Europe : il faut tout changer
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Europe : il faut tout changer

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Europe : il faut tout changer

À propos de ce livre

« J'ai une conviction simple : soit l'Europe change du tout au tout, soit elle est condamnée. L'Europe était l'un des plus beaux projets politiques. Nous avions de l'or dans les mains. Mais l'enthousiasme a cédé la place aux négociations de marchands de tapis et l'élan s'est progressivement perdu. Oui, nous avons besoin de l'Europe, mais pas de cette Europe-là. Encore faut-il ouvrir le débat. Cela suppose de l'audace et du courage, juste ce minimum de volonté pour secouer les tabous solidement établis, depuis Schengen jusqu'à l'Europe à 28, en passant par le protectionnisme et la liberté de circulation. Aujourd'hui, soit on est pro-européen, et sommé de défendre tout ce que fait Bruxelles, soit on est anti-européen, et l'Europe devient porteuse de tous les vices. Au fond, on a renoncé à toute forme de liberté de pensée. Je réclame ce sursaut de lucidité qui doit permettre à des pro-européens de dire que ce n'est plus possible. Europe, oui, tout doit changer. » L. W. Un livre tonique, une analyse stimulante qui allie profondeur historique et vérité de ton. Illustrée de nombreux exemples et d'anecdotes vivantes, une vraie vision de l'Europe assortie de propositions nouvelles. Benjamin de l'Assemblée nationale lors de son élection comme député en 2004, Laurent Wauquiez, 39 ans, a été ministre chargé des Affaires européennes entre 2010 et 2011, avant de devenir ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. Il a fondé la Droite sociale en 2010, groupe qui rassemble des parlementaires et des élus locaux déterminés à réinstaurer l'équilibre entre les droits et les devoirs au sein de notre société. Il a publié en 2011 La Lutte des classes moyennes aux éditions Odile Jacob. Il est aujourd'hui maire du Puy-en-Velay et député de Haute-Loire. 

