Le Cœur à l'ouvrage
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Le Cœur à l'ouvrage

  1. 352 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Le Cœur à l'ouvrage

À propos de ce livre

La réflexion et l'action politique ne sont rien si elles ne répondent à une exigence éthique. Le Coeur à l'ouvrage, c'est à la fois l'évocation de l'itinéraire hors du commun d'un intellectuel engagé chez qui le réalisme politique n'a jamais étouffé l'élan de la générosité, c'est aussi l'analyse fouillée des questions économiques, sociales, culturelles qui se posent à la France d'aujourd'hui, c'est enfin un ensemble de propositions en vue de définir les nouvelles règles du jeu politique. 

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Signes



Action

C’est un besoin et un espoir. Un besoin parce que le drame des hommes est fait des occasions perdues, parce qu’il y a une rage à voir inexploitées les chances d’entreprendre et de soulager un peu de la misère humaine. Un espoir parce qu’aucun d’entre nous ne veut rester en marge, que chacun a la soif d’une action qui puisse être utile, et que la vie n’est pas la vie quand elle n’est que passive.

Agriculture

Un grand métier, qu’aiment tous ceux qui le font.
Mais les choses vont mal – le revenu moyen n’atteint pas le SMIC – et il y a une désespérance agricole.
L’agriculture est mère de la civilisation. Nous lui devons la sédentarisation, puis le temps de s’occuper d’autre chose que de seulement survivre – et de produire par là l’écriture semble-t-il – puis l’aisance. Quand en moins de deux siècles, entre le XIe et le XIIIe, se sont conjugués les moulins à eau et à vent, le collier de cheval rigide, la charrue métallique et les premières sélections de semences, la richesse a doublé, dont témoignaient en France 87 cathédrales et 45 000 églises. La peste et les guerres continues ont assombri les perspectives ouvertes par ce premier décollage. Mais il en reste que notre pays ne saurait perdre sa dimension agricole et rurale sans s’amputer d’une part essentielle de lui-même, dans l’équilibre économique, écologique et social, autant que dans l’ordre de la mémoire.
Dans le monde d’aujourd’hui, où tout est lié, les grandes affaires sont de trois types : l’argent, les armes et l’alimentation.
On a cru longtemps que la planète ne pourrait pas nourrir sa population trop vite croissante. On sait maintenant qu’il n’en est rien. L’Europe et les États-Unis ont su, en quelques décennies, augmenter leur production beaucoup plus vite que la demande solvable, ce qui leur crée aujourd’hui des difficultés. Les deux pays les plus peuplés du monde, la Chine et l’Inde, ont l’un et l’autre également réussi des révolutions agricoles spectaculaires, qui leur assurent depuis peu l’autosuffisance, même si subsistent de grandes zones de pauvreté.
Le problème de la famine est donc bien régional, africain pour l’essentiel, et les excédents produits ailleurs se prêtent malheureusement très mal aux transferts : le pouvoir d’achat manque pour les payer, et leur nature le plus souvent ne convient pas aux nécessités locales. Comment reconstituer du lait à partir de poudre quand l’eau manque ou qu’elle est microbienne ? Cela est-il même assimilable par des estomacs déshabitués du lactose ? Enfin, un pays qui s’accoutume au blé, sans savoir ni pouvoir le produire, se met irrémédiablement en situation de dépendance. Encourageons l’agriculture vivrière locale, acceptons qu’elle soit économiquement protégée le temps nécessaire à son développement, et sachons que l’aide alimentaire n’a d’utilité vraie que pour les cas d’extrême urgence.
L’Occident demeure alors avec ses excédents. Nous sommes engagés là, entre les six grands exportateurs mondiaux que sont les États-Unis, le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Argentine et la Communauté européenne, auxquels le Brésil ne tardera pas à s’ajouter, dans une gigantesque bataille commerciale que caractérisent à la fois une violence extrême et une grande absurdité.
Aucune agriculture ne vit sous le régime de la libre entreprise ni du libre échange. Protections, réglementations, subventions sont générales, les champions se trouvant être suisses et japonais, ce qui est amusant car ils ne sont pas chiches des leçons qu’ils entendent donner en matière de libre entreprise. Mais ils comptent peu. Tel n’est pas le cas des États-Unis qui, en moyenne par fermier, subventionnent leur agriculture largement, infiniment plus que les Européens !
Incriminer tel type de subvention, pour tel type de produit, exiger le libre échange ici quand on le rejette là, devient alors la traduction pure et simple, en termes de rapports de force et de violence commerciale, des intérêts professionnels et électoraux d’un lobby dominant.
Or, on protège l’agriculture pour diverses raisons qui se conjuguent. Même si elle a rapidement augmenté depuis trente ans, la productivité du travail humain est substantiellement inférieure à ce qu’elle est dans l’industrie ; les marchés mondiaux, excédentaires, tirent les prix vers le bas ; la chaîne est longue qui va du producteur au consommateur, et les transformateurs primaires ou secondaires, transporteurs et commerçants, etc., sont mieux rémunérés que le producteur initial ! La plupart des pays cependant ne veulent ni ne peuvent laisser leur agriculture dépérir. La difficulté à créer des emplois ailleurs, la crainte de la dépendance alimentaire, l’avantage en devises qui s’attache aux exportations, s’ajoutent ici à la force d’intérêts électoraux bien établis, à la préservation d’équilibres économiques régionaux, à la défense de la nature, des paysages et de l’environnement.
