
- 272 pages
- French
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eBook - ePub
À propos de ce livre
Dans la plupart des sociétés humaines et dans la nôtre en particulier, refuser un aliment offert revient à refuser la relation, à s'extraire du cercle des convives et du groupe, signifie la méfiance et appelle l'exclusion. Or, dans le monde contemporain, il semble que des individus de plus en plus nombreux revendiquent une alimentation particulière pour des raisons diverses : médicales (allergies et intolérances), sanitaires (régimes divers), éthiques, politiques ou spirituelles (végétarismes, prescriptions ou proscriptions religieuses). Cette revendication soudain affirmée ne signale-t-elle pas une évolution, voire une remise en cause, au nom de l'individu, de ce qui pouvait passer pour un fondement de la socialité : le partage et la commensalité ? La question des alimentations particulières est abordée ici dans une perspective radicalement interdisciplinaire : du biomédical (immunologie, allergies, intolérances) au social et au culturel. La question qui est posée par les alimentations particulières, c'est celle de l'étendue et des limites de l'individualisation dans les sociétés contemporaines. Renoncerons-nous à toute forme de commensalité ou saurons-nous inventer de nouvelles configurations, suffisamment souples mais suffisamment ritualisées pour donner un sens convivial à l'expérience de la table commune ? Claude Fischler est directeur de recherche au CNRS, directeur de l'Institut interdisciplinaire d'anthropologie du contemporain (IIAC). Ses travaux portent sur la socio-anthropologie de l'alimentation. Véronique Pardo est docteur en anthropologie et responsable de l'Ocha. L'Ocha (Observatoire Cniel des habitudes alimentaires), centre de ressources pour l'interprofession laitière et les chercheurs, analyse les comportements alimentaires et les relations que les mangeurs, consommateurs, citoyens entretiennent avec leur alimentation.
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Informations
III
Régimes restrictifs
et normes de la minceur
et normes de la minceur
Chapitre 9
Les dessous des régimes amaigrissants :
raisons et déraison
raisons et déraison
Jean-Michel Lecerf1
Critiquer les régimes pour un médecin nutritionniste peut sembler iconoclaste. En effet, améliorer les habitudes alimentaires de nos contemporains est notre métier et les régimes ont toujours eu une image sanitaire positive, emblématique d’une hygiène de vie saine. Cette critique est illégitime si elle condamne sans discernement mais peut être légitime si elle énonce de façon argumentée d’autres facettes de ces pratiques alimentaires. C’est ce qu’a exprimé pour la première fois au niveau des autorités sanitaires mondiales le rapport de l’ANSES réalisé, suite à une saisine de la Direction générale de la santé, dans le cadre d’une expertise collective, « Évaluation des risques liés aux pratiques alimentaires d’amaigrissement » publiée en 2011, et dont j’ai eu l’honneur de présider le groupe de travail.
Le régime, un mode ou une mode ?
Améliorer son alimentation pour améliorer sa santé, voire pour réduire un excès de poids, si cela est justifié, n’est guère critiquable. Il ne s’agit donc pas de cela, sauf si les moyens mis en œuvre et les objectifs assignés sont inadaptés, ce que nous examinerons. Au préalable mettons-nous d’accord sur ce qu’est un régime. Ce n’est finalement qu’un « mode de », c’est-à-dire une façon de gouverner, de diriger : on parlera de régime politique, de régime fiscal, de régime matrimonial et donc aussi de régime alimentaire : c’est la façon dont je me nourris. Chacun a donc son mode alimentaire, chacun a son régime, la polémique n’est pas là. Si l’on parle d’un mode, on peut aussi parler d’une mode et changer de genre change tout ; le régime devenant une mode est, par définition, quelque chose d’éphémère, de superficiel, de cyclique, voire de « miraculeux » : le régime guérit, le régime fait tout, étant entendu qu’il est basé sur une restriction, une suppression. Nous rentrons dans le mythe du régime salutaire parce que s’opposant à la pratique ordinaire d’un alimentaire ordinaire. Il est d’autant plus salutaire qu’il s’oppose, qu’il supprime, qu’il élimine les sources de la maladie. Le régime devient convoité, il snobe les principes de la nutrition scientifique qui affirme qu’il n’y a ni mauvais aliment ni aliment indispensable ni bien sûr aliment parfait.
Pour autant, il existe des pathologies (et l’obésité en est une) qui représentent un réel problème de santé, un réel facteur de risque, un réel handicap. Alors s’opposent en apparence deux réalités, la première qui serait de perdre du poids pour lutter contre l’obésité et améliorer sa santé immédiate et future ; et la seconde exprimée par le rapport de l’ANSES qui montre que suivre un régime n’est pas sans risque ni inconvénient ou effet secondaire. Il faudra choisir entre bienfaits et méfaits et rechercher l’équilibre de la balance bénéfices-risques. Cela nécessite une réflexion préalable.
