Quel avenir pour la Ve République ?
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Quel avenir pour la Ve République ?

18 questions sur les institutions de la France

  1. 288 pages
  2. French
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Quel avenir pour la Ve République ?

18 questions sur les institutions de la France

À propos de ce livre

Les institutions de la Ve République sont-elles dépassées ? Depuis plus de cinquante ans, celles-ci ont fait la preuve de leur capacité de résistance et d'adaptation à bien des crises. Cependant, nombreux sont nos concitoyens à se demander s'il ne faudrait pas aujourd'hui un changement plus radical, une « VIe République ». Dans ce bilan critique, Raphaël Hadas-Lebel aborde tous les sujets d'interrogation : Faut-il proscrire la cohabitation ? Doit-on élargir le droit de vote ? Est-ce une bonne idée de modifier le mode de scrutin ? Où en est la parité ? Comment mieux équilibrer les pouvoirs et renforcer l'État de droit ? Comment faire évoluer le Conseil constitutionnel ? Peut-on renforcer la participation des citoyens à la vie politique ? Quelle place pour l'Europe dans nos institutions ? Pédagogique et clair, équilibré dans son argumentation, ce vade-mecum aidera le citoyen à se faire une opinion sur la pertinence des institutions actuelles et l'opportunité de leur changement. Raphaël Hadas-Lebel est président de section honoraire au Conseil d'État et président du Conseil d'orientation des retraites. Il a occupé d'importantes fonctions au sein de l'État et du secteur public, et a enseigné pendant de nombreuses années les institutions politiques à Sciences-Po-Paris.

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Informations

Chapitre 1
Qu’est-ce qui a changé dans les institutions depuis 1958 ?
Lorsqu’en 1958, la France se dote d’une nouvelle Constitution, l’objectif recherché est affirmé sans ambiguïté par le général de Gaulle. Il s’agit d’établir, dans le respect des principes démocratiques, un pouvoir d’État stable qui, jusque-là, faisait défaut à la France. Il s’agit de mettre fin à l’instabilité ancienne et chronique de nos institutions – la France a notamment été une grande consommatrice de Constitutions depuis 1789 –, et en particulier de remédier aux faiblesses congénitales mises en lumière, en dépit de réalisations souvent remarquables, par l’expérience plus récente des IIIe et IVe Républiques. « Faire un État qui en soit un, c’est faire une Constitution qui en soit une », avait dit en 1958 le général de Gaulle à André Malraux, qui rapporte ce propos dans ses Antimémoires.
Le projet institutionnel de 1958
Le système mis en place en 1958, qui s’inspirait en partie des réflexions d’avant guerre sur la « réforme de l’État », visait d’abord à restaurer un « pouvoir d’État » personnifié par un exécutif fort. Il mettait surtout en œuvre des principes esquissés par de Gaulle dès le 16 juin 1946 dans son célèbre discours de Bayeux. Ces principes peuvent s’articuler autour de quelques thèmes simples : les institutions doivent être conçues de manière à corriger, selon les termes du général de Gaulle, « les effets de notre perpétuelle effervescence politique », notamment une propension naturelle des Français à la division, que constatait déjà Jules César à propos des Gaulois ; les pouvoirs publics doivent être séparés et équilibrés ; un pouvoir d’arbitrage, revenant au chef de l’État, doit « faire valoir la continuité au milieu des combinaisons ». On retrouve ces mêmes principes dans la loi constitutionnelle du 3 juin 1958 qui, quelques jours à peine après le retour au pouvoir du Général, énumérait les principes assignés à la future Constitution : le suffrage universel est la source du pouvoir ; le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif doivent être effectivement séparés, chacun assumant « pour sa part et sous sa responsabilité la plénitude de ses attributions » ; le gouvernement doit être responsable devant le Parlement ; l’autorité judiciaire doit être indépendante, pour être à même d’assurer le respect des libertés essentielles. Établi sur la base de ces orientations, le système institutionnel de la Ve République peut s’analyser autour de cinq composantes majeures.
