
- 240 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
Les Animaux et la Ville
Ă propos de ce livre
Vous qui vivez en ville, vous pensez peut-ĂȘtre que la vraie place de l'animal est Ă la campagne ? Que les chiens sont des caprices de citadins esseulĂ©s ? Que les chats n'ont pas Ă traĂźner dans les rues ? Pas plus que les pigeons Ă souiller les trottoirs ou les blattes Ă envahir les logements ? Pour autant, voulez-vous d'une ville sans nature ? Sans espaces verts mais aussi sans animaux ? D'une ville aseptisĂ©e, en d'autres termes ? Nathalie Blanc analyse le rĂŽle de l'animal, et donc du vivant, dans nos sociĂ©tĂ©s urbaines. C'est la question de la nature en ville qui est ici posĂ©e. Et du mĂȘme coup, celle de la nature de la ville. Chercheur au CNRS, spĂ©cialiste de gĂ©ographie urbaine, Nathalie Blanc travaille depuis plusieurs annĂ©es sur la place et la fonction de la nature dans l'espace urbain.
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Informations
Chapitre 17
La domination du végétal
DĂšs les dĂ©buts de lâurbanisme, la ville est considĂ©rĂ©e « hors milieu » ; des Ă©lĂ©ments de nature choisis pour leur qualitĂ© abonderont le systĂšme urbain. Ils sont essentiellement vĂ©gĂ©taux et climatologiques : lâanimal nâen fait pas partie. Avec le dĂ©veloppement des techniques dâhabiter, les sociĂ©tĂ©s urbaines ont cru pouvoir sâĂ©manciper de la nature. Elles ont voulu recrĂ©er une surnature urbaine. Presque aujourdâhui, on peut distinguer la nature rĂȘvĂ©e dont on a la nostalgie et qui est un Ă©lĂ©ment dans la confection dâune ville sur-mesure et la nature, comme ensemble matĂ©riel et idĂ©el.
La nature rĂȘvĂ©e ne pouvait ĂȘtre reprĂ©sentĂ©e en ville. « La nature manque ici, câest vrai. Mais quoi, lâendroit oĂč nous sommes est une grande ville, voilĂ tout, Ă©crivait Robert Walser en 19091. Chez nous, il y avait partout de vastes perspectives et des Ă©chappĂ©es. Il me semble que jâentendais toujours les oiseaux gazouiller le long des rues. Les sources murmuraient toujours. La montagne couverte de forĂȘts baissait son regard majestueux sur la ville. Le soir, on se promenait en gondole sur le lac tout proche. Les rochers et les bois, les collines et les champs Ă©taient toujours Ă quelques pas. Il y avait toujours des voix et des odeurs. Et les rues de la ville ressemblaient Ă des allĂ©es de jardin tant elles paraissaient propres et douces au pas. » Plus loin, il ajoute : « Souvent (dans cette grande ville), Ă lâheure du dĂ©jeuner, je reste Ă ne rien faire sur un banc. Les arbres de la promenade sont tout Ă fait ternes. Les feuilles pendent comme du plomb sans naturel. Parfois câest comme si tout ici Ă©tait de tĂŽle et de fer lĂ©ger. »
De façon gĂ©nĂ©rale, cette conception du monde urbain est liĂ©e au dĂ©veloppement urbain et des techniques en Occident, Ă partir du XVIIIe siĂšcle. Elle va de pair avec le besoin de nature du citadin. Qui acquiert une importance particuliĂšre, dans la seconde moitiĂ© de ce siĂšcle, avec le dĂ©veloppement dâune sensibilitĂ© Ă©cologique parallĂšlement Ă celui des problĂšmes dâenvironnement. Ce besoin de « nature » intervient mĂȘme dans le choix du mode dâhabiter : un bout de jardin, un logement ensoleillĂ©, aĂ©rĂ©2⊠jouent un rĂŽle dans les prioritĂ©s des citadins. Il nâempĂȘche pas que des villes, y compris souterraines, se dĂ©veloppent, comme Ă MontrĂ©al, comme de vĂ©ritables « technocosmes » urbains et marchands.
Les utopies urbaines, les premiers modĂšles urbains ou les thĂ©ories dâurbanisme ont contribuĂ© Ă façonner une ville qui valorise lâartifice3, mĂȘme si leurs auteurs ne voulaient pas rompre lâalliance avec la nature.
