Le Terrorisme
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Le Terrorisme

Les voies de la coopération internationale

  1. 304 pages
  2. French
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Le Terrorisme

Les voies de la coopération internationale

À propos de ce livre

Avec ce livre, Mario Bettati dresse un Ă©tat des lieux prĂ©cis et exhaustif du terrorisme : quels sont les pays touchĂ©s ? OĂč se trouvent les camps d'entraĂźnement ? Existe-t-il un profil type du terroriste ? Quels types d'armes sont utilisĂ©s ? Puis il montre que, face Ă  une menace protĂ©iforme, les rĂ©ponses des États sont devenues Ă©galement multiples : juridiques, avec le dĂ©veloppement des conventions internationales, et surtout rĂ©gionales, administratives avec le renforcement de la coopĂ©ration des services de police, douaniĂšres Ă©videmment, financiĂšres, enfin, avec la surveillance de plus en plus efficace des flux d'argents. Certes, il reste encore des progrĂšs Ă  faire pour endiguer le terrorisme. Et Mario Bettati le souligne avec force : seule la coopĂ©ration internationale permettra de l'Ă©radiquer dĂ©finitivement. Mario Bettati, agrĂ©gĂ© des facultĂ©s de droit, ancien doyen, est professeur Ă©mĂ©rite Ă  l'universitĂ© Paris-II. Conseiller de Bernard Kouchner (ministre des Affaires Ă©trangĂšres et europĂ©ennes), il a initiĂ© et promu avec lui le droit d'ingĂ©rence humanitaire et Ă©cologique. Il a notamment publiĂ© Le Droit d'ingĂ©rence et Le Droit international de l'environnement. 

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Informations

Chapitre 1
Les développements historiques
du terrorisme

On assiste Ă  une recrudescence du phĂ©nomĂšne et de sa mĂ©diatisation. MĂȘme le plus localisĂ© des attentats est aussitĂŽt connu de l’ensemble des pays du monde par la profusion des moyens d’information et leur propension Ă  faire des attentats un sujet de prĂ©dilection. Ainsi s’élabore un panorama de plus en plus complet du flĂ©au qui permet, pour en avoir une bonne perception, d’en dresser une sorte d’épidĂ©miologie. Elle prĂ©sente les diffĂ©rentes formes qu’il prend aujourd’hui et qu’il pourrait prendre demain. La galaxie des mouvements actifs identifiĂ©s de nos jours par les diffĂ©rents services en charge du processus permet Ă©galement d’établir ce que l’on pourrait appeler le « Who’s Who » du terrorisme. On dispose ainsi de la liste relativement exhaustive des organisations et des individus suspects ou notoirement impliquĂ©s. Ce qui permet du mĂȘme coup de cibler les lieux et modalitĂ©s d’entraĂźnement des mouvements, auteurs dĂ©jĂ  affirmĂ©s ou estimĂ©s potentiels d’attentats, et de dĂ©crire l’esquisse des ripostes que les États tentent de leur opposer.
Naissance et croissance du terrorisme
Alternance de groupes et d’individualitĂ©s, le mouvement terroriste est un monde Ă  physionomie multiforme qui, depuis le Moyen Âge, est animĂ© par des idĂ©ologies tantĂŽt religieuses, tantĂŽt politiques, appuyĂ©es soit sur un corps de doctrine Ă©laborĂ©e, soit sur des spontanĂ©itĂ©s impulsives de pure circonstance.
Les « hashashims » prĂ©curseurs au Moyen Âge
Les hashashims – mot qui signifie « fumeurs de haschich » – ont donnĂ© le nom « assassins ». C’était une secte formĂ©e par Hassan al-Sabbah (1034-1124), personnage singulier issu d’une famille chiite traditionnelle, converti Ă  la foi des ismaĂ©liens, surnommĂ© l’« Étudiant balafrĂ© » et quelques annĂ©es plus tard le « Vieux de la Montagne » (titre du grand maĂźtre de la secte qu’il crĂ©a). Bien qu’il fĂ»t Ă©rudit, ses idĂ©es Ă©taient arrĂȘtĂ©es, servies par de vastes connaissances. À toute question qu’on lui posait, il avait rĂ©ponse profĂ©rĂ©e comme vĂ©ritĂ© indiscutable. Cette assurance lui donna une grande force qui fit trembler sultans et vizirs. L’analogie avec Oussama ben Laden est tentante, beaucoup n’y ont pas rĂ©sistĂ©. Les diffĂ©rences entre les deux personnalitĂ©s demeurent cependant plus nombreuses que les similitudes.
