
- 304 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
Europe : il faut tout changer
Ă propos de ce livre
« J'ai une conviction simple : soit l'Europe change du tout au tout, soit elle est condamnĂ©e. L'Europe Ă©tait l'un des plus beaux projets politiques. Nous avions de l'or dans les mains. Mais l'enthousiasme a cĂ©dĂ© la place aux nĂ©gociations de marchands de tapis et l'Ă©lan s'est progressivement perdu. Oui, nous avons besoin de l'Europe, mais pas de cette Europe-lĂ . Encore faut-il ouvrir le dĂ©bat. Cela suppose de l'audace et du courage, juste ce minimum de volontĂ© pour secouer les tabous solidement Ă©tablis, depuis Schengen jusqu'Ă l'Europe Ă 28, en passant par le protectionnisme et la libertĂ© de circulation. Aujourd'hui, soit on est pro-europĂ©en, et sommĂ© de dĂ©fendre tout ce que fait Bruxelles, soit on est anti-europĂ©en, et l'Europe devient porteuse de tous les vices. Au fond, on a renoncĂ© Ă toute forme de libertĂ© de pensĂ©e. Je rĂ©clame ce sursaut de luciditĂ© qui doit permettre Ă des pro-europĂ©ens de dire que ce n'est plus possible. Europe, oui, tout doit changer. » L. W. Un livre tonique, une analyse stimulante qui allie profondeur historique et vĂ©ritĂ© de ton. IllustrĂ©e de nombreux exemples et d'anecdotes vivantes, une vraie vision de l'Europe assortie de propositions nouvelles. Benjamin de l'AssemblĂ©e nationale lors de son Ă©lection comme dĂ©putĂ© en 2004, Laurent Wauquiez, 39 ans, a Ă©tĂ© ministre chargĂ© des Affaires europĂ©ennes entre 2010 et 2011, avant de devenir ministre de l'Enseignement supĂ©rieur et de la Recherche. Il a fondĂ© la Droite sociale en 2010, groupe qui rassemble des parlementaires et des Ă©lus locaux dĂ©terminĂ©s Ă rĂ©instaurer l'Ă©quilibre entre les droits et les devoirs au sein de notre sociĂ©tĂ©. Il a publiĂ© en 2011 La Lutte des classes moyennes aux Ă©ditions Odile Jacob. Il est aujourd'hui maire du Puy-en-Velay et dĂ©putĂ© de Haute-Loire.Â
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Informations
TROISIĂME PARTIE
PLAIDOYER POUR UNE RUPTURE
CHAPITRE 1
Un noyau dur Ă 6 pour en finir avec lâĂ©largissement
1989 : chute du Mur ; François Mitterrand propose une confĂ©dĂ©ration europĂ©enne pour intĂ©grer les pays dâEurope centrale dans lâEurope sans pour autant en faire des Ătats membres. AprĂšs un an de tractations diplomatiques, il renonce. Le projet est abandonnĂ© parce quâil est perçu comme une proposition au rabais pour les pays de lâEst qui veulent entrer dans la CommunautĂ© Ă©conomique europĂ©enne afin dâĂ©chapper Ă lâURSS. LâidĂ©e Ă©tait bien dâorganiser une antichambre et dâĂ©viter un Ă©largissement trop rapide, bĂąclĂ© et dangereux Ă terme pour lâEst comme pour lâOuest. Ătait-ce une si mauvaise idĂ©e ?
Il semble que la rĂ©flexion politique sur lâEurope se soit arrĂȘtĂ©e. Au fond, tout le monde voit bien que ça ne marche plus mais personne nâose faire de propositions. On a figĂ© toute rĂ©flexion par peur du vide. François Hollande propose un semi-prĂ©sident Ă plein temps de lâEurogroupe, mais sans pouvoir. Il avance lâidĂ©e dâune sous-formation du Parlement compĂ©tente pour la zone euro. Certains parlent dâun poste de ministre des Finances. Quelle audace ! Qui peut croire un instant que ces propositions picrocholines sont de nature Ă nous sortir de la profonde impasse dans laquelle nous sommes piĂ©gĂ©s ? Câest dâune refonte de bien plus grande ampleur que nous avons besoin.
