
- 320 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
La France des bonnes nouvelles
À propos de ce livre
« Le titre de cet ouvrage, La France des bonnes nouvelles, est une provocation, au moment où le pays est à la peine et doit s'imposer sans doute plusieurs années de rigueur et d'austérité. Les contraintes de la mondialisation et de la financiarisation de l'économie sont les mêmes partout. Il n'empêche que le taux de chômage varie du simple au quadruple au sein des pays européens et aussi en France selon les territoires. Nous avons rassemblé dans ce livre dix-huit histoires qui donnent envie de vivre et de conquérir l'avenir. Ces aventures sont généralement construites autour de projets où des individus isolés ont su partir d'eux-mêmes pour transformer leurs faiblesses en atouts et, à force de volonté et de ténacité, susciter l'adhésion et l'enthousiasme de leur environnement familial et local pour réussir. Elles prouvent qu'il suffit d'un peu de courage et de bon sens pour remettre le pays en marche avant. » M. G., A. L., P. R. « Un livre d'un bout à l'autre passionnant et jamais ennuyeux. Il a aussi des vertus plus profondes. Sa force principale, son titre l'indique, est de porter à l'optimisme. On sort de cette lecture ragaillardi et réconcilié, sinon avec la vie en général, du moins avec l'économie. » Michel Rocard. Michel Godet est professeur au Conservatoire national des arts et métiers, fondateur du Cercle des entrepreneurs du futur. Alain Lebaube est un ancien journaliste du Monde et l'un des plus fins connaisseurs des initiatives et des questions d'emploi. Philippe Ratte, normalien, est un jeune retraité actif de l'Unesco.
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Informations
Troisième partie
Devenir entrepreneur
Chapitre 7
Alain Fribourg
Éloge de l’incompétence en éveil
Éloge de l’incompétence en éveil
L’entreprise a besoin de prendre, comme le ciment, ou comme un arbre qu’on plante. Et ce n’est pas affaire de terrain, ni de diplômes, ni de marchés, mais de sagesse et de volonté. On le mesure tout particulièrement dans les situations de changement, où les repreneurs cèdent volontiers à la tentation des ruptures et des refontes, avec de grands dégâts à la clé. À l’inverse, les vertus de la continuité, le sens des solidarités humaines qui animent l’entreprise procurent en général de belles réussites dans la durée. Son expérience de redresseur d’entreprises a inspiré à Alain Fribourg l’idée que beaucoup dépendent des qualités du patron, de son humilité et même de son incompétence revendiquée, qui l’oblige à prendre appui sur ses équipes plutôt que de prétendre les conduire magistralement. Les meilleurs patrons, observe-t-il, sont souvent les plus discrets au quotidien, mais assument continuités et anticipations. « Il n’y a pas de métiers pourris, il n’y a que des patrons blets », disait avec justesse Jean-Marie Descarpentries1.
Laissons la parole à Alain Fribourg :
« J’ai passé beaucoup de temps à redresser des entreprises en difficulté et, finalement, j’en ai fait mon métier en intégrant un cabinet spécialisé, Dirigeants & Investisseurs, dans lequel j’ai passé treize ans. On m’a toujours expliqué que les difficultés de l’entreprise venaient d’éléments exogènes (la crise économique, la concurrence souvent déloyale, les délocalisations dans des pays à bas taux de main-d’œuvre, la politique d’achats des donneurs d’ordre, les charges sociales, la législation du travail, les impôts, etc.).