Il a vĂ©cu parmi les tenants du pouvoir politique. Il avait rĂ©ussi Ă  se faire nommer Ă  dessein sahib-khabar (« chef des espions »), ce qui lui a permis d’infiltrer les cercles dirigeants. Vizirs, cadis, gouverneurs Ă©mirs et sultans invoquaient toujours Allah comme source de tout pouvoir, mais s’ils Ă©levaient des hommes jusqu’aux nues ils pouvaient aussi les rabaisser ignoblement, jusqu’à les faire massacrer. Rumeurs, jalousies, mĂ©disances et complots
 lui Ă©taient familiers. Au cƓur mĂȘme des secrets des puissants, Hassan, devenu conseiller, puis confident, dĂ©tenait une force qui finalement reprĂ©sentait un danger potentiel pour les dirigeants. Il fut donc accusĂ©, condamnĂ©, pourchassé  Tandis qu’une poignĂ©e d’individus, une sorte d’armĂ©e de l’ombre, de plus en plus nombreuse, dĂ©cidĂ©e, et invincible
 lui restait fidĂšle. Il sillonna le Moyen-Orient sans relĂąche et rassembla des disciples par la persuasion ou par la force. Il prĂȘchait, il argumentait, il convertissait. Dans chaque ville oĂč il passait, il organisait et unifiait son armĂ©e secrĂšte. Il dĂ©signait un reprĂ©sentant entourĂ© d’adeptes perses ou arabes, sunnites ou chiites, lassĂ©s de subir la domination turque. On les appelait batinis (« gens du secret ») et on les traitait d’hĂ©rĂ©tiques, d’incroyants, de mĂ©crĂ©ants, d’infidĂšles
 Les ulĂ©mas les reniĂšrent. Les tuer fut prĂ©sentĂ© comme un devoir. DĂ©sormais, assassinats et meurtres se succĂ©dĂšrent. Caravanes dĂ©tournĂ©es, exĂ©cutions, massacres
 aucune ville, aucune province, aucune route ne fut Ă©pargnĂ©e. Devenu maĂźtre de la rue, Hassan imposa sa loi. Ayant une grande connaissance des inimitiĂ©s qui rĂ©gnaient dans les palais, les diwans et les cours, il devint aussi maĂźtre de la manipulation, habile dans l’art d’amplifier les haines entre puissants, entre hĂ©ritiers
 Meurtres politiques de dirigeants chrĂ©tiens ou perses, de musulmans chiites ou sunnites se multipliĂšrent. FormĂ© Ă  rĂ©pondre Ă  la torture, l’hashashim rĂ©citait alors une suite de noms appris par cƓur, dĂ©noncĂ©s comme faisant partie de la confrĂ©rie, mais ciblĂ©s en fait par Hassan lui-mĂȘme parmi des ennemis de la secte. AussitĂŽt on recherchait les soi-disant complices. De cette façon, les juges du pouvoir local exĂ©cutaient les volontĂ©s d’Hassan sans mĂȘme le savoir. Les hashashims suivaient l’enseignement d’Hassan : « Il ne suffit pas de tuer nos ennemis, nous ne sommes pas des meurtriers mais des exĂ©cuteurs, nous devons agir en public, pour l’exemple. Nous tuons un homme, nous en terrorisons cent mille. » Hassan, avec ses tueurs dĂ©vouĂ©s, dĂ©tenait de surcroĂźt une arme offensive efficace, depuis le 4 septembre 1090, oĂč il s’est emparĂ© de la forteresse d’Alamut. De ce nid d’aigle qui domine la mer Caspienne, la petite communautĂ© put piller les caravanes et terroriser les princes turcs, arabes et croisĂ©s du Moyen-Orient pendant deux siĂšcles. Elle infesta la rĂ©gion et y rĂ©pandit l’effroi.