Schématiquement, il y a deux manières principales de subventionner.
Dans la première, le Trésor public verse directement au producteur la différence entre un prix de marché jugé trop bas et un revenu jugé décent. Avantage : le consommateur s’alimente à bas prix. Inconvénients : c’est horriblement coûteux, ne peut donc se faire que pour un faible nombre d’exploitants, et sans qu’on puisse freiner la dépense puisque le mécanisme laisse tomber les prix aussi bas que le marché mondial peut les faire descendre – le prix du blé sur le marché international est aujourd’hui inférieur au coût de revient américain –, ce qui conduit le Trésor à combler une différence croissante. C’est la technique retenue par les États-Unis qui ont ainsi dépensé, en 1986, 30 milliards de dollars pour 2 millions et demi d’exploitants.
L’autre méthode consiste à soutenir les prix : le consommateur paie son alimentation plus cher. C’est donc principalement lui qui contribue au soutien de l’agriculture, ce qui n’est pas sans fondement dès lors qu’on admet que c’est l’intérêt général qui légitime ce soutien. La collectivité publique – Communauté européenne en l’espèce – se borne à fixer un prix plancher. Pour éviter que le cours ne descende en dessous de celui-ci, elle achète elle-même les quantités nécessaires, quitte ensuite à ne les revendre qu’à perte, voire à ne pas les revendre. Silos et entrepôts frigorifiques en sont naturellement engorgés. À quelques détails près, c’est la technique dominante pour les produits que la Communauté a choisi de défendre. Adopter l’autre système lui coûterait environ trois fois plus cher. On ne peut donc en changer.
Cette méthode se traduit, à l’intérieur, par un prix plus élevé que le niveau mondial. Aussi faut-il, à l’entrée dans la Communauté, taxer les produits importés, pour les mettre au même prix. En sens inverse, les exportations sont subventionnées pour qu’elles puissent être offertes au prix mondial. C’est la source essentielle des dépenses d’intervention publique. L’Europe, en 1986, y a consacré 20 milliards de dollars pour 12 millions d’exploitants.
Les Canadiens subventionnent également, mais moins massivement que les Américains. Australie et Nouvelle-Zélande ont confié chacune leur commerce extérieur à un organisme administratif unique, une quasi-nationalisation du commerce !
Le libre-échange n’existe donc pas en agriculture, et il serait sans doute son pire ennemi.
Mais tout cela a poussé à la production et rendu les marchés mondiaux excédentaires depuis longtemps. L’Union soviétique ne restera pas éternellement un déversoir pour surplus végétaux : même à l’Est, l’agriculture finira par s’améliorer.
Un peu partout, des mesures ont été prises, visant à réduire la production. Quotas laitiers, distillation obligatoire de grosses quantités de vin, diminution des prix des céréales, commencent à produire des effets en Europe, de même que le gel de certaines terres aux États-Unis. Mais cela ne va pas assez vite et les stocks restent grands.
La bataille est consternante. Elle se livre au hasard des intérêts, sur le statut de tel produit – soja, huiles végétales… –, sur la conquête de tel marché par une surenchère de subventions à l’exportation – c’est le cas du blé vers les pays arabes –, sur les contingents, c’est-à-dire les volumes autorisés à l’importation – vin européen aux USA, maïs américain en Europe… On se souvient du cognac, pris en otage pour faire chanter la Communauté sur le maïs !
L’hypocrisie du discours est totale. Les Américains invoquent le libre-échange, alors qu’ils pratiquent un protectionnisme absolu partout où ils sont faibles. Ainsi, leurs importations de lait ou de sucre sont-elles strictement contingentées. Pour les autres produits, leur puissance est telle que le prix intérieur américain est le prix mondial, mais ils refusent de reconnaître qu’il est dû au système interne de subventionnement.
L’Europe, en revanche, n’a jamais su définir une politique et s’y tenir. Cohérente à l’intérieur, elle est divisée et timorée vis-à-vis de l’extérieur. Chacun de ses membres tente séparément de préserver une relation acceptable avec les États-Unis, pour protéger ses propres produits, au besoin au détriment des autres. Seule la France ne peut agir de la sorte car elle a la plus polyvalente des agricultures européennes.
Il est pourtant une loi très évidente : quand chacun réglemente chez soi, on n’échappe pas à un minimum de réglementation internationale des marchés. J’ai la certitude qu’Australiens, Néo-Zélandais et Argentins, tous pragmatiques, sont parfaitement prêts à soutenir cette idée, que les Canadiens, fatigués de faire les frais de la politique de leur puissant voisin, seraient soulagés de l’accepter aussi.
