Enfant de personne
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Enfant de personne

  1. 368 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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À propos de ce livre

L'adoption et les procréations médicalement assistées reflètent les mêmes souffrances et posent des problèmes identiques. Dans les deux cas, l'institution, au nom d'une conception erronée de la filiation, fait peser sur l'enfant un secret absolu quant à ses origines biologiques. Quelles en sont les conséquences sur la psychologie de l'enfant et de ses parents ?Psychanalyste, Geneviève Delaisi est l'une des grandes spécialistes françaises des procréations assistées. Ancien directeur d'une DDASS, membre du Conseil supérieur de l'adoption, Pierre Verdier dirige une fondation pour l'enfance en détresse.

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
1994
Imprimer l'ISBN
9782738102362
ISBN de l'eBook
9782738164216

CHAPITRE 1

L’art de fabriquer les bébés
à la fin du XXe siècle


Nous ne saurions mieux introduire notre propos que par ces lignes d’une anthropologue qui a étudié les représentations de la naissance dans différentes cultures :
« Lorsque l’enfant paraît, les mythes et les rites sont prêts pour l’accueillir. La fabrication des enfants – et par fabrication nous entendons non seulement leur conception, leur gestation, leur venue au monde, mais aussi l’affermissement dans leur être physique et social – nécessite la mise en œuvre d’un appareil symbolique important1. »
Prendre corps, en effet, comme on le dit, passer de la rencontre des gamètes masculins et féminins au stade d’embryon (in vitro ou non), puis à celui de fœtus, à celui de nouveau-né enfin, sont des passages symboliques, même si, à l’heure actuelle, ils ont une apparence scientifique. À la fin du XXe siècle, on a l’air de fabriquer scientifiquement les enfants. Mais les mythes et les rites – on en verra dans ce livre un bon échantillon – qui entourent ces « nouvelles naissances » font de leur fabrication une conception tout aussi mythique que par le passé. Le mythe de la procréation à l’âge moderne reste à écrire2.
Toutes les sociétés du monde ont leur système de reproduction, leurs modèles de conduite – ou d’inconduite – en cas de non-venue d’enfant. Ces modèles varient d’une société à l’autre, mais également, dans une même société, en fonction des époques3. C’est ainsi que les années cinquante-soixante, époque de la révolution contraceptive4 (le mot n’est pas trop fort), c’est-à-dire du début de la maîtrise scientifique de la reproduction par les femmes dans l’Occident industriel, permettent de dater l’époque du slogan « Des enfants quand je veux, si je veux, avec qui je veux », suivi du « Faites l’amour, pas la guerre » des années soixante-huit. Mais, depuis les années soixante-dix, le système de reproduction occidental a entamé une autre mutation5, qui s’articule – ce n’est pas un hasard – avec le début des procréations assistées6.
On repère donc, dans le système actuel de reproduction, trois phases principales, marquées par le développement de techniques qui sont devenues, à leur tour, créatrices de modèles, de nouveaux systèmes reproductifs.
La décennie 1960-1970 a été celle de l’utilisation de la congélation (et donc de la conservation du sperme) chez des hommes jeunes, avant une chimiothérapie qui risquait de les rendre stériles, ou encore avant une vasectomie. Ces autoconservations ont, par la suite, donné éventuellement7 lieu à des IAC (inséminations avec le sperme du conjoint), premiers cas de procréations assistées. La décennie 1970-1980 a été celle de l’IAD, utilisation de la technique de l’IAC (tant au plan de l’insémination elle-même, qu’au plan de la congélation du sperme). La décennie 1980-1990 a été, on le sait, celle de la FIV et des techniques connexes (dons d’ovocytes, FIV-D, etc.).
Or, on va le voir dans cet ouvrage, les différentes techniques de procréations assistées constituent la clé de voûte de ce changement. Non qu’elles le résument, ces nouvelles conduites procréatives se repérant également dans des comportements non médicalisés ; mais l’étude fine des différentes situations de procréations assistées fournit un projecteur qui éclaire le système de procréation dans son ensemble. Tentons par conséquent, à l’aide du paradigme que constituent les procréations assistées, de définir les caractéristiques du système actuel de reproduction.

