Les Animaux et la Ville
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Les Animaux et la Ville

  1. 240 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Les Animaux et la Ville

À propos de ce livre

Vous qui vivez en ville, vous pensez peut-ĂȘtre que la vraie place de l'animal est Ă  la campagne ? Que les chiens sont des caprices de citadins esseulĂ©s ? Que les chats n'ont pas Ă  traĂźner dans les rues ? Pas plus que les pigeons Ă  souiller les trottoirs ou les blattes Ă  envahir les logements ? Pour autant, voulez-vous d'une ville sans nature ? Sans espaces verts mais aussi sans animaux ? D'une ville aseptisĂ©e, en d'autres termes ? Nathalie Blanc analyse le rĂŽle de l'animal, et donc du vivant, dans nos sociĂ©tĂ©s urbaines. C'est la question de la nature en ville qui est ici posĂ©e. Et du mĂȘme coup, celle de la nature de la ville. Chercheur au CNRS, spĂ©cialiste de gĂ©ographie urbaine, Nathalie Blanc travaille depuis plusieurs annĂ©es sur la place et la fonction de la nature dans l'espace urbain.

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2000
Imprimer l'ISBN
9782738108951

Chapitre 17

La domination du végétal


DĂšs les dĂ©buts de l’urbanisme, la ville est considĂ©rĂ©e « hors milieu » ; des Ă©lĂ©ments de nature choisis pour leur qualitĂ© abonderont le systĂšme urbain. Ils sont essentiellement vĂ©gĂ©taux et climatologiques : l’animal n’en fait pas partie. Avec le dĂ©veloppement des techniques d’habiter, les sociĂ©tĂ©s urbaines ont cru pouvoir s’émanciper de la nature. Elles ont voulu recrĂ©er une surnature urbaine. Presque aujourd’hui, on peut distinguer la nature rĂȘvĂ©e dont on a la nostalgie et qui est un Ă©lĂ©ment dans la confection d’une ville sur-mesure et la nature, comme ensemble matĂ©riel et idĂ©el.
La nature rĂȘvĂ©e ne pouvait ĂȘtre reprĂ©sentĂ©e en ville. « La nature manque ici, c’est vrai. Mais quoi, l’endroit oĂč nous sommes est une grande ville, voilĂ  tout, Ă©crivait Robert Walser en 19091. Chez nous, il y avait partout de vastes perspectives et des Ă©chappĂ©es. Il me semble que j’entendais toujours les oiseaux gazouiller le long des rues. Les sources murmuraient toujours. La montagne couverte de forĂȘts baissait son regard majestueux sur la ville. Le soir, on se promenait en gondole sur le lac tout proche. Les rochers et les bois, les collines et les champs Ă©taient toujours Ă  quelques pas. Il y avait toujours des voix et des odeurs. Et les rues de la ville ressemblaient Ă  des allĂ©es de jardin tant elles paraissaient propres et douces au pas. » Plus loin, il ajoute : « Souvent (dans cette grande ville), Ă  l’heure du dĂ©jeuner, je reste Ă  ne rien faire sur un banc. Les arbres de la promenade sont tout Ă  fait ternes. Les feuilles pendent comme du plomb sans naturel. Parfois c’est comme si tout ici Ă©tait de tĂŽle et de fer lĂ©ger. »
De façon gĂ©nĂ©rale, cette conception du monde urbain est liĂ©e au dĂ©veloppement urbain et des techniques en Occident, Ă  partir du XVIIIe siĂšcle. Elle va de pair avec le besoin de nature du citadin. Qui acquiert une importance particuliĂšre, dans la seconde moitiĂ© de ce siĂšcle, avec le dĂ©veloppement d’une sensibilitĂ© Ă©cologique parallĂšlement Ă  celui des problĂšmes d’environnement. Ce besoin de « nature » intervient mĂȘme dans le choix du mode d’habiter : un bout de jardin, un logement ensoleillĂ©, aĂ©rĂ©2
 jouent un rĂŽle dans les prioritĂ©s des citadins. Il n’empĂȘche pas que des villes, y compris souterraines, se dĂ©veloppent, comme Ă  MontrĂ©al, comme de vĂ©ritables « technocosmes » urbains et marchands.