Au-delĂ  de cette pĂ©riode singuliĂšre, le terrorisme est finalement un phĂ©nomĂšne qui accompagne tous les moments de l’histoire politique et sociale. Longtemps limitĂ© Ă  la personne des dirigeants politiques, il a frappĂ© l’existence de chefs d’État et de gouvernement, les figures du mouvement social ou religieux, les acteurs de la vie publique. Puis il s’est Ă©largi Ă  des cibles collectives, visant des groupes humains localisĂ©s, catĂ©gorisĂ©s, ou indiffĂ©renciĂ©s. Les attentats ont commencĂ© Ă  viser indistinctement des cibles anonymes, on les qualifie d’« aveugles », visant les populations indĂ©pendamment de toute appartenance ethnique, politique ou confessionnelle. Les sociĂ©tĂ©s victimes ont donc tentĂ© d’opposer des rĂ©pliques face Ă  la multiplication de ces actes. L’exercice Ă©tait d’autant plus malaisĂ© que les prĂ©sumĂ©s coupables n’étaient, et ne sont aujourd’hui encore, pas toujours identifiables. De plus, les mĂ©thodes Ă  employer n’ont pas toujours Ă©tĂ© et ne sont encore pas aujourd’hui, dans tous les cas, conformes au respect des droits de l’homme et des libertĂ©s fondamentales. Elles sont donc officiellement impraticables en dĂ©mocratie.
L’essor du terrorisme au XVIIIe au XIXe siùcle
Il s’accompagne d’une Ă©volution du vocabulaire. Jadis prĂ©dominant, le mot « attentat » a aujourd’hui, largement perdu la polysĂ©mie qui l’a longtemps caractĂ©risĂ©. L’évolution de l’emploi de ce terme depuis la fin du XVIe siĂšcle, observĂ©e en interrogation par le catalogue de la BNF, permet de rĂ©pertorier plus de 700 ouvrages dont le titre comporte le mot « attentat(s) ». ComplĂ©tĂ© par la bibliographie et Ă  l’aide d’Internet, ce corpus permet, de restituer une bonne part des usages possibles du mot et de donner une idĂ©e d’ensemble d’une double trajectoire qui voit d’abord son emploi s’élargir, au cours des XVIIe et XVIIIe siĂšcles, puis se restreindre au XIXe et surtout au XXe siĂšcle, Ă©cartĂ© progressivement au profit du mot « acte terroriste ».
L’expression « terrorisme » est nĂ©e avec la RĂ©volution française au cours de la pĂ©riode qui a suivi la chute de Robespierre. Elle dĂ©signait la politique de terreur des annĂ©es 1793-1794. Plus tard, l’expression rĂ©apparaĂźt vers la fin du XIXe siĂšcle et au dĂ©but du XXe, en Russie. Le terrorisme rĂ©volutionnaire devint cĂ©lĂšbre avec l’assassinat du tsar Alexandre II. InspirĂ© par les Ɠuvres de Bakounine et NetchaĂŻev, il incarne une volontĂ© populaire1. Il connaĂźt en Europe occidentale, et particuliĂšrement en France, un Ă©quivalent avec le terrorisme anarchiste. Mais la bombe de Vaillant au Palais-Bourbon en 1893, et l’assassinat du prĂ©sident Carnot l’annĂ©e suivante contribuent Ă  isoler les anarchistes du mouvement ouvrier dont ils se rĂ©clament et leur pratique est un Ă©chec. Le dĂ©but du XXe siĂšcle ouvre une nouvelle voie au terrorisme, celle de la lutte pour l’indĂ©pendance nationale. Elle s’exerce de façon violente contre l’oppression ottomane en MacĂ©doine et en Thrace de 1903 Ă  la PremiĂšre Guerre mondiale. Au lendemain de celle-ci, l’Irlande s’éveille au terrorisme. L’IRA multiplie les attentats sanglants et Ă  partir de 1939 elle intervient sur le territoire britannique. Au cours de la mĂȘme pĂ©riode, qualifiĂ© d’attentat par l’ensemble des contemporains, le