En rĂ©alitĂ©, aujourdâhui, câest toute lâEurope Ă 28 qui ne marche plus. Son principe mĂȘme est en cause. Avec des pays trop diffĂ©rents, elle nâest plus capable de produire de la dĂ©cision. Pire que ça, plus lâEurope est Ă©largie, plus elle sâĂ©largit, car chaque dernier arrivĂ© a Ă cĆur de pousser les murs pour faire de la place Ă son voisin. Câest potentiellement ce qui est en train de se passer avec les Balkans ou avec lâUkraine. Les nĆuds gordiens sont faits pour ĂȘtre tranchĂ©s. Certains bons esprits vont jusquâĂ dire quâil faudrait une pause dans lâĂ©largissement. Mais ce nâest pas dâune pause dont nous avons besoin, câest dâune refondation de fond en comble pour sortir de lâEurope Ă 28 et revenir Ă ce qui Ă©tait le noyau dur initial Ă 6.
LâĂ©vidence du noyau dur :
on ne fait pas Ă 28 ce quâon faisait Ă 6
on ne fait pas Ă 28 ce quâon faisait Ă 6
Au fond, si lâon regarde le fonctionnement actuel de lâEurope, lâĂ©vidence de ce noyau dur saute aux yeux. On voit clairement aujourdâhui que dans lâEurope tous les pays ne sont pas lĂ dans le mĂȘme but et nâavancent pas du mĂȘme pas. On se heurte en rĂ©alitĂ© Ă des difficultĂ©s de deux ordres. La premiĂšre concerne les pays qui nâont pas du tout le mĂȘme niveau Ă©conomique ni les mĂȘmes rĂšgles sociales et dont lâintĂ©gration dans une zone avec libertĂ© de circulation et dâinstallation pose des problĂšmes sans nom : câest le cas pour la majoritĂ© des pays dâEurope centrale comme la Roumanie, la Bulgarie⊠La seconde difficultĂ© touche les pays qui, tout en ayant le mĂȘme dĂ©veloppement Ă©conomique que le reste de lâEurope, nâont en rĂ©alitĂ© pas du tout les mĂȘmes aspirations Ă une Europe qui fonctionne. Je pense principalement au Royaume-Uni, mais aussi Ă lâIrlande ou Ă la SuĂšde. Nos visions de lâavenir de lâEurope divergent profondĂ©ment. Ces pays ne se contentent pas dâĂȘtre neutres, ils agissent bien souvent pour empĂȘcher les autres de faire plus ensemble. Le Royaume-Uni en est la parfaite illustration. Avec lâĂ©largissement, tout est devenu trop lourd et hasardeux.
La rĂ©alitĂ© est pourtant simple. On ne fait pas Ă 28 ce quâon faisait Ă 6. Oh, bien sĂ»r, lâEurope tourne⊠oui, elle tourne sur elle-mĂȘme. Elle continue de dĂ©cider, mais elle ne prend aucune initiative. Barroso, Ashton et les autres, avec leur mollesse et leur absence de vision, ne sont pas des accidents. Ils sont le reflet de ce quâest devenue lâEurope : une culture du compromis, avec une neutralisation rĂ©ciproque de chaque Ătat ; on gĂšre le consensus, on ne construit plus rien. Nous nâavançons plus, nous palabrons sans fin et nous produisons des dĂ©cisions molles. LâEurope a besoin de trouver une nouvelle perspective et elle ne la trouvera plus dans cette Union aux contours flous, incapable de se fixer une frontiĂšre et dans laquelle lâaction europĂ©enne est vĂ©cue comme une contrainte et non comme une construction positive. Nous ne retrouverons une ambition europĂ©enne que si lâon regroupe un petit nombre dâĂtats volontaires.