Les utopies urbaines, les premiers modĂšles urbains ou les thĂ©ories d’urbanisme ont contribuĂ© Ă  façonner une ville qui valorise l’artifice3, mĂȘme si leurs auteurs ne voulaient pas rompre l’alliance avec la nature.
Les discours thĂ©oriques qui prĂ©tendent fonder les modes de fabrication d’un monde urbain4 apparaissent pour la premiĂšre fois en Occident, au XVe siĂšcle. L’Utopie de Thomas More (1478-1535) est l’un d’eux.
La description d’Utopie, tout Ă  la fois ville sans lieu et lieu du bonheur comme l’indique sa double Ă©tymologie, est un vĂ©ritable portrait. Chaque trait de la ville est dĂ©peint, y compris ceux l’inscrivant dans un milieu. C’est une description du site et de la situation de la ville. Les premiĂšres paroles du voyageur arrivant Ă  Utopie le montrent : « C’est une Ăźle sĂ©parĂ©e du continent par un isthme de quinze mille pas ; elle prĂ©sente l’aspect d’un croissant de lune, d’un pĂ©rimĂštre de cinq cents milles, dont un bras de mer de onze milles environ sĂ©pare les deux “cornes” et forme une sorte de lac maritime, parfaitement calme ; l’accĂšs de celui-ci est rendu difficile par un gros rocher, des Ă©cueils, et des hauts-fonds, tandis que du cĂŽtĂ© opposĂ©, le littoral se signale par des brisants rocheux. » Ces caractĂ©ristiques naturelles servent Ă  justifier des Ă©lĂ©ments du bĂąti, qui en feront un endroit exemplaire, en termes d’organisation. Utopie est donc unique, elle a une individualitĂ© gĂ©ographique. Elle est dĂ©peinte de telle sorte, qu’on peut croire Ă  son existence rĂ©elle, la description de sa matĂ©rialitĂ© servant Ă  attester de sa rĂ©alitĂ©.
La nature est un dĂ©cor : elle sera celui d’une nouvelle sociĂ©tĂ© urbaine. Elle est considĂ©rĂ©e comme une ressource : une nature exploitĂ©e au moyen d’ouvrages techniques, liĂ©e Ă  la production de biens servant Ă  la communautĂ© humaine. Le fleuve constitue une dĂ©fense. La source, un lieu d’approvisionnement en eau, une ressource. Nulle part, les habitants de cette fiction ne considĂšrent la nature pour elle-mĂȘme. Sa gestion prudente fait intervenir les arts de l’ingĂ©nieur : « Cette source, qui est quelque peu en dehors de la citĂ©, les gens d’Amaurote (la citĂ©) l’ont entourĂ©e de remparts et incorporĂ©e Ă  la forteresse, afin, qu’en cas d’invasion, elle ne puisse ĂȘtre ni coupĂ©e, ni empoisonnĂ©e. De lĂ , des canaux en terre cuite apportent ses eaux dans les diffĂ©rentes parties de la ville basse. Partout oĂč le terrain les empĂȘche d’arriver, de vastes citernes recueillent l’eau de pluie et rendent le mĂȘme service. » Il est fait mention des jardins des habitants, Ă  l’arriĂšre de chacune de leurs maisons oĂč « ils cultivent des plants de vigne, des fruits, des lĂ©gumes et des fleurs ». Ils en retirent joie et profit.
La nature est dĂ©finie, comme la ville est construite, selon un plan bien dĂ©terminĂ© et rationnellement pensĂ©. Elle n’est pas une nature sauvage, Ă  l’époque censĂ©e ĂȘtre l’habitat de populations non civilisĂ©es. Les rues des villes d’Utopie sont toutes semblables. La distribution rĂ©guliĂšre des maisons est un fait standard. Ces diffĂ©rents Ă©lĂ©ments, naturels ou construits, correspondent chacun Ă  une pratique sociale. Le plan, la description spatiale, engendreront ce qu’il faut de bien-ĂȘtre et de rationalitĂ© sociale. On constate que les lieux, l’espace sont configurĂ©s afin de dĂ©terminer les comportements humains. Dans ce lieu, en partie naturel, mais d’oĂč est exclue toute sauvagerie, tout caractĂšre imprĂ©visible, bonheur rime avec instrumenter la nature et fabriquer un milieu.