La clé de voûte du système est le président de la République, élu au départ par un collège de 80 000 notables, puis à partir de 1962, au suffrage universel : le Président, de ce fait, plus encore que les députés, est le seul « représentant » de l’ensemble du peuple souverain. Alors que, sous les Républiques précédentes, le rôle du Président avait été réduit, pour l’essentiel, à des fonctions protocolaires, le chef de l’État est présenté dans la Constitution (article 5) comme assurant « par son arbitrage le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État » : ce qui, aux yeux du général de Gaulle, couvrait en réalité la politique étrangère, la défense et les grandes orientations de la politique intérieure. Bien que lui-même irresponsable, il est doté – innovation sans précédent dans notre histoire institutionnelle – de pouvoirs propres, sans contreseing du Premier ministre, notamment celui de dissoudre le Parlement (article 12), de faire appel au peuple par référendum (article 11) et de faire face à des situations exceptionnelles de crise (article 16).
Tous les chefs d’État successifs de la Ve République, du général de Gaulle à Nicolas Sarkozy, se sont conformés, chacun selon son style, à ce modèle de base, en cumulant le rôle d’« arbitre » avec celui, plus opérationnel, de « guide » ou de « capitaine », selon l’analyse de Jean Massot, du moins tant qu’ils avaient une majorité parlementaire pour les soutenir. Cette concentration inédite des pouvoirs entre les mains du chef de l’État est la caractéristique fondamentale des institutions de la Ve République.
La deuxième composante de ce modèle est la reconnaissance officielle, pour la première fois dans un texte constitutionnel, d’une fonction gouvernementale spécifique décrite dans un titre III précisément intitulé « Le gouvernement » : c’est au gouvernement qu’il revient en principe de déterminer et de conduire la politique de la nation (article 20). Cette fonction gouvernementale, exercée sous la direction d’un Premier ministre doté d’importants pouvoirs, et notamment du pouvoir réglementaire, trouve sa principale légitimité dans le président de la République dont il « procède », selon la formule d’inspiration quasi théologique utilisée dans le discours de Bayeux. Tout en « procédant » du Président, le gouvernement est toutefois soumis au contrôle de l’autre « représentant » du peuple souverain, l’Assemblée nationale, élue elle aussi au suffrage universel, qui peut mettre fin à ses fonctions, notamment en votant la censure. Cette double dépendance du Premier ministre n’est pas le trait le moins original de la Constitution de 1958. La relation entre le Président et le Premier ministre allait d’ailleurs se révéler plus complexe et ambiguë que ce qui est apparemment inscrit dans la Constitution. En revanche, le gouvernement, qui « dispose de l’administration et de la force armée », aura contribué au renforcement régulier d’un pouvoir d’expertise technocratique, exercé par une haute fonction publique plus politisée, placée au cœur de l’appareil d’État. Un rôle particulièrement central a été confié, dans ce contexte, aux cabinets ministériels. Ce modèle devait trouver à s’appliquer, à quelques nuances près, tant avec des gouvernements de droite qu’avec des gouvernements de gauche.
La troisième composante est ce qu’on a appelé le « parlementarisme rationalisé », propre à assurer un fonctionnement efficace du régime parlementaire. Car la Ve République est, à bien des égards, un régime parlementaire. Un Parlement bicaméral a pour rôle de légiférer, de voter le budget et de contrôler l’action du gouvernement qui est responsable devant lui. Mais la Constitution comporte un ensemble de techniques – déjà conçues, pour certaines, dans les années 1930 – permettant au gouvernement de gouverner, même en l’absence d’une majorité claire au Parlement, dès lors qu’il n’existe pas de majorité absolue pour le renverser. Le domaine de la loi est, pour la première fois, étroitement délimité, tandis qu’est reconnu parallèlement un pouvoir réglementaire autonome. Les fonctions législative et budgétaire sont strictement encadrées par un dispositif diversifié conférant au gouvernement la maîtrise de l’ordre du jour et du processus législatif. Le Parlement ne peut renverser le gouvernement qu’en rejetant une question de confiance – rarement posée, dans la réalité –, ou encore en votant une motion de censure à une majorité absolue des membres composant l’Assemblée. À quoi s’ajoute le fameux « article 49 alinéa 3 », qui permet l’adoption d’un texte législatif sans vote, dès lors que le gouvernement a « engagé sa responsabilité » sur ce texte : une motion de censure, adoptée à cette occasion, entraîne tout naturellement le rejet du texte et la démission du gouvernement. On notera que la réalité a toutefois été différente de celle qu’avaient initialement envisagée les constituants, puisque les gouvernements successifs ont le plus souvent bénéficié de majorités solides, parfois même hégémoniques, qui rendaient moins nécessaire le recours à toutes ces procédures. C’est si vrai que, depuis 1958, seul le gouvernement de Georges Pompidou a été renversé, en octobre 1962, par un vote de censure. Encore ce vote était-il dirigé contre la décision, annoncée par de Gaulle, d’organiser un référendum sur l’élection du président de la République au suffrage universel.