« Il est curieux de constater que lorsqu’une entreprise est performante, le patron s’en attribue le mérite alors que, lorsqu’elle ne va pas bien, il n’est que l’innocente victime d’un environnement hostile. L’expérience m’a appris que, dans la plupart des cas, les éléments exogènes n’avaient été que les accélérateurs ou les révélateurs d’une crise inévitable du fait d’éléments endogènes. Dans le meilleur des cas, le patron n’a pas vu la menace et n’a pas su adapter son entreprise à un environnement en changement. Dans le pire des cas, il a été à l’origine de la crise en modifiant, volontairement ou non, un des éléments fondamentaux de la performance de l’entreprise. En fait, il est rare qu’une entreprise soit performante dans la durée sans un bon patron. Il est également rare qu’elle soit non performante avec un excellent patron. »
L’échec n’est pas une fatalité
« L’automobiliste, qui, un beau matin d’hiver sur une route de campagne, dérape sur une plaque de verglas expliquera à tout le monde que la cause de son accident est le verglas. Il oubliera de dire que beaucoup de voitures sont passées là avant et après la sienne sans se retrouver dans le fossé. Certes, il y avait du verglas, mais d’autres ont su l’anticiper et adapter leur conduite. Peut-être simplement ont-ils eu de la chance ! Le bon patron est celui qui est capable de comprendre les évolutions de son environnement, des attentes de ses clients, de la situation concurrentielle, et qui, au lieu de n’y voir que des menaces, cherche les opportunités qu’il peut en tirer. Il ne lui est pas interdit d’avoir de la chance.
« J’ai été pendant trois ans chef d’entreprise en Vendée, dirigeant la filiale d’un grand groupe. Cela m’a permis de côtoyer le patronat local qui a bâti toute une série de success stories, généralement dans la plus grande discrétion, et m’a conforté dans l’idée qu’il n’y a pas de fatalité de l’échec pour celui qui anticipe les évolutions, qui accepte de se remettre en cause, qui est capable de s’adapter et d’adapter son entreprise aux modifications des marchés.
« Comment expliquer autrement le succès de Fleury Michon qui, grâce à Yves Gonnord et à Roger Colin, a survécu à tous ses concurrents historiques, disparus les uns après les autres ? Cette entreprise a su faire évoluer son métier de charcutier traditionnel basé au départ sur l’abattage et la découpe en allant vers le jambon libre-service, les plats cuisinés et le surimi. Fleury Michon est restée une entreprise familiale qui réalise un chiffre d’affaires annuel de plus de 500 millions d’euros, pour l’essentiel en GMS (grandes et moyennes surfaces), et emploie plus de 3 500 personnes dont l’essentiel en France.
« Tout le monde vous dira qu’il est difficile de réussir dans la fabrication de meubles et quasiment impossible de gagner de l’argent en les fabriquant en France. Gautier, pourtant, sous l’impulsion de Dominique Soulard, emploie 1 000 personnes, et 97 % de sa production sont réalisés dans ses usines françaises, ce qui ne l’empêche pas de vendre en France à la grande distribution et d’exporter des meubles “made in France” au Moyen-Orient, en Russie et en Inde. Cette entreprise a fait l’objet d’un LBO2 qui a failli la faire mourir. Elle n’a survécu que grâce à la résistance de son patron contre des actionnaires prédateurs. On se rappelle la grève du personnel de Gautier en 1999 s’opposant au limogeage de Dominique Soulard par les actionnaires de l’époque. Un nouveau LBO a permis à la famille Soulard de reprendre l’entreprise.
« Lorsque j’étais chef d’entreprise en Vendée, il y a vingt-cinq ans, tout le monde s’y plaignait de l’isolement de ce département et en particulier de l’absence d’autoroutes. Eh bien, cela n’a pas empêché deux entrepreneurs, Henri Joyau et Joël Gravelleau, de développer avec un grand succès des entreprises de transport routier spécialisées dans la messagerie… Je pourrais citer beaucoup d’autres exemples, en Vendée ou dans d’autres régions, de succès extraordinaires d’entreprises dans des secteurs considérés comme sinistrés, voire condamnés, grâce à de l’innovation, à de la créativité et à l’aptitude à profiter de niches. Ces réussites sont le fait de patrons visionnaires aptes à créer et à motiver des équipes, et à percevoir les modifications de la demande et de la concurrence. »
Ce que l’homme construit, l’homme peut le détruire
« Mon expérience de redressement d’entreprises m’a sans doute plus appris sur ce qui conduit à l’échec que sur ce qui permet de garantir le succès. L’une des méthodes qui fonctionne le mieux pour mettre son entreprise en difficulté est pour un patron, généralement récemment nommé, d’en changer le business model avant d’avoir compris les conditions de son succès. Je suis intervenu, à la demande d’investisseurs financiers, dans beaucoup d’entreprises ayant fait l’objet d’un LBO et qui, deux ou trois ans après, se trouvaient être en grande difficulté. Or, généralement, ne font l’objet de LBO, après de longues et coûteuses évaluations, que des entreprises performantes. Le business plan sur lequel est basée l’acquisition est parfois optimiste à la marge, mais très rarement fondamentalement erroné. Par ailleurs, sauf si l’entreprise est très technologique ou sensible à des effets de mode, il est rare que ses fondamentaux, en termes de marché et de concurrence, soient bouleversés en deux ou trois ans. Cela n’empêche pas des entreprises, qui au moment de leur acquisition avaient une excellente profitabilité, de perdre de l’argent deux ou trois ans après.
