de femme et de là peut-être une horreur insurmontable pour ce qui a l’air sale ou humide, ou noirâtre. Beaucoup de ces choses se trouvant aux jacobins de Saint-André13. » On ne peut tirer de ces lignes qu’une lecture fort interprétative de Cabanis tentant de rendre la délicatesse de sa peau comparable à celle d’une femme et d’en étendre la signification jusqu’à la répulsion qu’il éprouve réellement pour la saleté, et en une manifestation de caractère obsessionnel réel.
Cabanis l’invite par ailleurs à comprendre ce qu’est l’amour, car « comme l’entend Cabanis, l’amour formait le grand mobile de mon caractère14 ». Il tente d’en comprendre les nombreuses traductions : « Les hommes ont des passions différentes. L’amour senti par Croizet [son ami] n’est point le même que l’amour senti par Beyle, écrit-il. C’est tout simple : ils ne peuvent voir les mêmes objets, puisque ces objets leur font des impressions différentes et qu’ils mettent leur bonheur dans des états différents de l’âme et du corps, ou pour mieux dire du dernier, corps étant pris dans le sens de Cabanis. » La leçon ici est plus évidente et parfaitement comprise. Il avoue enfin : « Je commence à comprendre mon caractère et toutes les nuances qu’il entretient dans la détermination de ses attitudes : se guérir de l’enthousiasme pour le bonheur qu’on n’a pas. Se rappeler que dans celui dont on jouit après les premiers moments, on le désirera moins vivement et on en vient à satisfaire les autres passions […]. Trouver un emploi du temps utile. Pour les moments où l’on se sent sans énergie, dégoûté qu’on s’ennuie. L’étude des faits peut être l’étude de l’art de conduire son esprit à la vérité. » Il fait appel à Tracy, Biran, Cabanis, Hobbes. Le 23 juillet 1813, Stendhal note encore dans son journal, alors qu’il est en poste à Sagan : « Je pense que nous étions trop sévères avec Cabanis. Il fallait voir dans son livre des observations et non des assertions. Peut-on nier à un astronome qu’une comète par lui observée a fait un mouvement ? Il dit l’avoir vue. La cause du mouvement, il l’ignore. Cabanis ne prouve point qu’un homme à teint jaune ait nécessairement le caractère moral bilieux. Il dit simplement qu’il l’a vu. C’est à nous de regarder si nous voulons. » Quelques semaines plus tard, il note dans une dernière allusion à Cabanis : « La chose qui me manquera le plus tôt quand je vieillirai ce sera la mémoire15....

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Sommaire
  5. I - Un si calme petit cimetière
  6. II - Un rendez-vous posthume
  7. III - Une heureuse rencontre
  8. IV - Poète ou médecin
  9. V - À moi Paris !
  10. VI - Une très aimante hôtesse
  11. VII - Benjamin Franklin et les autres
  12. VIII - Médecin certes mais aussi philosophe
  13. IX - Une conception nouvelle de la médecine
  14. X - La tentation politique
  15. XI - Versailles et Mirabeau
  16. XII - Auteuil, Cabanis et la Révolution
  17. XIII - Des temps difficiles
  18. XIV - Cabanis concubin
  19. XV - Enfin l’espoir d’agir
  20. XVI - Le second cercle d’Auteuil
  21. XVII - Les Idéologues en action
  22. XVIII - Les Idéologues et Bonaparte
  23. XIX - Et ce fut Brumaire
  24. XX - Cabanis sénateur
  25. XXI - La mort d’ Anne-Catherine Helvétius
  26. XXII - Entre Auteuil et la campagne
  27. XXIII - Le temps des complots
  28. XXIV - Cabanis soucieux de son œuvre
  29. XXV - La lettre à Fauriel
  30. XXVI - Auteuil en partage
  31. XXVII - Les Idéologues après Cabanis
  32. XXVIII - Les raisons d’une éclipse
  33. XXIX - Les disciples de Cabanis
  34. Épilogue
  35. Bibliographie
  36. Remerciements
  37. Du même auteur chez Odile Jacob