Les discours thĂ©oriques qui prĂ©tendent fonder les modes de fabrication dâun monde urbain4 apparaissent pour la premiĂšre fois en Occident, au XVe siĂšcle. LâUtopie de Thomas More (1478-1535) est lâun dâeux.
La description dâUtopie, tout Ă la fois ville sans lieu et lieu du bonheur comme lâindique sa double Ă©tymologie, est un vĂ©ritable portrait. Chaque trait de la ville est dĂ©peint, y compris ceux lâinscrivant dans un milieu. Câest une description du site et de la situation de la ville. Les premiĂšres paroles du voyageur arrivant Ă Utopie le montrent : « Câest une Ăźle sĂ©parĂ©e du continent par un isthme de quinze mille pas ; elle prĂ©sente lâaspect dâun croissant de lune, dâun pĂ©rimĂštre de cinq cents milles, dont un bras de mer de onze milles environ sĂ©pare les deux âcornesâ et forme une sorte de lac maritime, parfaitement calme ; lâaccĂšs de celui-ci est rendu difficile par un gros rocher, des Ă©cueils, et des hauts-fonds, tandis que du cĂŽtĂ© opposĂ©, le littoral se signale par des brisants rocheux. » Ces caractĂ©ristiques naturelles servent Ă justifier des Ă©lĂ©ments du bĂąti, qui en feront un endroit exemplaire, en termes dâorganisation. Utopie est donc unique, elle a une individualitĂ© gĂ©ographique. Elle est dĂ©peinte de telle sorte, quâon peut croire Ă son existence rĂ©elle, la description de sa matĂ©rialitĂ© servant Ă attester de sa rĂ©alitĂ©.
La nature est un dĂ©cor : elle sera celui dâune nouvelle sociĂ©tĂ© urbaine. Elle est considĂ©rĂ©e comme une ressource : une nature exploitĂ©e au moyen dâouvrages techniques, liĂ©e Ă la production de biens servant Ă la communautĂ© humaine. Le fleuve constitue une dĂ©fense. La source, un lieu dâapprovisionnement en eau, une ressource. Nulle part, les habitants de cette fiction ne considĂšrent la nature pour elle-mĂȘme. Sa gestion prudente fait intervenir les arts de lâingĂ©nieur : « Cette source, qui est quelque peu en dehors de la citĂ©, les gens dâAmaurote (la citĂ©) lâont entourĂ©e de remparts et incorporĂ©e Ă la forteresse, afin, quâen cas dâinvasion, elle ne puisse ĂȘtre ni coupĂ©e, ni empoisonnĂ©e. De lĂ , des canaux en terre cuite apportent ses eaux dans les diffĂ©rentes parties de la ville basse. Partout oĂč le terrain les empĂȘche dâarriver, de vastes citernes recueillent lâeau de pluie et rendent le mĂȘme service. » Il est fait mention des jardins des habitants, Ă lâarriĂšre de chacune de leurs maisons oĂč « ils cultivent des plants de vigne, des fruits, des lĂ©gumes et des fleurs ». Ils en retirent joie et profit.
La nature est dĂ©finie, comme la ville est construite, selon un plan bien dĂ©terminĂ© et rationnellement pensĂ©. Elle nâest pas une nature sauvage, Ă lâĂ©poque censĂ©e ĂȘtre lâhabitat de populations non civilisĂ©es. Les rues des villes dâUtopie sont toutes semblables. La distribution rĂ©guliĂšre des maisons est un fait standard. Ces diffĂ©rents Ă©lĂ©ments, naturels ou construits, correspondent chacun Ă une pratique sociale. Le plan, la description spatiale, engendreront ce quâil faut de bien-ĂȘtre et de rationalitĂ© sociale. On constate que les lieux, lâespace sont configurĂ©s afin de dĂ©terminer les comportements humains. Dans ce lieu, en partie naturel, mais dâoĂč est exclue toute sauvagerie, tout caractĂšre imprĂ©visible, bonheur rime avec instrumenter la nature et fabriquer un milieu.
