
- 384 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
Lectures bibliques
À propos de ce livre
« La Bible a été mon premier texte. Sa langue est ma langue. Elle m'a nourri et plus tard elle a nourri toute mon œuvre. Je donne ici des exemples de l'usage que j'en ai fait depuis une quarantaine d'années. Je tente d'éclairer les acuités symboliques de ce livre immense : elles vont au-delà de ce que je pense des religions, elles concernent une façon d'être et de penser. » D. S. De la Genèse à la Sortie d'Égypte, en passant par Caïn et Abel, Noé, Abraham, Moïse, Jonas ou Job, les grandes figures, les grands épisodes de la Bible décryptés par le regard à la fois personnel et érudit du psychanalyste. Introduction à la pensée et à la démarche originales de Daniel Sibony, cet ouvrage est aussi une invitation à une lecture réfléchie de ce pilier de notre culture qu'est la Bible. Daniel Sibony est psychanalyste. Il a publié une trentaine de livres, parmi lesquels Don de soi ou partage de soi ? Le drame Levinas.
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Informations
1
La passion de Rachi
Disons-le d’emblée : la passion de Rachi fut de consacrer sa vie à faire du texte un lieu de vie habitable pour son peuple.
Rachi2 consacra sa vie à commenter Bible et Talmud. Il leur a donné assez de sens pour les rendre accessibles. En fait, il a redonné la Bible juive et le Talmud au peuple hébreu. Donner aux gens ce qu’ils ont déjà, ou ce qu’ils croient avoir, ou ce qu’ils ne savent pas qu’ils ont, cela peut être d’une grande force symbolique. Rachi, littéralement, leur a permis de circuler dans le texte, de ne pas y être en arrêt devant un mot ou une tournure. En quoi son acte redonne vie à cette transmission éprouvée, confinée, qui fut celle de la Torah.
Il y arrive par un travail d’interprète au niveau simple : l’explication minimaliste. Il veut donner le sens « premier » ou, comme on dit, le sens « obvie » ; obvious, en anglais, le pshat en hébreu ; sorte de mise à plat du sens, par différence avec les autres niveaux de sens qu’en général on rassemble sous le sigle PaRDèS : pshat, réméz (allusion), drash (recherche), sod (secret). Rachi dit clairement qu’il veut le pshat. En commentant le verset3 où Jacob nomme un autel de sacrifice « Dieu [c’est le] Dieu d’Israël » – Rachi cite un midrash (commentaire en forme d’histoire édifiante), et ajoute, comme pour s’en démarquer : « Les paroles de la Torah sont « un marteau qui brise la roche » ; quant à moi, je suis venu asseoir le sens direct [le pshat] du texte » [pshouto shél miqrah]. Ce mot a la même racine que tendu, étendu ou « déshabillé » ; la tension immédiate du sens ; le sens nu, sans revêtement ni fioriture, étendu devant le lecteur.
Mais la quête par Rachi de ce sens direct, de ces géodésiques du sens sur la variété infinie du texte est singulière. Cette quête du passage minimal de sens, le long d’un mot ou d’un verset, subvertit le programme des quatre niveaux du Pardès ; car il emprunte beaucoup au drash (au midrash), à l’allusion (réméz) et parfois même au sens ésotérique (sod). En fait, l’important pour lui est que ça passe ; il veut un effet de passage, clair et distinct.
En cela il interprète, si interpréter c’est faire faire un pas de plus au propos qui est là. Et quand ça ne passe pas, Rachi dit : Je ne sais pas ; mais quand ça passe, c’est-à-dire presque toujours, sa petite lumière relève de l’éthique de l’être : ne pas laisser les mots ou les choses se réduire à eux-mêmes ; ne pas laisser ce-qui-est se réduire à soi-même ; toujours, tenter de l’ouvrir en amont et en aval pour que ça passe, que ça se transmette. C’est l’exigence minimale : transmettre en s’impliquant à des gens qui se sentiront impliqués ; transmettre (à travers) un certain lien de filiation symbolique. Du coup, cela concerne tout le monde, juif ou pas : car le pouvoir d’interpréter, c’est le propre de l’homme, bien plus que le langage ou le rire (que l’on trouve chez les animaux).
Pour sentir la force – et les limites – de cette passion du sens direct qu’avait Rachi, je prendrai quelques exemples dans la Torah. (Je n’aborde pas son travail sur le Talmud et dans les Responsa où, comme les grands maîtres de l’époque, il répondait aux problèmes posés par la vie concrète. Quand on cherche une issue conforme à la loi, cela exigeait de l’interpréter dans un sens qui permette de passer. Là encore, Rachi était plus favorable au passage qu’à l’interdit de passer.)