Du régime au système des régimes
Où se situe le problème ? Dans le régime. Reconnaître qu’un régime puisse entraîner des effets secondaires n’est pas surprenant, si l’on considère que c’est un traitement, parfois efficace, et que tout traitement, efficace ou non, peut avoir des effets secondaires. Ces effets d’ailleurs ne conduisent pas à ce que l’on renonce à soigner la maladie, mais parfois que l’on renonce à utiliser le traitement considéré. Ce qui est étonnant, c’est davantage que l’on soit étonné qu’il y ait des effets secondaires. Peut-être est-ce du fait de l’image « naturelle » du régime et de la diététique ? Le problème peut se situer également au niveau du principe du régime, c’est-à-dire de la façon dont il est prescrit, compris, interprété, appliqué sous forme d’une privation excessive, d’une restriction imposée, d’interdits, plus que de la recherche d’une nouvelle relation à l’alimentation. C’est le principe même des régimes qui, en raison de cet état d’esprit, peut perturber le comportement alimentaire et générer une restriction cognitive. Le problème est peut-être encore davantage dans le système des régimes, c’est-à-dire dans le tourbillon dans lequel les pratiques commerciales et médiatiques emportent le mangeur, renforçant l’image négative qu’il peut avoir de lui lorsque l’échec survient, ce qui est quasiment programmé par essence même, à la fois du fait du style de régime imposé et de la pathologie censée être corrigée, l’obésité ou le surpoids.
Erreur de « casting »
La première erreur, à côté de celles liées aux objectifs ou aux moyens mis en œuvre, réside dans la population qui y souscrit, ou qui y est entraînée. Le rapport de l’ANSES précise que, selon l’étude INCA2, 15 % des femmes minces poursuivent un régime. L’étude Nutrinet vient de rapporter que 58 % des femmes de poids normal souhaitaient peser moins, de même que 27 % des hommes de poids normal. C’est la projection d’un idéal de minceur dans la perception de la population française. Or le premier risque encouru chez les sujets de poids normal lorsqu’ils se mettent à manipuler leur alimentation dans le sens d’une restriction abusive est non seulement une reprise de poids mais une prise de poids. Les régimes sont contre-indiqués ou inutiles dans d’autres catégories de population, par exemple les personnes âgées, puisque l’on sait d’une part que le surpoids modéré d’une personne âgée n’est pas un facteur négatif pour son état de santé et, d’autre part, que le suivi de régimes abusifs chez les sujets âgés augmente de façon tout à fait importante la sarcopénie2 et le risque de dénutrition. Chez les enfants et les adolescents bien sûr la prise en charge du surpoids peut être tout à fait indiquée et efficace mais l’application sans discernement d’une restriction abusive peut représenter un risque important de troubles du comportement alimentaire chez les adolescents et chez les enfants et peut menacer la croissance des jeunes enfants.
Le contexte pathologique
Il faut bien comprendre dans quel contexte pathologique s’inscrivent les régimes restrictifs destinés à la lutte contre le poids : l’obésité précédée par le surpoids n’est pas en effet une simple maladie par accumulation de graisses corporelles ; c’est une pathologie du tissu adipeux dont l’évolution naturelle est l’aggravation et la résistance à l’amaigrissement. Initialement, c’est en raison d’un déséquilibre chronique de la balance énergétique régulièrement positive, souvent du fait d’une sédentarité excessive et/ou d’un apport alimentaire un peu supérieur aux dépenses qu’une prise de poids survient, à la faveur de facteurs génétiques, sur un terrain socio-économique facilitant l’éclosion du gain de poids. Rapidement, lorsque le tissu adipeux se développe, soit par hyperplasie (nombre) soit par hypertrophie (taille) des adipocytes, une composante inflammatoire avec fibrose s’ajoute à la cellularité adipocytaire. Cette inflammation contribue fortement à la création d’une résistance à l’amaigrissement. La réduction de la masse maigre (masse musculaire) à la suite de régime restrictif intervient dans la résistance à l’amaigrissement, du fait d’une résistance induite du métabolisme de base et donc des dépenses énergétiques lorsque la masse maigre diminue. Petit à petit, les dépenses de l’organisme diminuent, alors que les apports restent peu modifiés ou se réduisent progressivement, tandis que le poids du patient augmente : il devient plus gros et surtout plus gras. Ainsi la succession de régimes restrictifs aboutit à une perturbation du comportement alimentaire et à une perte de la régulation naturelle du poids, avec une incapacité à un retour au poids initial. Le tissu adipeux ne répond plus à une régulation normale et le pondérostat (système qui maintient le poids à des valeurs de références individuelles) se dérègle à un niveau supérieur, qui correspond au poids le plus élevé sur une longue période. Face à ce dérèglement vers le haut, les restrictions massives conduisent à une aggravation régulière de la pathologie, d’une part du fait de la diminution de la masse maigre, d’autre part du fait des troubles du comportement induits, le tout dans un contexte de mésestime de soi.