Les maternités et paternités des individus peuvent être désormais différées

L’idée, issue de la contraception médicale, de maîtrise du temps – voire de jeu avec le temps – est centrale : une femme peut penser qu’elle va différer sa première maternité jusqu’au jour où elle aura trouvé un compagnon, une situation, etc. À ceci près que c’est plus un fantasme qu’une réalité, l’inconscient ne manquant pas, à la moindre occasion propice, de mystifier le projet conscient de la femme ou du couple ! Mais, depuis la congélation des gamètes, on dispose d’une technique qui permet de différer une conception, même de la repousser éventuellement de plusieurs années8. Depuis la FIV, on a pris l’habitude de congeler les embryons dits « excédentaires » et les années futures verront peut-être la congélation des ovules. Mais le fantasme est le même dans tous les cas : pouvoir différer, en théorie indéfiniment, une paternité ou une maternité.
De plus, élément qu’on ne remarque quasiment plus tant la norme de maîtrise est intériorisée, les couples nés après les années soixante ou soixante-dix font précéder toute expérience de fertilité d’une période de stérilité volontaire (prise de contraception) : ni l’homme ni la femme ne savent s’ils peuvent avoir des enfants ou non quand ils emploient un moyen contraceptif, ce qui amène souvent un certain nombre d’actes manqués (grossesses « accidentelles » qui conduisent à des IVG) chez nombre de femmes, comme pour se rassurer sur leurs capacités procréatives. La même crainte pousse de rares hommes à être donneurs de sperme, le don leur permettant de vérifier (grâce à leur spermogramme et au fait qu’ils sont retenus par le CECOS) s’ils sont « bons pour le service » ! Dommage, d’ailleurs, que ça ne se sache pas davantage ; ce serait un bon argument publicitaire pour les CECOS, qui manquent dramatiquement de donneurs…