« Un nouveau patron qui prend les commandes d’une entreprise performante doit faire preuve de beaucoup d’humilité. Son premier travail doit consister à comprendre quels sont les ressorts de la performance de son entreprise, quels sont ses points forts, ses avantages concurrentiels qui expliquent sa performance et, bien sûr, qui sont les personnes clés qui ont bâti le succès et qui le maintiennent. Il est clair que le précepte selon lequel “on ne change pas une équipe qui gagne” peut conduire à la longue à un immobilisme dangereux dans un monde qui change. Mais modifier les fondamentaux d’une entreprise avant d’avoir compris ce qui fait son succès peut lui être fatal. Or la tentation est grande pour un patron de démontrer sa supériorité par rapport à son prédécesseur, de vouloir la rupture, le changement des habitudes, d’imprimer sa marque. Le LBO peut également induire des problèmes liés à l’importance de la dette d’acquisition que l’entreprise va devoir supporter et rembourser. Cela peut conduire les actionnaires à encourager le manager à faire surperformer une entreprise déjà performante au risque de la mettre en péril. Cela étant, c’est au patron de savoir privilégier l’intérêt de son entreprise dans la durée de préférence à tout autre intérêt. J’ai ainsi vu un patron mettre son entreprise en grande difficulté en élargissant son domaine d’activité au point de commencer à concurrencer ses donneurs d’ordre, qui en ont tiré les conséquences qu’on imagine. Un autre, cherchant à rajeunir sa clientèle, avait désespéré sa clientèle traditionnelle qui était la base du succès de l’entreprise, sans d’ailleurs réussir à en capter une plus jeune. Moins un patron est expérimenté, plus il a tendance à succomber aux modes.
« La délocalisation mal maîtrisée ou mal comprise a ainsi fait des ravages au cours des dernières années, avant qu’on ne s’aperçoive que c’était loin d’être une solution à tous les problèmes. En délocalisant une production dans un pays à bas taux de main-d’œuvre, on n’économise dans la plupart du temps que sur le coût de la main-d’œuvre directe. Il faut donc bien vérifier que cet élément est fondamental pour la compétitivité du produit, à tel point que les frais induits (encadrement, frais de logistique, frais financiers) seront facilement absorbés et que l’allongement des délais de transport ne va pas entraîner une dégradation du service au client. J’ai ainsi connu un grand groupe d’électronique grand public délocalisant successivement dans des pays toujours moins chers la production de ses téléviseurs alors que la main-d’œuvre directe représentait moins de 20 % de leur prix de revient et que le problème de compétitivité provenait d’une conception trop coûteuse en composants qu’aucune délocalisation ne pouvait régler. On ne faisait que délocaliser son incompétence. J’ai également connu une entreprise de mode qui, du fait de la délocalisation, était incapable d’assurer des réassorts rapides sur les modèles de sa collection qui se vendaient le mieux. La marge théorique sur ces produits délocalisés était importante, mais restait théorique puisque les délais de livraison faisaient rater les ventes. Cette entreprise a été sauvée en rapatriant la production chez des sous-traitants en Alsace et dans le Choletais.