La quatrième composante introduit, au travers du référendum, un élément inédit de démocratie directe. Longtemps discrédité dans la tradition politique française en raison des dérives plébiscitaires du Premier et du Second Empire, le référendum a été réintroduit par le général de Gaulle dans le système institutionnel français, non seulement pour l’approbation d’une révision constitutionnelle après un vote parlementaire (article 89), mais aussi pour l’adoption, en concurrence avec le Parlement, de projets de loi « portant sur l’organisation des pouvoirs publics » ou autorisant la ratification de traités « ayant des incidences sur le fonctionnement des institutions » (article 11). S’ajoutant à l’élection présidentielle et à la dissolution du Parlement, le référendum devait, en principe, contribuer à contourner, si nécessaire, l’opposition du Parlement et à diversifier les modes de recours direct à l’arbitrage populaire. La télévision allait parallèlement devenir un outil privilégié des présidents successifs pour s’adresser directement au peuple par-dessus la tête des élus.
La cinquième composante du système, qui était largement passée inaperçue au moment de l’adoption de la Constitution, est la création inédite d’un Conseil constitutionnel, accompagnée du rappel de tout un corpus de droits et de libertés mentionné dans le Préambule de la Constitution, et qui se réfère à la fois à la Déclaration des droits de l’homme de 1789 et au Préambule de la Constitution de 1946. Les auteurs de la Constitution ont certainement entendu, sur ce point, marquer la continuité du nouveau régime avec la tradition républicaine. Ils entendaient surtout utiliser le nouveau Conseil comme un garde-fou contre d’éventuels débordements du Parlement. Mais ils ne se doutaient certainement pas de l’usage inattendu qui serait fait des principes du Préambule par le Conseil constitutionnel après 1970, lorsqu’il les érigea comme base du contrôle de constitutionnalité des lois et comme fondement de l’État de droit.
On voit bien que le modèle ainsi décrit ne pouvait entrer dans les classifications préétablies. Il est d’inspiration parlementaire en ce qu’il institue la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale, combinée, en contrepartie, avec le droit conféré au président de la République, après consultation du Premier ministre et des présidents des deux assemblées, de dissoudre l’Assemblée nationale. Mais aucun régime parlementaire ne confère au président de la République la réalité du pouvoir. Il comporte parallèlement certaines connotations présidentielles, en ce qu’il met un fort accent sur le principe de la séparation des pouvoirs, et surtout en ce qu’il institue l’élection au suffrage universel d’un président de la République doté de pouvoirs de gouvernement infiniment plus importants que ceux d’un chef d’État en régime parlementaire, sans être responsable devant le Parlement, sauf mise en jeu d’une procédure exceptionnelle d’impeachment. Cette situation complexe n’est guère surprenante, quand on sait qu’entre la vision du général de Gaulle, centrée sur la primauté présidentielle, celle de Michel Debré, attaché à la conception parlementaire d’un gouvernement fort responsable devant une Assemblée aux pouvoirs bien délimités, et celle du Comité consultatif constitutionnel, soucieux de concilier le parlementarisme rationalisé avec le maintien des prérogatives du Parlement, de savants compromis avaient été bien nécessaires en 1958.
