Le Fil de la vie
eBook - ePub

Le Fil de la vie

La face immatérielle du vivant

  1. 240 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub

Le Fil de la vie

La face immatérielle du vivant

À propos de ce livre

Et si certaines entités vivantes n'étaient pas matérielles ? Potentiellement éternelles, en lutte pour la survie, elles évoluent. Elles constituent ce qui unit les êtres à travers le temps. Elles sont le fil de la vie. Ces entités vivantes immatérielles sont des informations. Elles existent à travers nous, dans nos gènes, dans notre culture, dans nos écosystèmes. La vie produit l'information, lit l'information et se définit par l'information qu'elle porte. Ce livre nous aide à comprendre le monde vivant d'une manière toute nouvelle ! Il est le résultat de discussions passionnées entre trois chercheurs qui, chacun à sa manière, étaient parvenus au même questionnement à propos de la nature. Ils nous proposent une nouvelle description du vivant, où la lutte pour l'existence n'est pas celle des êtres, mais des messages qui passent à travers eux et dont ils sont les hôtes éphémères. Jean-Louis Dessalles est maître de conférences à l'université Paris-Saclay. Cédric Gaucherel est chargé de recherche à l'Institut national de la recherche agronomique (Inra). Pierre-Henri Gouyon est professeur au Muséum national d'histoire naturelle, membre de l'Académie européenne des sciences. 

Foire aux questions

Oui, vous pouvez résilier à tout moment à partir de l'onglet Abonnement dans les paramètres de votre compte sur le site Web de Perlego. Votre abonnement restera actif jusqu'à la fin de votre période de facturation actuelle. Découvrez comment résilier votre abonnement.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptés aux mobiles peuvent être téléchargés via l'application. La plupart de nos PDF sont également disponibles en téléchargement et les autres seront téléchargeables très prochainement. Découvrez-en plus ici.
Perlego propose deux forfaits: Essentiel et Intégral
  • Essentiel est idéal pour les apprenants et professionnels qui aiment explorer un large éventail de sujets. Accédez à la Bibliothèque Essentielle avec plus de 800 000 titres fiables et best-sellers en business, développement personnel et sciences humaines. Comprend un temps de lecture illimité et une voix standard pour la fonction Écouter.
  • Intégral: Parfait pour les apprenants avancés et les chercheurs qui ont besoin d’un accès complet et sans restriction. Débloquez plus de 1,4 million de livres dans des centaines de sujets, y compris des titres académiques et spécialisés. Le forfait Intégral inclut également des fonctionnalités avancées comme la fonctionnalité Écouter Premium et Research Assistant.
Les deux forfaits sont disponibles avec des cycles de facturation mensuelle, de 4 mois ou annuelle.
Nous sommes un service d'abonnement à des ouvrages universitaires en ligne, où vous pouvez accéder à toute une bibliothèque pour un prix inférieur à celui d'un seul livre par mois. Avec plus d'un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu'il vous faut ! Découvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l'écouter. L'outil Écouter lit le texte à haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l'accélérer ou le ralentir. Découvrez-en plus ici.
Oui ! Vous pouvez utiliser l’application Perlego sur appareils iOS et Android pour lire à tout moment, n’importe où — même hors ligne. Parfait pour les trajets ou quand vous êtes en déplacement.
Veuillez noter que nous ne pouvons pas prendre en charge les appareils fonctionnant sous iOS 13 ou Android 7 ou versions antérieures. En savoir plus sur l’utilisation de l’application.
Oui, vous pouvez accéder à Le Fil de la vie par Jean-Louis Dessalles,Cédric Gaucherel,Pierre-Henri Gouyon en format PDF et/ou ePUB ainsi qu'à d'autres livres populaires dans Sciences biologiques et Évolution. Nous disposons de plus d'un million d'ouvrages à découvrir dans notre catalogue.

Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2016
Imprimer l'ISBN
9782738133953

CHAPITRE 1

Un fil d’Ariane pour comprendre la nature


Il est tentant de décrire la nature qui nous entoure en partant des objets qui la composent. Cela se comprend, car notre esprit est prédisposé à percevoir des objets et à les classer. Nous voyons des rivières, des animaux, des étoiles. Grâce à nos appareils, nous « voyons » des électrons, des molécules d’ADN, des orbites planétaires. Ce livre propose aux lecteurs de chausser de tout autres lunettes. La plupart des objets que la nature nous donne à voir ont une histoire et dépendent de cette histoire. Ils ont hérité de quelque chose qui affecte leur existence. Ce quelque chose constitue le fil de la vie. De quoi est-il fait ? De rien. De rien de matériel. Il est comme une information. L’information est portée par la matière, mais elle dépend peu de la matière qui la porte. L’information perdure quand les objets passent ou se transforment. Analyser le monde en termes d’information plutôt qu’en termes d’objets, c’est regarder au-delà des apparences. C’est aussi prendre du recul. Avec ces nouvelles lunettes, les objets de la nature ne se contentent pas d’être là. Ils sont en train d’envoyer des messages, parfois vers d’autres objets du présent, mais aussi vers des objets qui n’existent pas encore. Tout se passe comme si la nature, vue de cette manière, se « parlait » à elle-même. Et décrypter le fil de ses conversations est une tâche scientifique tout aussi importante que décrire les entités qui la constituent.