« Il est tentant pour le nouveau patron, qui veut prendre le pouvoir, de modifier le mode d’organisation de l’entreprise. Cela va lui permettre de mettre sur la touche les gêneurs (qui peut-être lui auraient évité de commettre des erreurs) et de promouvoir les hommes de son équipe, souvent nouveaux dans l’entreprise. La mode, en l’occurrence, est l’organisation matricielle, en vogue dans les grands groupes, sans d’ailleurs avoir démontré son efficacité. Dans une PME, cela conduit souvent à supprimer l’autonomie et la responsabilisation des patrons opérationnels, au profit d’une structure de fonctionnels centraux. Ce qui était décentralisé cesse de l’être et plus personne n’est responsable de quoi que ce soit, chacun pouvant attribuer à l’autre la responsabilité de la non-performance. J’ai ainsi vu un patron de PME supprimer une organisation par pays qui fonctionnait, de manière à supprimer les “barons locaux”, pour la remplacer par une organisation matricielle avec des fonctions centrales (production, marketing, commerce, RH, etc.). Le sauvetage de l’entreprise est passé par le rétablissement de l’organisation précédente. Je pourrais également parler de la tentation du nouveau patron de remplacer, toutes affaires cessantes, le système d’information, en privilégiant de préférence un logiciel sophistiqué, souvent complètement inadapté aux besoins, au risque de mettre en cause les fonctions vitales de l’entreprise. »
Ce que le patron ne sait pas, ses collaborateurs le savent
« Alors, comment faire quand un patron, voulant exister, a pris des décisions qui modifient les bases du succès de l’entreprise au risque de la mettre en péril ? Le risque est grand pour le nouveau venu, qui ne connaît pas l’entreprise, de préconiser des changements qui aggraveront encore la situation. C’est pourquoi il doit faire preuve des qualités qui manquaient au patron : l’humilité, l’écoute et le bon sens. La méthode est simple. Elle consiste à dialoguer avec les salariés pour comprendre pourquoi l’entreprise était performante deux ou trois ans avant, et ce qui a changé. Ces entretiens individuels ne doivent pas se limiter aux cadres dirigeants. Dans une PME, il est souvent utile de rencontrer une vingtaine de personnes à tous les niveaux de la hiérarchie.
« Les questions sont simples :
— Qu’est-ce qui ne va pas ?
— Que faudrait-il faire pour que ça aille mieux ?
— Qui sont les personnes clés ?
« Bien sûr, il faut également analyser les chiffres, les comptes de résultats, la trésorerie, mais c’est des entretiens avec les membres du personnel que ressortent les éléments fondamentaux du plan de redressement de l’entreprise, basés sur la compréhension de sa performance passée. Il est alors très frustrant pour le chef d’entreprise de constater qu’une personne, certes spécialisée dans le redressement, mais étrangère à l’entreprise, à son métier et à son marché, peut, en quelques jours, en parlant à ses collaborateurs, comprendre l’origine des difficultés et bâtir un plan de redressement. La plupart du temps, il s’agit au sens informatique du terme d’un reset. Lorsqu’un ordinateur se met soudainement à ne plus fonctionner correctement, il suffit très souvent de le remettre dans la configuration où il se trouvait quand il fonctionnait pour qu’il retrouve ses performances. Cela est assez simple à faire puisque les systèmes d’exploitation sont dotés de programmes de restauration qui permettent de remettre les ordinateurs dans la configuration antérieure et de supprimer tout ce qui a pu perturber leur fonctionnement.
« Dans l’entreprise, les virus sont plus compliqués à éliminer. Il n’existe pas de logiciel standard de restauration, mais le principe reste le même. Il s’agit, en faisant du sur-mesure, de remettre l’entreprise dans ses conditions de performance.
« Il faut revenir aux fondamentaux, au business model qui fonctionne, au mode d’organisation adapté en ne se préoccupant que de l’essentiel. Cela étant, les dégâts induits par les erreurs de management peuvent être importants. Il faut souvent restaurer la confiance des clients. Il faut aussi reconstruire une équipe dont les meilleurs éléments ont quitté l’entreprise, soit parce qu’ils voyaient venir le désastre, soit parce qu’ils s’opposaient à l’orientation du patron et se sont fait licencier. À ce stade, même si l’on a établi le plan de redressement de l’entreprise, encore faut-il démontrer qu’on peut le financer dans des conditions économiques acceptables. »
Le poisson pourrit-il toujours par la tête ?
