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L’animal est-il un philosophe ?
Poussins kantiens et bonobos aristotéliciens
- 336 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
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À propos de ce livre
« Déconstruire l'idée que l'animal serait sans intelligence, sans conscience, sans langage, etc., n'est qu'une étape vers une entreprise plus essentielle : la reconnaissance de la richesse des mondes animaux, dans leur diversité, sans céder à la tentation de les hiérarchiser. Tel est l'esprit qui m'anime dans cet ouvrage. Parce que les animaux, humains ou non humains, ne sont pas les jouets passifs du monde qui les entoure et qu'ils en sont au contraire les créateurs actifs, parce qu'ils sont porteurs d'une vision du monde, je les considère comme des philosophes. Ils ne se contentent pas de percevoir passivement leur environnement, ils l'élaborent, ils l'anticipent. Ils donnent du sens aux choses. » Y. C. Biologiste et journaliste scientifique, Yves Christen préside la Fondation Ipsen. Il a notamment publié Le Peuple léopard, Les Surdoués du monde animal et L'animal est-il une personne ?.
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Informations
Première partie
Les philosophes
ne seraient-ils
que des animaux ?
ne seraient-ils
que des animaux ?
« Peut-être les problèmes philosophiques sont-ils difficiles, pas parce qu’ils sont divins, irréductibles, dénués de sens ou qu’il s’agit de science ordinaire, mais parce que l’esprit d’Homo sapiens ne possède pas l’équipement cognitif pour les résoudre. Nous sommes des organismes, pas des anges, et notre esprit est un organe, pas un pipeline branché sur la vérité. Notre esprit a évolué par l’effet de la sélection naturelle pour résoudre des problèmes qui étaient des questions de vie et de mort pour nos ancêtres, pas pour communier avec le correct ou pour répondre à toute question que nous sommes capables de poser. Nous ne pouvons pas retenir dix mille mots dans notre mémoire à court terme. Nous ne pouvons pas voir dans la lumière à ultraviolets. Nous ne pouvons faire tourner mentalement un objet dans la quatrième dimension. Et peut-être ne pouvons-nous pas résoudre des énigmes comme celle du libre arbitre et de la sensibilité. »
Steven PINKER, Comment fonctionne l’esprit, 2000, p. 590.
Chapitre 1
Éthique :
des mondes très moraux
des mondes très moraux
« L’éthique comme philosophie première. »
Emmanuel LEVINAS, titre de sa conférence de 1982, publiée en 1998.
La circulation dans les villes et les villages indiens constitue toujours un spectacle haut en couleur où les animaux tiennent une place importante. Vaches, cochons, dromadaires, singes et parfois éléphants se mêlent aux humains et aux véhicules en un gigantesque chaos où les locaux – et eux seuls – semblent se trouver parfaitement à l’aise. Mais ce qui s’est passé dans la ville de Tezpur en 2002 sort clairement de l’ordinaire, y compris dans ce pays grouillant des vies les plus diverses. Une centaine de macaques rhésus a, en effet, interrompu le trafic, interdisant le passage à tous les véhicules. Un bébé de leur troupe venait de se faire écraser par une voiture. Furieux, les singes ont essayé de masser et de soigner l’enfant avant de l’emporter. Les détails de l’histoire ont même été consignés par un représentant officiel local (BBC Wildlife, 2002).
Comment ne pas se sentir touché par ce témoignage d’ouverture à l’autre, en l’occurrence au plus faible de la troupe ? S’agit-il d’un cas unique ? Nullement : les exemples de comportements altruistes ou moraux dans le monde animal abondent. Darwin et d’autres avant lui en citaient déjà. Souvent anecdotiques, parfois difficilement vérifiables, voire farfelus, quelquefois avérés, ils révèlent, dans la plupart des cas, des différences individuelles ou en fonction du contexte. Plusieurs livres ont même été, au cours de ces dernières années, spécialement consacrés à la morale animale ou encore à la biologie de la morale (Bekoff, 2009 ; Bekoff & Pierce, 2009 ; Churchland, 2011 ; Hauser, 2006 ; Midgley, 1994 ; Waal, 1997 ; Wright, 2005). On ne saurait ici énumérer toutes les études disponibles. Celles réalisées voici un demi-siècle par Stanley Wechkin à Chicago figurent parmi les plus spectaculaires. Elles portaient sur des singes rhésus placés dans une situation telle que leur prise d’aliment entraînait l’administration d’un choc électrique à un congénère. Ces macaques ont alors préféré s’abstenir de manger. L’un d’entre eux s’est soumis à une diète de cinq jours et un autre de douze jours (Wechkin et al., 1964). Plutôt mourir que faire souffrir : voilà bien une règle de conduite qui ne saurait laisser insensible. Surtout quand on compare cet altruisme simien au comportement des modernes humains participant aux fameuses expériences de Stanley Milgram ou à leurs modernes remakes télévisuels. Ils ont accepté, sans broncher, de se soumettre à une autorité leur enjoignant de punir des sujets d’expérience en les torZturant au moyen de chocs électriques en apparence très douloureux, voire mortels.