meurtre, en octobre 1934 Ă  Marseille, du roi de Yougoslavie et du ministre des Affaires Ă©trangĂšres français Louis Barthou, fut un Ă©vĂ©nement complexe, qui montra bien l’ampleur des ruptures Ă  l’Ɠuvre dans l’Europe des annĂ©es 1930. Les meurtriers, membres de deux organisations terroristes des Balkans (dont l’Ustasa croate), bĂ©nĂ©ficiaient du soutien d’États dictatoriaux, au premier chef l’Italie fasciste et la Hongrie de l’amiral Horthy. Faisant rejouer le spectre de l’attentat de Sarajevo en juin 1914, l’attentat de Marseille en 1934 provoqua, pour la premiĂšre fois, une rĂ©action internationale concertĂ©e, de la part du conseil de la SociĂ©tĂ© des Nations. Cette rĂ©action diplomatique aboutit Ă  une confĂ©rence internationale Ă  GenĂšve en novembre 1937. Elle adopta les premiĂšres conventions juridiques de lutte contre le « terrorisme politique ». C’est aussi au nom de l’indĂ©pendance nationale et de la libĂ©ration populaire que l’Europe occupĂ©e par l’armĂ©e allemande connaĂźt la RĂ©sistance, apparentĂ©e au terrorisme national et condamnĂ©e comme telle par l’occupant et la Gestapo. Enfin, les mouvements liĂ©s Ă  l’Ɠuvre de dĂ©colonisation rĂ©volutionnaire ont usĂ© de la terreur pour leur entreprise d’affranchissement. Ils ont aussi Ă©tĂ© victimes d’actions terroristes contre-rĂ©volutionnaires de la part de ceux qui restaient attachĂ©s au maintien du systĂšme colonial (OAS en AlgĂ©rie). On les retrouve aujourd’hui en TchĂ©tchĂ©nie ou au Proche-Orient.
Le caractĂšre Ă©minemment politique de l’action des terroristes a toujours incitĂ© les autoritĂ©s Ă©tatiques Ă  la plus grande prudence en ce qui concerne l’extradition de ce type de dĂ©linquants. Non seulement elle n’est gĂ©nĂ©ralement pas accordĂ©e pour des crimes et dĂ©lits politiques, mais leur auteur peut souvent bĂ©nĂ©ficier de l’asile sur le territoire d’un autre État. En effet, on sait que l’octroi de l’asile engendre et, par consĂ©quent, implique logiquement un Ă©tat de protection. Or le problĂšme de la qualification du dĂ©lit – politique ou non – et de l’autoritĂ© compĂ©tente pour opĂ©rer cette qualification est malaisĂ©. La Cour de La Haye eut Ă  connaĂźtre de cette difficultĂ©. Dans son arrĂȘt du 20 novembre 1950, elle estima que ni les textes ni la coutume n’accordaient Ă  la Colombie le pouvoir de qualifier la nature du dĂ©lit par une dĂ©cision unilatĂ©rale, dĂ©finitive et obligatoire pour le PĂ©rou.
Les faits de terrorisme peuvent-ils ĂȘtre soustraits de cette catĂ©gorie des dĂ©lits politiques qui exonĂšre de l’extradition ? La Belgique, par sa loi du 22 mars 1856, a « dĂ©politisĂ© » les attentats et les meurtres contre la personne du chef d’un gouvernement Ă©tranger. Quelques annĂ©es plus tard, en 1892, l’Institut de droit international au cours de sa session de GenĂšve adoptait au sujet de l’extradition des criminels politiques un article ainsi rĂ©digĂ© : « Ne sont point rĂ©putĂ©s dĂ©lits politiques
 les faits dĂ©lictueux qui sont dirigĂ©s contre les bases de toute organisation sociale et non pas seulement contre tel État dĂ©terminĂ©, ou contre telle forme de gouvernement2. » Depuis, les diffĂ©rents textes internationaux relatifs Ă  la rĂ©pression sectorielle des actes de terrorisme reposent sur la mĂȘme dĂ©qualification ou disqualification.
