
- 224 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
La Science voilée
À propos de ce livre
Physicienne reconnue et personnalité politique de premier plan en Tunisie, Faouzia Farida Charfi offre avec ce livre un vibrant plaidoyer pour la science et l'autonomie de la pensée. Puisant dans l'actualité récente mais aussi dans l'histoire, elle retrace ici les relations entretenues par l'islam et la science. Des relations qui, après un véritable âge d'or des sciences arabes et la période réformiste du XIXe siècle, sont désormais marquées du sceau de l'ambiguïté : oscillant entre le rejet et la fascination, les islamistes se livrent aujourd'hui à des tentatives pour concilier les théories scientifiques et le Coran, dénaturant ainsi et la science et l'islam sous prétexte de modernité. Faouzia Farida Charfi analyse aussi le créationnisme pour dénoncer l'alliance objective des fondamentalismes – anglo-saxons ou musulmans – et le sort qu'ils réservent aux femmes. Elle rappelle enfin qu'on peut les combattre et ouvre quelques pistes en ce sens. Un appel pour que la Tunisie se donne les moyens de son avenir. Faouzia Farida Charfi est physicienne et professeur à l'Université de Tunis. Militante de la première heure, dès la présidence de Habib Bourguiba, elle a été nommée secrétaire d'État à l'Enseignement supérieur dans le gouvernement provisoire issu de la révolution du 14 janvier 2011. Elle en a démissionné peu après pour reprendre sa liberté de parole et d'action.
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Informations
Chapitre 1
De l’astrolabe à la lunette de Galilée
Les causes du retard du monde arabe sont multiples. Mon propos est d’en analyser l’un des aspects : l’attitude face à la science. La science actuelle dans toutes ses composantes, fondements et développements technologiques, est perçue par certains comme le vecteur d’un Occident triomphant et dominateur dont il faut se préserver et face auquel il faut affirmer son « identité culturelle », c’est-à-dire d’abord religieuse. Ce discours est nourri par la nostalgie de l’âge d’or de la civilisation musulmane. On se réfère avec raison à Bagdad au IXe siècle avec le rayonnement de la fameuse Beit al-Hikma, la Maison de la sagesse, ainsi qu’à l’apport des mathématiques arabes, en particulier, l’invention de l’algèbre (al jabr). Mais, on magnifie le passé sans le connaître réellement, en ignorant la portée des recherches effectuées, la multiplicité des foyers culturels et la longue période au cours de laquelle l’activité scientifique et philosophique s’est distinguée dans le monde musulman. Finalement, ceux qui veulent vivre le présent, en refusant le monde moderne et en s’accrochant au passé, ne donnent même pas à la science arabe son véritable apport à la connaissance universelle. Ils la minimisent comme l’ont fait ou continuent à le faire ceux-là mêmes auxquels ils s’attaquent.
Il est important de restituer à la science arabe, c’est-à-dire la science écrite en arabe, sa place véritable dans l’histoire de la science. Jusqu’aux années 1950, elle restait peu connue des non-spécialistes ou volontairement dévalorisée mais, désormais, elle est appréhendée de manière bien plus rigoureuse22. Tout d’abord, la science arabe a porté ses fruits jusqu’au XVe siècle, se déployant sur de vastes territoires, dans de multiples foyers culturels parmi lesquels Bagdad, Damas, Le Caire, Grenade, Cordoue, Samarkand, Boukhara, Chiraz, Ispahan. L’intensité des échanges scientifiques était remarquable, les savants de cultures différentes voyageaient d’une ville à l’autre, s’installant dans les contrées les plus attractives culturellement et communiquant entre eux par de nombreuses correspondances, instruments de collaboration et de diffusion de la recherche.