Il suffit dâailleurs de regarder ce qui sâest passĂ© au cours des derniĂšres annĂ©es : toutes les initiatives ont Ă©tĂ© portĂ©es par un tout petit nombre de pays, les seuls pays qui cherchent encore Ă faire avancer lâEurope. La France et lâAllemagne sont de ceux-lĂ . Le moteur europĂ©en a de fait Ă©tĂ© alimentĂ© depuis le dĂ©but par ce petit noyau nĂ©vralgique qui a assumĂ© tout au long de ces cinquante ans le rĂŽle de force dâentraĂźnement pour tout le reste de lâEurope.
Partant de lĂ , il vaut mieux en tirer les consĂ©quences. Sortons une bonne fois pour toutes de lâEurope Ă 28, reconstituons le noyau dur des premiers bĂątisseurs, les pays qui ont portĂ© sur les fonts baptismaux la construction europĂ©enne et qui partagent une vraie vision commune : la France, lâAllemagne, la Belgique, les Pays-Bas, lâItalie et jâajoute lâEspagne. Et câest tout. Pas un pays de plus. Jâexclus dĂ©libĂ©rĂ©ment le Luxembourg et son paradis fiscal artificiel. Je ne songe pas un instant au Royaume-Uni, et il nâest plus souhaitable de sâaventurer en Europe centrale. 6 pays pour une Ă©quipe qui retrouve enfin son unitĂ©, 6 pays qui sont construits sur des modĂšles trĂšs comparables, 6 pays qui forment un ensemble gĂ©ographique cohĂ©rent, 6 pays capables de travailler ensemble sans se perdre dans les mĂ©andres de consensus impossibles tant il y a de monde autour de la table, 6 pays partageant Ă nouveau une vision europĂ©enne et une envie dâaller de lâavant. Des pays du Nord et du Sud Ă la fois, des petits et des grands. 6 pays puissants qui reprĂ©sentent Ă eux seuls prĂšs de 65 % du PIB europĂ©en. 6 pays, derniers porteurs dâespoir pour redonner Ă lâEurope un sens et une cohĂ©rence. 6 pays pour enrayer le dĂ©clin et permettre Ă lâEurope de repartir.
Et puis, plus loin, pour des ambitions et à un rythme différents, la zone euro et ses 18 membres et encore plus loin le club aimable de gentlemen des 28 autres membres.
Un pari pascalien : inverser le sens de lâhistoire, ou mieux vaut se recentrer que se diluer
Bien entendu et je ne le sous-estime pas, cette bascule sur un noyau dur Ă 6 reprĂ©sente un changement majeur, sans doute la plus grande rupture depuis la fondation de lâEurope avec une dimension de saut dans lâinconnu. Il y faut de lâaudace et le courage des grands bouleversements historiques. Depuis cinquante ans, tout le sens de lâhistoire europĂ©enne a Ă©tĂ© celui dâun Ă©largissement constant des frontiĂšres au risque dâune dilution ; or, lĂ , nous inversons totalement lâĂ©volution en privilĂ©giant le mouvement exactement opposĂ© : mieux vaut se recentrer sur le cĆur de lâEurope. Je nâignore pas ce que cette rupture signifie en termes de pari et de risques.
Il y a, câest vrai, le risque de fragmenter lâEurope, et les pays qui le proposeront subiront Ă©videmment en retour les reproches des autres pays et se verront accuser de fragiliser la famille. Je considĂšre quâil faut prendre ce risque plutĂŽt que celui de vider de substance tout lâĂ©difice europĂ©en, ce qui est en train de se faire. Il sâagit juste de reconnaĂźtre que, sous le ciel europĂ©en, il y a des pays diffĂ©rents qui nâaspirent pas aux mĂȘmes choses, nâavancent pas au mĂȘme pas et quâil nâest plus possible de fermer les yeux sur cet Ă©tat de fait.