DĂ©jĂ , la premiĂšre confĂ©rence pour l’unification du droit pĂ©nal, qui se rĂ©unit Ă  Varsovie en 1927, dĂ©finissait donc le terrorisme comme crĂ©ant un pĂ©ril collectif 3. Les travaux de la SDN et plus encore ceux de l’ONU ont cependant mis en Ă©vidence l’ambiguĂŻtĂ© substantielle du terrorisme pour le droit international. Sa dĂ©finition est au moins aussi dĂ©licate que celle de l’agression qui a mobilisĂ© durant de nombreuses annĂ©es les Nations unies et leur ComitĂ© spĂ©cial avant d’aboutir Ă  la rĂ©solution 3314 (XXIX) du 14 dĂ©cembre 1974. Le subjectivisme tient une place Ă©minente dans la recherche des critĂšres juridiques. Il existe pourtant des normes impĂ©ratives, qu’énonce le droit humanitaire, qui devraient s’imposer aussi bien aux États qu’aux mouvements de libĂ©ration. MĂȘme si aujourd’hui elles s’imposent de plus en plus, jusqu’aux groupes pour lesquels, jadis, les exigences de la libĂ©ration autorisaient les mĂ©thodes les plus douloureuses d’affranchissement.
Tenant compte de cette tendance, Gaston Bouthoul a posĂ© un certain nombre d’axes en vue de procĂ©der Ă  la dĂ©limitation du concept de terrorisme4. Son analyse polĂ©mologique a d’abord mis en Ă©vidence les rapports de domination qui se manifestent dans la sociĂ©tĂ© internationale. La terreur y joue le rĂŽle d’instrument privilĂ©giĂ© du vainqueur pour imposer sa volontĂ© au vaincu. La peur fonde donc toutes les manifestations de force, elle est sous-jacente Ă  tous les conflits armĂ©s. Pour autant, il convient de distinguer la guerre du terrorisme. Celui-ci possĂšde des traits spĂ©cifiques qui le diffĂ©rencient profondĂ©ment de celle-lĂ . AnimĂ© par des groupes clandestins qui ne mĂšnent pas un combat mais des actions spectaculaires et souvent sanglantes, le terrorisme exprime selon Gaston Bouthoul Ă  la fois des attitudes psychologiques et des modes intellectuelles, doctrinales et parfois mĂȘme techniques. Certaines actions solitaires ne lui sont pas Ă©trangĂšres, mais il doit nĂ©anmoins ĂȘtre distinguĂ© du terrorisme de droit commun (hold-up). La notion demeure cependant ambiguĂ«, en raison de la multiplicitĂ© de ses formes, de ses objectifs, en raison aussi de la grande diversitĂ© de ses effets.
Le terrorisme dans les discours marxiste et tiers-mondiste
Toutes les pĂ©riodes rĂ©volutionnaires ont connu des manifestations de violence qualifiĂ©es de terroristes. Une analyse historique et politique de cette violence fut prĂ©sentĂ©e en 1920 par LĂ©on Trotski dans Terrorisme et communisme. Ses observations demeurent d’une certaine actualitĂ©. Elles peuvent ĂȘtre comparĂ©es Ă  la dĂ©claration de l’organisation palestinienne Septembre noir faite au lendemain de l’attentat de Munich en 1972 qui retourne l’accusation et s’efforce de justifier la terreur qu’elle exerce au nom de celle qu’elle a subie. Pourtant, tous les rĂ©volutionnaires n’ont pas prĂ©conisĂ© le terrorisme, en AmĂ©rique latine, Che Guevara a pris nettement parti contre ce type de violence. On le verra Ă©galement plus loin.