D’autre part, les recherches ont permis de remettre en cause la doctrine de l’occidentalité de la science classique, doctrine faisant de la science arabe « un conservatoire de la science hellène, une science hellène tardive » et défigurant « les résultats de la science hellène aussi bien que ceux du XVIIe siècle, distorsion nécessaire si l’on veut joindre les deux bouts de la chaîne dans une histoire continue23 ». La science arabe n’a pas été qu’un simple transmetteur de la science et de la philosophie grecque au monde occidental, elle a aussi initié de nouveaux champs, réactivant et transformant cet héritage, mettant en œuvre une rationalité scientifique et concevant l’expérimentation comme modèle de preuve en physique. Pour appuyer cette vision, quelques éléments sur l’histoire de l’astronomie et un rapide aperçu sur la naissance de l’optique sont ici présentés.
La science arabe a porté ses fruits jusqu’au XVe siècle, mais elle a quitté la scène au cours des siècles suivants, marqués par les grandes révolutions scientifiques dont celle de Copernic. Le nouveau système du monde proposé était en rupture totale avec celui qui plaçait la Terre, immobile, en son centre. Ceux qui l’ont défendu ont subi l’Inquisition, Giordano Bruno fut brûlé vif sur le bûcher du Campo dei Fori à Rome le 17 février 1600 et Galilée comparut devant un tribunal religieux en 1633. Dans son ouvrage L’Infini, l’Univers et les Mondes où il présentait sa vision du monde, Bruno proposait de « contempler la nature les yeux ouverts », rappelant ce qu’écrivait, il y a plus de deux mille ans, Lucrèce, poète et philosophe latin, disciple du grec Démocrite :
Toi, cesse donc, sous prétexte que la nouveauté te fait peur, de rejeter mon système ; mais n’en aiguise que mieux ton jugement, pèse mes idées ; si elles te semblent vraies, rends-toi ; ou bien si tu n’y vois que mensonge, arme-toi pour les combattre. Ce que l’esprit recherche dans l’espace infini qui s’étend au-delà des limites de notre monde, c’est ce qu’il peut bien y avoir dans cette immensité que l’intelligence scrute à son gré, et vers laquelle s’envole la pensée, libre d’entraves24…
Ptolémée et l’astronomie arabe
Pendant sept siècles, les musulmans ont brillé dans toutes les disciplines scientifiques : mathématiques, astronomie, optique, alchimie, sciences de la vie ou géographie. Le premier foyer de recherches scientifiques apparaît à Bagdad, sous le règne d’Al-Ma’mun qui dura vingt années de 813 à 833. Beit al-Hikma, la Maison de la sagesse, fondée par Harun al-Rachid, père d’Al-Ma’mun, fonctionnait au départ comme la bibliothèque du calife. Elle devint rapidement un lieu d’échanges culturels très riches. Le travail considérable de traductions qui y fut accompli permit à un grand nombre de savants d’accéder aux textes anciens. L’historien des sciences Roshdi Rashed résume en quelques phrases la pertinence du qualificatif arabe dans la civilisation islamique :
À partir du IXe siècle, la science avait l’arabe pour langue, et celle-ci a pris, à son tour, une dimension universelle : ce n’est plus la langue d’un peuple, mais celle de plusieurs ; ce n’est plus la langue d’une culture, mais celle de tous les savoirs. Ainsi s’ouvrent des voies qui n’existaient point, et qui rendent aisée la communication immédiate entre les centres scientifiques dispersés de l’Asie centrale à l’Andalousie, et les échanges entre les savants25.
Le travail de traduction vers l’arabe fut remarquable par la qualité et la quantité des sources. Il correspondait aux besoins des savants, à leurs recherches en cours de réalisation et s’inscrivait dans une dynamique de construction intellectuelle qui s’enrichissait des apports antérieurs. Ainsi, l’appropriation de l’héritage grec s’est faite « par le biais de traductions qui ne furent en aucun cas passives, mais bien critiques et novatrices », intégrant « ces écrits anciens dans de nouvelles traditions conceptuelles et techniques, aboutissant à une réactivation et à une transformation de cet héritage26 ».