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Informations

TROISIÈME PARTIE
PLAIDOYER POUR UNE RUPTURE


CHAPITRE 1
Un noyau dur Ă  6 pour en finir avec l’élargissement

1989 : chute du Mur ; François Mitterrand propose une confĂ©dĂ©ration europĂ©enne pour intĂ©grer les pays d’Europe centrale dans l’Europe sans pour autant en faire des États membres. AprĂšs un an de tractations diplomatiques, il renonce. Le projet est abandonnĂ© parce qu’il est perçu comme une proposition au rabais pour les pays de l’Est qui veulent entrer dans la CommunautĂ© Ă©conomique europĂ©enne afin d’échapper Ă  l’URSS. L’idĂ©e Ă©tait bien d’organiser une antichambre et d’éviter un Ă©largissement trop rapide, bĂąclĂ© et dangereux Ă  terme pour l’Est comme pour l’Ouest. Était-ce une si mauvaise idĂ©e ?
Il semble que la rĂ©flexion politique sur l’Europe se soit arrĂȘtĂ©e. Au fond, tout le monde voit bien que ça ne marche plus mais personne n’ose faire de propositions. On a figĂ© toute rĂ©flexion par peur du vide. François Hollande propose un semi-prĂ©sident Ă  plein temps de l’Eurogroupe, mais sans pouvoir. Il avance l’idĂ©e d’une sous-formation du Parlement compĂ©tente pour la zone euro. Certains parlent d’un poste de ministre des Finances. Quelle audace ! Qui peut croire un instant que ces propositions picrocholines sont de nature Ă  nous sortir de la profonde impasse dans laquelle nous sommes piĂ©gĂ©s ? C’est d’une refonte de bien plus grande ampleur que nous avons besoin.
En rĂ©alitĂ©, aujourd’hui, c’est toute l’Europe Ă  28 qui ne marche plus. Son principe mĂȘme est en cause. Avec des pays trop diffĂ©rents, elle n’est plus capable de produire de la dĂ©cision. Pire que ça, plus l’Europe est Ă©largie, plus elle s’élargit, car chaque dernier arrivĂ© a Ă  cƓur de pousser les murs pour faire de la place Ă  son voisin. C’est potentiellement ce qui est en train de se passer avec les Balkans ou avec l’Ukraine. Les nƓuds gordiens sont faits pour ĂȘtre tranchĂ©s. Certains bons esprits vont jusqu’à dire qu’il faudrait une pause dans l’élargissement. Mais ce n’est pas d’une pause dont nous avons besoin, c’est d’une refondation de fond en comble pour sortir de l’Europe Ă  28 et revenir Ă  ce qui Ă©tait le noyau dur initial Ă  6.
L’évidence du noyau dur :
on ne fait pas à 28 ce qu’on faisait à 6
Au fond, si l’on regarde le fonctionnement actuel de l’Europe, l’évidence de ce noyau dur saute aux yeux. On voit clairement aujourd’hui que dans l’Europe tous les pays ne sont pas lĂ  dans le mĂȘme but et n’avancent pas du mĂȘme pas. On se heurte en rĂ©alitĂ© Ă  des difficultĂ©s de deux ordres. La premiĂšre concerne les pays qui n’ont pas du tout le mĂȘme niveau Ă©conomique ni les mĂȘmes rĂšgles sociales et dont l’intĂ©gration dans une zone avec libertĂ© de circulation et d’installation pose des problĂšmes sans nom : c’est le cas pour la majoritĂ© des pays d’Europe centrale comme la Roumanie, la Bulgarie
 La seconde difficultĂ© touche les pays qui, tout en ayant le mĂȘme dĂ©veloppement Ă©conomique que le reste de l’Europe, n’ont en rĂ©alitĂ© pas du tout les mĂȘmes aspirations Ă  une Europe qui fonctionne. Je pense principalement au Royaume-Uni, mais aussi Ă  l’Irlande ou Ă  la SuĂšde. Nos visions de l’avenir de l’Europe divergent profondĂ©ment. Ces pays ne se contentent pas d’ĂȘtre neutres, ils agissent bien souvent pour empĂȘcher les autres de faire plus ensemble. Le Royaume-Uni en est la parfaite illustration. Avec l’élargissement, tout est devenu trop lourd et hasardeux.
La rĂ©alitĂ© est pourtant simple. On ne fait pas Ă  28 ce qu’on faisait Ă  6. Oh, bien sĂ»r, l’Europe tourne
 oui, elle tourne sur elle-mĂȘme. Elle continue de dĂ©cider, mais elle ne prend aucune initiative. Barroso, Ashton et les autres, avec leur mollesse et leur absence de vision, ne sont pas des accidents. Ils sont le reflet de ce qu’est devenue l’Europe : une culture du compromis, avec une neutralisation rĂ©ciproque de chaque État ; on gĂšre le consensus, on ne construit plus rien. Nous n’avançons plus, nous palabrons sans fin et nous produisons des dĂ©cisions molles. L’Europe a besoin de trouver une nouvelle perspective et elle ne la trouvera plus dans cette Union aux contours flous, incapable de se fixer une frontiĂšre et dans laquelle l’action europĂ©enne est vĂ©cue comme une contrainte et non comme une construction positive. Nous ne retrouverons une ambition europĂ©enne que si l’on regroupe un petit nombre d’États volontaires.