Trotski : « Le terrorisme, si c’est nĂ©cessaire »
Il considĂšre que le terrorisme est bien plus profondĂ©ment liĂ© Ă  la nature de la rĂ©volution que ne l’avaient pensĂ© certains sages. « Kautsky en tire, lui, une conclusion diamĂ©tralement opposĂ©e. Le dĂ©veloppement formidable du terrorisme des blancs et des rouges dans toutes les derniĂšres rĂ©volutions – russe, finlandaise, allemande, autrichienne, hongroise – lui est une preuve que ces rĂ©volutions ont dĂ©viĂ© de leur bonne voie et qu’elles ne se sont pas montrĂ©es telles qu’elles auraient dĂ» ĂȘtre conformĂ©ment Ă  ses rĂȘveries thĂ©oriques5. »
Et il ajoute : « La classe ouvriĂšre, qui s’est emparĂ©e du pouvoir en combattant, avait pour tĂąche d’assurer dĂ©finitivement sa domination, de couper toute envie de coup d’État chez ses ennemis et de se donner, par cela mĂȘme, la possibilitĂ© de rĂ©aliser les grandes rĂ©formes socialistes. Ou alors il ne fallait pas prendre le pouvoir. » La rĂ©volution n’implique pas logiquement le terrorisme, ni l’insurrection armĂ©e. Solennelle banalitĂ© ! « Mais, par contre, la rĂ©volution exige de la classe rĂ©volutionnaire qu’elle mette tous les moyens en Ɠuvre pour atteindre ses fins ; par l’insurrection armĂ©e, s’il le faut ; par le terrorisme, si c’est nĂ©cessaire. » La classe ouvriĂšre, qui a conquis le pouvoir les armes Ă  la main, doit briser par la violence toutes les tentatives qu’on fera pour le lui arracher
 la question des formes et du degrĂ© de la rĂ©pression n’est, assurĂ©ment, pas une question « de principe ». C’est une question de moyens en vue d’atteindre le but. À une Ă©poque rĂ©volutionnaire, le parti qui a Ă©tĂ© chassĂ© du pouvoir, qui ne veut pas admettre la stabilitĂ© du parti dirigeant et qui le prouve par la lutte forcenĂ©e qu’il mĂšne contre lui, ne se laissera pas intimider par la menace des emprisonnements Ă  la durĂ©e desquels il ne croit pas. C’est uniquement par ce simple fait dĂ©cisif que s’explique l’application frĂ©quente de la peine de mort dans la guerre civile. Pour Trotski : « La terreur est impuissante – et encore n’est-ce qu’en fin de compte qu’elle l’est – si elle est appliquĂ©e par la rĂ©action contre la classe qui se soulĂšve en vertu des lois de son dĂ©veloppement historique. La terreur doit, par contre, ĂȘtre efficace contre la classe rĂ©actionnaire qui ne veut pas quitter l’arĂšne. L’intimidation est le plus puissant moyen d’action politique tant dans la sphĂšre internationale qu’à l’intĂ©rieur. » La guerre, de mĂȘme que la rĂ©volution, repose sur l’intimidation. Une guerre victorieuse n’extermine en gĂ©nĂ©ral qu’une partie infime de l’armĂ©e vaincue, mais dĂ©moralise les autres, et brise leur volontĂ©. « La rĂ©volution agit de mĂȘme : elle tue quelques personnes, elle en effraie mille. Dans ce sens, la terreur rouge ne se distingue pas en pr...

Table des matiĂšres

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Sommaire
  5. Liste des abréviations
  6. Introduction
  7. Chapitre 1 - Les développements historiques du terrorisme
  8. Chapitre 2 - La laborieuse recherche d’un rĂ©gime juridique contre le terrorisme
  9. Chapitre 3 - Le dispositif universel de lutte contre le terrorisme
  10. Chapitre 4 - Le dispositif antiterroriste régional
  11. Chapitre 5 - Les instruments antiterroristes nationaux
  12. Chapitre 6 - Le déclin des groupes terroristes
  13. Annexes
  14. Bibliographie
  15. Notes
  16. Index
  17. Du mĂȘme auteur chez Odile Jacob