Son approche, locale et ponctuelle, résout des questions de sens au premier degré. L’important est de pouvoir circuler dans le texte. Quand la difficulté ne tient pas au sens des mots, Rachi ne la relève pas. Par exemple, dans Genèse 27 : Ésaü revient de la chasse, il voit que son frère Jacob s’est fait passer pour lui et a reçu la bénédiction d’Isaac ; il s’écrie en larmes : « Ne m’as-tu pas gardé une bénédiction [après celle qu’a prise Jacob]4 ? » Puis : « N’as-tu qu’une seule bénédiction, mon père ? Bénis-moi moi aussi, père5 ! » En apparence, ce thème du partage de la bénédiction ou de la bénédiction unique ou singulière n’intéresse pas Rachi. Ce qui le retient c’est que le mot bénédiction est précédé de l’h interrogative ; et il donne d’autres exemples de cette tournure. Or pour nous, aujourd’hui, cette dispute des deux frères pour avoir la bénédiction, comme s’il n’y en avait qu’une, est un thème criant, c’est celui que l’actualité nous ramène tous les jours dans ce conflit qu’on appelle du Proche-Orient, et qui a voyagé sur près de trente-cinq siècles.
De même dans Genèse 12, l’appel de Dieu à Abraham : « Pars-pour-toi de ta terre natale, etc. » Le « pars pour toi », nous l’entendons au sens symbolique : Pars pour quelque chose qui sera toi, car si tu restes là, ce-que-tu-es ne sera pas toi. Et toi, partant vers où tu pars, ce sera le voyage de la transmission. Pour Rachi, « pars pour toi » c’est : « pour ta jouissance et pour ton bien. C’est là-bas que je ferai de toi un grand peuple. Ici tu n’auras pas la faveur d’avoir des enfants ». Mais au fond, cela revient au même.
Autre exemple : le rêve à l’échelle de Jacob ; les messagers divins montent et descendent l’échelle. Nous autres interprétons cette échelle, cette sorte d’entre-deux entre terre et ciel, comme une circulation des porteurs de messages. Mais ce qui intéresse Rachi, pour qui le rêve a un sens direct clair puisqu’on peut en comprendre l’énoncé, c’est que le Dieu qui parle dans le rêve dit : « Je ne t’abandonnerai pas jusqu’à ce que j’aie accompli ce dont j’ai parlé à ton sujet. » C’est le mot « à ton sujet » [lakh], ou plutôt sa préposition : le « l », le lamed de lakh, c’est cela qu’il commente : « Ma promesse à Abraham, c’est à ton sujet que je l’ai faite, et pas pour Ésaü. Car j’ai dit à Abraham non pas « Isaac sera nommé ta postérité », mais : dans Isaac6, donc : pas la totalité d’Isaac (pas Ésaü). Et voilà qu’avec ce simple commentaire – littéral – Rachi retrouve le thème de la guerre entre les deux frères Jacob et Ésaü. Par la syntaxe et par la lettre il « rattrape » l’être, l’essentiel.
Quand Jacob se réveille et dit : « Ainsi il y a YHVH dans ce lieu-ci, et moi je ne le savais pas », pour Rachi cela ne fait pas question. Il ajoute à peine : « si j’avais su je n’aurais pas dormi dans un lieu aussi sacré ». Pour nous au contraire, la question est vive : que signifie cette localisation du divin ? N’est-il pas partout ? Il nous faut interpréter, et entrevoir que ce qui compte dans ce verset, c’est moins la toute présence divine que l’événement où elle surgit, où elle a lieu, où a lieu la rencontre avec le divin comme effet inconscient (« je ne le savais pas » : cela se passe en rêve). Jacob conclut : « Cela ne peut être que la maison de Dieu, et c’est la porte du ciel. » Or c’est « maison de Dieu » que Rachi explique, longuement : il rapporte des midrashs qui pointent ce lieu comme celui du futur Temple de Jérusalem. Il le « prouve » par des midrashs qui eux sont improuvables. Il est en fait sous la pression de plusieurs flux talmudiques, lesquels situent le pied de l’échelle à Beer-Sheva, son sommet à Beit El, au Nord, et son milieu au-dessus de la future Ville sainte. Mais comme cela ne s’ajuste pas, Rachi fait cette hypothèse étonnante : « À mon avis, le Mont Moriah [où sera plus tard le Temple] a été déraciné et est venu se placer à cet endroit. C’est le sanctuaire lui-même qui est venu à sa rencontre jusqu’à Beit El. » Étonnant, pour qui cherche le pshat. Mais il semble que, pour répliquer à ces légendes, il s’en fasse une de son cru. Quant à nous, nous pourrions accepter l’idée que cette rencontre [de Jacob] est elle-même fondatrice d’un lieu d’être du divin ; en cela, elle est une ouverture sur le ciel, au sens symbolique du terme. Nous prendrions même ce fragment comme construction de l’idée de Temple – où s’élaborent l’offrande, le sacrifice et le rituel, puisque : « Cette pierre que j’ai mise en stèle sera Maison de Dieu et tout ce que tu me donneras, je t’en offrirai le dixième7. » C’est le rite de la dîme, dont on a ici le sens : s’il reçoit des deux mains le don divin, l’unité minimale de ces dix doigts – un doigt –, c’est le dixième. Mais allons plus loin.