Lorsque naît la science arabe, les œuvres de référence en matière d’astronomie sont celles du savant grec Claude Ptolémée (milieu du IIe siècle après J.-C.) dont son fameux ouvrage, l’AlmagesteI ou Grande composition mathématique. Il est traduit en arabe pour la première fois autour de 827-828 sur l’ordre d’Al-Ma’mun. Cette traduction supposait que le lecteur connaisse la langue grecque, car le vocabulaire arabe utilisé restait flou, et la structure de phrase, issue de la langue grecque originale, était conservée dans la plupart des cas. En 892, une autre traduction de cette œuvre fut produite, cette fois dans une véritable langue arabe scientifique avec le vocabulaire adéquat27. Entre les deux dates, 827 et 892, la science de l’astronomie s’était construite et sa maîtrise alla de pair avec la constitution de cette langue qui a continué d’être celle des savants, à l’instar de la langue latine dans l’Europe médiévale.
Le modèle de Ptolémée
C’est dans la ville d’Alexandrie, alors centre d’activités intellectuelles remarquable, doté d’une bibliothèque abritant plus de sept cent mille manuscrits, que vécut Ptolémée, le dernier grand astronome de la Grèce antique. Il proposa un modèle géocentrique où la Terre était le centre du monde, immobile, autour duquel tournaient les corps célestes. Ce modèle implique que « le ciel est en forme de sphère et qu’il se meut à la manière d’une sphère ; que la Terre, aussi prise comme un tout, a sensiblement la forme d’une sphère ; que pour la position, elle repose au milieu du ciel tout entier, à la façon d’un centre28 ». Des orbites circulaires sont associées aux trajectoires de la Lune et du Soleil. Par contre, le mouvement des planètes comporte des irrégularités par rapport à une trajectoire circulaire. Cinq planètes, les seules visibles à l’œil nu, étaient connues : Mercure, Vénus, Mars, Jupiter, Saturne. Pour décrire le mouvement de ces « astres errants » autour de la Terre, Ptolémée introduisit un modèle géométrique impliquant une combinaison de mouvements circulaires uniformes. Ce modèle devait rendre compte des observations relatives à chacune des planètes, à savoir des variations d’éclat attribuées à des variations de distances.
Nous savons aujourd’hui que les planètes décrivent des ellipses autour du Soleil et qu’elles ont, par conséquent, des trajectoires compliquées par rapport à la Terre. Parmi les astronomes de l’Antiquité, seul Aristarque de Samos (env. 310-230 avant J.-C.) qui, comme Ptolémée plus de quatre siècles plus tard, fut un des grands savants de l’École d’Alexandrie, eut l’intuition d’un modèle où la Terre est un corps céleste en mouvement autour d’elle-même et autour du Soleil, lequel est considéré comme le centre de tous les mouvements. Cette représentation héliocentrique heurtait la vision du monde telle que la présentait la philosophie grecque dominée alors par Platon (427-347 avant J.-C.). Dans le Timée, le fondateur de l’Académie, première grande école de l’Antiquité déclare : « Pour la Terre, notre nourrice, […] le Dieu l’a disposée pour être la gardienne et la protectrice de la Nuit et du Jour, la première et la plus vieille des divinités qui sont nées à l’intérieur du Ciel29. » Il considère la Terre immobile et au centre de tout et ne retient que les mouvements circulaires uniformes pour représenter la perfection des corps célestes. Cette conception du monde fut reprise par Aristote (384-322 avant J.-C.), qui a marqué la philosophie et la science des siècles suivants, en posant les fondements de la logique. Ce « maître de ceux qui savent » comme le surnommait Dante (1265-1321) considérait, comme Platon, qu’il existe une coupure fondamentale entre un monde intelligible, domaine de réalités stables, immuables, par conséquent objectivables dans le discours et dans la science, et un monde sensible, celui des réalités changeantes, réfractaires à leur fixation dans le langage rigoureux et cohérent de la science. Mais Aristote déplace cette coupure, qui devient intérieure au seul monde qu’il puisse tenir pour réel et qu’il sépare en deux régions : la région sublunaire, située au-dessous de la sphère de la Lune, centrée sur la Terre, celle du changement et des quatre éléments d’EmpédocleII, et la région supralunaire, celle du monde céleste, des étoiles fixes et des planètes, celle de la permanence à laquelle est associé l’élément « éther ». Le monde céleste (ou cosmos) est celui du divin, de l’incorruptibilité, de l’immuable et des mouvements circulaires éternellement uniformes.