Différentes appellations ont été tentées pour caractériser ce régime dit hybride. Les uns parlent de régime semi-présidentiel, mais pourquoi alors ne pas le qualifier de régime semi-parlementaire ? D’autres se réfèrent à l’idée de « présidentialisme », terme d’autant plus inadapté qu’il s’applique généralement à des régimes du tiers-monde d’inspiration autoritaire, souvent dominés par un parti unique et peu respectueux des libertés. Au motif que le Premier ministre connaît une double dépendance à l’égard du président de la République et de l’Assemblée nationale, on l’a assimilé au dualisme orléaniste de la monarchie de Juillet. Parce qu’il fait une place au référendum, on a cru pouvoir y trouver une inspiration bonapartiste. En réalité, il faut humblement accepter l’idée qu’on ne trouvera pas de terme satisfaisant qui prenne en compte toutes les spécificités de ce système, que le constitutionnaliste Yves Mény a joliment qualifié d’« androgyne » et que d’autres, moins bienveillants, qualifient de « bâtard ». Charles de Gaulle ne remarquait-il pas, à propos de la division traditionnelle des types de gouvernement entre monarchies, aristocraties et démocraties, qu’il n’y a pas en politique de forme pure de gouvernement ? « Un gouvernement, écrivait-il, est toujours une cote mal taillée. » C’est d’autant plus vrai que le régime établi par la Constitution de 1958 a connu au fil des ans de substantielles modifications.
Vingt-quatre révisions constitutionnelles
On aurait pu imaginer que le système gouvernemental mis en place en 1958 serait, sinon immuable, du moins durablement stabilisé. En réalité, la Ve République a connu un grand nombre de changements tout au long des cinquante années de son fonctionnement. Il suffit, pour s’en rendre compte, de comparer terme à terme la Constitution dans sa version de 1958 et dans sa version actuelle. Le général de Gaulle lui-même aurait peine à s’y retrouver. Ainsi que l’a fort bien vu en 2008 le constitutionnaliste Dominique Rousseau, cette simple comparaison est éloquente :
« En 1958, le Parlement se réunissait en deux sessions ordinaires de trois mois par an ; aujourd’hui il se réunit en une session unique continue de neuf mois. En 1958, le Président était élu pour sept ans par un collège de 80 000 électeurs ; aujourd’hui, il est directement élu par le peuple pour cinq ans. En 1958, le référendum était limité, intéressant surtout la vie de l’État ; aujourd’hui, il est étendu aux questions de politique économique et sociale et aux services publics qui y concourent. En 1958, le Parlement n’avait pas compétence sur le budget social ; aujourd’hui, il l’a. En 1958, le Conseil constitutionnel était une institution à l’accès limité et à la compétence réduite à l’examen du respect des domaines respectifs du Parlement et du gouvernement ; aujourd’hui, son accès est ouvert aux justiciables, son contrôle est a priori et a posteriori et son pouvoir est étendu au contrôle du respect des droits fondamentaux. En 1958, l’Europe était absente de la Constitution ; aujourd’hui, elle dispose pour elle toute seule d’un long titre XV. En 1958, la République était jacobine ; aujourd’hui, elle est décentralisée. »
Certains de ces changements sont le résultat de révisions constitutionnelles explicites, d’autres, souvent plus importants, sont apparus sans texte, du fait des circonstances et de la pratique politiques. Le général de Gaulle n’avait-il pas dit, dès 1964, « une Constitution c’est un esprit, des institutions, une pratique » ?
La Constitution a connu, depuis 1958, vingt-quatre révisions constitutionnelles : dix seulement dans ses quarante premières années, de 1958 à 1998, mais ensuite quatorze autres révisions en dix ans, de 1998 à 2008. On a pu constater que, par rapport aux quatre-vingt-douze articles initiaux de la Constitution, trente seulement sont demeurés inchangés depuis 1958, quarante-sept ont été plus ou moins modifiés, quinze abrogés et vingt-huit sont des articles nouveaux, pour constituer désormais un total de cent huit articles, car si la Constitution n’a apparemment que quatre-vingt-neuf articles, certains d’entre eux ont été démultipliés, comme c’est le cas pour les articles relatifs à l’Union européenne, numérotés de 88-1 à 88-7.