Maternités et paternités peuvent être différentes

Parentalité différente tout d’abord au sens où elle inclut la participation d’un ou deux cogéniteurs que l’on appelle, par convention – aussi arbitraire qu’affreuse –, « donneurs9 » (de sperme, dans l’IAD et la FIV-D, d’ovocyte, dans les FIV avec don d’ovocyte ou d’embryon). De manière différente, elles impliquent la participation de cogénitrices, dans le cas des mères porteuses – simples ou composées10. On nomme en général ces femmes, ces mères, le plus souvent de manière péjorative, « loueuses » ou « vendeuses », quand ce n’est pas « abandonnantes » comme on nomme les mères qui remettent leur enfant en vue d’adoption ; on verra plus loin que cette différence de traitement n’est pas neutre.
Parentalité différente aussi au sens où l’on assiste actuellement à une nouvelle division du travail procréatif. Le temps de la maternité, de la conception à la fin de l’éducation d’un enfant, en passant par la grossesse, l’accouchement, l’allaitement, le mode de garde dans la toute petite enfance, a été dans toutes les sociétés divisé de manière habituelle (séparation des rôles entre mère biologique et mère sociale), y compris dans la France récente, où la moitié des enfants au XIXe siècle n’étaient pas élevés par leurs parents11 mais étaient mis en nourrice par exemple.
Les dissociations actuelles prennent cependant des formes nouvelles. Les avancées techniques ont en effet permis d’isoler les produits du corps nécessaires à la procréation, et on verra que c’est leur circulation qui crée de nouvelles dissociations (entre mère génétique et mère utérine par exemple, ou entre père génétique et père social). Tout cela, dans les représentations de la parentalité, nous y reviendrons, sur fond d’accentuation du biologique et du génétique par rapport au social. On voit poindre ici une autre conséquence fondamentale de cette dissociation : la nécessité de l’anonymat des producteurs de ces produits du corps. Les systèmes médicaux sont en effet, par définition, fondés sur l’absence de relation de proximité entre « donneurs » et « receveurs » et se situent à l’écart de l’échange tel qu’il est socialement défini12. La règle d’anonymat (doublé de la gratuité), loin de constituer un certificat de vertu, angélisme dont se parent volontiers les promoteurs du système, est en fait le moyen le plus efficace pour organiser une circulation médicale des gamètes sans avoir à s’encombrer des comportements et du psychisme des participants. Il y a peu de temps encore, jusqu’après la dernière guerre, le sang circulait de manière personnalisée, « de bras à bras » ; c’était une situation difficile à gérer pour les médecins que de voir un donneur venir s’enquérir de la santé d’un receveur qu’il pensait avoir sauvé. Imagine-t-on un donneur de sperme venant s’enquérir du nombre et de la santé des enfants nés grâce à lui ? Horreur ! C’est ce qu’il fallait à tout prix éviter et c’est la raison première du principe d’anonymat entre donneurs et receveurs13. L’argument de la paix des familles est en l’occurrence, peut-être, d’abord celui de la paix des médecins qui peuvent ainsi apparier tranquillement, dans le secret des laboratoires, et dans l’intérêt des familles évidemment, les gamètes des différents individus sans que ces derniers aient un droit de regard sur ces manipulations.
L’anonymisation des gamètes les rend aussi réifiables, congelables, utilisables à l’instar d’un médicament, ce qui les rend de ce fait remboursables par la Sécurité sociale (la dose de sperme vaut actuellement 340 F, somme entièrement prise en charge). L’argent, on le voit, n’est nullement évacué du système car ce n’est gratuit que pour les donneurs, et non pour le reste des acteurs (receveurs, Sécurité sociale, laboratoires pharmaceutiques, etc.). L’argent, comme le sperme, est ainsi « blanchi » grâce au sas médico-social qui repose sur le principe du « don gratuit » (étrange redondance) et « anonyme » alors que, comme on l’a dit, il n’y a ni véritables dons, ni véritable gratuité, ni véritable anonymat ! Ces nouvelles dissociations, fondées davantage sur le biologique que sur le social sont, on le voit, différentes de celles des pratiques antérieures (qui se situaient pour leur part dans la logique de l’échange, du don et du contre-don et de la proximité entre les négociateurs adultes), et créent ces parentalités foncièrement différentes de tout ce que les sociétés ont connu jusqu’à l’époque actuelle.

La circulation des enfants est remplacée par la circulation des substances14

Tout se passe désormais comme si, à l’heure actuelle, la circulation des substances – rendue désormais possible par l’extériorisation partielle de la capacité reproductrice des corps, la fusion des gamètes pouvant avoir lieu en éprouvette –, avait remplacé la circulation des enfants. Ce terme signifie un ou des transferts d’enfants, d’un foyer dans un autre. Ce ne sont plus, maintenant, les enfants qui, comme dans un passé encore récent, circulent par le canal offert par la parenté, mais les substances procréatives qui circulent par le canal de la technique biomédicale, et cela sans aucune référence à un quelconque système symbolique15. La seule logique qui régit cette circulation est une logique médicale : on attribuera, par exemple, à un couple en IAD, les paillettes d’un « donneur » dont le groupe sanguin « permettra » au futur enfant de ne pas savoir (si ses parents ne lui ont rien dit) que son père n’est pas son géniteur, c’est-à-dire un groupe sanguin cohérent, en apparence, avec celui du couple (sa mère + son père social) qui recourt à l’IAD.
En ce qui concerne la cir...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Des mêmes auteurs
  4. Copyright
  5. Dédicace
  6. Au lecteur
  7. Chapitre 1 - L’art de fabriquer les bébés à la fin du xxe siècle
  8. Chapitre 2 - Le désir d’enfant saisi par la médecine et par la loi
  9. Chapitre 3 - Les donneurs et les donneuses de « fils »
  10. Chapitre 4 - Enfant de personne : secret et anonymat dans l’abandon et l’adoption
  11. Chapitre 5 - Secret et anonymat dans les procréations assistées
  12. Chapitre 6 - Procréation et éthique relationnelle
  13. Pour conclure
  14. Annexe
  15. Bibliographie
  16. Liste des sigles utilisés
  17. Table