On retrouve ce trait dans d’autres utopies urbaines du XIXe siĂšcle, qui accordent plus d’importance au modĂšle spatial. Ces Ă©crits s’ordonnent autour de la critique de la ville ancienne, et des effets de l’installation des industries en leur sein. L’extension de l’urbanisation, l’insalubritĂ© des logements et les mauvaises conditions de vie des ouvriers mobiliseront ces utopistes, puis les urbanistes. ParallĂšlement Ă  la critique de la ville, Ă  la montĂ©e de la mĂ©fiance envers la grande ville populeuse, dangereuse, l’apologie de la nature s’amplifie. On commence d’entrevoir le parallĂ©lisme avec lequel se dĂ©veloppe « le thĂšme de la nature, du retour aux champs, dans l’idĂ©ologie des classes aisĂ©es et le mouvement de migration du petit peuple des campagnes vers les villes ou celui des habitants des petites citĂ©s vers les plus grosses » (Perrot, 1968). Alors que la ville Ă©tait le lieu de la civilisation, du goĂ»t et du raffinement, la vie Ă  la campagne devient le lieu d’une vie saine, vertueuse, belle5. Les travaux qui s’y dĂ©roulent sont idĂ©alisĂ©s ou Ă©ludĂ©s. La vie en ville est dĂ©peinte comme insalubre : « Jusqu’à la fin du XIXe siĂšcle, les risques de maladie sont beaucoup plus forts qu’à la campagne. L’éclairage des appartements est trop faible pour que le soleil assainisse l’atmosphĂšre. L’approvisionnement est mĂ©diocre et l’eau consommĂ©e est souvent polluĂ©e. Ainsi, mĂȘme en dehors des pĂ©riodes de crise, la situation sanitaire laisse Ă  dĂ©sirer. Sans Ă©migration permanente vers la ville, la population citadine disparaĂźtrait vite tant l’hygiĂšne est dĂ©plorable : la mortalitĂ© est plus forte qu’à la campagne, et elle est particuliĂšrement Ă©levĂ©e chez les enfants, plus sensibles aux Ă©pidĂ©mies et mal immunisĂ©s contre les atteintes microbiennes et virales. » (Claval, 1981.)
Des auteurs deviennent encore plus virulents quand il s’agit de dĂ©crire la condition des ouvriers : Jules Verne (1828-1905) dans Les Cinq cents millions de la Begum ou Victor Hugo (1802-1885) dans Les MisĂ©rables : « Ils vivent dans la promiscuitĂ©, dans des logements sans hygiĂšne. Dans ces conditions, leur comportement ne peut ĂȘtre vertueux, alors que les habitants des campagnes le sont. » Dans les discours, la comparaison campagne/ville est constante ; l’une est valorisĂ©e aux dĂ©pens de l’autre : la diffĂ©renciation est un des Ă©lĂ©ments de la rhĂ©torique. ConfrontĂ©s Ă  ce constat, aux mĂ©faits engendrĂ©s par le dĂ©veloppement urbain et industriel, des penseurs du XIXe siĂšcle, rĂ©formistes, Ă©laborent des propositions afin de construire une nouvelle sociĂ©tĂ©. Dans ce dessein, ils dĂ©peignent de vĂ©ritables villes, bien qu’elles restent de petite taille Ă  l’image de communautĂ©s : Ă  l’organisation sociale correspond une organisation spatiale. Leurs travaux marqueront les dĂ©buts de l’urbanisme, mĂȘme s’ils auront trĂšs ponctuellement un caractĂšre opĂ©ratoire. Leurs projets visent Ă  avoir une valeur universelle, ils les Ă©laborent donc Ă  partir d’une thĂ©orie des besoins de l’homme, qui sont ceux, sociaux, mais aussi psychologiques. Il faut rendre sa vie rationnelle, l’homme connaĂźtra le bonheur. Cela passe par l’ajustement de l’espace, de l’organisation locale, Ă  ses besoins.