Ces comportements analogues à la morale, pour reprendre l’expression de l’éthologiste Konrad Lorenz, sont-ils de même nature que les conduites éthiques humaines ? La question, notons-le, se pose aussi bien dans l’autre sens : pourquoi devrions-nous distinguer les uns et les autres ? « Quelles différences, s’interroge le primatologue Frans de Waal, y a-t-il entre l’attitude du chimpanzé qui caresse son compagnon victime d’une agression ou qui partage sa nourriture avec un autre affamé, et celle d’un humain qui prend dans ses bras un enfant en train de pleurer, ou qui participe bénévolement à la distribution de la soupe populaire ? Considérer que le chimpanzé est guidé par l’instinct et l’homme par la conscience morale serait fallacieux et probablement inexact. » Une saine démarche épistémologique préconise d’en rester au principe de l’explication la plus « économique », celle supposant le moins d’hypothèse ad hoc : si deux espèces voisines – ici homme et chimpanzé – se comportent de façon semblable, on doit a priori conclure à la similarité des processus en cause. De plus, tout ce que l’on sait du haut niveau de compétence cognitive et émotionnelle des grands singes rend cette hypothèse pour le moins vraisemblable. D’où la conclusion, prudente mais néanmoins forte, de Frans de Waal : « J’hésite certes à qualifier d’“êtres moraux” les membres d’autres espèces que la nôtre, mais je crois que nombre de sentiments et d’aptitudes cognitives qui sous-tendent la morale existaient déjà avant notre apparition sur cette planète » (1997, p. 264).
Faire bénéficier la philosophie de la morale de l’apport de la biologie évolutionniste revient à se poser une série de questions : le sens moral est-il inné, fortement enraciné dans notre nature biologique, ou bien purement culturel et arbitraire ? Leur pratique de l’altruisme et de l’empathie suffit-elle à qualifier les animaux de moraux ? La morale est-elle affaire de conduite personnelle choisie en conscience ou d’obéissance à une règle arbitrairement fixée ? Les bêtes sont-elles capables de réciprocité et, dans la négative, peuvent-elles être dites morales ? Sont-elles des « patients moraux » ou des « acteurs moraux » ?
D’où vient le sens moral ?
La théorie de l’évolution a favorisé l’émergence d’un regard biologisant sur la morale. Mais, curieusement, quoique également darwiniens, les scientifiques ont à ce sujet émis deux familles d’hypothèses radicalement opposées. On peut faire remonter la première à celui qui se définissait comme « le bouledogue de Darwin », Thomas Huxley (1825-1895). À ses yeux, le niveau moral atteint par le monde animal ne dépassait pas celui d’un « spectacle de gladiateurs » (Huxley, 2006, p. 125). Dans cette façon de voir, notre nature fondamentalement compétitive ferait de nous, en tant que vivants, des êtres nécessairement égoïstes, prompts à faire le mal, y compris jusqu’à vouloir éliminer physiquement nos congénères. L’histoire humaine donne du grain à moudre à cette interprétation et, si on se limite au champ de la biologie, on n’aura guère de difficulté à énumérer les noms d’esprits talentueux qui l’ont nourrie d’une argumentation sérieuse : Konrad Lorenz (1903-1989) et Irenäus Eibl-Eibesfeldt, en mettant l’accent sur l’omniprésence de l’agressivité, Robert Ardrey (1908-1980) et Raymond Dart (1893-1988) avec leur théorie de l’ancêtre de l’homme considéré comme un tueur, l’évolutionniste Michael Ghiselin, auteur de la fameuse phrase : « Égratignez un altruiste, vous verrez saigner un égoïste », Richard Dawkins, dans sa vision du gène égoïste, etc. Curieusement, ces auteurs, quoique « biologisants », préconisent pour notre espèce un comportement opposé à celui pour lequel nous serions faits : il s’agirait d’aller à l’encontre de notre nature, une tendance dont on comprend assez mal, dans ce contexte, les raisons de l’apparition. Les représentants d’un autre phylum de savants et de penseurs, qui remonte à Charles Darwin (1809-1882) lui-même, aiment, au contraire, évoquer les comportements altruistes ou amicaux des bêtes, aboutissant aujourd’hui aux œuvres de Frans de Waal ou de Marc Bekoff. Je me rallie à cette seconde lignée, à laquelle on peut rattacher, parmi les auteurs du passé, le prince russe Piotr Kropotkine (1842-1921), anarchiste célèbre, auteur notamment de L’Entraide (cf. Dugatkin, 