De l’IMC au poids idéal
L’autre facette du contexte pathologique est représentée par l’extrême hétérogénéité clinique, biologique, psychologique et génétique de l’obésité. De sorte que l’on peut écrire que l’obésité n’existe pas, il faut parler des obésités ou même plutôt des personnes obèses. Épidémiologiquement, l’obésité se définit par un indice de masse corporelle supérieur à 30 kg/m². L’IMC est une approximation tout à fait convenable de la graisse corporelle, puisqu’il est parallèle à l’augmentation de la masse grasse dans l’immense majorité des cas ; or l’excès de masse grasse représente la définition réelle de l’obésité. Cependant, on peut affirmer que ce n’est qu’un paramètre anthropométrique très imparfait ne résumant absolument pas cette pathologie ; de plus, on ne soigne pas des chiffres, mais des personnes représentant autant de situations différentes selon leur âge, leur sexe, le degré de surpoids, les déterminants de la prise de poids (facteurs favorisants, facteurs déclenchants, facteurs prédisposants). L’histoire pondérale, le morphotype, la répartition du tissu adipeux, la composition corporelle, le contexte psychologique, les facteurs de risque associés, les pathologies associées, le mode de vie, le comportement alimentaire sont autant de facteurs qui permettent d’affirmer que les situations sont multiples et donc que les objectifs, les indications et les moyens thérapeutiques ne peuvent être univoques.
Rappelons également que manipuler son poids en manipulant son alimentation, ou par tout autre moyen, n’est ni simple ni anodin car le poids est régulé. Il est régulé parce que le tissu adipeux est défendu et il est défendu parce qu’il est important. Il est important parce que c’est une réserve énergétique à la fois pour la survie de l’individu, en lui permettant de disposer d’une énergie pour l’effort prolongé ; et pour la survie de l’espèce puisqu’il conditionne chez la femme la persistance d’une ovulation et le bon déroulement d’une grossesse.
Rappelons enfin que si, statistiquement, l’augmentation de l’IMC représente un facteur de risque, le poids associé à la moindre mortalité se situant entre 20 et 25 kg/m² chez les sujets d’âge moyen, en aucun cas cette fourchette ne représente le poids idéal pour tous les individus. Ce poids idéal n’a de sens que pour les sujets qui n’ont pas de problème de poids ! Il ne représente qu’un repère épidémiologique et statistique et non pas un objectif souhaitable pour tous les individus en surpoids. Le poids réellement souhaitable dépend de l’âge du patient, de son histoire pondérale, de son ossature, de son risque cardio-vasculaire, de son morphotype d’obésité, de son activité physique, de ses capacités physiques, de sa masse musculaire… On préférera parler de poids raisonnable, ou encore mieux de poids confortable, c’est-à-dire de poids permettant de maintenir un compromis entre une alimentation acceptable, un poids supportable et une santé convenable.
À côté de ces erreurs de « casting » et d’objectifs, il faut faire une place aux erreurs de moyens.
Les conséquences nutritionnelles des régimes
Dans son rapport, l’ANSES a effectué l’analyse des quinze régimes commerciaux les plus pratiqués en France sur la base des menus proposés dans les ouvrages ou sur les sites faisant état de ces régimes. Il apparaît d’abord une grande diversité d’apport énergétique, d’apport protidique, allant de niveaux très insuffisants (aux alentours de 0,6 ou 0,7 g par kg de poids corporel) jusqu’à plus de 3,5, près de 4 g de protéines par kg de poids et par jour dans la phase 1 du régime Dukan, mais également dans les deux autres phases (entre 3 et 3,5 g par kg de poids et par jour). Les apports en fibres, hors compléments alimentaires proposés, sont également extrêmement déséquilibrés, avec une réduction massive des apports se situant aux alentours de 3 g de fibres par jour dans les deux premières phases du régime Dukan. À l’inverse, les apports en sodium sont considérablement élevés dans ce dernier régime, atteignant plus de 5 000 mg par jour dans la phase 1 de ce régime, soit plus de 12 g de sel, c’est-à-dire plus de deux fois la limite recommandée...
Table des matières
- Couverture
- Titre
- Copyright
- Sommaire
- L’Ocha
- Introduction - Les alimentations particulières Claude Fischler
- I - Allergies et intolérances : l’énigme scientifique, les dimensions du problème et les aspects socioculturels
- II - Les régimes sélectifs et les justifications éthiques, politiques, sanitaires
- III - Régimes restrictifs et normes de la minceur
- IV - Convivialité, commensalité et individualismes ?
- Du même auteur chez Odile Jacob