
- 192 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
À propos de ce livre
Comment la passion absolue se manisfeste-t-elle et se dit-elle en Orient et en Occident ? Pour répondre à cette question, André Miquel, alliant l'érudition à la sensibilité, se propose ici d'éclairer et de comparer les démarches de deux couples d'amants célèbres entre tous : Majnûn et Laylâ, dont la légende s'est chantée dans l'Arabie des tribus nomades à partir de la fin du VIIe siècle ; Tristan et Iseut, dont l'histoire, l'une des plus belles de l'Occident médiéval, inspira tout particulièrement Richard Wagner. Professeur au Collège de France, dont il est également l'administrateur, André Miquel a publié de nombreux ouvrages. Il est l'auteur, aux éditions Odile Jacob, de l'Événement et D'Arabie et d'Islam (avec Jamel Eddine Bencheikh).
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Informations
DEUXIÈME PARTIE
LE MONDE DES AMANTS
CHAPITRE TROIS
L’amour : une irruption
Aux sources de l’amour est une double capture, de chacun des amants par l’autre. Dans le cas de Majnûn et Laylâ, les deux versions proposées pour la naissance de l’irrésistible sentiment donnent à choisir entre une maturation lente, de l’amitié d’enfance à la passion des adolescents, ou, pour ce dernier âge, le classique coup de foudre ; en d’autres termes, entre un dévoilement et une révélation. Pour Tristan et Iseut, les choses paraissent plus claires a priori : c’est le philtre qui jette, dans l’instant, les amants éblouis aux bras l’un de l’autre.
Prenons garde toutefois à trop simplifier, même le coup de foudre. Majnûn et Laylâ, enfants ou plus grands, offrent, à l’amour qui se prépare, un terrain de choix : beauté exemplaire et partagée, goût du beau dire en sa plus haute forme, la poésie, pratiquée par Majnûn et aussi, disent certains, par Laylâ, avec citation de vers à l’appui. L’amour survient donc sur une semence déjà prête, il prend la forme d’une pluie douce, continue, tirant du sol la plante en une lente germination, ou d’une brutale averse comme en connaît la steppe arabe, qui se couvre ainsi, en un seul coup, d’une verdure merveilleuse et rare.
Les Tristan et Iseut de la vieille légende ne sont pas sans rappeler leurs lointains préfigurateurs arabes : beaux l’un et l’autre, habiles au chant, au poème récité, sinon créé. De ce dernier trait, Wagner fait table rase. On dira peut-être, il est vrai, que ceux-là aussi, à travers ses mots à lui, font la preuve d’une souveraine aptitude, par l’amour, à la poésie, que ce soit par le monologue – surtout le final, d’Isolde – ou par l’échange, en certains passages au moins du grand duo de l’acte II. Mais cette aptitude au poème, cette aptitude partagée, en communion, ne vient, telle quelle, qu’après la révélation de l’amour : quand Isolde, à l’acte I, recourt aux mots, images, rimes et cadences de la poésie pour évoquer son tourment et tout le passé qui, déjà, la lie à Tristan, Tristan ne l’entend pas. Le terrain propice dont nous parlions pour Majnûn et Laylâ n’existe pas ici, comme tel : il est le jardin qui attend les amants, mais ensuite, à l’acte II, un jardin qui leur est donné de surcroît, celui où la parole d’amour, à peine ébauchée dans le bref duo au terme de l’acte précédent, pourra enfin se déployer dans la luxuriance du texte… et de la musique.
Mais revenons au philtre. Tout, en fait, le dénonce non comme le créateur de l’amour, mais comme le révélateur d’un processus encore secret – entendons : chacun des amants le gardant pour lui-même – et déjà en marche. L’acte I le laisse apparaître clairement : les imprécations d’Isolde, son dépit d’avoir été conquise, comme une esclave, pour être unie à un homme qu’elle ne connaît pas, sont déjà, en eux-mêmes, comme le masque haineux d’un amour bafoué. Mais d’autres vers parlent plus clairement encore : revoyant la scène où elle s’apprêtait à tuer Tristan et venger sur lui le meurtre de Morold, Isolde explique sa faiblesse et le renoncement qui lui fait lâcher l’épée par ces mots (scène 3) :
Depuis le lit,
son regard vint se poser
non vers l’épée,
non vers la main :
il plongea dans mes yeux.
Sa détresse me fit pitié ;
l’épée, je la laissai choir,
et la blessure dont Morold le meurtrit,
je l’ai guérie afin que, rendu à la vie
et retourné d’où il était venu,
ce regard-là sur moi ne pèse plus !