Certains prĂ©tendent quâil suffirait dâutiliser les coopĂ©rations renforcĂ©es qui permettent Ă quelques Ătats de se mettre ensemble pour mener des actions communes plus poussĂ©es sans ĂȘtre freinĂ©s par les autres. Mais la rĂ©alitĂ© oblige Ă reconnaĂźtre que ces coopĂ©rations renforcĂ©es sont beaucoup trop lourdes Ă gĂ©rer et que, de fait, on ne sây engage jamais. Toute une sĂ©rie de rĂšgles â non-discrimination, compĂ©tences exclusives, objectifs limitĂ©s, etc. â est lĂ pour bien sâassurer que personne ne puisse avancer plus vite que les autres. Et puis, surtout, je pense que ce nâest pas Ă la hauteur de lâenjeu. Ce que je cherche, câest ni plus ni moins quâune rupture dĂ©finitive avec le processus de lâĂ©largissement. Mettre un terme Ă cette dilution de la cohĂ©rence europĂ©enne qui sâest retournĂ©e contre lâesprit europĂ©en.
Une question souvent soulevĂ©e est la place dĂ©volue Ă la zone euro. Je reconnais volontiers quâil y a lĂ un vrai sujet de discussion. DĂšs lors que certains Ătats membres ont choisi de se doter dâune monnaie unique, ce qui est un choix lourd de consĂ©quences comme nous le mesurons tous les jours, pourquoi ne pas construire le noyau dur autour de lâeuro ? Cette question a dâautant plus de justifications que des progrĂšs immenses ont Ă©tĂ© accomplis au sein de la zone euro en termes de coordination des finances publiques et des politiques macroĂ©conomiques. Mais je reste convaincu que la zone euro est trop diluĂ©e. 18 Ătats membres reprĂ©sentent dĂ©jĂ un chiffre trop Ă©levĂ© pour arriver Ă produire des dĂ©cisions rapides et efficaces. Prendre la zone euro pour dĂ©terminer le noyau dur suppose dâassumer un ensemble gĂ©ographique trĂšs peu cohĂ©rent avec la Finlande, les pays Baltes, la Slovaquie ou encore Chypre. Ces pays ont des structures Ă©conomiques trĂšs diffĂ©rentes et auront beaucoup de mal Ă se mettre dâaccord sur de vraies prioritĂ©s communes. Lâeuro les oblige Ă ĂȘtre ensemble mais la rĂ©alitĂ© est que leurs divergences restent fortes et ne permettent pas de constituer un vĂ©ritable affectio societatis europĂ©en.
Le cas du Royaume-Uni : de Gaulle avait raison
Exclure le Royaume-Uni du noyau dur est une dĂ©cision lourde de consĂ©quences parce que câest Ă©videmment un pays influent en Europe et dont la symbolique est forte. Le Royaume-Uni reprĂ©sente une des principales Ă©conomies de lâUnion europĂ©enne, un pays qui a toujours partagĂ© avec nous les dĂ©fis de lâhistoire et dont le retrait hors dâEurope sera forcĂ©ment interprĂ©tĂ© dâabord comme un Ă©chec. Mais comment faire autrement ? Sur tous les dossiers et tous les sujets, le Royaume-Uni a systĂ©matiquement adoptĂ© une posture en retrait : sur les sujets numĂ©riques, sur la politique industrielle, sur la politique agricole et mĂȘme sur la dĂ©fense europĂ©enne oĂč les Anglais ont pourtant une approche constructive. Leur raisonnement est toujours limitĂ© par leur tentation de prĂ©server dâabord la special relationship avec les Ătats-Unis qui a pu exister au siĂšcle dernier et dont ils espĂšrent, parfois avec naĂŻvetĂ©, prĂ©server les fruits Ă©conomiques.