Il n’y a guère de choix : on ne peut éviter une guerre commerciale sans merci, ravageuse pour les deniers publics, désastreuse pour la société rurale de tous les pays concernés, que par une négociation internationale audacieuse et de grande ampleur. La première condition, qui manque cruellement, en est l’intelligence.
Qu’on me permette ici d’être plus péremptoire que je n’en ai l’habitude.
Il faut :
1. admettre sans plus d’hypocrisie que tout le monde réglemente ou protège son agriculture locale, et qu’il est légitime de le faire ;
2. se donner l’objectif d’une réduction parallèle et concertée des productions nationales ;
3. reconnaître que les formes de subventions différentes tirent leurs causes de contraintes locales différentes. Ainsi, aux États-Unis, des millions d’hectares viennent en production ou retournent au désert en quelques années. L’Europe n’a pas le luxe de cette souplesse foncière. Il faut agir différemment mais d’un commun accord ;
4. pour les quelques grands produits à marché mondial – céréales, sucre, huiles végétales –, définir à la fois les formes minimales d’organisation des marchés : politique internationale de stockage/déstockage, prix indicatifs, et politiques nationales visant à diminuer progressivement, sur longue période, les productions excédentaires et par là les dépenses ;
5. pour tout le reste, définir par produit des niveaux maxima de subventionnement et de protection autorisés, qui peuvent varier localement, principalement au profit du Tiers Monde ;
6. s’engager sur l’essentiel de tout cela par un traité international, seul moyen efficace d’endiguer les pulsions électorales intermittentes de chacun.
Tout cela n’est possible qu’à condition de commencer entre les six grands exportateurs seulement. Ce n’est qu’après qu’il leur faudra se tourner vers les autres.
Tout le monde y a intérêt. La seule victime en serait la tartufferie du discours libéral.
On a déjà su, dans l’Histoire, négocier des traités aussi compliqués. Que l’on songe au GATT ou au Marché commun. Et, surtout, le Tiers Monde a tout à gagner à une sagesse retrouvée des pays développés. Pour y parvenir, il serait sans doute utile de créer un instrument d’expertise neutre, un collège de sages médiateurs.
Voilà qui est vital. Mais cela ne saurait me faire oublier qu’il y faut du temps et que, dans l’intervalle, l’agriculture française doit être sauvée de la crise qu’elle subit.
Trois pistes méritent, selon moi, d’être explorées à cette fin.
On commence à peine à entrevoir l’importance des débouchés industriels, à usage non alimentaire, que peuvent trouver certaines productions agricoles. Pour n’en évoquer qu’un, nous saurions, aujourd’hui, faire rouler nos voitures avec du carburant tiré de blé, de maïs ou de betterave distillés. C’est moins rentable que le pétrole et il y faut un traitement fiscal différencié. Ce n’est pas simple, mais l’enjeu est d’importance. Il faut s’attaquer rapidement aux problèmes de ce type dont la solution ne peut qu’être communautaire.
En second lieu, l’alimentation se diversifie à l’extrême, le consommateur cherchant toujours plus de qualité et de variété. La mode du fast-food et du hamburger est compensée de plus en plus par une alimentation festive de week-end. Légumes fins, fruits rouges, gibier d’élevage, les produits porteurs d’avenir se multiplient. Nous pouvons produire chez nous ce que nous importons massivement : viande de cheval, noisettes, escargots, grenouilles, tomates, fleurs… Parfois, une politique intense de recherche de la qualité et d’information du consommateur est nécessaire. Elle peut être secondée.
Bien des zones, enfin, se désertifient. Or, n’oublions jamais que la nature livrée à elle-même devient sauvage, peut même redevenir dangereuse. Il faut savoir identifier, distinguer et rémunérer le service que rend l’agriculture à la protection de nos paysages et de nos sites, notamment là où se trouvent montagnes, collines ou marécages. Une grande politique forestière, dont on perçoit les implications économiques multiples, fait partie de cette orientation.
Le champ des possibles est très vaste. Une chose est déjà certaine : dans une France debout, les agriculteurs ont leur place.

Apocalypse

Il n’est plus besoin d’en chercher la description dans les Écritures. On en connaît la forme : la vitrification de la planète par une guerre nucléaire.
La permanence du danger nous a habitués à vivre avec, en y pensant plus (comme en Allemagne) ou moins (comme en France), selon qu’on a le sentiment illusoire d’être plus ou moins proche du théâtre des opérations potentielles. Cependant c’est bien la dissuasion nucléaire qui assure toujours notre sécurité, et elle exige une absolue détermination de la part de celui qui en a la charge.
Parce que la confrontation Est/Ouest se déroule à nos portes, c’est elle que nous craignons le plus. Pourtant, le risque s’est stabilisé. Même discutable, l’équilibre de la terreur repose sur une rationalité presque rassurante. En va-t-il de même de tous les pays qui se dotent de l’arme nucléaire ? C’est de sa prolifération que vient le plus grand risque, q...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Avertissement
  5. Trace
  6. Règles du jeu
  7. Signes
  8. Conclusion
  9. Table