Il suffit d’ailleurs de regarder ce qui s’est passĂ© au cours des derniĂšres annĂ©es : toutes les initiatives ont Ă©tĂ© portĂ©es par un tout petit nombre de pays, les seuls pays qui cherchent encore Ă  faire avancer l’Europe. La France et l’Allemagne sont de ceux-lĂ . Le moteur europĂ©en a de fait Ă©tĂ© alimentĂ© depuis le dĂ©but par ce petit noyau nĂ©vralgique qui a assumĂ© tout au long de ces cinquante ans le rĂŽle de force d’entraĂźnement pour tout le reste de l’Europe.
Partant de lĂ , il vaut mieux en tirer les consĂ©quences. Sortons une bonne fois pour toutes de l’Europe Ă  28, reconstituons le noyau dur des premiers bĂątisseurs, les pays qui ont portĂ© sur les fonts baptismaux la construction europĂ©enne et qui partagent une vraie vision commune : la France, l’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, l’Italie et j’ajoute l’Espagne. Et c’est tout. Pas un pays de plus. J’exclus dĂ©libĂ©rĂ©ment le Luxembourg et son paradis fiscal artificiel. Je ne songe pas un instant au Royaume-Uni, et il n’est plus souhaitable de s’aventurer en Europe centrale. 6 pays pour une Ă©quipe qui retrouve enfin son unitĂ©, 6 pays qui sont construits sur des modĂšles trĂšs comparables, 6 pays qui forment un ensemble gĂ©ographique cohĂ©rent, 6 pays capables de travailler ensemble sans se perdre dans les mĂ©andres de consensus impossibles tant il y a de monde autour de la table, 6 pays partageant Ă  nouveau une vision europĂ©enne et une envie d’aller de l’avant. Des pays du Nord et du Sud Ă  la fois, des petits et des grands. 6 pays puissants qui reprĂ©sentent Ă  eux seuls prĂšs de 65 % du PIB europĂ©en. 6 pays, derniers porteurs d’espoir pour redonner Ă  l’Europe un sens et une cohĂ©rence. 6 pays pour enrayer le dĂ©clin et permettre Ă  l’Europe de repartir.
Et puis, plus loin, pour des ambitions et à un rythme différents, la zone euro et ses 18 membres et encore plus loin le club aimable de gentlemen des 28 autres membres.
Un pari pascalien : inverser le sens de l’histoire, ou mieux vaut se recentrer que se diluer
Bien entendu et je ne le sous-estime pas, cette bascule sur un noyau dur Ă  6 reprĂ©sente un changement majeur, sans doute la plus grande rupture depuis la fondation de l’Europe avec une dimension de saut dans l’inconnu. Il y faut de l’audace et le courage des grands bouleversements historiques. Depuis cinquante ans, tout le sens de l’histoire europĂ©enne a Ă©tĂ© celui d’un Ă©largissement constant des frontiĂšres au risque d’une dilution ; or, lĂ , nous inversons totalement l’évolution en privilĂ©giant le mouvement exactement opposĂ© : mieux vaut se recentrer sur le cƓur de l’Europe. Je n’ignore pas ce que cette rupture signifie en termes de pari et de risques.
Il y a, c’est vrai, le risque de fragmenter l’Europe, et les pays qui le proposeront subiront Ă©videmment en retour les reproches des autres pays et se verront accuser de fragiliser la famille. Je considĂšre qu’il faut prendre ce risque plutĂŽt que celui de vider de substance tout l’édifice europĂ©en, ce qui est en train de se faire. Il s’agit juste de reconnaĂźtre que, sous le ciel europĂ©en, il y a des pays diffĂ©rents qui n’aspirent pas aux mĂȘmes choses, n’avancent pas au mĂȘme pas et qu’il n’est plus possible de fermer les yeux sur cet Ă©tat de fait.
Certains prĂ©tendent qu’il suffirait d’utiliser les coopĂ©rations renforcĂ©es qui permettent Ă  quelques États de se mettre ensemble pour mener des actions communes plus poussĂ©es sans ĂȘtre freinĂ©s par les autres. Mais la rĂ©alitĂ© oblige Ă  reconnaĂźtre que ces coopĂ©rations renforcĂ©es sont beaucoup trop lourdes Ă  gĂ©rer et que, de fait, on ne s’y engage jamais. Toute une sĂ©rie de rĂšgles – non-discrimination, compĂ©tences exclusives, objectifs limitĂ©s, etc. – est lĂ  pour bien s’assurer que personne ne puisse avancer plus vite que les autres. Et puis, surtout, je pense que ce n’est pas Ă  la hauteur de l’enjeu. Ce que je cherche, c’est ni plus ni moins qu’une rupture dĂ©finitive avec le processus de l’élargissement. Mettre un terme Ă  cette dilution de la cohĂ©rence europĂ©enne qui s’est retournĂ©e contre l’esprit europĂ©en.