Aucun doute : c’est là, dans ce passage classique de la pitié à autre chose, qu’Isolde a connu la révélation. Dès lors, on ne s’étonne pas qu’au début de la scène 2 du même acte, le regard fixé sur Tristan debout à quelque distance, elle ait dit, « sourdement et pour elle-même » comme le précisent les indications scéniques, ces paroles qu’elle voudrait crier : pour moi élu, pour moi perdu… Pas plus surprenants, vers la fin de la scène 3, ces mots où Brangäne, qui se méprend, lit la peur de ne pas susciter l’amour du roi Marke, alors qu’Isolde, tout entière plongée dans son cauchemar, ne pense qu’à Tristan :
Sans son amour,
voir près de moi, toujours,
cet homme, le plus prestigieux ?
Endurer ce tourment me serait trop affreux !
Et tout s’enchaîne : le philtre de mort demandé à Brangäne, et auquel celle-ci substituera le breuvage d’amour, n’est pour Isolde que le terme nécessaire de son aventure, la mort plutôt que n’être pas aimée de Tristan (II, 2) :
… et là-bas, pour boire à ton ombre
un éternel amour,
je nous ai voulu un unique sort
en te vouant avec moi à la mort.
Pour Tristan, les choses sont moins claires dans la forme : l’amour se voile ici davantage. La révélation, pour lui aussi, s’est faite dans la pénombre de la chambre où, blessé, il recevait les soins d’Isolde : ainsi le dit-il, à la scène 2 de l’acte II :
Mais ce qui, là-bas, dans la nuit très sage,
veillait, bien clos, loin de toute lueur,
ce qui, là-bas, visita ma torpeur,
hors de tout savoir, hors de tout mirage,
cette image enfin, où mes yeux
n’osaient s’attacher, par peur d’une offense,
prise dans le jour radieux,
fut devant moi, offerte, éblouissante.
La transfiguration d’Isolde en jour, au grand jour dont l’évocation suit – devant le peuple d’Irlande assemblé pour entendre le projet de mariage entre elle et Marke – n’est que l’explosion de la lueur captivante perçue dans la pénombre. Mais Tristan s’est tu là-dessus, au nom de l’honneur : il n’a pas posé son regard sur Isolde, sauf une fois, comme on l’a vu, et sans savoir que ce regard faisait d’Isolde, à son tour, sa captive.
Toute son attitude à l’acte I découle de cette première rencontre avec Isolde, dont il ne révélera, pour ce qui le touche, le secret que plus tard, lorsque tous deux se diront qu’ils s’aiment, et qu’ils se sont aimés dès ces moments-là. Au nom de l’honneur, donc, et tant qu’il ne se croit pas aimé, il se tient ostensiblement, vis-à-vis d’Isolde, sur la réserve : une réserve qu’il justifie, au nom des usages, par son rôle d’ambassadeur de Marke, de cavalier de la future reine avec qui il doit garder ses distances. On peut ainsi douter, jusqu’à l’épisode du philtre, soit pendant tout l’acte I ou presque, de ses sentiments, et ce n’est qu’ensuite qu’ils s’éclaireront, qu’ils nous feront lire, rétrospectivement, l’amour, un amour dont la violence et la peur même inspirent tous les moyens de défense dont il s’entoure, honneur, réserve, silence, mais qui deviennent, aux yeux d’Isolde – et elle le dit –, autant d’affronts : dérobade, fuite, feintes, lâcheté, discourtoisie, dédain. Les attitudes et les paroles de Tristan, qui ne se relâche jamais des convenances du protocole, qui, contrairement à Isolde, ne dit rien sur ses sentiments, ni à Kurwenal, son écuyer et ami, ni à lui-même – et à nous – sous forme de monologue, n’en sont pas moins, une fois décryptées, dépouillées de leur enveloppe ostensiblement étalée, significatives d’un amour qui, comme celui d’Isolde, préexiste à la révélation du philtre. Ce double jeu d’un amour enfoui et de l’honneur à garder, Tristan le mènera jusqu’à l’ultime terme possible, au philtre bu, juste avant le moment où, son effet se déclarant, tout bascule. C’est qu’une troisième fonction possible du breuvage nous est proposée ici, qui va permettre à Tristan, encore à cet instant, de garder son double jeu : non pas le philtre d’amour, présenté par Brangäne à l’insu d’Isolde, non pas celui de mort, qu’Isolde attend de sa servante, mais le prétendu breuvage de réconciliation et de paix offert par Isolde à Tristan. En le buvant, Trista...
Table des matières
- Couverture
- Titre
- Copyright
- Avant-propos
- PREMIÈRE PARTIE - L’APPARITION DES AMANTS
- DEUXIÈME PARTIE - LE MONDE DES AMANTS
- TROISIÈME PARTIE - LE LANGAGE DES AMANTS
- Pour conclure…
- Table