On retrouve ce trait dans dâautres utopies urbaines du XIXe siĂšcle, qui accordent plus dâimportance au modĂšle spatial. Ces Ă©crits sâordonnent autour de la critique de la ville ancienne, et des effets de lâinstallation des industries en leur sein. Lâextension de lâurbanisation, lâinsalubritĂ© des logements et les mauvaises conditions de vie des ouvriers mobiliseront ces utopistes, puis les urbanistes. ParallĂšlement Ă la critique de la ville, Ă la montĂ©e de la mĂ©fiance envers la grande ville populeuse, dangereuse, lâapologie de la nature sâamplifie. On commence dâentrevoir le parallĂ©lisme avec lequel se dĂ©veloppe « le thĂšme de la nature, du retour aux champs, dans lâidĂ©ologie des classes aisĂ©es et le mouvement de migration du petit peuple des campagnes vers les villes ou celui des habitants des petites citĂ©s vers les plus grosses » (Perrot, 1968). Alors que la ville Ă©tait le lieu de la civilisation, du goĂ»t et du raffinement, la vie Ă la campagne devient le lieu dâune vie saine, vertueuse, belle5. Les travaux qui sây dĂ©roulent sont idĂ©alisĂ©s ou Ă©ludĂ©s. La vie en ville est dĂ©peinte comme insalubre : « JusquâĂ la fin du XIXe siĂšcle, les risques de maladie sont beaucoup plus forts quâĂ la campagne. LâĂ©clairage des appartements est trop faible pour que le soleil assainisse lâatmosphĂšre. Lâapprovisionnement est mĂ©diocre et lâeau consommĂ©e est souvent polluĂ©e. Ainsi, mĂȘme en dehors des pĂ©riodes de crise, la situation sanitaire laisse Ă dĂ©sirer. Sans Ă©migration permanente vers la ville, la population citadine disparaĂźtrait vite tant lâhygiĂšne est dĂ©plorable : la mortalitĂ© est plus forte quâĂ la campagne, et elle est particuliĂšrement Ă©levĂ©e chez les enfants, plus sensibles aux Ă©pidĂ©mies et mal immunisĂ©s contre les atteintes microbiennes et virales. » (Claval, 1981.)
Des auteurs deviennent encore plus virulents quand il sâagit de dĂ©crire la condition des ouvriers : Jules Verne (1828-1905) dans Les Cinq cents millions de la Begum ou Victor Hugo (1802-1885) dans Les MisĂ©rables : « Ils vivent dans la promiscuitĂ©, dans des logements sans hygiĂšne. Dans ces conditions, leur comportement ne peut ĂȘtre vertueux, alors que les habitants des campagnes le sont. » Dans les discours, la comparaison campagne/ville est constante ; lâune est valorisĂ©e aux dĂ©pens de lâautre : la diffĂ©renciation est un des Ă©lĂ©ments de la rhĂ©torique. ConfrontĂ©s Ă ce constat, aux mĂ©faits engendrĂ©s par le dĂ©veloppement urbain et industriel, des penseurs du XIXe siĂšcle, rĂ©formistes, Ă©laborent des propositions afin de construire une nouvelle sociĂ©tĂ©. Dans ce dessein, ils dĂ©peignent de vĂ©ritables villes, bien quâelles restent de petite taille Ă lâimage de communautĂ©s : Ă lâorganisation sociale correspond une organisation spatiale. Leurs travaux marqueront les dĂ©buts de lâurbanisme, mĂȘme sâils auront trĂšs ponctuellement un caractĂšre opĂ©ratoire. Leurs projets visent Ă avoir une valeur universelle, ils les Ă©laborent donc Ă partir dâune thĂ©orie des besoins de lâhomme, qui sont ceux, sociaux, mais aussi psychologiques. Il faut rendre sa vie rationnelle, lâhomme connaĂźtra le bonheur. Cela passe par lâajustement de lâespace, de lâorganisation locale, Ă ses besoins.