2011). Cette façon de voir n’implique pas la croyance en une absolue bonté du monde animal. Il ne fait aucun doute que la vie des bêtes, y compris celle des grands singes, nos cousins, est ensanglantée de drames. Il ne s’agit même pas de nier que des comportements altruistes puissent être sous-tendus par une forme d’égoïsme génétique (lorsque le partenaire aidé est un parent), mais simplement de souligner le fait que le processus de sélection naturelle n’élimine pas nécessairement toute forme de comportement moral et de dire que, si on admet le rôle de facteurs biologiques dans l’agressivité et de la « guerre de tous contre tous », il n’y a aucune raison d’exclure qu’ils interviennent également dans les comportements amicaux. En vérité, empathie et hostilité se trouvent étrangement liées au sein ce que Robert Ardrey appelait l’équation amour-haine (Ardrey, 1966). L’ostracisme à l’égard des ennemis renforce la cohésion du groupe au sein duquel il engendre des comportements aimables, voire moraux. Les caresses que s’échangent les lions après avoir rugi de concert afin de montrer la force de leur alliance à leurs adversaires en témoignent. Tout comme les compétitions vocales des Irrisors moqueurs (Phoeniculus purpureus) d’Afrique du Sud. Andrew Radford, un éthologiste de l’Université de Bristol a étudié leurs vocalisations collectives dans la province du Cap en Afrique du Sud. Leurs « Kek-ek-ek-ek ! Kek-ek-ek ! » collectifs signalent aux envahisseurs leur détermination et leur nombre. Ces batailles vocales, qui évitent aux belligérants le recours à l’affrontement direct, sont sources de stress mais aussi de cohésion renforcée. Après le conflit, les oiseaux lissent leurs propres plumes, mais aussi celles de leurs partenaires. Ils réduisent ainsi leur niveau de stress et se « disent » leur solidarité. La haine de l’ennemi devient alors source d’amabilité au sein du groupe (Radford, 2011 ; Pennisi, 2012). Le parallèle avec ce que nous connaissons au sein de nos propres sociétés saute aux yeux !
Phylogenèse de la morale
Rechercher les origines du sens moral conduit à examiner son ontogenèse et sa phylogenèse. C’est-à-dire à la fois son apparition chez l’enfant et son émergence au cours de l’histoire évolutive dans le monde vivant. S’agissant des cas d’altruisme animal, y compris étendus à d’autres espèces, leur quasi-universalité, dans des situations variées et au sein de groupes zoologiques très différents, plaide en faveur de la théorie d’une naturalité de la morale. Les anecdotes vécues, comme celle mentionnée au début de ce chapitre, doivent être prises en considération : ce sont les plus évocatrices des situations impliquant des formes humaines d’altruisme spontané, en quelque sorte naturelles. Sans doute nous apportent-elles, pour cette raison, les exemples les plus chargés de sens. Toutefois, leur pouvoir de conviction sur la communauté scientifique reste faible. Le monde de la recherche préfère les données provenant d’expériences contrôlées. Au cours des dernières années, plusieurs études de ce genre ont été réalisées. Elles utilisent deux types de tests : ceux dits d’assistance au don et ceux du choix prosocial. Les premiers ont régulièrement révélé les dispositions éthiques de bien des animaux, notamment parmi les singes, y compris les chimpanzés. Felix Warneken et Michael Tomasello, chercheurs à l’Institut Max-Planck de Leipzig, ont, de la sorte, bien mis en évidence la propension de ces animaux, en l’occurrence des résidents de l’orphelinat de l’île Ngamba, en Ouganda, et plus encore des enfants humains, à aider spontanément un expérimentateur feignant de ne pas parvenir à atteindre un objet (Warneken & Tomasello, 2006 ; Warneken et al., 2007 ; Melis et al., 2011). Cette forme d’altruisme chez les grands singes présentait ceci de surprenant que, selon ces auteurs, on n’en trouve pas tellement la trace dans la nature ni surtout dans les expériences portant sur les choix prosociaux consistant à placer les animaux dans une situation qui leur permet soit de recevoir seuls une nourrit...
Table des matières
- Couverture
- Titre
- Copyright
- Sommaire
- le fil invisible
- Première partie - Les philosophes ne seraient-ils que des animaux ?
- Seconde partie - Les animaux ne sont-ils finalement que des philosophes ?
- Index des matières
- Index des noms propres