Quand Jacob voit Rachel au puits, la première fois, « il leva la voix et il pleura ». Rachi commente : « Parce qu’il a vu à ce moment, par un don prophétique, qu’elle ne serait pas réunie à lui dans une même tombe. » Autre explication, dit-il : « Parce qu’il arrivait les mains vides » [sans cadeaux]. Là encore, nouveau midrash sur ce qui a dépouillé Jacob dans sa fuite. Midrash où Ésaü a envoyé son fils pour tuer Jacob, lequel a sauvé sa vie en donnant tout ce qu’il avait. On repasse par la guerre des frères…
Rachi travaille à repriser une texture déchirée, comme un tissu : il remet le fil qui manque pour que ça tienne. Il veut qu’on puisse y circuler continûment, sans heurt et sans arrêt.
Voyons son commentaire sur le combat de Jacob avec l’homme qui finit par lui dire : « Tu ne t’appelleras plus Jacob mais Israël8. » Rachi : « Il ne sera plus dit que tu as obtenu ces bénédictions en supplantant [eqb, racine de “Jacob”] et par ruse, mais en toute dignité. Dieu se révélera un jour à toi à Beit El, il y changera ton nom et te bénira. » Mais Jacob n’a pas voulu attendre, et l’ange a dû malgré lui donner des bénédictions. C’est ce que confirme le v. 29 : « Il le bénit là-bas ; sur-le-champ. » D’autres pointeraient plutôt que là-bas (sham), c’est à la fois le nom (shém) et le lieu ; qu’en somme, il le bénit par le lien du nom et du lieu. Mais Rachi veut souligner la hâte et l’obstination de Jacob : bénis-moi sur-le-champ ; Jacob veut la donnée immédiate d’une « parole bonne ». Le contenu du symbole ne fait pas problème à Rachi ; pour lui le symbole est déjà en place.
Autre exemple, la boiterie de Jacob : « C’est pourquoi les fils d’Israël ne mangent pas le nerf sciatique9… » – car Jacob, dans ce combat, fut touché à la cavité de la hanche sur le nerf sciatique. On peut y voir l’écart entre l’interprétation de Rachi, qui explique le mot « sciatique » (nashé), et une autre qui se demanderait pourquoi on ne mange pas le nerf sciatique des animaux : l’ancêtre tient-il la place d’un animal qu’on sacrifie ? Freud a, comme on sait, gratté ce thème jusqu’à la corde. C’est que lui s’interrogerait sur le symbole, comme du dehors. Rachi, lui, est déjà dedans.
Son interprétation est rarement symbolique, elle est toujours linguistique ou midrashique – elle prend le midrash comme matériau pour nourrir sa passion de la langue. (Du reste, sa langue à lui est bonne, savoureuse, il goûte les mots comme on goûte un bon vin.) Pourquoi pas d’interprétation symbolique ? C’est clair : les communautés juives médiévales étaient déjà dans le symbole, elles y habitaient. Mais nous, qui sommes un peu dehors, avons besoin d’y revenir ou de le penser dans nos langages actuels. En fait, les Juifs du temps de Rachi étaient plus que dans le symbole, ils étaient le symbole, ils avaient juste besoin de sens pour circuler dans ce sy...
Table des matières
- Couverture
- Page de titre
- Copyright
- Table
- Introduction
- I. CRÉATION DU MONDE
- II. RACINES D'ISRAËL
- III. CRÉATION D'UN PEUPLE
- IV. L'ÊTRE DIVIN
- V. L'ÉPREUVE DU PARTAGE D'ÊTRE
- VI. LA RUPTURE DE CAUSALITÉ
- VII. ANATOMIE D'UN MIRACLE
- VIII. DÉCRYPTER L'OUBLI DU RÊVE
- En guise de pause
- ANNEXES
- 1. La passion de Rachi
- 2. L'étude
- 3. L'Autre-lumière et l'arc-en-ciel
- Quatrième de couverture