Ptolémée reste attaché au cercle et au caractère uniforme du mouvement des corps célestes mais il abandonne les trajectoires circulaires pour réaliser l’accord entre son modèle et les mesures expérimentales indiquant la variation de la distance de chaque planète par rapport à la Terre. Chaque planète décrit avec une vitesse constante un petit cercle, appelé épicycle dont le centre décrit lui-même un cercle beaucoup plus grand, appelé déférent. Le centre du déférent n’est pas la Terre mais il en est voisin. Ptolémée introduisait dans son modèle, un autre point appelé équant, point symétrique de la Terre par rapport au centre du déférent. La planète se meut avec une vitesse constante par rapport à l’équant et décrit une trajectoire circulaire par rapport au centre de l’épicycle.
Le mouvement de la planète n’est donc ni circulaire ni uniforme par rapport à la Terre, s’écartant de l’exigence d’Aristote. En revanche, il permet d’être en accord avec les phénomènes observés compte tenu des moyens de l’époque : Ptolémée pouvait prédire la position des planètes à un degré près. On retient de l’Almageste le travail considérable de synthèse des travaux antérieurs et la mise en œuvre de procédés géométriques capables de rendre compte des observations, justifiant son appellation, Grande composition mathématique. Ptolémée ne cherchait pas tant à décrire la réalité qu’à utiliser de manière optimale l’outil mathématique pour son modèle planétaire caractérisé par une multiplicité de cercles rendue nécessaire pour obtenir l’accord entre les positions calculées et celles observées.
L’astronomie arabe du VIIIe au XIe siècle
Peu après la traduction de l’Almageste, Al-Ma’mun finança la construction de deux observatoires, l’un à Bagdad, l’autre à Damas, mis en service en 827. Des recherches importantes en astronomie furent alors effectuées tant au niveau des observations que des modèles théoriques. Les observations avaient une grande importance, car elles permettaient de déterminer l’heure des cinq prières quotidiennes et de définir la qibla (direction de La Mecque à partir d’un lieu donné, indication nécessaire pour l’accomplissement des prières), ainsi que l’établissement du calendrier lunaire, calendrier officiel. Les séries de mesures, recueillies par de véritables groupes de travail et traitées sur la base des tablesIII de Ptolémée, aboutirent au perfectionnement du modèle géocentrique.
Un siècle et demi plus tard, Al-Biruni (973-1050), savant exceptionnel originaire du Khwarizm (actuel Ouzbékistan), rédigea cent quatre-vingts ouvrages de science dont trente-cinq d’astronomie. Sa langue maternelle était le persan, mais il utilisait l’arabe comme langue de travail. Sa bonne connaissance du sanscrit lui permit d’accéder aux sources de l’astronomie indienne. Al-Qanun al-Mas’udi (« Les Tables dédiées à Mas’ud »), son ouvrage de synthèse dans le domaine de ...
Table des matières
- Couverture
- Titre
- Copyright
- Dédicace
- Sommaire
- Chapitre 1 - De l’astrolabe à la lunette de Galilée
- Chapitre 2 - De la clôture à la renaissance musulmane du XIXe siècle
- Chapitre 3 - Le tourbillon des coïncidences
- Chapitre 4 - La théorie de l’évolution à l’épreuve en Occident
- Chapitre 5 - La théorie de l’évolution en terre d’Islam
- Chapitre 6 - L’école, un enjeu convoité
- Conclusion
- Notes
- Remerciements