Plus que ça, je suis convaincu que leur vision de lâEurope est profondĂ©ment nocive pour nous. Ils voient principalement lâEurope comme une zone de libre-Ă©change oĂč ils doivent pouvoir faire du business, mais pas tellement plus. Je me souviens encore dâun Ă©change avec mon homologue anglais David Lidington qui, un soir de confidences, mâavait dit : « Tu sais, la position du Royaume-Uni en Europe, câest assez simple. Câest comme un voyageur qui vient en gare, qui nâa pas payĂ© son billet de train et nâa pas lâintention de le payer. Il vient juste sur le quai pour regarder le train et sâassurer quâil ne parte pas. » Lâimage est malheureusement parlante. Tout cela est assez bien rĂ©sumĂ© par la posture quâavait prise Margaret Thatcher quand elle avait exigĂ© : « I want my money back » et obtenu que chaque annĂ©e lâEurope lui reverse une somme sous prĂ©texte quâelle bĂ©nĂ©ficierait moins des politiques communes. Ce chĂšque britannique reprĂ©sente la coquette somme de 3 milliards de livres annuelles et jusquâici nous ne sommes pas parvenus Ă revenir sur ce principe. Le cynisme britannique est toujours compensĂ© par une dose dâhumour qui arrive Ă rendre sympathiques nos amis anglais mais il faut parfois savoir siffler la fin de partie.
De ce point de vue, le rĂ©fĂ©rendum prĂ©vu par David Cameron sur lâEurope est une bonne chose parce quâil forcera Ă clarifier les choses. Les Britanniques veulent-ils ou non ĂȘtre en Europe ? Mais Cameron, qui nâest dĂ©cidĂ©ment pas Ă une astuce prĂšs, veut en profiter pour nĂ©gocier des avantages supplĂ©mentaires pour la Grande-Bretagne sur le thĂšme : « Retenez-moi ou je fais un malheur. » Laissons le Royaume-Uni choisir. Quâil prenne de la distance avec le continent est aujourdâhui logique et souhaitable. Je nâexclus pas dâailleurs, pour le dire avec une forme de clin dâĆil, dâaller faire campagne pour aider les Anglais Ă dire non.
Le Luxembourg, paradis artificiel
Le circuit de la finance internationale fait maintenant sa part belle au Luxembourg, pays qui a considĂ©rablement changĂ© en une trentaine dâannĂ©es. Le fonctionnement de ce paradis fiscal a Ă©tĂ© trĂšs bien analysĂ© par Gabriel Zucman, chercheur Ă la London School of Economics et Ă Berkeley, dans son travail La Richesse cachĂ©e des nations1. Les fonds classiques â nos Sicav par exemple â sont massivement implantĂ©s au Luxembourg, Ă tel point que le microduchĂ© qui abrite Ă peine un demi-million dâhabitants est le pays au monde aprĂšs les Ătats-Unis qui abrite le plus de fonds. Il suffit de demander Ă votre banque de consulter les documents dĂ©taillant lâactivitĂ© des Sicav : dans la moitiĂ© des cas, le siĂšge est au Luxembourg. Le gĂ©rant du fonds est souvent installĂ© Ă Paris, Londres ou Francfort. En revanche, les fonds sont domiciliĂ©s au Luxembourg pour bĂ©nĂ©ficier de la loi fiscale avantageuse. Cela permet, tout en jouant du secret bancaire, dâĂ©viter bien des taxes. Pour un fonds investi en actions amĂ©ricaines, aucun impĂŽt sur les dividendes ne sera prĂ©levĂ© par les Ătats-Unis, et le Luxembourg, lui, ne taxe ni les dividendes distribuĂ©s ni les dividendes encaissĂ©s. La vie peut ĂȘtre si simple ! Les deux tiers des 1 800 milliards dâeuros dĂ©posĂ©s en Suisse sont ainsi recyclĂ©s au Luxembourg sans quâil ne soit acquittĂ© dâimpĂŽts.