« Il est sans doute sévère et parfois injuste de considérer que le patron est le seul responsable des difficultés de son entreprise, mais l’expérience démontre que le poisson pourrit souvent par la tête. Il est impossible de redresser une entreprise si les causes de ses difficultés sont exogènes. Comment modifier les éléments du marché, de la concurrence, de l’environnement économique ? Autant créer une nouvelle entreprise, sur de nouvelles bases, si on en a les moyens. Le fait que beaucoup d’entreprises soient redressables démontre bien que leurs problèmes sont internes et que le patron n’a pas su les détecter et les résoudre.
« La réussite dans des domaines difficiles, on l’a vu, exige des patrons exceptionnels ayant une vraie capacité de vision et d’anticipation. Mais très souvent, les qualités requises sont plus limitées car les problèmes sont moins complexes et il suffit au patron de modifier, par touches successives, les fondamentaux de son entreprise pour l’adapter à des modifications de l’environnement. Le moins qu’on puisse lui demander est de ne pas être à l’origine des problèmes par des décisions inadaptées et nocives.
« Il arrive souvent à un apprenti pilote de ne plus rien comprendre au comportement de son avion. Il est alors conduit à tenter de corriger des erreurs, et il s’aperçoit que, souvent, il les aggrave. Son instructeur va lui expliquer que l’avion est fait pour voler et qu’en cessant d’agir un instant, en lâchant le manche et le palonnier, il va comprendre quelle erreur il a commise dans le réglage de l’avion : humilité, humour et bon sens sont de bonnes ressources. La plupart des entreprises sont faites pour fonctionner, et le rôle des patrons consiste, en toute humilité, à maintenir et à renouveler les conditions de leurs performances en s’appuyant sur la compétence de leurs équipes. Les meilleurs chefs d’entreprise sont souvent les plus humbles et les plus discrets. »
La vertu de l’incompétence ?
« En forme de conclusion, et sans vouloir faire de mon parcours personnel un modèle à suivre, je me demande si l’incompétence bien gérée ne met pas à l’abri de l’arrogance criminelle de chefs d’entreprise réputés ou autoproclamés compétents. J’ai passé ma vie professionnelle à gérer mon incompétence (je crois, avec talent).
« Tout commence par un échec au concours d’entrée à HEC qui me conduit à Sciences Po et à un DESS de droit public, devant normalement m’amener à l’ENA – mais l’ENA ne veut pas de moi. Cela ne m’empêche pas d’être professeur à l’EN… de Ouagadougou, comme appelé du contingent.
« Au retour de mon service, peu militaire, je souhaite revenir à ce que j’aurais pu faire en sortant d’HEC, si j’y avais été admis, et je rentre à l’audit interne du groupe Thomson. Je passe deux ans à contrôler des comptabilités, alors que je ne connais rien à la comptabilité et que je suis incapable de passer une écriture comptable. J’ai ainsi découvert qu’il était plus facile de contrôler que de faire, et qu’il n’était pas nécessaire de savoir faire pour savoir contrôler.
« L’audit me conduit vers le contrôle de gestion, où mon incompétence est moins flagrante, le bon sens et le sens du business pouvant compenser l’absence de technique. Je deviens ainsi contrôleur de gestion d’une division industrielle du groupe Thomson. Le décès de mon patron et le sens du risque de celui qui reprenait ses activités me font alors pulvériser mon seuil de compétence.
« Je deviens, à 35 ans, le patron d’une entreprise industrielle, L’Unité hermétique, qui fabrique des compresseurs de réfrigération, de climatisation et de froid commercial, et emploie 2 000 personnes dans trois usines. N’étant pas ingénieur, à une époque, malheureusement pas entièrement ré...
Table des matières
- Couverture
- Titre
- Copyright
- Préface - par Michel Rocard
- Dix-huit histoires extraordinaires
- Des crises porteuses d’espoir - par Michel Godet
- Première partie - Le handicap, une différence à positiver
- Deuxième partie - Agir dans son milieu
- Troisième partie - Devenir entrepreneur
- Quatrième partie - Réussir l’avenir
- Remerciements
- Des mêmes auteurs chez Odile Jacob