La communautĂ© de Charles Fourier (1772-1837) sera donc installĂ©e dans un site magnifique : « Que le pays soit pourvu d’un beau courant d’eau, qu’il soit coupĂ© de collines et propre Ă  des cultures variĂ©es, qu’il soit adossĂ© Ă  une forĂȘt et peu Ă©loignĂ© d’une grande ville, mais assez pour Ă©viter les importuns. » La ville idĂ©ale – dĂ©crite par Fourier ou par Victor ConsidĂ©rant (1808-1893) qui, Ă  la mort de Fourier, devient le chef du mouvement phalanstĂ©rien, et directeur de son organe, la Phalange – ne ressemble pas Ă  la ville de l’époque et mĂȘme Ă  celle, d’aujourd’hui : « Contemplons le panorama sous nos yeux. Un splendide palais s’élĂšve au sein des jardins, des parterres et des pelouses ombragĂ©es, comme une Ăźle marmorĂ©enne, baignant dans un ocĂ©an de verdure. C’est le sĂ©jour royal d’une population rĂ©gĂ©nĂ©rĂ©e. » Une nature improductive, diffĂ©rente de celle des premiĂšres utopies, qui sert essentiellement de dĂ©cor. Elle se constitue comme source d’hygiĂšne mentale. Robert Owen (1771-1858) intĂ©grera explicitement, dans sa proposition d’un village industriel les questions d’hygiĂšne et celle, liĂ©e, de la densitĂ© urbaine. Il propose beaucoup de jardins et la sĂ©paration des habitations de l’industrie. Ces espaces sont dĂ©finis comme vacants et permettent la circulation de l’air.
Les auteurs de ces textes centrĂ©s sur la question de l’hygiĂšne s’attachent Ă  prĂ©voir la gestion de la propretĂ© dans l’espace urbain. Voici la description d’Icara, ville modĂšle, dĂ©veloppĂ©e par Étienne Cabet (1788-1856), en 1840 : « Jamais je ne pourrais te rĂ©pĂ©ter toutes les prĂ©cautions prises pour la propretĂ© des rues. Que les trottoirs soient balayĂ©s et lavĂ©s tous les matins, et toujours parfaitement propres, c’est tout simple : mais les rues sont tellement pavĂ©es ou construites que les eaux n’y sĂ©journent jamais, trouvant Ă  chaque pas des ouvertures pour s’échapper dans les canaux souterrains. Non seulement la boue, ramassĂ©e et balayĂ©e Ă  l’aide d’instruments ingĂ©nieux et commodes, disparaĂźt entraĂźnĂ©e dans les mĂȘmes canaux par les eaux de fontaines, mais tous les moyens que tu pourrais concevoir sont employĂ©s pour qu’il se forme le moins de boue et de poussiĂšre que cela est possible. »
Enfin, une ville modĂšle hygiĂ©niste est dĂ©crite Ă  laquelle contribue la nature vĂ©gĂ©tale : HygĂ©ia de Benjamin Ward Richardson (1828-1896). Ce mĂ©decin anglais inventorie dans son projet, initialement une communication au congrĂšs de 1875 de la Social Science Association, les techniques de lutte contre l’insalubritĂ© des villes modernes. Il dĂ©finit une maison type, construite dans une rue ensoleillĂ©e oĂč, de part et d’autre, sont plantĂ©s des arbres. Les Ă©quipements publics sont entourĂ©s d’espaces jardiniers, ce qui contribue Ă  l’esthĂ©tique urbaine, mais aussi Ă  l’hygiĂšne. Ce sont des espaces vacants qui laissent passer l’air et la lumiĂšre. Jean-Baptiste Godin (1819-1888) Ă©crit : « Dans le palais social, la lumiĂšre doit pĂ©nĂ©trer partout avec abondance : pas de cabinets noirs, pas d’endroits obscurs ; la clartĂ© et l’espace sont les premiĂšres conditions de l’hygiĂšne. Aussi, tout est largement Ă©clairĂ© au FamilistĂšre, comme tout est largement pourvu d’air et d’eau. L’espace consacrĂ© aux communs, la grandeur des cours, les jardins et les promenades qui entourent ce palais, tout concourt Ă  donner libre accĂšs partout Ă  l’air et Ă  la lumiĂšre. » Au fur et Ă  mesure que les interventions en matiĂšre de politique urbaine se dĂ©veloppent, des politiques de contrĂŽle de la nature se mettent en place. Les unes comme les autres cherchent Ă  modifier l’espace, afin de produire un ordre social, et mĂȘme une hygiĂšne sociale. L’espace est vecteur de salubrité  Le contrĂŽle de la nature passe par la sĂ©lection des Ă©lĂ©ments naturels sains. GrĂące au dĂ©veloppement des techniques, on envisage de faire une ville conforme aux besoins de l’homme, Ă  l’abri des alĂ©as naturels, oĂč le progrĂšs social sera assurĂ©.