Deux manières de regarder le vivant

Chacun a pu observer le comportement d’un chat qui aperçoit une souris. L’animal se baisse sur ses pattes, puis saute et capture le rongeur. Comment décrire la scène d’un point de vue scientifique ? Il est possible de déterminer le tracé des rayons lumineux qui rebondissent sur la souris pour atteindre les rétines du chat. Là, des phénomènes quantiques modifient la conformation d’un pigment, la rhodopsine, contenu dans les cellules photoréceptrices. L’activité des neurones rétiniens se modifie en conséquence, ce qui est détecté par d’autres neurones, d’abord dans la rétine elle-même, puis dans des structures sous-corticales, puis à l’arrière du cortex du chat. On peut continuer à décrire la propagation des influx à travers le cortex, jusqu’aux neurones qui vont déclencher la réponse motrice de l’animal.
Une telle description, si tant est qu’on puisse la mener de bout en bout, est parfaite. Mais « explique »-t-elle la réaction du chat ? Cela dépend de la question posée. Si le scientifique veut comprendre pourquoi la réaction de capture se déclenche à la vue d’une souris (quelconque), alors une description en termes moléculaires ou en termes de neurones individuels, bien que parfaitement causale, est de peu d’utilité. Savoir que les rayons lumineux ont été réfléchis d’une certaine manière sur la surface de la souris, que les neurones se sont déclenchés différemment, que par conséquent l’influx nerveux a pris un chemin particulier pour déclencher certaines fibres musculaires est certainement correct, mais non pertinent.
Le sens commun suggère que, dans cette situation, le chat a reconnu une souris. Une telle description fait une hypothèse simplificatrice. Le processus qui va de la rétine au muscle inclut une opération de lecture, c’est-à-dire de détection. Dans le cas du cerveau du chat, cette détection est due à l’activité conjointe de centaines de milliers de neurones à un moment donné (probablement liée à un phénomène de synchronisation neuronale1*1). Pour pouvoir parler de lecture ou de détection, il faut qu’à un certain niveau de traitement, une population de neurones soit activée par la vue de la souris ; il faut que cette population de neurones soit la même que celle qui serait activée à la vue d’une autre souris dans d’autres conditions ; il faut enfin que l’activation de cet ensemble neuronal entraîne la réponse comportementale (la capture de la souris). Si ces conditions sont remplies, alors il est permis de parler d’information : la présence de la souris constitue une information pour le chat. Celui-ci réagit sur la base de cette information.
L’opération de détection et la simplification qu’elle introduit sont à la base de la notion d’information. Une information n’existe que si elle peut être « lue ». La souris de notre exemple représente une information, car elle est lue, détectée, par le cerveau du chat. Cette lecture, cette détection, simplifie la situation en en ignorant les détails non pertinents. Décrire la nature en termes informationnels, c’est rechercher les situations dans lesquelles des dispositifs naturels réalisent des opérations de détection. Il s’agit d’une vision simplificatrice, oui, mais c’est le prix à payer pour rendre la nature scientifiquement intelligible lorsque l’on prend du recul. La réaction du chat est certes due à l’activation de tel et tel neurone, mais vue de plus loin, la réaction du chat est due à une information : la présence d’une souris.
Parler ici d’information plutôt que de neurones présente un risque apparent : le risque de quitter le monde du matériel, celui où l’on peut « toucher » les entités que sont les neurones, la rhodopsine, les influx électriques le long des axones. C’est vrai. Une description de type informationnel, bien que matérialiste (toute information s’inscrit sur un support matériel), est elle-même dématérialisée. Il s’agit ici de franchir le même pas pour les sciences du vivant que celui qu’Isaac Newton franchit en parlant de forces agissant à distance, indépendamment de tout contact physique. Si nous acceptons le fait que les orbites planétaires puissent dépendre d’une influence immatérielle, la gravitation, sommes-nous prêts à dire que la vie dépend d’un substrat immatériel, l’information ?
Bien entendu, la description informationnelle ne se substitue pas aux descriptions physicalistes qui se limitent à décrire les entités matérielles. Elle en est complémentaire. La description informationnelle s’impose lorsque le détail des processus physiques (par exemple les processus moléculaires ou neuronaux dans le cerveau du chat) n’a pas d’influence sur l’avenir (comportement de capture de la souris). Le caractère « tout-ou-rien » des opérations de détection entraîne la perte de ces détails. Le système bascule dans un nouvel état (présence d’une souris), et cette information suffit à prédire ce qui va se passer ensuite.
Lorsque la question est posée dans des termes qui sont déjà abstraits, la description informationnelle est là encore la seule qui soit pertinente. Un informaticien qui cherche à comprendre le comportement erroné de son ordinateur recherche une erreur dans le programme qu’il est en train de mettre au point. Il considérerait une description en termes de transferts d’électrons à travers des circuits et des transistors comme dénuée de pertinence, même si elle fournit une description causale correcte du comportement de la machine. Les outils conceptuels des scientifiques ne leur permettent pas de fonder leurs théories en prenant en compte tous les détails de tous les processus physiques qui se déroulent sous leurs yeux. Ils introduisent des simplifications et demandent des explications qui s’expriment dans les termes de ces simplifications. Le programmeur considère le comportement de l’ordinateur en termes logiques et non en termes d’électrons. De même, le scientifique regarde la nature à partir des phénomènes qu’il peut y détecter, qu’il peut y lire, sans embrasser la complexité de tous les processus qui s’y déroulent.
Mais pourquoi la nature se plierait-elle au souhait de simplification de ses observateurs humains ? Contrairement à l’ordinateur, nous ne l’avons pas construite. Si la nature s’offre ainsi à une lecture informationnelle, c’est qu’elle utilise elle-même les vertus de la simplification. Comme le cerveau du chat de notre exemple, certains dispositifs de la nature sont capables de lire des structures, en ignorant la plupart des détails avec lesquels ces structures se sont présentées. Nous le vérifierons à tous les niveaux : celui de la biologie moléculaire, celui de la communication entre êtres vivants et celui de l’écologie. Chaque fois, nous déciderons qu’une structure est porteuse d’information dès lors qu’elle est détectée, ou « lue », par un dispositif naturel. C’est la lecture qui crée l’information.
La simplification inhérente à une description informationnelle de la nature présente un avantage essentiel : celui du temps long. Une description purement physicaliste, attachée à décrire tous les phénomènes matériels, est liée au temps physique de ces phénomènes : le temps qu’il faut à la rhodopsine de la rétine pour changer de conformation, ou le temps qu’il faut pour qu’un neurone en active un autre. L’information, elle, n’est pas astreinte au temps physique. Elle possède même la propriété remarquable de subsister au-delà des entités matérielles qui la portent. Ce qui compte, c’est la configuration des entités matérielles, non les entités elles-mêmes. C’est la configuration qui est détectée, c’est elle qui est porteuse d’information. L’information parvient ainsi à être relativement pérenne. Dans certains cas même, elle est « sélectionnée » pour sa capacité à se maintenir lorsque le détail des conditions varie. Cette traversée du temps constituera pour nous un indice important de la présence sous-jacente d’une information. Dans la lecture de la nature que nous proposons, l’information est ce qui traverse le temps, au-delà des phénomènes matériels qui la portent. Elle constitue le fil de la vie.
Nous allons commencer dans ce chapitre par examiner quelques exemples intuitifs dans lesquels une autre logique se révèle dès lors que l’on adopte la grille de lecture informationnelle. Le chapitre suivant nous permettra de préciser des notions comme le « message » ou la « lecture » de l’information dans la nature. Ce n’est qu’ensuite, au chapitre 3, que nous reviendrons de manière plus précise sur ce qu’est l’information.