Que la Constitution de 1958 ait donné lieu à révision, c’est d’autant moins d’étonnant que, comme toute Constitution, elle comporte très normalement des règles spécifiques relatives à sa révision : c’est ce que l’on appelle le pouvoir constituant « dérivé », dont les règles sont beaucoup plus contraintes que le pouvoir constituant « originaire », qui préside à l’adoption initiale de la Constitution. En principe, ces procédures de révision sont plus ou moins rigoureuses, suivant que la Constitution est conçue comme « souple » ou « rigide », c’est-à-dire selon que les constituants ont souhaité rendre plus ou moins difficile l’adoption de telles modifications. La procédure de révision prévue en 1958 – en l’occurrence l’article 89 de la Constitution – se situe à mi-chemin entre les extrêmes de la rigidité et de la souplesse. Elle comporte, comme c’est fréquemment le cas en la matière, trois étapes : l’initiative, le vote et l’approbation de la révision. L’initiative peut émaner soit du président de la République, sur proposition du Premier ministre, soit des membres du Parlement. Dans la pratique, il est significatif qu’aucune des nombreuses propositions de révision d’initiative parlementaire n’a eu de suite. Le vote du projet de révision par l’Assemblée nationale et le Sénat se fait par la procédure ordinaire, avec cependant une particularité importante : le projet n’est considéré comme adopté que lorsqu’il a été voté en termes identiques par l’Assemblée nationale et le Sénat, sans qu’aucune des assemblées puisse avoir le dernier mot. La troisième étape est celle de l’approbation qui, en droit commun, résulte d’un référendum. Toutefois, pour les projets émanant du président de la République, le référendum peut être remplacé, sur décision du Président, par un vote du Parlement réuni en Congrès à Versailles, à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. La procédure ainsi décrite démontre une incontestable volonté d’équilibre et de solennité, par la participation des deux composantes de l’exécutif (le Président et le Premier ministre), des deux composantes du législatif (l’Assemblée nationale et le Sénat) et du suffrage populaire, au processus de révision. En dehors des deux premières révisions, qui se sont faites sur la base de procédures spécifiques, toutes les révisions intervenues après 1962 ont suivi les procédures ainsi décrites de l’article 89, avec toujours approbation par le Congrès, à la seule exception de la révision d’octobre 2000 instituant le quinquennat, qui a été approuvée par référendum.
Si l’on fait abstraction d’une révision intervenue en 1960, adaptant les articles relatifs à la Communauté franco-africaine, la première grande révision est celle de 1962, intervenue directement par référendum, sur la base – à juste titre contestée – de l’article 11 de la Constitution : elle institue l’élection de président de la République, non plus par un collège électoral, même élargi, mais au suffrage universel. Point n’est besoin de souligner l’importance de cette révision, qui est intervenue à l’issue d’une violente bataille entre le général de Gaulle et une bonne partie de la classe politique. Mise en application pour la première fois en 1965, elle a profondément modifié l’équilibre institutionnel de la Ve République, en renforçant la prééminence du chef de l’État et en provoquant, du fait du duel de second tour, une bipolarisation de la vie politique autour de ce que l’on a appelé la majorité présidentielle.
Depuis cette date, une pratique régulière de la révision constitutionnelle a perm...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Page de titre
  3. Copyright
  4. Table
  5. Introduction
  6. Chapitre 1. Qu'est-ce qui a changé dans les institutions depuis 1958 ?
  7. Chapitre 2. Faut-il revenir sur le quinquennat ?
  8. Chapitre 3. La cohabitation doit-elle être proscrite ?
  9. Chapitre 4. Une seconde chambre est-elle nécessaire ?
  10. Chapitre 5. Faut-il élargir le droit de vote ?
  11. Chapitre 6. Faut-il modifier les modes de scrutin ?
  12. Chapitre 7. Faut-il développer l'usage du référendum ?
  13. Chapitre 8. Comment faire évoluer le Conseil constitutionnel ?
  14. Chapitre 9. Comment réconcilier les Français avec la justice ?
  15. Chapitre 10. Le financement de la vie politique est-il correctement assuré ?
  16. Chapitre 11. Où en est la mise en œuvre de la parité ?
  17. Chapitre 12. Faut-il faire évoluer les règles de la laïcité ?
  18. Chapitre 13. Comment mieux équilibrer les pouvoirs ?
  19. Chapitre 14. Comment renforcer l'État de droit ?
  20. Chapitre 15. Quelle place pour l'Europe dans nos institutions ?
  21. Chapitre 16. Comment améliorer la participation des citoyens à la politique ?
  22. Chapitre 17. Cinquante ans après, quel bilan ?
  23. Chapitre 18. La France doit-elle vraiment changer de République ?
  24. Du même auteur chez Odile Jacob
  25. Quatrième de couverture