Aujourdâhui, prĂšs de 40 % du PIB du Luxembourg provient uniquement de la finance avec sa dimension opaque et son recyclage du secret bancaire. Le Luxembourg actuel nâa plus rien Ă voir avec le pays fondateur de lâUnion europĂ©enne qui avait encore une industrie et un tissu dâentreprises. Par le passĂ©, lâacier donnait Ă lâĂ©conomie luxembourgeoise une vĂ©ritable assise. Aujourdâhui le Luxembourg offre un terreau rĂ©glementaire entiĂšrement dĂ©diĂ© au fait de faciliter la vie des placements financiers. LâĂ©quivalent de 15 fois le PIB du Luxembourg est investi en actifs bancaires. Dâune certaine maniĂšre ils ont acceptĂ© de troquer leur souverainetĂ© contre lâaccueil de ces fonds, le Luxembourg sâest vendu au plus offrant. Le rĂ©sultat est que le Luxembourg use et abuse de son droit de veto pour bloquer toute directive europĂ©enne qui viendrait contrarier ses desseins notamment sur le plan fiscal ou sur la levĂ©e du secret bancaire. Câest ainsi que le Luxembourg bloque soigneusement une directive sur lâĂ©pargne. Sa prĂ©sence au conseil de la BCE, sa prĂ©sence active Ă lâEurogroupe, son blocage contre toute avancĂ©e europĂ©enne sont devenus des problĂšmes majeurs. La crĂ©ation du noyau dur est lâoccasion de clarifier pour une part au moins cette situation. Il ne faut pas remettre le Luxembourg au cĆur de lâEurope.
Le fonctionnement du noyau dur
Le noyau dur Ă 6 viserait une intĂ©gration Ă©conomique et sociale forte. La cohĂ©rence de ce noyau dur permet dâenvisager des dossiers auxquels on nâaurait jamais dĂ» renoncer. Le premier dĂ©fi serait dâharmoniser rapidement nos rĂšgles sociales et fiscales. LâidĂ©e serait de sâacheminer sur le plan fiscal, notamment pour lâimpĂŽt sur les sociĂ©tĂ©s, sur une mĂȘme assiette â une mĂȘme dĂ©finition de lâimpĂŽt â, mais avec la possibilitĂ© pour chaque pays de fixer un taux diffĂ©rent dans une limite encadrĂ©e. On dĂ©terminerait ainsi une sorte de serpent fiscal avec une limite haute et une limite basse. De mĂȘme, pour le niveau des prestations sociales qui sont aujourdâhui bien trop diffĂ©rentes. La durĂ©e dâindemnisation du chĂŽmage est de 12 mois en Allemagne, 24 mois en France et en Espagne, et 38 mois aux Pays-Bas, avec un taux de cotisation qui varie de 3 % en Allemagne Ă 6 % en France et 7 % en Espagne. LĂ encore, on fixerait une fourchette pour le taux de cotisation et des rĂšgles comparables de fonctionnement de lâassurance chĂŽmage ou du rĂ©gime de retraite. De la mĂȘme maniĂšre, un salaire europĂ©en minimum pourrait ĂȘtre fixĂ©. Le dernier paramĂštre serait de restreindre la libertĂ© de circulation et dâinstallation Ă ces 6 pays.
Ces mesures nous Ă©viteraient de tomber dans cette fuite au moins-disant social catastrophique dans laquelle nous nous enfermons tout en obligeant chacun Ă ĂȘtre responsable. Le gros avantage du noyau dur est que lâeffort Ă faire est raisonnable parce que nos modĂšles ne sont pas si Ă©loignĂ©s. Nous arriverons Ă aller jusquâau bout de ce quâest la logique europĂ©enne : on ne peut mettre des pays ensemble si chacun continue Ă mener une politique sociale, Ă©conomique et fiscale diffĂ©rente.
Ce noyau dur pourrait sâaccompagner dâun budget europĂ©en qui aurait comme vocation de financer de grands projets en matiĂšre de recherche, dâenvironnement et de dĂ©veloppement industriel. Sur l...
Table des matiĂšres
- Couverture
- Titre
- Copyright
- Dédicace
- Sommaire
- Europe : le rĂȘve perdu
- PremiĂšre partie - LâEurope ne marche plus
- DeuxiĂšme partie - Les raisons de lâimpuissance
- TroisiÚme partie - Plaidoyer pour une rupture