Peu de ces penseurs rĂ©ussirent Ă  donner une forme matĂ©rielle Ă  leurs citĂ©s idĂ©ales. Il faudra attendre, en France, le milieu du XIXe siĂšcle : une politique de maĂźtrise de la nature est associĂ©e Ă  sa mise en Ɠuvre technique. Haussmann est alors prĂ©fet de la Seine (1853-1870) et va veiller aux transformations de Paris. Alors, les techniques urbaines vont favoriser le confort, l’hygiĂšne, mais aussi l’introduction d’une nature contrĂŽlĂ©e, choisie. Le gĂ©nie urbain dĂ©barrassera la ville de sa mauvaise nature : mauvaises odeurs, orages, inondations6
 ParallĂšlement, on introduira la nature vĂ©gĂ©tale, sous forme de promenades. Haussmann chargĂ© de rĂ©aliser le dessein de NapolĂ©on III confie Ă  l’ingĂ©nieur Adolphe Alphand le soin de crĂ©er un Service de promenades7. Mission dont il rendra compte dans un ouvrage qui fait rĂ©fĂ©rence : Les Promenades de Paris. L’implantation de cette vĂ©gĂ©tation s’inscrit dans une vision esthĂ©tique de la ville. Elle est accompagnĂ©e d’élĂ©ments de mobiliers urbains (kiosques, candĂ©labres, bancs, grilles d’arbres
). Elle correspond aussi Ă  une politique hygiĂ©niste, Ă  caractĂšre moral8. Les citadins, les travailleurs doivent trouver des lieux de dĂ©tente, de plaisir qui contribuent Ă  leur Ă©ducation, au progrĂšs social.
Les citĂ©s-jardins, conçues en Angleterre dĂšs la fin du XIXe siĂšcle, puis dĂ©veloppĂ©es dans diffĂ©rents pays d’Europe, proposent aussi une forme urbaine offrant la possibilitĂ© d’un nouveau rapport Ă  la nature. Elles inspireront de nombreuses conceptions de l’urbanisme contemporain. Elles font appel aux beautĂ©s de la nature, de la campagne qui procure du plaisir grĂące Ă  ses « forĂȘts parfumĂ©es, son air frais, le murmure des eaux ». Car « ni l’Aimant ville, ni l’Aimant campagne ne rĂ©alisent complĂštement le but d’une vie vraiment conforme Ă  la nature. L’homme doit jouir Ă  la fois de la sociĂ©tĂ© et des beautĂ©s de la nature. Il faut que les deux aimants ne fassent qu’un ». Les citĂ©s-jardins sont pensĂ©es comme de petites villes, limitĂ©es dans l’espace. Leur dessin prend en compte les caractĂ©ristiques du site et intĂšgre des Ă©lĂ©ments de nature, de pittoresque.
Le pittoresque, selon un autre thĂ©oricien urbain de cette Ă©poque, « cherche Ă  ĂȘtre aus...

Table des matiĂšres

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Sommaire
  5. Introduction - Panorama
  6. Chapitre premier - Dedans
  7. Chapitre 2 - Dehors
  8. Chapitre 3 - Le propre et le sale
  9. Chapitre 4 - La ville envahie
  10. Chapitre 5 - Un enjeu de société
  11. Chapitre 6 - Il faut des responsables !
  12. Chapitre 7 - La ville domestiquée
  13. Chapitre 8 - Le vivant animé
  14. Chapitre 9 - Victime de la ville
  15. Chapitre 10 - Ni domestique ni sauvage
  16. Chapitre 11 - Citadins et ruraux
  17. Chapitre 12 - Le bestiaire des cités
  18. Chapitre 13 - Pour ou contre, une question d’espùce
  19. Chapitre 14 - L’implication citoyenne
  20. Chapitre 15 - Les pouvoirs de la ville
  21. Chapitre 16 - Chez soi, dans la nature
  22. Chapitre 17 - La domination du végétal
  23. Épilogue
  24. Références bibliographiques