Le loup, la bactérie et le toréador

En 1995, après bien des hésitations, la justice nord-américaine autorise la réintroduction du loup dans le parc de Yellowstone. Il faut dire que son éradication au début du XXe siècle avait conduit à des conséquences inattendues, parfois non désirées. Par exemple, les petits oiseaux comme la paruline jaune ou la moucherolle des saules avaient vu leurs effectifs fondre. Quel rapport entre le loup et ces oiseaux ? En quoi la paruline jaune a-t-elle besoin du loup pour prospérer ? Il faut savoir qu’en l’absence du loup, la population d’élans avait explosé, car leurs jeunes n’étaient plus exposés au risque de prédation2. Or les élans se nourrissent des pousses de tremble, de saule et de peuplier, autant d’arbres où les petits oiseaux peuvent nicher. Plus de loup, trop d’élans, moins de trembles et, par conséquent, moins de parulines jaunes. Toutefois, remédier à la raréfaction des arbres et des oiseaux n’était pas la première motivation pour la réintroduction du loup. La population de coyotes, en l’absence de concurrence, pullulait. Cela n’avait pas de conséquence sur les élans, proies trop grosses pour les coyotes, mais les renards en payaient le prix, car ils étaient en concurrence avec les coyotes pour la consommation des petits rongeurs. Même les grizzlis avaient à pâtir de la disparition des loups, dont ils profitaient de la chasse en exerçant leur droit de préemption. Plus de loups, plus de repas gratuits. Même chose pour les grands corbeaux, les aigles ou les pies qui profitaient de manière opportuniste des reliefs des repas des loups. Sans parler des antilopes d’Amérique, qui avaient plus à souffrir de l’omniprésence des coyotes que de celle des loups.
Le dernier loup avait été abattu en 1926. En 1995, après plusieurs décennies d’hésitation, le loup est activement réintroduit à Yellowstone. Plus de 60 individus furent importés. En 2011, on en dénombrait quelque 1 700. Chose remarquable, toutes les tendances observées au cours des décennies précédentes se sont inversées : moins d’élans, davantage de peupliers et de saules, davantage de parulines jaunes, moins de coyotes, plus de renards. Même les castors, qui utilisent les saules pour leurs barrages, ont retrouvé leurs effectifs d’antan dans la partie nord du parc, là où la densité de loups est la plus élevée.
Cet exemple de restauration écologique apparemment réussie illustre deux propriétés importantes des écosystèmes. La première est l’enchevêtrement complexe des relations trophiques (qui-mange-qui) au sein de la communauté des populations. Le réseau trophique implique également les bactéries et les insectes (par exemple ceux qui se nourrissent des charognes laissées par les loups ou qui dégradent les troncs des vieux saules). La seconde propriété illustrée par l’exemple du loup de Yellowstone est qu’un écosystème est doté d’une forme de permanence. La résilience du système, capable dans ce cas de recouvrer un état antérieur, démontre que le Yellowstone des années 2000 a reçu un héritage du Yellowstone des années 1900. Certes, certains arbres ont pu perdurer tout ce temps, mais aucun animal n’a traversé autant de décennies. Les individus ont remplacé leurs parents. L’éradication du loup a tellement bouleversé les équilibres que la physionomie du parc en était changée : des élans y pullulaient, les arbres se raréfiaient. Pourtant, ces changements étaient réversibles, ce qui laisse supposer qu’au niveau de l’écosystème une structure a perduré. L’observateur écologue reconnaît l’état historique du réseau trophique dans le nouvel état que le réseau atteint après la réintroduction. Le fait que cette configuration a pu être recouvrée révèle qu’elle a été conservée dans la structure du réseau trophique. Si cet exemple de la résilience du parc de Yellowstone est souvent cité, c’est parce qu’il illustre de manière particulièrement visible le fait qu’un écosystème possède des composantes structurelles, comme le réseau trophique, qui subsistent bien au-delà des entités concernées (ici, les individus en relation de prédation). L’information que l’écologue lit dans le réseau trophique devient ainsi tangible, même pour l’observateur naïf.
L’his...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Avant-propos
  5. CHAPITRE 1 - Un fil d’Ariane pour comprendre la nature
  6. CHAPITRE 2 - Comment faire le lien ?
  7. CHAPITRE 3 - Démêlés avec l’information
  8. CHAPITRE 4 - Un écheveau de 3 milliards d’années
  9. CHAPITRE 5 - Une corde à l’épreuve du temps
  10. CHAPITRE 6 - Le fil du discours de la nature
  11. Conclusion
  12. Index thématique
  13. Index des noms d’auteurs
  14. Remerciements
  15. Table