Une question souvent soulevĂ©e est la place dĂ©volue Ă  la zone euro. Je reconnais volontiers qu’il y a lĂ  un vrai sujet de discussion. DĂšs lors que certains États membres ont choisi de se doter d’une monnaie unique, ce qui est un choix lourd de consĂ©quences comme nous le mesurons tous les jours, pourquoi ne pas construire le noyau dur autour de l’euro ? Cette question a d’autant plus de justifications que des progrĂšs immenses ont Ă©tĂ© accomplis au sein de la zone euro en termes de coordination des finances publiques et des politiques macroĂ©conomiques. Mais je reste convaincu que la zone euro est trop diluĂ©e. 18 États membres reprĂ©sentent dĂ©jĂ  un chiffre trop Ă©levĂ© pour arriver Ă  produire des dĂ©cisions rapides et efficaces. Prendre la zone euro pour dĂ©terminer le noyau dur suppose d’assumer un ensemble gĂ©ographique trĂšs peu cohĂ©rent avec la Finlande, les pays Baltes, la Slovaquie ou encore Chypre. Ces pays ont des structures Ă©conomiques trĂšs diffĂ©rentes et auront beaucoup de mal Ă  se mettre d’accord sur de vraies prioritĂ©s communes. L’euro les oblige Ă  ĂȘtre ensemble mais la rĂ©alitĂ© est que leurs divergences restent fortes et ne permettent pas de constituer un vĂ©ritable affectio societatis europĂ©en.
Le cas du Royaume-Uni : de Gaulle avait raison
Exclure le Royaume-Uni du noyau dur est une dĂ©cision lourde de consĂ©quences parce que c’est Ă©videmment un pays influent en Europe et dont la symbolique est forte. Le Royaume-Uni reprĂ©sente une des principales Ă©conomies de l’Union europĂ©enne, un pays qui a toujours partagĂ© avec nous les dĂ©fis de l’histoire et dont le retrait hors d’Europe sera forcĂ©ment interprĂ©tĂ© d’abord comme un Ă©chec. Mais comment faire autrement ? Sur tous les dossiers et tous les sujets, le Royaume-Uni a systĂ©matiquement adoptĂ© une posture en retrait : sur les sujets numĂ©riques, sur la politique industrielle, sur la politique agricole et mĂȘme sur la dĂ©fense europĂ©enne oĂč les Anglais ont pourtant une approche constructive. Leur raisonnement est toujours limitĂ© par leur tentation de prĂ©server d’abord la special relationship avec les États-Unis qui a pu exister au siĂšcle dernier et dont ils espĂšrent, parfois avec naĂŻvetĂ©, prĂ©server les fruits Ă©conomiques.
Plus que ça, je suis convaincu que leur vision de l’Europe est profondĂ©ment nocive pour nous. Ils voient principalement l’Europe comme une zone de libre-Ă©change oĂč ils doivent pouvoir faire du business, mais pas tellement plus. Je me souviens encore d’un Ă©change avec mon homologue anglais David Lidington qui, un soir de confidences, m’avait dit : « Tu sais, la position du Royaume-Uni en Europe, c’est assez simple. C’est comme un voyageur qui vient en gare, qui n’a pas payĂ© son billet de train et n’a pas l’intention de le payer. Il vient juste sur le quai pour regarder le train et s’assurer qu’il ne parte pas. » L’image est malheureusement parlante. Tout cela est assez bien rĂ©sumĂ© par la posture qu’avait prise Margaret Thatcher quand elle avait exigĂ© : « I want my money back » et obtenu que chaque annĂ©e l’Europe lui reverse une somme sous prĂ©texte qu’elle bĂ©nĂ©ficierait moins des politiques communes. Ce chĂšque britannique reprĂ©sente la coquette somme de 3 milliards de livres annuelles et jusqu’ici nous ne sommes pas parvenus Ă  revenir sur ce principe. Le cynisme britannique est toujours compensĂ© par une dose d’humour qui arrive Ă  rendre sympathiques nos amis anglais mais il faut parfois savoir siffler la fin de partie.
De ce point de vue, le rĂ©fĂ©rendum prĂ©vu par David Cameron sur l’Europe est une bonne chose parce qu’il forcera Ă  clarifier les choses. Les Britanniques veulent-ils ou non ĂȘtre en Europe ? Mais Cameron, qui n’est dĂ©cidĂ©ment pas Ă  une astuce prĂšs, veut en profiter pour nĂ©gocier des avantages supplĂ©mentaires pour la Grande-Bretagne sur le thĂšme : « Retenez-moi ou je fais un malheur. » Laissons le Royaume-Uni choisir. Qu’il prenne de la distance avec le continent est aujourd’hui logique et souhaitable. Je n’exclus pas d’ailleurs, pour le dire avec une forme de clin d’Ɠil, d’aller faire campagne pour aider les Anglais Ă  dire non.
Le Luxembourg, paradis artificiel