La communautĂ© de Charles Fourier (1772-1837) sera donc installĂ©e dans un site magnifique : « Que le pays soit pourvu dâun beau courant dâeau, quâil soit coupĂ© de collines et propre Ă des cultures variĂ©es, quâil soit adossĂ© Ă une forĂȘt et peu Ă©loignĂ© dâune grande ville, mais assez pour Ă©viter les importuns. » La ville idĂ©ale â dĂ©crite par Fourier ou par Victor ConsidĂ©rant (1808-1893) qui, Ă la mort de Fourier, devient le chef du mouvement phalanstĂ©rien, et directeur de son organe, la Phalange â ne ressemble pas Ă la ville de lâĂ©poque et mĂȘme Ă celle, dâaujourdâhui : « Contemplons le panorama sous nos yeux. Un splendide palais sâĂ©lĂšve au sein des jardins, des parterres et des pelouses ombragĂ©es, comme une Ăźle marmorĂ©enne, baignant dans un ocĂ©an de verdure. Câest le sĂ©jour royal dâune population rĂ©gĂ©nĂ©rĂ©e. » Une nature improductive, diffĂ©rente de celle des premiĂšres utopies, qui sert essentiellement de dĂ©cor. Elle se constitue comme source dâhygiĂšne mentale. Robert Owen (1771-1858) intĂ©grera explicitement, dans sa proposition dâun village industriel les questions dâhygiĂšne et celle, liĂ©e, de la densitĂ© urbaine. Il propose beaucoup de jardins et la sĂ©paration des habitations de lâindustrie. Ces espaces sont dĂ©finis comme vacants et permettent la circulation de lâair.
Les auteurs de ces textes centrĂ©s sur la question de lâhygiĂšne sâattachent Ă prĂ©voir la gestion de la propretĂ© dans lâespace urbain. Voici la description dâIcara, ville modĂšle, dĂ©veloppĂ©e par Ătienne Cabet (1788-1856), en 1840 : « Jamais je ne pourrais te rĂ©pĂ©ter toutes les prĂ©cautions prises pour la propretĂ© des rues. Que les trottoirs soient balayĂ©s et lavĂ©s tous les matins, et toujours parfaitement propres, câest tout simple : mais les rues sont tellement pavĂ©es ou construites que les eaux nây sĂ©journent jamais, trouvant Ă chaque pas des ouvertures pour sâĂ©chapper dans les canaux souterrains. Non seulement la boue, ramassĂ©e et balayĂ©e Ă lâaide dâinstruments ingĂ©nieux et commodes, disparaĂźt entraĂźnĂ©e dans les mĂȘmes canaux par les eaux de fontaines, mais tous les moyens que tu pourrais concevoir sont employĂ©s pour quâil se forme le moins de boue et de poussiĂšre que cela est possible. »
Enfin, une ville modĂšle hygiĂ©niste est dĂ©crite Ă laquelle contribue la nature vĂ©gĂ©tale : HygĂ©ia de Benjamin Ward Richardson (1828-1896). Ce mĂ©decin anglais inventorie dans son projet, initialement une communication au congrĂšs de 1875 de la Social Science Association, les techniques de lutte contre lâinsalubritĂ© des villes modernes. Il dĂ©finit une maison type, construite dans une rue ensoleillĂ©e oĂč, de part et dâautre, sont plantĂ©s des arbres. Les Ă©quipements publics sont entourĂ©s dâespaces jardiniers, ce qui contribue Ă lâesthĂ©tique urbaine, mais aussi Ă lâhygiĂšne. Ce sont des espaces vacants qui laissent passer lâair et la lumiĂšre. Jean-Baptiste Godin (1819-1888) Ă©crit : « Dans le palais social, la lumiĂšre doit pĂ©nĂ©trer partout avec abondance : pas de cabinets noirs, pas dâendroits obscurs ; la clartĂ© et lâespace sont les premiĂšres conditions de lâhygiĂšne. Aussi, tout est largement Ă©clairĂ© au FamilistĂšre, comme tout est largement pourvu dâair et dâeau. Lâespace consacrĂ© aux communs, la grandeur des cours, les jardins et les promenades qui entourent ce palais, tout concourt Ă donner libre accĂšs partout Ă lâair et Ă la lumiĂšre. » Au fur et Ă mesure que les interventions en matiĂšre de politique urbaine se dĂ©veloppent, des politiques de contrĂŽle de la nature se mettent en place. Les unes comme les autres cherchent Ă modifier lâespace, afin de produire un ordre social, et mĂȘme une hygiĂšne sociale. Lâespace est vecteur de salubrité⊠Le contrĂŽle de la nature passe par la sĂ©lection des Ă©lĂ©ments naturels sains. GrĂące au dĂ©veloppement des techniques, on envisage de faire une ville conforme aux besoins de lâhomme, Ă lâabri des alĂ©as naturels, oĂč le progrĂšs social sera assurĂ©.