Le circuit de la finance internationale fait maintenant sa part belle au Luxembourg, pays qui a considĂ©rablement changĂ© en une trentaine d’annĂ©es. Le fonctionnement de ce paradis fiscal a Ă©tĂ© trĂšs bien analysĂ© par Gabriel Zucman, chercheur Ă  la London School of Economics et Ă  Berkeley, dans son travail La Richesse cachĂ©e des nations1. Les fonds classiques – nos Sicav par exemple – sont massivement implantĂ©s au Luxembourg, Ă  tel point que le microduchĂ© qui abrite Ă  peine un demi-million d’habitants est le pays au monde aprĂšs les États-Unis qui abrite le plus de fonds. Il suffit de demander Ă  votre banque de consulter les documents dĂ©taillant l’activitĂ© des Sicav : dans la moitiĂ© des cas, le siĂšge est au Luxembourg. Le gĂ©rant du fonds est souvent installĂ© Ă  Paris, Londres ou Francfort. En revanche, les fonds sont domiciliĂ©s au Luxembourg pour bĂ©nĂ©ficier de la loi fiscale avantageuse. Cela permet, tout en jouant du secret bancaire, d’éviter bien des taxes. Pour un fonds investi en actions amĂ©ricaines, aucun impĂŽt sur les dividendes ne sera prĂ©levĂ© par les États-Unis, et le Luxembourg, lui, ne taxe ni les dividendes distribuĂ©s ni les dividendes encaissĂ©s. La vie peut ĂȘtre si simple ! Les deux tiers des 1 800 milliards d’euros dĂ©posĂ©s en Suisse sont ainsi recyclĂ©s au Luxembourg sans qu’il ne soit acquittĂ© d’impĂŽts.
Aujourd’hui, prĂšs de 40 % du PIB du Luxembourg provient uniquement de la finance avec sa dimension opaque et son recyclage du secret bancaire. Le Luxembourg actuel n’a plus rien Ă  voir avec le pays fondateur de l’Union europĂ©enne qui avait encore une industrie et un tissu d’entreprises. Par le passĂ©, l’acier donnait Ă  l’économie luxembourgeoise une vĂ©ritable assise. Aujourd’hui le Luxembourg offre un terreau rĂ©glementaire entiĂšrement dĂ©diĂ© au fait de faciliter la vie des placements financiers. L’équivalent de 15 fois le PIB du Luxembourg est investi en actifs bancaires. D’une certaine maniĂšre ils ont acceptĂ© de troquer leur souverainetĂ© contre l’accueil de ces fonds, le Luxembourg s’est vendu au plus offrant. Le rĂ©sultat est que le Luxembourg use et abuse de son droit de veto pour bloquer toute directive europĂ©enne qui viendrait contrarier ses desseins notamment sur le plan fiscal ou sur la levĂ©e du secret bancaire. C’est ainsi que le Luxembourg bloque soigneusement une directive sur l’épargne. Sa prĂ©sence au conseil de la BCE, sa prĂ©sence active Ă  l’Eurogroupe, son blocage contre toute avancĂ©e europĂ©enne sont devenus des problĂšmes majeurs. La crĂ©ation du noyau dur est l’occasion de clarifier pour une part au moins cette situation. Il ne faut pas remettre le Luxembourg au cƓur de l’Europe.
Le fonctionnement du noyau dur
Le noyau dur Ă  6 viserait une intĂ©gration Ă©conomique et sociale forte. La cohĂ©rence de ce noyau dur permet d’envisager des dossiers auxquels on n’aurait jamais dĂ» renoncer. Le premier dĂ©fi serait d’harmoniser rapidement nos rĂšgles sociales et fiscales. L’idĂ©e serait de s’acheminer sur le plan fiscal, notamment pour l’impĂŽt sur les sociĂ©tĂ©s, sur une mĂȘme assiette – une mĂȘme dĂ©finition de l’impĂŽt –, mais avec la possibilitĂ© pour chaque pays de fixer un taux diffĂ©rent dans une limite encadrĂ©e. On dĂ©terminerait ainsi une sorte de serpent fiscal avec une limite haute et une limite basse. De mĂȘme, pour le niveau des prestations sociales qui sont aujourd’hui bien trop diffĂ©rentes. La durĂ©e d’indemnisation du chĂŽmage est de 12 mois en Allemagne, 24 mois en France et en Espagne, et 38 mois aux Pays-Bas, avec un taux de cotisation qui varie de 3 % en Allemagne Ă  6 % en France et 7 % en Espagne. LĂ  encore, on fixerait une fourchette pour le taux de cotisation et des rĂšgles comparables de fonctionnement de l’assurance chĂŽmage ou du rĂ©gime de retraite. De la mĂȘme maniĂšre, un salaire europĂ©en minimum pourrait ĂȘtre fixĂ©. Le dernier paramĂštre serait de restreindre la libertĂ© de circulation et d’installation Ă  ces 6 pays.
Ces mesures nous Ă©viteraient de tomber dans cette fuite au moins-disant social catastrophique dans laquelle nous nous enfermons tout en obligeant chacun Ă  ĂȘtre responsable. Le gros avantage du noyau dur est que l’effort Ă  faire est raisonnable parce que nos modĂšles ne sont pas si Ă©loignĂ©s. Nous arriverons Ă  aller jusqu’au bout de ce qu’est la logique europĂ©enne : on ne peut mettre des pays ensemble si chacun continue Ă  mener une politique sociale, Ă©conomique et fiscale diffĂ©rente.
Ce noyau dur pourrait s’accompagner d’un budget europĂ©en qui aurait comme vocation de financer de grands projets en matiĂšre de recherche, d’environnement et de dĂ©veloppement industriel. Sur l...

Table des matiĂšres

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Dédicace
  5. Sommaire
  6. Europe : le rĂȘve perdu
  7. Premiùre partie - L’Europe ne marche plus
  8. Deuxiùme partie - Les raisons de l’impuissance
  9. TroisiÚme partie - Plaidoyer pour une rupture