Peu de ces penseurs rĂ©ussirent Ă donner une forme matĂ©rielle Ă leurs citĂ©s idĂ©ales. Il faudra attendre, en France, le milieu du XIXe siĂšcle : une politique de maĂźtrise de la nature est associĂ©e Ă sa mise en Ćuvre technique. Haussmann est alors prĂ©fet de la Seine (1853-1870) et va veiller aux transformations de Paris. Alors, les techniques urbaines vont favoriser le confort, lâhygiĂšne, mais aussi lâintroduction dâune nature contrĂŽlĂ©e, choisie. Le gĂ©nie urbain dĂ©barrassera la ville de sa mauvaise nature : mauvaises odeurs, orages, inondations6⊠ParallĂšlement, on introduira la nature vĂ©gĂ©tale, sous forme de promenades. Haussmann chargĂ© de rĂ©aliser le dessein de NapolĂ©on III confie Ă lâingĂ©nieur Adolphe Alphand le soin de crĂ©er un Service de promenades7. Mission dont il rendra compte dans un ouvrage qui fait rĂ©fĂ©rence : Les Promenades de Paris. Lâimplantation de cette vĂ©gĂ©tation sâinscrit dans une vision esthĂ©tique de la ville. Elle est accompagnĂ©e dâĂ©lĂ©ments de mobiliers urbains (kiosques, candĂ©labres, bancs, grilles dâarbresâŠ). Elle correspond aussi Ă une politique hygiĂ©niste, Ă caractĂšre moral8. Les citadins, les travailleurs doivent trouver des lieux de dĂ©tente, de plaisir qui contribuent Ă leur Ă©ducation, au progrĂšs social.
Les citĂ©s-jardins, conçues en Angleterre dĂšs la fin du XIXe siĂšcle, puis dĂ©veloppĂ©es dans diffĂ©rents pays dâEurope, proposent aussi une forme urbaine offrant la possibilitĂ© dâun nouveau rapport Ă la nature. Elles inspireront de nombreuses conceptions de lâurbanisme contemporain. Elles font appel aux beautĂ©s de la nature, de la campagne qui procure du plaisir grĂące Ă ses « forĂȘts parfumĂ©es, son air frais, le murmure des eaux ». Car « ni lâAimant ville, ni lâAimant campagne ne rĂ©alisent complĂštement le but dâune vie vraiment conforme Ă la nature. Lâhomme doit jouir Ă la fois de la sociĂ©tĂ© et des beautĂ©s de la nature. Il faut que les deux aimants ne fassent quâun ». Les citĂ©s-jardins sont pensĂ©es comme de petites villes, limitĂ©es dans lâespace. Leur dessin prend en compte les caractĂ©ristiques du site et intĂšgre des Ă©lĂ©ments de nature, de pittoresque.
Le pittoresque, selon un autre thĂ©oricien urbain de cette Ă©poque, « cherche Ă ĂȘtre aus...
Table des matiĂšres
- Couverture
- Titre
- Copyright
- Sommaire
- Introduction - Panorama
- Chapitre premier - Dedans
- Chapitre 2 - Dehors
- Chapitre 3 - Le propre et le sale
- Chapitre 4 - La ville envahie
- Chapitre 5 - Un enjeu de société
- Chapitre 6 - Il faut des responsables !
- Chapitre 7 - La ville domestiquée
- Chapitre 8 - Le vivant animé
- Chapitre 9 - Victime de la ville
- Chapitre 10 - Ni domestique ni sauvage
- Chapitre 11 - Citadins et ruraux
- Chapitre 12 - Le bestiaire des cités
- Chapitre 13 - Pour ou contre, une question dâespĂšce
- Chapitre 14 - Lâimplication citoyenne
- Chapitre 15 - Les pouvoirs de la ville
- Chapitre 16 - Chez soi, dans la nature
- Chapitre 17 - La domination du végétal
- Ăpilogue
- Références bibliographiques